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10/09/2020 | FRANCE | N°19/06540

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 10 septembre 2020, 19/06540


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 58G



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 SEPTEMBRE 2020



N° RG 19/06540 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TOIY



AFFAIRE :



[M], [S], [T] [H]





C/

SA AVIVA VIE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 14/08169


>Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Stéphanie FOULON BELLONY,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 58G

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 SEPTEMBRE 2020

N° RG 19/06540 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TOIY

AFFAIRE :

[M], [S], [T] [H]

C/

SA AVIVA VIE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Juin 2016 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 14/08169

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphanie ARENA

Me Stéphanie FOULON BELLONY,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDEUR devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 4 juillet 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de versailles le 12 avril 2018

Monsieur [M], [S], [T] [H]

né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 5] (91)

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Stéphanie ARENA de la SELEURL ARENA AVOCAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

****************

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

SA AVIVA VIE

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphanie FOULON BELLONY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 673

représentée par Me Jean-pierre LAIRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B1101,

****************

Composition de la cour :

L'affaire était fixée à l'audience publique du 9 juillet 2020 pour être débattue devant la cour composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller

Madame Véronique MULLER, Conseiller

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le Président que la procédure se déroulerait sans audience. Les parties ont été avisées par le greffe le 29 mai 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.

Ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

Greffier : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Le 27 mai 1983, M. [M] [H] a souscrit, auprès de la société Norwich Union Life Insurance Society, un contrat prévoyant le paiement d'un capital différé, à l'issue d'une période de trente ans de cotisations, ou le remboursement des primes en cas de décès. La police d'assurance a pris effet à compter du 31 décembre 1982, fixant le terme du contrat au 31 décembre 2012.

En 1997, la société Norwich Union Life Insurance, initialement de forme mutualiste, a décidé de son introduction en bourse et de sa transformation en société d'assurance de capitaux. Elle a ensuite fait l'objet d'une fusion-absorption par la société Aviva Vie.

Lorsque le contrat est venu à terme le 31 décembre 2012, la société Aviva Vie a indiqué à M. [H] que le montant du capital était de 36.770,70 euros augmenté d'un bonus de 24.912,32 euros, soit une somme totale de 61.683,02 euros, avant prélèvements sociaux (60.623,89 euros après prélèvements).

M. [H] a contesté cette valorisation.

Par acte du 3 juin 2014, M. [H] a assigné la société Aviva Vie devant le tribunal de grande instance de Nanterre, à titre principal en exécution forcée du contrat, et à titre subsidiaire en indemnisation du préjudice subi pour manquement de la société Aviva à son obligation d'information.

Par jugement du 24 juin 2016, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- Ecarté des débats les pièces numérotées 2 à 15 dans le bordereau de pièces joint aux conclusions signifiées par M. [H] le 4 octobre 2015,

- Déclaré M. [H] recevable en toutes ses demandes,

- L'en a débouté,

- Donné acte à la société Aviva Vie qu'elle offre de payer à M. [H] la somme de 61.683,02 euros, hors prélèvements sociaux, en exécution de ses obligations contractuelles,

- Condamné M. [H] aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Par arrêt du 12 avril 2018, la cour d'appel de Versailles a :

- Confirmé le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- Condamné M. [H] à payer à la société Aviva Vie la somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel,

- Condamné M. [H] aux dépens d'appel.

Le 4 mai 2018, la société Aviva a réglé à M. [H], en exécution du contrat, une somme totale de 60.623,89 euros après prélèvements sociaux.

Par arrêt du 4 juillet 2019, la cour de cassation a cassé l'arrêt du 12 avril 2018, sauf en ce qu'il a déclaré M. [H] recevable en ses demandes, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Versailles autrement composée.

La cour de cassation a cassé l'arrêt de cette cour du 12 avril 2018 au motif principal que : 'pour rejeter la demande de M. [H] tendant à voir condamner l'assureur à exécuter le contrat litigieux, selon les engagements initiaux dont il se prévalait, l'arrêt, qui constate que ce contrat a été souscrit le 27 mai 1983 retient que, si les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle lorsque, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du cocontractant, le projet n°20 001 établi le 25 mai 1983 ne peut être tenu pour déterminant du consentement de M. [H] puisqu'il l'avait déjà donné dès lors qu'il avait signé le 18 mai 1983 la proposition d'assurance, reçue par l'assureur le 24 mai 1983, prenant effet le 31 décembre 1982. Qu'en statuant ainsi, alors que ce dernier document mentionnait : 'la présente proposition n'engage ni le proposant, ni la société, seule la police ou la note de couverture constate leur engagement réciproque', la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis.'

Vu la déclaration de saisine du 11 septembre 2019 par M. [M] [H].

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 13 janvier 2020, M. [M] [H] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 24 juin 2016 sauf en ce qui concerne la recevabilité des demandes de M. [H] et, statuant à nouveau

A titre principal :

- Condamner la société Aviva à exécuter le contrat d'assurance souscrit conformément aux engagements initiaux pris, en application de l'article 1101 du code civil.

En conséquence,

- Condamner la société Aviva à verser à M. [H] une somme minimum de 97.993,92 avant prélèvements sociaux additionnée d'un taux d'intérêt net de 3% déterminé par rapport à la moyenne des rendements constatés en 2013 et 2014 au titre de contrats analogues, avec anatocisme en vertu des dispositions de l'article 1570 du code civil.

- Enjoindre à la société Aviva de justifier du montant des prélèvements sociaux,

- Dire que la somme déjà versée à hauteur de 60.623,89 euros, encaissée le 2 août 2018, viendra en déduction de la condamnation relative à l'exécution du contrat.

A titre subsidiaire,

- Juger que la société Aviva Vie a commis des fautes engageant sa responsabilité,

- Juger que la perte de chance de souscrire un contrat plus avantageux est un préjudice indemnisable,

- Condamner la société Aviva Vie à verser à M. [H] la somme de 36.000 euros au titre de la perte de chance.

En tout état de cause,

- Condamner la société Aviva à verser à M. [H] la somme de 15.000 euros pour résistance abusive en application des dispositions de l'article 1382 du code civil.

- Condamner la société Aviva Vie à verser à M. [H] la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la société Aviva Vie en tous les dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 6 janvier 2020, la société Aviva Vie demande à la cour de :

- Confirmer le jugement prononcé le 24 juin 2016.

En conséquence,

1- Sur la demande principale en exécution du contrat d'assurance

- Juger que la société Aviva Vie a respecté les obligations contractuelles souscrites au titre des conditions générales et particulières du contrat,

- Débouter M. [M] [H] de sa demande de condamnation de la société Aviva Vie d'avoir à lui régler la somme « minimum » de 97.993,92 euros, majorée d'un taux de 3% avec anatocisme,

- En tout état de cause, dire n'y avoir lieu au paiement d'un intérêt autre que l'intérêt au taux légal.

- Constater en tout état de cause que la société Aviva Vie a procédé au règlement de la somme nette de 60.623,89 euros.

- En conséquence, juger que toutes condamnations prendraient en compte le versement de la valeur de rachat effectuée par la société Aviva Vie.

2- Sur la demande subsidiaire en condamnation à des dommages et intérêts

- Juger que la société Aviva Vie a respecté les obligations par elle souscrites au titre des conditions générales et particulières du contrat,

- Dire que la société Aviva Vie a respecté son obligation d'information et de loyauté,

- Débouter en conséquence M. [M] [H] de sa demande en condamnation de la société Aviva Vie au paiement d'une somme de 36.000 euros.

- À tout le moins, réduire le montant de l'indemnisation du dédommagement non justifié.

3- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts pour résistance abusive

- Débouter M. [M] [H] de sa demande.

- Subsidiairement, ramener à de plus juste proportion toute indemnisation susceptible d'être allouée à ce titre.

4- Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- À titre principal, le débouter de sa demande.

- A titre subsidiaire, ramener à de plus justes proportions l'indemnisation susceptible d'être accordée de ce chef.

5- Condamner M. [M] [H] au paiement à la société Aviva Vie d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner M. [M] [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stéphanie Foulon Bellony.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 février 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 - Sur la demande principale en exécution du contrat

M. [H] soutient que le contrat souscrit lui permettait - après le paiement d'une prime annuelle d'assurance d'un montant de 6.657,12 francs (outre des frais) durant 30 années - de récupérer, d'une part un capital d'un montant de 241.200 francs (36.770,70 euros), ce qui ne pose pas difficulté, d'autre part un bonus qu'il chiffre à hauteur de 51.295,13 euros outre un superbonus d'un montant de 9.928,09 euros, ces bonus et superbonus étant à l'origine du présent litige, la société Aviva soutenant pour sa part que ces bonus ne représentent qu'une somme globale de 24.912,32 euros.

M. [H] soutient en premier lieu que la société Aviva s'était engagée à restituer aux assurés la totalité de ses excédents, et qu'elle n'offre finalement qu'une part de ces derniers, ce qui n'est pas conforme au contrat. Il indique ensuite que le montant dont il sollicite paiement correspond, d'une part au projet de contrat établi le 25 mai 1983, dont il indique qu'il constitue un élément contractuel, d'autre part à la notice d'information (pièce n°24) et à l'annexe n°28-83 (pièce n°25).

La société Aviva ne conteste pas s'être engagée à restituer aux assurés la totalité de ses excédents, et affirme que les dispositions contractuelles sont conformes à cet engagement qu'elle a respecté, même si une partie des excédents est chaque année reportée sur l'exercice suivant en prévision de répartitions ultérieures. Elle indique ensuite que l'annexe n°28-83 n'a été remise qu'après la souscription du contrat, de sorte qu'il ne peut s'agir d'un document contractuel, ajoutant qu'il s'agit d'une simple simulation de valorisation d'un contrat, nécessairement aléatoire et hypothétique dès lors qu'elle ne pouvait prévoir les taux de participation aux bénéfices sur les années à venir.

* Sur l'engagement de la société Aviva au versement de la totalité des excédents

La notice d'information remise à M. [H] définit le contrat 'assurance capital différé' de la manière suivante : 'moyennant le paiement régulier des cotisations prévues, ce contrat garantit au terme, si l'assuré est en vie, le capital augmenté des participations aux bénéfices (bonus).' Cette notice définit le bonus de la manière suivante : 'la totalité des excédents (techniques et financiers) revient aux assurés - 100% des bénéfices de mortalité, de placements, de gestion.' Sont ensuite définies les différentes formes de bonus : bonus consolidé, bonus intérimaire et superbonus.

Pour soutenir que la société Aviva ne restitue finalement à ses assurés qu'une part et non la totalité de ses excédents, M. [H] se fonde uniquement sur l'article 5 des conditions générales selon lequel : ' la société est à forme mutuelle : il n'y a pas d'actionnaires et la totalité des excédents (techniques et financiers) revient aux assurés. Chaque année, la société fait une évaluation actuarielle pour déterminer l'excédent de l'exercice. Une partie de cet excédent, à la discrétion des administrateurs, est distribuée sous forme de bonus aux assurés participants. Le solde en est reporté sur l'exercice suivant en prévision des répartitions ultérieures afin de pouvoir compenser les fluctuations éventuelles des excédents qui peuvent se produire d'une année sur l'autre. (...).'

M. [H] affirme : 'ce qui est mis en réserve n'est pas destiné à s'accumuler d'année en année pour réintégrer in fine les caisses de la société, mais est destiné à être distribué en totalité.'

Les conditions générales prévoient clairement que l'excédent est divisé en deux parties : une première partie - distribuée sous forme de bonus aux assurés - puis un solde - reporté sur l'exercice suivant en prévision des répartitions ultérieures, sans qu'aucune part ne puisse faire l'objet d'une destination autre, contrairement à ce que soutient M. [H].

Ces modalités de versement de l'excédent, même si elles incluent un report partiel sur l'exercice ultérieur et sur celui-ci uniquement, visent bien, conformément aux engagements de la société Aviva à la restitution totale des excédents aux assurés sans possibilité de versement 'dans les caisses de la société' contrairement à ce que soutient M. [H], de sorte que la preuve d'un manquement de la société Aviva à ses engagements n'est pas rapportée.

* sur la valeur contractuelle des documents remis par la société Aviva

La société Aviva a remis à M. [H] - outre les conditions générales et les conditions particulières du 27 mai 1983 constituant le contrat - les documents suivants :

- un projet n°20 001 daté du 25 mai 1983 mentionnant une cotisation annuelle de 6.999,96 francs durant 30 ans et : 'une participation annuelle aux bénéfices sous forme d'un bonus (1) croissant d'un montant initial de 7.719 francs venant en augmentation du capital de base'. Dans ce document le renvoi (1) est ainsi défini : voire note annexe sur le bonus

- une annexe n°28-83 (correspondant au renvoi 1, et manifestement datée du 5 avril 1983, ainsi que cela figure en pied de page) relative au bonus et à son évolution,

- une notice d'information

Au visa d'un arrêt de la cour de cassation du 6 mai 2010 aux termes duquel 'les documents publicitaires peuvent avoir une valeur contractuelle dès lors que, suffisamment précis et détaillés, ils ont eu une influence sur le consentement du contractant', M. [H] affirme que 'tous les documents précités sont précis et détaillés' (p.18 in fine des conclusions), et qu'ils 'ont été déterminants de son consentement' (p.12 in fine des conclusions). Ces simples affirmations, qui ne sont cependant étayées par aucune argumentation détaillée, sont insuffisantes à démontrer l'influence prétendument déterminante de ces documents sur son consentement. En dépit de ces affirmations, M. [H] reste en outre dubitatif indiquant même dans les motifs de sa demande principale : 'soit ces documents sont sincères et doivent être mis en application, soit Norwich-Aviva a non seulement manqué à son devoir d'information précontractuelle, mais a surtout menti en toute connaissance tout au long du contrat.'

Il apparaît ainsi que, loin de démontrer en quoi les documents litigieux ont été déterminants de son consentement, permettant alors de leur conférer une valeur contractuelle, M. [H] s'interroge en fait sur leur valeur et leur sincérité, indiquant qu'il s'agit de documents relevant soit de l'obligation d'information précontractuelle, à laquelle la société Aviva aurait manqué, soit de documents contractuels, sans toutefois prendre position. Faute pour M. [H] d'opter pour le caractère pré-contractuel ou contractuel des documents litigieux, et d'établir en quoi les documents ont été déterminants de son consentement, la valeur contractuelle des documents litigieux n'est pas établie. Il sera en outre démontré plus avant que M. [H] en fait une lecture partiellement erronée, contraire aux dispositions contractuelles (s'agissant notamment du mode de calcul du bonus).

* Sur le mode de calcul du bonus

M. [H] affirme que : 'le bonus n'est pas le fruit du hasard ou d'une quelconque fluctuation des résultats de la société, comme le prétend Aviva vie, mais établit chaque année par un calcul, à partir d'un coefficient multiplicateur qui est un pourcentage du montant du capital assuré.'

Se fondant sur l'annexe n°28-83, M. [H] soutient ainsi que le bonus auquel il pouvait prétendre a été fixé à 3,20% pour l'année 1983, ajoutant que ce taux devait ensuite augmenter de 0,10% par an jusqu'à la fin du contrat, de sorte que la société Aviva est ainsi redevable d'une somme de 51.295,13 euros au titre du bonus.

S'il est exact, comme l'indique M. [H] que le bonus est défini chaque année à partir d'un pourcentage du capital assuré, force est toutefois de constater que ce pourcentage n'est pas établi ex-nihilo, mais qu'il dépend directement des résultats de la société, ainsi que cela ressort de tous les documents contractuels et même précontractuels. La notice d'information (pièce numéro 24) définit ainsi le bonus comme étant 'la totalité des excédents' de la société, et le projet du 25 mai 1983 indique que le bonus est une 'participation annuelle aux bénéfices' ce qui implique bien que le bonus est corrélé à la fluctuation des résultats ou excédents de la société, et qu'il ne peut correspondre à un simple pourcentage du capital assuré, défini chaque année ex nihilo.

L'argumentation de M. [H] selon laquelle le bonus dépend uniquement d'un pourcentage du capital assuré défini au moment de la conclusion du contrat (3,20% pour l'année 1983, puis augmentation de ce pourcentage de manière linéaire chaque année à raison de 0,10%) est ainsi manifestement erronée et non conforme à l'ensemble des documents, tant précontractuels que contractuels. Cette argumentation correspond en outre à une lecture erronée de l'annexe n°28-83 qui ne définit pas le pourcentage de bonus pour le futur, à savoir les années 1983 et suivantes - ce qui est radicalement impossible dès lors que ce pourcentage dépend des résultats futurs de la société qui sont alors inconnus - mais mentionne le pourcentage de bonus uniquement pour les contrats souscrits avant 1983, en fonction de leur ancienneté ainsi que cela ressort clairement du paragraphe 'évolution du bonus'.

Il apparaît dès lors que le tableau établi par M. [H] (pièce numéro 31 : 'tableau C, contrat en euros tel qu'il aurait dû être exécuté') est manifestement erroné, de sorte que sa demande en paiement de la somme de 51.295,13 euros, en exécution du contrat au titre du bonus n'est pas fondée. C'est ainsi à bon droit que le premier juge l'a rejetée.

* sur le mode de calcul du superbonus

Se fondant toujours sur l'annexe n°28-83, M. [H] soutient que le superbonus auquel il pouvait prétendre s'élevait à '1% du capital assuré par année à compter de la 4° année, avec un maximum de 30% du capital assuré', de sorte que la société Aviva est ainsi redevable d'une somme de 9.928,09 euros.

La société Aviva fait valoir que le superbonus n'est pas spécifiquement identifié dans les conditions générales et particulières qui forment le contrat d'assurance. Elle ajoute que l'annexe n°28-83 est postérieure à la souscription du contrat, de sorte qu'elle n'est pas source d'un engagement contractuel. Elle soutient dès lors que M. [H] ne peut prétendre au paiement de la somme de 9.928,09 euros.

S'il est exact que le superbonus n'est pas mentionné ni identifié dans les conditions générales et particulières formant le contrat d'assurance, il n'en reste pas moins que la société Aviva admet son existence, dès lors d'une part qu'il figure sur les documents publicitaires remis à M. [H] (notice d'information, annexe n°28-83, projet 20 001), d'autre part sur le courrier de la société Aviva du 29 novembre 2012 détaillant la somme due au terme du contrat.

La société Aviva ne précise pas quel serait le mode de calcul du superbonus, sauf à indiquer : 'qu'il n'est connu qu'au moment où son règlement intervient, c'est à dire au terme de votre contrat, si le paiement de vos cotisations n'a pas été interrompu'.

A défaut de toute indication dans les documents contractuels et à défaut de précision de la société Aviva quant au mode de calcul du superbonus qu'elle a évalué à la somme de 3.677,07 euros dans son courrier du 29 novembre 2012, la seule indication du mode de calcul du superbonus est celle figurant sur l'annexe n°28-83.

La seule mention de cette annexe selon laquelle : ' vous venez de souscrire le contrat d'assurance sur la vie (...).' est insuffisante pour dire que cette annexe est postérieure à la souscription du contrat, d'autant que la société Aviva énonce elle-même que cette annexe a été remise 'lors de la souscription', ce qui tend au contraire à démontrer une remise concomittante à la signature du contrat.

Dès lors que l'obligation de versement d'un superbonus n'est pas discutée, et que la société Aviva ne fournit aucun élément quant à son mode de calcul, il convient de faire application du seul document remis par la société Aviva à M. [H](annexe n°28-83) selon lequel le superbonus est égal à 1% du capital assuré par année à partir de la 4° année, avec un maximum de 30% du capital assuré.

La demande en paiement du superbonus à hauteur de la somme de 9.928,09 euros est ainsi fondée, de sorte qu'il convient de faire droit à cette demande. Le jugement sera infirmé de ce chef.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la demande en exécution du contrat formée par M. [H] à hauteur de la somme globale de 97.993,92 euros (dont 36.770,70 euros au titre du capital non contesté, 51.295,13 à titre de bonus et 9.928,09 euros au titre du superbonus), sera partiellement accueillie à hauteur de la somme de 67.934,04 euros (dont 36.770,70 euros au titre du capital non contesté, 21.235,25 euros à titre de bonus et 9.928,09 euros au titre du superbonus).

La société Aviva ayant déjà réglé une somme de 60.623,89 euros, elle sera condamnée à payer à M. [H] la somme de 7.310,15 euros. Le jugement sera infirmé de ce chef.

M. [H] sollicite paiement d'un taux d'intérêt net de 3% 'déterminé par rapport à la moyenne des rendements constatés en 2013 et 2014 au titre des contrats analogues, outre anatocisme'. Faute pour M. [H] de justifier des rendements allégués, il convient de dire que la somme de 7.310,15 euros portera intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2014, date de l'assignation. Il convient également de faire droit à la demande d'anatocisme.

2 - sur la demande de M. [H] tendant à enjoindre à la société Aviva de justifier du montant des prélèvements sociaux

M. [H], tout en indiquant qu'il a finalement obtenu un courrier de la société Aviva lui indiquant le mode de calcul des prélèvements sociaux, soutient qu'il existe toujours un excédent de prélèvement annuel de 187,21 euros en moyenne. Il invoque ainsi l'opacité des calculs opérés et demande que la société Aviva soit contrainte de produire des calculs détaillés, année par année, se référant aux textes fiscaux correspondants.

Comme l'indique la société Aviva, celle-ci a répondu à M. [H] par deux courriers des 16 octobre 2013 et 9 octobre 2018, précisant le mode de calcul détaillé des prélèvements qui n'est nullement opaque et qu'il appartenait éventuellement à ce dernier de contester s'il l'estime inexact, notamment au regard des textes fiscaux cités par la société Aviva et qu'il lui appartient de consulter. Au regard de ces informations détaillées non contestées, il n'y a pas lieu de faire droit à l'injonction sollicitée.

3 - Sur la demande subsidiaire relative à l'éventuel manquement de la société Aviva à ses obligations d'information

M. [H] forme une demande subsidiaire - pour le cas où 'la demande en exécution du contrat serait rejetée' - en réparation du préjudice qu'il soutient avoir subi du fait du manquement de l'assureur à son obligation d'information précontractuelle.

Force est ici de constater que la cour n'a pas rejeté la demande en exécution du contrat, dès lors qu'elle a, d'une part validé l'exécution du contrat telle que proposée par la société Aviva s'agissant du versement du capital et du bonus, et qu'elle a fait droit à la demande de M. [H] tendant au versement d'un superbonus supérieur à celui offert par la société Aviva.

Au regard de ces éléments, il a été fait droit à la demande d'exécution du contrat, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire.

4 - sur la demande indemnitaire formée au titre de la résistance abusive de la société Aviva

M. [H] affirme que la société Aviva a abusé de son droit de se défendre en justice, en ce qu'elle a renié son droit de percevoir 100% des excédents techniques et financiers, alors même que cela correspondait à l'engagement de cette société.

Il a été démontré plus avant que la preuve d'un manquement de la société Aviva à son obligation de reverser la totalité de ses excédents techniques et financiers n'était pas rapportée, de sorte qu'il n'existe a fortiori aucun abus de cette dernière dans l'exercice de l'action en justice.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

En application de l'article 639 du code de procédure civile, la société Aviva qui succombe sera condamnée à tous les dépens exposés devant les juridictions du fond.

Il sera alloué à M. [H] une somme de 6.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés afin de faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 4 juillet 2019,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 24 juin 2016 en ce qu'il a débouté M. [M] [H] de toutes ses demandes et en ce qu'il l'a condamné aux dépens,

Et statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne la société Aviva Vie à payer à M. [M] [H] la somme de 7.310,15 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2014,

Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société Aviva Vie à payer à M. [M] [H] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Aviva Vie aux dépens de première instance et des deux instances d'appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Véronique MULLER, Conseiller pour le Président empêché et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 19/06540
Date de la décision : 10/09/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°19/06540 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-10;19.06540 ?
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