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17/09/2020 | FRANCE | N°17/05869

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 17 septembre 2020, 17/05869


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 290



CONTRADICTOIRE



DU 17 SEPTEMBRE 2020



N° RG 17/05869



N° Portalis :

DBV3-V-B7B-SAD2







AFFAIRE :



[X] [V]



C/



SAS LE GROUPE NOVA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2017 par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billanco

urt

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/00235







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 18 Septembre 2020 à :

- Me Franck LAFON

- Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 290

CONTRADICTOIRE

DU 17 SEPTEMBRE 2020

N° RG 17/05869

N° Portalis :

DBV3-V-B7B-SAD2

AFFAIRE :

[X] [V]

C/

SAS LE GROUPE NOVA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Novembre 2017 par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

N° Section : Encadrement

N° RG : 17/00235

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 18 Septembre 2020 à :

- Me Franck LAFON

- Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 3 septembre 2020 puis prorogé au 17 septembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [X] [V]

née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Perrine DEFEBVRE, plaidant, avocate au barreau de NANTES ; et par Me Franck LAFON, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

APPELANTE

****************

La SAS LE GROUPE NOVA

N° SIRET : 503 417 321

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentée par Me Marc ARTINIAN, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Martine DUPUIS de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles, constituée, avocaté au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 Juin 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Le Groupe Nova a pour activité le conseil en systèmes d'information et d'expertise en nouvelles technologies. Elle emploie plus de 11 salariés.

Par contrat à durée indéterminée à temps partiel du 8 septembre 2011, Mme [X] [V], née le [Date naissance 5] 1972, a été engagée par la société Novaliance, désormais dénommée Le Groupe Nova, en qualité de responsable communication et marketing, statut cadre, position 3.1, coefficient 170 de la convention collective du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs- conseils et des sociétés de conseils, dite Syntec. Elle percevait en dernier lieu une rémunération brute mensuelle moyenne de 4 070 euros.

Le 3 octobre 2013, elle a acquis 230 actions sur les 5 100 actions composant le capital social. Un pacte d'actionnaires a été signé le même jour entre Mme [V] et la société Millenium Investissement, actionnaire majoritaire de la société Novaliance, devenue Le Groupe Nova, aux termes duquel la salariée s'est engagée à céder à la société Millenium Investissement l'intégralité de ses titres dans l'hypothèse où le contrat serait rompu.

La salariée a été en arrêt de travail du 23 mars 2015 au 18 mai 2015. Lors d'une visite médicale de pré-reprise, le médecin du travail a considéré qu'une inaptitude était à prévoir.

Le 1er juin 2015, il a conclu à l'inaptitude de Mme [V], en indiquant que « l'état de santé de la salariée ne permet pas d'envisager un reclassement professionnel ».

Après un entretien préalable fixé au 29 juin 2015, auquel la salariée ne s'est pas présentée, elle s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, par lettre du 3 juillet 2015 ainsi rédigée :

« (...) Votre contrat de travail a été suspendu du lundi 23 mars 2015 au vendredi 3 avril 2015 suivant un avis d'arrêt de travail initial. Cet arrêt de travail a été prolongé du mardi 7 avril 2015 au jeudi 7 mai 2015 puis du jeudi 7 mai 2015 au vendredi 22 mai 2015 et enfin du lundi 26 mai 2015 au vendredi 29 mai 2015.

Étant précisé que, pendant l'un de vos arrêts maladie, vous avez sollicité l'organisation d'une visite de pré-reprise le 18 mai 2015, alors même que la durée cumulée de vos arrêts de travail ayant une durée inférieure à trois mois, cette dernière n'était, sauf erreur, pas obligatoire.

Lors de cette visite de pré-reprise, le médecin du travail indiquait « inaptitude médicale à prévoir » et vous a convoquée à la visite de reprise le 1er juin 2015.

Le 1er juin 2015, lors de cette visite médicale de reprise, le médecin du travail, après avoir procédé à un examen, vous a déclaré, après ce seul examen, inapte à tout poste, sans reclassement professionnel envisageable, en raison d'une maladie d'origine non professionnelle.

Cette déclaration d'inaptitude en un seul examen nous est apparue d'autant plus surprenante que le médecin du travail n'a à notre connaissance pas réalisé d'étude de poste avant de vous déclarer inapte, et que ce dernier ne formule aucune observation objective quand à votre reclassement jugé impossible.

Mais nous en prenons acte.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 15 juin 2015, nous vous avons proposé 5 postes qui correspondaient aux possibilités de reclassement existant au sein de notre entreprise, dans la mesure où nous ne faisons pas partie d'un groupe de sociétés.

Vous nous avez indiqué, par courrier électronique en date du 19 juin 2015, que vous reviendriez vers nous au plus tard le 23 juin 2015 quant à ces propositions de reclassement, et que vous interrogeriez la médecine du travail.

Vous n'êtes pas revenue vers nous, et avez donc, tacitement, refusé les propositions qui vous étaient faites ; la médecine du travail n'a également pas formulé d'observation particulière.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 19 juin 2015, en considération des décisions de la médecine du travail, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement le 29 juin 2015 à 15 heures, au siège de notre société, qui avait pour objectif de vous exposer les motifs de la mesure ainsi envisagée et de recueillir vos éventuelles observations sur les propositions de reclassement qui vous ont été faites.

Par courrier électronique en date du 29 juin 2015, vous nous avez avertis qu'il vous était impossible de vous présenter à cet entretien en raison de votre état de santé.

En conséquence, nous sommes contraints de prendre acte de votre refus de nos propositions de reclassement, et d'envisager à votre encontre une mesure de licenciement pour inaptitude et constatant l'impossibilité de reclassement qui en découle.

Nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour inaptitude physique constatée par la médecine du travail, et impossibilité de reclassement au sein de notre entreprise. (...) »

Le 20 juillet 2015, Mme [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes d'une contestation de son licenciement et de diverses demandes indemnitaires et de rappels de salaire.

Par jugement du 12 septembre 2016, le conseil de prud'hommes de Nantes s'est déclaré territorialement incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt. La cour d'appel de Rennes a, par arrêt du 17 février 2017, rejeté le contredit formé par Mme [V].

Par jugement du 9 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt a :

- dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné en conséquence la SAS Le Groupe Nova à verser à Mme [X] [V] :

' 1 500 euros à titre de rappel de salaire variable pour 2013,

' 150 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire variable pour 2013,

' 4 000 euros à titre de rappel de salaire variable pour 2014,

' 400 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire variable pour 2014,

' 2 000 euros à titre de rappel de salaire variable pour 2015,

' 200 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire variable pour 2015,

' 356,50 euros à titre de frais professionnels non remboursés,

' 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

' les intérêts légaux à compter de la saisine pour les créances salariales et à compter de la décision à venir pour les sommes indemnitaires, avec capitalisation,

- ordonné à la SAS Le Groupe Nova l'exécution provisoire de droit et dit qu'il n'y a pas lieu à l'exécution provisoire pour le surplus,

- ordonné la remise des documents sociaux conformes, notamment un certificat de travail et l'attestation Pôle emploi,

- condamné la SAS Le Groupe Nova aux frais et entiers dépens de la présente instance et au paiement des éventuelles sommes retenues par l'huissier instrumentaire en cas d'exécution forcée du présent jugement,

- débouté Mme [X] [V] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS Le Groupe Nova de ses demandes.

Mme [V] a interjeté appel de ce jugement le 7 décembre 2017.

Par conclusions adressées par voie électronique le 8 juin 2020, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

- constater que son licenciement est intervenu sans autorisation de l'inspecteur du travail,

- dire que la société Le Groupe Nova a manqué à son obligation de sécurité à son égard,

- dire qu'elle a été victime d'actes de harcèlement moral ou, à tout le moins, d'agissements de nature à compromettre irrémédiablement la poursuite de la relation de travail,

En conséquence,

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [V] est nul, en ce qu'il a été notifié sans autorisation de l'inspection du travail,

- condamner la société Le Groupe Nova à verser à Mme [V] les sommes de :

' 122 100 euros nets à titre d'indemnité due au titre de la méconnaissance par la société Le Groupe Nova du statut protecteur,

' 59 420 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

' 12 210 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 221 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 4 070 euros bruts au titre du mois de salaire perdu eu égard à la procédure de licenciement pour inaptitude,

' 470 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 1 euro net à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [V] est nul, en ce qu'il a pour origine le harcèlement moral, ou à tout le moins les agissements de nature à compromettre irrémédiablement la poursuite de la relation de travail, dont a été victime cette dernière de la part de la société Le Groupe Nova,

En conséquence,

- condamner la société Le Groupe Nova à verser à Mme [V] les sommes de :

' 59 420 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

' 12 210 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 221 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 4 070 euros bruts au titre du mois de salaire perdu eu égard à la procédure de licenciement pour inaptitude,

' 407 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 1 euro net à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement pour inaptitude de Mme [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a pour origine la violation par la société Le Groupe Nova de son obligation de sécurité,

En conséquence,

- condamner la société Le Groupe Nova à verser à Mme [V] les sommes de :

' 59 420 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' 12 210 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 1 221 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 4 070 euros bruts au titre du mois de salaire perdu eu égard à la procédure de licenciement pour inaptitude,

' 407 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 1 euro net à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité,

En tout état de cause,

Confirmant le jugement entrepris,

- constater que le salaire brut moyen de Mme [V] est de 4 070 euros,

- dire que la rémunération variable pour les années 2013, 2014 et 2015 est intégralement due à Mme [V],

- dire que la société Le Groupe Nova doit rembourser à Mme [V] les frais professionnels, notamment ceux engagés pour se rendre aux visites médicales auprès du médecin du travail,

Infirmant le jugement entrepris,

- constater la modification unilatérale du contrat de travail de Mme [V],

- dire que la société Le Groupe Nova a procédé à des retenues sur salaire injustifiées,

- annuler l'avertissement disciplinaire notifié le 17 février 2015,

En conséquence,

- condamner la société Le Groupe Nova à verser à Mme [V] les sommes de :

' 1 500 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour 2013,

' 150 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 4 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour 2014,

' 400 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 2 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable pour 2015,

' 200 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 692,44 euros bruts à titre de rappel de salaire pour retenue injustifiée,

' 69,24 euros bruts au titre des congés payés afférents,

' 356,50 euros nets au titre des frais professionnels non remboursés,

' 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Groupe Nova à remettre à Mme [V] les documents rectifiés conformes à la décision à intervenir : un certificat de travail, une attestation Pôle emploi,

- condamner la société Le Groupe Nova aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 28 avril 2020, la société Le Groupe Nova demande à la cour de :

- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel incident,

A titre principal,

- déclarer irrecevables les demandes de Mme [V] tendant à la nullité de son licenciement,

A titre subsidiaire,

- se déclarer incompétente pour examiner la question préalable de la validité de la candidature de Mme [V],

A titre infiniment subsidiaire,

- constater que la candidature de Mme [V] était irrégulière,

Par conséquent,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [V] de ses demandes relatives à la nullité de son licenciement pour inaptitude en raison de l'absence d'autorisation de l'inspection du travail et ses demandes de condamnation en découlant,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Le Groupe Nova pour l'année 2013 : à la somme de 1 500 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable et à la somme de 150 euros bruts au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2014 : à la somme de 4 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable et à la somme de 400 euros bruts au titre des congés payés afférents ; pour l'année 2015 : à la somme de 2 000 euros bruts à titre de rappel de rémunération variable et à la somme de 200 euros bruts au titre des congés payés afférents ; ainsi qu'à la somme de 356,50 euros nets au titre de frais professionnels non remboursés,

Sur les demandes nouvelles,

- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [V] à régler à la société Le Groupe Nova la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [V] aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 17 juin 2020, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 juin 2020.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le rappel de rémunération variable

L'appelante prétend qu'en 2013, sa rémunération variable a été amputée de 1 500 euros bruts, sans aucune explication, qu'en 2014, malgré ses demandes répétées, aucune lettre de rémunération fixant ses objectifs n'a été établie et aucune rémunération variable ne lui a été versée, que de même en 2015, elle n'a perçu aucune rémunération variable pour la période courant jusqu'à son licenciement. Elle réclame le versement de ces sommes à titre de rappel de salaire.

La société Le Groupe Nova s'y oppose, indiquant qu'elle n'a jamais décidé de verser automatiquement chaque année une prime à ses salariés. Elle précise qu'aucun objectif n'a été défini en 2014 ; que concernant l'année 2013, Mme [V] a atteint partiellement les objectifs qui lui avait été assignés par lettre du 28 août 2013 et n'a donc perçu que 2 500 euros.

L'article 7 « Rémunération » du contrat de travail, modifié par un avenant n°1 signé le 23 avril 2012, est rédigé en ces termes :

« A compter du 1er mai et en contrepartie de son travail, Mme [X] [V] percevra une rémunération brute annuelle de 48 000 euros pour 175 jours travaillés par an, correspondant à un brut mensuel de 4 000 euros.

La rémunération annuelle brute équivalente au temps plein de Mme [X] [V] est de 65 000 euros qui se compose de la manière suivante :

- Une part fixe d'un montant annuel brut de 60 000 euros sur 12 mois : soit 48 000 euros pour 175 jours travaillés par an, correspondant à un brut mensuel de 4 000 euros.

- Une part variable d'un montant annuel brut de 5 000 euros à objectifs atteints : soit 4 000 euros pour 175 jours travaillés par an.

Cette partie variable sera définie chaque année de façon conjointe via une lettre de rémunération.

Cette rémunération est forfaitaire et fonction du nombre de jours fixé à l'article 8 du présent contrat. »

L'employeur justifie de la signature par les parties, le 28 août 2013, d'une lettre de rémunération fixant les objectifs pour l'année 2013, conformément au contrat de travail, et du versement d'une prime de 2 500 euros avec la paie du mois de décembre 2013, ce qu'au demeurant la salariée ne remet pas en cause. Il ne produit cependant aucun élément relatif aux critères de calcul de cette prime. Or, la salariée doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail. Comme l'ont justement retenu les premiers juges, Mme [V] est ainsi en droit de prétendre au paiement de l'intégralité de la rémunération variable pour l'exercice 2013 et donc à un rappel de salaire de 1 500 euros, outre les congés payés afférents.

L'employeur admet ensuite n'avoir fixé aucun objectif à la salariée pour 2014 et reste taisant s'agissant de l'année 2015. L'existence d'une rémunération variable annuelle étant prévue au contrat de travail et faute pour l'employeur d'avoir défini des objectifs, il convient de s'en tenir au montant de 4 000 euros mentionné au contrat et de confirmer le jugement qui a alloué à la salariée un rappel en ce sens, soit pour 2014, la somme de 4 000 euros et pour 2015, celle de 2 000 euros, correspondant au temps de présence effective dans l'entreprise, outre les congés payés afférents.

Sur le rappel de salaire au titre des retenues injustifiées

L'appelante fait grief à la société Le Groupe Nova d'avoir procédé à des retenues sur salaire injustifiées, à raison de deux jours en mars 2015 (461,63 euros) et d'un jour en juin 2015 (230,81 euros).

- S'agissant de la journée du lundi 9 mars 2015, elle indique avoir informé son employeur par courriel du vendredi 6 mars 2015 à 20h06 qu'elle serait en télétravail ce jour-là suite au report de son entretien annuel individuel au mardi.

La cour relève que l'article 4 « Télétravail » du contrat de travail stipule :

« Mme [X] [V] et la société Le Groupe Nova conviennent que Mme [X] [V] sera en télétravail.

La société Le Groupe Nova déclare être au courant que la résidence principale de Mme [X] [V] est dans le département 44.

Mme [X] [V] exercera ses missions depuis [Localité 10] avec des déplacements réguliers sur l'ensemble du territoire pour exercer ses missions, ce que Mme [X] [V] accepte expressément.

Toutefois, en fonction des nécessités de la mission, la société Le Groupe Nova se réserve la possibilité de modifier ou de supprimer les jours en télétravail. (...) »

Il ressort des pièces produites par la société Le Groupe Nova que celle-ci a mis un terme à la situation de télétravail par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 février 2015 ainsi rédigée :

« Madame [V],

Je prends attache avec vous concernant l'article 4 du contrat de travail vous liant à la société Le Groupe Nova, modifié par avenant en date du 1er mai 2013.

Je vous informe avoir pris la décision de mettre fin à l'exécution de votre contrat de travail par télétravail, et qu'en conséquence, vous exercerez vos missions au siège de notre société à compter du 5 mars 2015.

Je souhaite, en effet, que vous vous concentriez sur l'exécution de vos fonctions de conseil.

Veuillez recevoir, Madame, mes salutations. »

La société Le Groupe Nova ne justifie cependant pas que la suppression du télétravail, qu'elle a décidé de façon unilatérale, était justifiée par les nécessités de la mission, dans les termes énoncés par l'article 4 susvisé du contrat de travail.

Dans ces conditions, il convient de considérer que l'employeur a opéré à tort une retenue de salaire pour absence injustifiée le 9 mars 2015.

Par infirmation du jugement déféré, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire à hauteur de 230,81 euros, outre 23,08 euros au titre des congés payés afférents.

- S'agissant de la journée du 19 mars 2015, la salariée explique avoir formulé une demande de RTT pour cette date et faute de réponse de son employeur, avoir considéré que sa demande avait été accordée. Elle relève que sa demande de congés payés pour la matinée du lendemain, formulée parallèlement, n'a donné lieu à aucune retenue sur salaire pour absence injustifiée.

Mme [V] ne pouvait cependant s'absenter sans avoir reçu au préalable l'aval de son employeur, qui précise avoir indiqué à plusieurs reprises à la salariée que son solde de congés était épuisé. Ainsi, la société Le Groupe Nova était légitime à considérer cette journée comme absence injustifiée non rémunérée.

- S'agissant de la journée du 1er juin 2015, elle rappelle avoir passé une visite médicale de reprise auprès de la médecine du travail et soutient que la société Le Groupe Nova ne pouvait donc procéder à la moindre retenue sur salaire à ce titre.

L'employeur réplique que cette visite a été organisée à l'initiative de la salariée sans qu'il en soit informé, ce qu'au demeurant la salariée ne remet pas en cause. En outre, cette visite qui s'est déroulée à [Localité 9] n'empêchait aucunement Mme [V] de se rendre ensuite au siège social à [Localité 8] pour y effectuer sa journée de travail. C'est dès lors à juste titre que l'employeur a opéré une retenue sur salaire pour absence injustifiée.

Le jugement entrepris sera confirmé sauf en ce qu'il débouté la salariée de sa demande de rappel de salaire pour retenue injustifiée au titre de la journée du 9 mars 2015.

Sur l'avertissement disciplinaire

L'appelante considère que l'avertissement qui lui a été notifié le 17 février 2015 est totalement injustifié et doit être annulé.

L'employeur rétorque que cet avertissement était parfaitement justifié. Il explique que Mme [V] a refusé de restituer son téléphone portable professionnel cassé comme il le lui a demandé à plusieurs reprises afin de le faire réparer ou de lui en fournir un nouveau. Les différentes relances étant restées sans effets, il a alors notifié à la salariée un avertissement, lequel lui a permis quelques jours plus tard de récupérer le téléphone portable effectivement cassé.

L'avertissement adressé à la salariée le 17 février 2015 était ainsi rédigé :

« (') Nous vous avons demandé à de nombreuses reprises de respecter nos conventions et de nous restituer le téléphone portable mis à votre disposition par la société Le Groupe Nova, que votre fils a brisé, pour que nous puissions le réparer ou vous en fournir un nouveau.

Cette procédure est stipulée dans l'attestation de mise à disposition signée par vous en date du 1er mai 2013 (').

Vous vous êtes opposée à cette demande de remise préalable en précisant que vous consentiriez seulement à un échange de téléphone portable.

A ce jour, vous n'avez toujours pas restitué votre téléphone portable et êtes donc parfaitement injoignable par vos collègues de travail et clients de la société. Cette situation est parfaitement inacceptable et ne peut durer plus longtemps.

En conséquence, nous vous adressons, par la présente, un avertissement au sens de l'article L. 1332-2 du code du travail dont vous voudrez bien tenir compte à l'avenir.

Vous voudrez bien néanmoins nous faire parvenir ce téléphone brisé par vous pour que nous décidions s'il peut être réparé ou s'il doit être changé. (') »

Il est établi par l'employeur que Mme [V] s'est vu remettre le 10 octobre 2011 un téléphone portable à usage professionnel. Selon l'attestation de mise à disposition signée à cette date par la salariée, celle-ci s'est engagée à le restituer en cas d'échange.

La salariée admet que ce téléphone a été cassé par son fils. Il lui a légitimement été demandé de respecter la procédure prévue par l'attestation de mise à disposition. Or, alors que le téléphone était désormais inutilisable, elle a refusé de le restituer avant d'en avoir reçu un nouveau.

Face à un comportement caractérisant une insubordination, l'employeur était en droit de prendre une sanction disciplinaire et l'avertissement constitue une réponse proportionnée au manquement établi.

L'appelante sera dès lors déboutée de sa demande d'annulation de la sanction du 17 février 2015 et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur la nullité du licenciement

Mme [V] invoque sa qualité de salariée protégée pour soulever la nullité du licenciement qui lui a été notifié le 3 juillet 2015 sans que l'employeur ait sollicité préalablement l'autorisation de l'inspection du travail.

Elle fait valoir qu'elle s'est portée candidate au second tour des élections des délégués du personnel le 3 février 2015 ; qu'elle bénéficiait donc de la protection prévue par la loi pendant six mois à compter de cette date ; que la société Le Groupe Nova, qui ne pouvait en aucun cas se faire juge de la validité de sa candidature, n'a pas saisi le tribunal d'instance compétent d'une demande d'annulation de celle-ci ; qu'elle ne s'est pas non plus opposée au désistement de l'action de Mme [V] devant le tribunal d'instance de Vanves aux fins d'organisation du second tour des élections des délégués du personnel, et ce alors qu'elle avait formulé des demandes reconventionnelles ; que la société Le Groupe Nova a ainsi, en connaissance de cause, renoncé à la possibilité de contester la validité de la candidature de Mme [V] et admis son bien-fondé ainsi que le statut protecteur qui y était attaché.

La société Le Groupe Nova rétorque que la demande de l'appelante aux fins de nullité de son licenciement est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée. Elle rappelle que Mme [V] a saisi le tribunal d'instance de Vanves pour faire constater la régularité de sa candidature aux élections de représentants du personnel, puis que par courrier du 2 juin 2015, le conseil de la salariée a indiqué se désister de son instance et de son action, que ce faisant, Mme [V] a renoncé à demander la régularité de sa candidature et ainsi renoncé au possible bénéfice du statut protecteur qui y était attaché.

La société Le Groupe Nova soutient, à titre subsidiaire, qu'en application de l'article L. 2314-32 alinéa 1er du code du travail, la cour doit se déclarer incompétente pour statuer sur la régularité de la candidature de la salariée.

Elle prétend, à titre infiniment subsidiaire, que la candidature de Mme [V] doit être écartée aux motifs qu'elle est tardive, ayant été présentée après la date limite de dépôt des candidatures pour le second tour, qu'elle est en outre invalide en ce qu'elle n'indiquait pas le collège pour lequel elle se présentait, qu'elle est enfin frauduleuse, n'ayant d'autre objet que de perturber l'organisation du vote des représentants du personnel, et ce tandis que la salariée, qui souhaitait quitter les effectifs de la société, qui en était actionnaire et siégeait au comité de direction, a fait acte de candidature le jour même où elle a été informée de la décision de l'employeur de mettre fin à la situation de télétravail. Elle observe que Mme [V] s'est opportunément désistée de sa demande d'annulation des élections pour éviter que le tribunal d'instance ne déclare nulle sa candidature.

Sur ce, la cour rappelle que le législateur a instauré une protection spéciale contre le licenciement en faveur de certaines catégories de salariés dits protégés, dont le contrat de travail ne peut être rompu à l'initiative de l'employeur sans l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail.

L'article L. 2411-1 du code du travail, dans sa version applicable au litige, liste les catégories de salariés bénéficiaires de cette protection au rang desquels figure le délégué du personnel.

L'article L. 2411-7 ajoute que l'autorisation de licenciement est requise pendant six mois pour le candidat, au premier ou au deuxième tour, aux fonctions de délégué du personnel, à partir de la publication des candidatures et précise que la durée de protection de six mois court à partir de l'envoi par lettre recommandée de la candidature à l'employeur.

En l'espèce, il résulte des explications des parties que la société Le Groupe Nova a décidé en fin d'année 2014 d'organiser des élections de délégués du personnel. Aucun protocole d'accord préelectoral n'a été conclu avec les organisations syndicales représentatives pourtant dûment convoquées. La direction a pris acte le 28 janvier 2015 de l'absence de candidature au premier tour des élections prévu pour le 10 février 2015 puis elle a dressé le 11 février 2015 un procès-verbal de carence et a informé l'ensemble des salariés du groupe qu'« aucune candidature libre ne s'est présentée dans le délai imparti pour les postes de titulaire et suppléant au second tour, il n'y aura par conséquent aucun représentant du personnel. »

Or, le 3 février 2015, par courrier électronique, et le 4 février 2015, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la société Le Groupe Nova avait été informée de ce que Mme [V] se portait candidate au second tour des élections de délégués du personnel fixé au 24 février 2015. Par courrier en réponse du 6 février 2015, la société Le Groupe Nova a indiqué à la salariée que sa candidature n'était pas recevable pour être intervenue hors délai, soit postérieurement au 27 janvier 2015, date limite de dépôt des candidatures.

Mme [V] a alors saisi le tribunal d'instance de Vanves par requête du 23 février 2015. Aux termes de cette requête, elle demandait en particulier de :

- constater que sa candidature au second tour des élections professionnelles en tant que délégué du personnel titulaire du collège agents de maîtrise et cadres en date du 6 février 2015 était parfaitement régulière,

- constater que le refus illégitime de la société Le Groupe Nova d'accueillir sa candidature a été de nature à fausser les résultats du second tour des élections des délégués du personnel du collège agents de maîtrise et cadres,

En conséquence,

- annuler le second tour des élections des délégués du personnel du collège agents de maîtrise et cadres de la société Le Groupe Nova,

- ordonner à la société Le Groupe Nova d'organiser la tenue d'un second tour des élections des délégués du personnel pour le collège agents de maîtrise et cadres dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir.

Suivant conclusions en réplique, la société Le Groupe Nova a demandé au tribunal d'instance de bien vouloir notamment constater que la candidature de Mme [V] était intervenue hors délai et qu'elle perturbait l'organisation du scrutin, constater en outre que cette candidature était frauduleuse, rejeter en conséquence les prétentions de la requérante.

Par lettre parvenue au greffe du tribunal d'instance le 18 mai 2015, Mme [V] a déclaré abandonner sa requête et par courrier du 2 juin 2015, son avocat a confirmé l'abandon par sa cliente de la procédure en précisant que celle-ci se désistait à la fois de son instance et de son action. La société Le Groupe Nova, par l'intermédiaire de son avocat, a accepté ledit désistement par courrier du 4 juin 2015.

Selon décision du 8 juin 2015, le tribunal d'instance a, au visa des articles 384, 385 394 et suivants du code de procédure civile, constaté son dessaisissement par l'effet de l'extinction de l'instance.

Il s'en déduit que la société Le Groupe Nova, en acceptant le désistement, a renoncé à contester la validité de la candidature de Mme [V] au second tour des élections des délégués du personnel, ladite candidature devant donc être retenue.

Au surplus, si comme le rappelle justement l'employeur, les contestations relatives à l'élection des délégués du personnel et à la régularité des opérations électorales sont, en application des articles L. 2314-32 et R. 2324-24 du code du travail alors en vigueur, de la compétence du tribunal d'instance, l'expiration des délais de contestation en matière électorale entraîne la forclusion. Il s'ensuit que la société Le Groupe Nova, qui n'a pas contesté la candidature de Mme [V] aux élections des délégués du personnel dans le délai prévu par l'article R. 2324-24 susvisé, est désormais irrecevable à en critiquer la validité.

L'appelante est en conséquence bien fondée à se prévaloir du statut de salariée protégée.

La société Le Groupe Nova, qui avait connaissance de la candidature de la salariée avant même l'envoi de la convocation à entretien préalable et qui ne pouvait se faire juge de la validité de cette candidature, ne pouvait se dispenser de respecter la procédure prévue par l'article L. 2411-7 du code du travail et devait donc demander au préalable à l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement.

Il est constant que cette autorisation n'a jamais été demandée.

La nullité du licenciement notifié le 3 juillet 2015 à Mme [V] doit donc être prononcée, et ce sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen de nullité tiré du harcèlement moral.

Le jugement entrepris mérite en conséquence d'être infirmé en ce qu'il a retenu que la salariée ne bénéficiait pas du statut protecteur mais aussi en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et alloué des dommages-intérêts à ce titre.

Sur les conséquences financières

- Sur l'indemnité compensatrice de préavis

Lorsque le licenciement est nul, le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de préavis, peu important le motif de la rupture.

L'article 15 de la convention collective applicable prévoit qu'en cas de licenciement pour un autre motif qu'une faute grave ou lourde, la durée du préavis est de trois mois pour le salarié cadre justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté.

La société Le Groupe Nova sera donc condamnée à verser à Mme [V] la somme de 12 210 euros à titre d'indemnité de préavis, outre 1 221 euros au titre des congés payés afférents.

- Sur l'indemnité pour violation du statut protecteur

Mme [V], qui ne sollicite pas sa réintégration dans l'entreprise, est fondée à demander, en raison de la méconnaissance du statut protecteur résultant de sa qualité de candidate aux élections professionnelles, une indemnité égale à la rémunération qu'elle aurait perçue entre la date de son licenciement, le 3 juillet 2015, et l'expiration de la période de protection de six mois, soit le 3 août 2015.

La salariée ne peut être suivie en son argumentation selon laquelle elle n'a pas été élue déléguée du personnel uniquement du fait du comportement fautif et illégal de la société Le Groupe Nova dans la mesure où rien ne permet d'affirmer qu'elle aurait été effectivement élue.

Ainsi que le rappelle très justement l'appelante, il y a lieu de retenir le montant brut de la rémunération pour calculer le montant de cette indemnité.

Sur la base d'un salaire de référence de 4 070 euros brut, qui ne fait l'objet d'aucune observation de l'employeur, celui-ci sera condamné à lui verser la somme de 4 070 euros au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur, étant cependant précisé que contrairement à ce que réclame Mme [V], cette indemnité ne peut être fixée qu'en brut.

- Sur l'indemnité pour licenciement nul

Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne demande pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, en plus de l'indemnisation pour violation du statut protecteur et des indemnités de rupture, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à celle prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, soit six mois de salaire.

Au vu des éléments d'appréciation dont dispose la cour, en ce compris l'âge, l'ancienneté de la salariée et les circonstances de la rupture, le préjudice consécutif au licenciement nul sera réparé par l'allocation de la somme de 32 000 euros nets.

- Sur le salaire « perdu » entre le 2 juin et le 1er juillet 2015

Mme [V] s'estime bien fondée à solliciter la condamnation de la société Le Groupe Nova à lui verser le salaire qu'elle qualifie de « perdu » entre le 2 juin et le 1er juillet 2015 du fait de la procédure d'inaptitude.

Il ne ressort cependant pas de l'avis rédigé par le médecin du travail le 1er juin 2015 que l'inaptitude prononcée soit d'origine professionnelle. Bien au contraire, le médecin a coché la case « accident ou maladie non professionnel » sur la fiche d'inaptitude.

L'appelante sera en conséquence déboutée de cette demande.

Sur l'obligation de sécurité

Mme [V] fait grief à son employeur d'avoir manqué à son obligation de sécurité. Elle explique qu'elle a, à de très nombreuses reprises, alerté la société Le Groupe Nova « de son mal-être et des faits de harcèlement ressentis » de la part de M. [R] [E], président de la société ; que la société était ainsi parfaitement informée, depuis le dernier trimestre de l'année 2014, des difficultés qu'elle rencontrait ; que pour autant, la société n'a pris aucune mesure et a au contraire cautionné et encouragé les « méthodes de management totalement inappropriées de son dirigeant ». Ceci a été un vecteur de stress qui a fortement dégradé ses conditions de travail et son état de santé, entraîné son inaptitude puis son licenciement.

Elle sollicite la somme symbolique de 1 euro net à titre de dommages-intérêts de ce chef.

La société Le Groupe Nova conteste avoir failli à son obligation de sécurité, soulignant que cette demande est nouvelle en cause d'appel. Elle rétorque que la chronologie des faits démontre que la salariée est à l'origine des tensions avec son employeur et que les difficultés qu'elle invoque ne sont intervenues qu'après l'échec des discussions.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés et doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances.

Si Mme [V] produit de nombreux courriels et courriers adressés par ses soins, à partir du mois d'octobre 2014, en particulier à M. [R] [E], président de la société Le Groupe Nova, la cour observe que ces écrits font suite à une communication de ce dernier aux salariés concernant les difficultés économiques de l'entreprise et sa décision de rationaliser les coûts en limitant les frais professionnels, ce qu'au demeurant il était en droit de faire dans le cadre de son pouvoir de direction. Or, il ressort du contrat conclu le 8 septembre 2011 que les parties avaient convenu dès le début de la relation de travail que la salariée effectuerait ses tâches en télétravail à son domicile, à [Localité 10]. La réduction des frais de déplacement impliquait pour Mme [V] qu'elle ne pourrait plus se rendre chaque semaine au siège social comme c'était le cas jusque-là, ce qu'elle ne pouvait admettre. Lorsque l'employeur a souhaité mettre fin à l'exécution de ses fonctions par télétravail, la salariée a refusé de réintégrer les équipes au siège social.

Les courriels et lettres communiqués par l'appelante, qui témoignent de ses relations de plus en plus conflictuelles avec le président de la société, M. [E], ne permettent cependant pas de retenir une dénonciation de harcèlement. Ces écrits se limitent en effet à faire état de désaccords entre la salariée, par ailleurs actionnaire de la société et membre du comité de direction, et son président, de la difficulté croissante de travailler ensemble et du ressenti de la salariée , qui indique qu'elle ne se « projette pas dans le mode de collaboration de communication et de management actuels ».

En outre et contrairement à ce que prétend la salariée, l'inaptitude prononcée par le médecin du travail n'est pas en lien avec le travail, ainsi que la cour l'a précédemment noté.

Dans ce contexte, le moyen tiré du manquement à l'obligation de sécurité ne saurait être retenu et l'appelante sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

Sur les frais professionnels

Mme [V] fait valoir que, de manière incompréhensible, la société Le Groupe Nova a refusé de lui rembourser les frais de déplacement, d'un montant de 338 euros, engagés par elle pour se rendre aux visites de la médecine du travail à [Localité 9] les 18 mai et 1er juin 2015, et ce en dépit de ses demandes réitérées.

Elle ajoute que la société ne lui a pas non plus remboursé les frais postaux d'expédition du matériel en sa possession après son licenciement.

L'employeur s'oppose à la demande de remboursement des frais de déplacement aux motifs que la salariée a été en arrêt de travail moins de trois mois entre le 23 mars 2015 et le 18 mai 2015 et ne pouvait bénéficier d'une visite de pré-reprise le 18 mai 2015, que la visite de reprise du 1er juin 2015 a là encore été organisée par Mme [V] sans en avertir son employeur. Il ne s'explique pas sur les frais postaux.

L'article R. 4624-28 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur lors des faits, énonce que le temps et les frais de transport nécessités par les examens de la médecine du travail sont pris en charge par l'employeur.

Les premiers juges méritent d'être suivis en ce qu'ils ont fait droit à la demande de prise en charge des frais de déplacement de la salariée, les motifs allégués par l'employeur étant inopérants.

S'agissant des frais postaux à hauteur de 18,50 euros, l'appelante justifie de ce que par un échange de courriels entre les avocats des parties, la société Le Groupe Nova a expressément demandé le 24 juillet 2015 le retour du matériel en colis suivi au siège social et s'est engagée à prendre à sa charge les frais correspondants.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur les intérêts légaux

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations salariales produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation soit le 28 juillet 2015, et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil.

Sur les documents de fin de contrat

Compte tenu des développements qui précèdent, la demande tendant à la remise d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la décision est fondée et le jugement qui y a fait droit sera confirmé.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

La société Le Groupe Nova, qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code du code de procédure.

Elle sera en outre condamnée à payer à Mme [V] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 1 500'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 9 novembre 2017 en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a débouté Mme [X] [V] de ses demandes indemnitaires au titre du licenciement nul et de sa demande de rappel de salaire pour retenue injustifiée au titre de la journée du 9 mars 2015 ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT nul le licenciement notifié le 3 juillet 2015 à Mme [X] [V] ;

CONDAMNE la société Le Groupe Nova à verser à Mme [X] [V] les sommes suivantes :

' 12 210 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

' 1 221 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

' 4 070 euros bruts à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur ;

' 32 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ;

' 230,81 euros bruts de rappel de salaire pour retenue injustifiée au titre de la journée du 9 mars 2019 ;

' 23,08 euros bruts au titre des congés payés afférents ;

DIT que les sommes de nature contractuelle porteront intérêt au taux légal, avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil, à compter du 28 juillet 2015 et à compter de l'arrêt pour les créances de nature indemnitaire ;

DÉBOUTE Mme [X] [V] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

CONDAMNE la société Le Groupe Nova à verser à Mme [X] [V] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société Le Groupe Nova de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE la société Le Groupe Nova aux dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/05869
Date de la décision : 17/09/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/05869 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-17;17.05869 ?
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