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17/09/2020 | FRANCE | N°18/02514

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 17 septembre 2020, 18/02514


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B



5e Chambre



ARRÊT N°697





CONTRADICTOIRE





DU 17 SEPTEMBRE 2020





N° RG 18/02514



N° Portalis DBV3-V-B7C-SNQD





AFFAIRE :





[J] [B]-[F]





C/





Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurit

é Sociale de Nanterre

N° RG : 16-00441





Copies exécutoires délivrées à :



- Me Dimitri PINCENT



- Me Stéphanie PAILLER





Copies certifiées conformes délivrées à :



- [J] [B]-[F]



- Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vie...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B

5e Chambre

ARRÊT N°697

CONTRADICTOIRE

DU 17 SEPTEMBRE 2020

N° RG 18/02514

N° Portalis DBV3-V-B7C-SNQD

AFFAIRE :

[J] [B]-[F]

C/

Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Nanterre

N° RG : 16-00441

Copies exécutoires délivrées à :

- Me Dimitri PINCENT

- Me Stéphanie PAILLER

Copies certifiées conformes délivrées à :

- [J] [B]-[F]

- Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d'Assurance Vieillesse

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [J] [B]-[F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0322 substitué par Me Marion MINVIELLE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PRÉVOYANCE ET D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Stéphanie PAILLER de la SELEURL CABINET STEPHANIE PAILLER AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R132

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 juillet 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président de chambre,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseillère,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Carine DJELLAL,

Mme [J] [F] a déclaré une activité libérale en qualité de conseil en relations publiques et était affiliée à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (ci-après, 'CIPAV') jusqu'au 31 décembre 2013.

A ce titre, elle était assujettie au paiement des cotisations et contributions en tant que profession libérale.

Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 17 décembre 2014, la CIPAV a notifié à Mme [F] une mise en demeure établie le 12 décembre 2014 d'avoir à payer la somme totale de 33 208,66 euros correspondant aux cotisations (29 159 euros) et majorations de retard (4 049,66 euros) au titre des années 2011, 2013 et de la régularisation 2011.

Par lettre recommandée avec accusé de réception signé le 27 décembre 2014, la CIPAV a notifié à Mme [F] une seconde mise en demeure établie le 17 décembre 2014 d'avoir à payer la somme totale de 1 116,67 euros correspondant aux majorations de retraite complémentaire au titre des années 2011 et 2012.

Mme [F] n'a pas saisi la commission de recours amiable (ci-après, la 'CRA').

Le 12 février 2016, Mme [F] s'est vue signifier, en application de l'article 659 du code de procédure civile, une contrainte établie à son encontre le 9 décembre 2015 par la CIPAV pour un montant de 34 325,33 euros correspondant aux années 2011 à 2013.

Le 26 février 2016, Mme [F] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci-après, le 'TASS') d'une opposition à cette contrainte.

Par jugement contradictoire en date du 20 mars 2018, le TASS a :

- dit que la contrainte a été valablement délivrée uniquement en ce qu'elle porte sur les cotisations et non sur les majorations de retard,

- validé la contrainte litigieuse pour un montant de 10 505 euros,

- dit que les frais de signification de la contrainte seront à la charge de Mme [F],

- débouté Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts,

- condamné la CIPAV à payer à Mme [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la CIPAV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'essentiel, le tribunal a relevé que la signature scannée sur la contrainte était régulière, que la contrainte était fondée sur une mise en demeure valable et qu'elle informait suffisamment Mme [F] sur les cotisations mais non sur les majorations de retard.

Le 5 juin 2018, Mme [F] a interjeté appel de ce jugement et les parties ont été convoquées à l'audience de la cour du 12 novembre 2019, renvoyées à l'audience du 18 mai 2020 qui a été annulée puis remplacée par celle du 10 juillet 2020.

Reprenant oralement ses conclusions écrites, Mme [F] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le TASS du 20 mars 2018 en ce qu'il a validé la contrainte signifiée à Mme [F],

et, statuant à nouveau,

- annuler la contrainte datée du 9 décembre 2015 et signifiée à Mme [F] le 12 février 2016,

- condamner la CIPAV à verser à Mme [F] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

Par conclusions écrites et reprises oralement à l'audience, la CIPAV demande à la cour de :

- infirmer partiellement le jugement rendu le 11 mai 2018 (sic) par le TASS ; et statuant à nouveau,

à titre principal

- valider la contrainte délivrée le 12 février 2016 pour la période du 1er janvier 2011 au 31  décembre 2013 en son entier montant s'élevant à 34 325,33 euros représentant les cotisations (29 159 euros) et les majorations de retard (5 166,33 euros) dues arrêtées à la date du 10 décembre 2014 ;

à titre subsidiaire,

- valider la contrainte délivrée le 12 février 2016 pour la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 en son montant réduit s'élevant à 19 099,60 euros représentant les cotisations (16 255 euros) recalculé sur la base des revenus de l'année N et les majorations de retard (2 844,60 euros) dues arrêtées à la date du 10 décembre 2014 ;

en tout état de cause,

- rejeter toutes les demandes, fins et prétentions de Mme [F] ;

- condamner Mme [F] à régler à la CIPAV la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Mme [F] au paiement des frais de recouvrement, conformément aux articles R. 133-6 du code de la sécurité sociale et 8 du décret du 12 décembre 1996 et aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la signature de la contrainte

Mme [F] soutient que la contrainte doit être signée par le directeur de l'organisme ou son délégué, à condition d'être prouvée ; que cette signature ne répond pas aux exigences de fiabilité et d'identification d'une véritable signature électronique au sens de l'article 1316-4 du code civil ; que tout laisse à penser que l'émission des contraintes serait le fruit d'un processus informatique autonome qui échapperait non seulement au directeur de la caisse mais aussi à celui de tout préposé.

La CIPAV affirme que la signature du directeur a été insérée par un procédé informatique fiable dans le système informatique de la caisse afin que celle-ci puisse automatiser l'émission des contraintes ; que cette signature ne peut être assimilée à une signature électronique et a été validée par la Cour de cassation.

Sur ce,

Aux termes de l'article R. 133-4 du code de la sécurité sociale applicable lors de la contrainte,

Les contraintes sont décernées en vue du recouvrement des cotisations et des majorations de retard par le directeur de tout organisme de sécurité sociale jouissant de la personnalité civile et soumis au contrôle de la Cour des comptes en application des dispositions des articles L. 154-1 et L. 154-2.

L'article 1316-4 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre  dispose que

La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte.

Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

En l'espèce, la contrainte a été signée par 'le Directeur [N] [S]'.

La contrainte établie le 9 décembre 2015 et signifiée à Mme [F] le 12 février 2016 porte la signature du directeur de la CIPAV, M. [N] [S]. La qualité de directeur de la CIPAV de M. [S] n'est pas discutée. Le nom du directeur est suivi d'une signature. Cette signature n'a pas été apposée de façon manuscrite mais il s'agit d'une signature scannée.

Il ne s'agit cependant pas d'une signature électronique et les obligations de vérification de fiabilité visées par l'article 1316-4 du code civil ne sont pas applicables dans le cas présent.

La contrainte litigieuse mentionne bien l'organisme social dont elle émane. Son signataire est identifié de manière claire et certaine, avec mention de son nom et de sa fonction.

En toute hypothèse, Mme [F] ne rapporte pas la preuve que l'irrégularité de forme qu'elle allègue constitue une formalité substantielle, sanctionnée à peine de nullité. Elle ne démontre pas à cet égard le grief qui lui est causé au motif qu'il y est manqué, étant relevé qu'elle n'a pas été privée de l'exercice de la possibilité d'exercer ses droits, en l'occurrence de former opposition à l'encontre de la contrainte litigieuse.

Ce moyen de nullité doit donc être écarté.

Sur l'absence de saisine de la CRA

Lors de l'audience, à la question de la cour, Mme [F] a précisé qu'elle n'avait pas saisi la CRA car elle n'avait pas reçu la mise en demeure. Elle n'en a tiré aucune conséquence.

La CIPAV n'a pas répliqué sur ce point.

Sur ce,

L'article L. 142-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable, dispose :

Il est institué une organisation du contentieux général de la sécurité sociale.

Cette organisation règle les différends auxquels donnent lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole, et qui ne relèvent pas, par leur nature, d'un autre contentieux, ainsi que le recouvrement mentionné au 5° de l'article L. 213-1.

Aux termes de l'article R. 142-1 du même code, dans sa version applicable :

Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

Toutefois, les contestations formées à l'encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure.

Il résulte des dispositions des articles R. 133-3 et R. 142-18 du code de la sécurité sociale que le cotisant, qui n'a pas contesté en temps utile la mise en demeure qui lui a été adressée, n'est pas recevable à contester, à l'appui de l'opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, la régularité et le bien-fondé des cotisations qui font l'objet de la contrainte.

En effet, la saisine préalable de la CRA a précisément pour but de saisir cet organisme des irrégularités tant de forme que de fond susceptibles d'affecter telle ou telle mise en demeure qui aurait été adressée au cotisant.

La régularité de l'opposition se fonde, justement, sur la régularité de la procédure de mise en recouvrement.

Or, la mise en demeure est un élément indispensable et préalable à l'émission d'une contrainte, ne serait-ce que parce qu'elle permet au cotisant d'éviter que ne soit délivré à son encontre un titre susceptible de recouvrir la force exécutoire d'un jugement.

En l'espèce, Mme [F] n'a pas contesté devant la CRA les mises en demeure établies les 12 et 17 décembre 2014 qui lui ont été notifiée les 17 et 27 décembre 2014.

L'opposition de Mme [F] concernant la contrainte émise le 9 décembre 2015 sera donc jugée irrecevable et le jugement infirmé.

Sur les dépens et les demandes accessoires

L'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale dispose que

Les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R. 133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l'opposition a été jugée fondée.

Les frais de signification de la contrainte du 9 décembre 2015 resteront à la charge de Mme [F].

La CIPAV demande la condamnation de Mme [F] au paiement des frais de recouvrement, conformément à l'article 8 du décret du 12 décembre 1996.

Or ce décret a été abrogé par le décret 2016-230 du 26 février 2016. Il y a lieu de rejeter cette demande.

Mme [F], qui succombe à l'instance, est condamnée aux dépens et à payer à la CIPAV la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera corrélativement déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en voir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu le 20 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (n° 16-00441/N) en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit que les frais de signification de la contrainte resteraient  à la charge de Mme [J] [F] ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECIDE que l'opposition de Mme [J] [F] à la contrainte du 9 décembre 2015 qui lui a été signifiée le 12 février 2016 est irrecevable ;

DIT la contrainte émise le 9 décembre 2015 régulière ;

CONDAMNE Mme [J] [F] aux dépens éventuellement encourus depuis le 1er janvier 2019 ;

CONDAMNE Mme [J] [F] à payer à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [J] [F] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02514
Date de la décision : 17/09/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/02514 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-17;18.02514 ?
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