COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88B
5e Chambre
ARRÊT N° 20/690
CONTRADICTOIRE
DU 10 SEPTEMBRE 2020
N° RG 18/04790
N° Portalis DBV3-V-B7C-SY72
AFFAIRE :
SAS SOCIÉTÉ DES PÉTROLES SHELL
C/
URSSAF venant aux droits de la CAISSE NATIONALE DÉLÉGUÉE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE
N° RG : 16-01735
Copies exécutoires délivrées à :
- Me Armelle ABADIE-REYES
- Me Lionel ASSOUS-LEGRAND
Copies certifiées conformes délivrées à :
- SAS SOCIÉTÉ DES PÉTROLES SHELL
- URSSAF venant aux droits de la CAISSE NATIONALE DÉLÉGUÉE POUR LA SÉCURITÉ SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 4 juin 2020, puis prorogé au 2 juillet 2020, puis au 23 juillet 2020, puis au 10 septembre 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
SAS SOCIÉTÉ DES PÉTROLES SHELL
[...]
[...]
[...]
représentée par Me Armelle ABADIE-REYES de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701
APPELANTE
****************
UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉSOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES venant aux droits de la CAISSE NATIONALE DÉLÉGUÉE POUR LA SÉCURITÉSOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
D126-TSA 80028
[...]
représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0759
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 28 Mai 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice président placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Mame NDIAYE
La société des pétroles Shell (ci-après, la 'Société') a notamment pour objet le commerce de tous produits dérivés du pétrole, et de tous autres combustibles, de quelque nature qu'ils soient ou sous quelque forme que ce soit ainsi que le commerce de tous accessoires, produits alimentaires, objets, marchandises quelconques, la restauration, l'hôtellerie et l'exécution de tous autres services ayant un rapport avec l'utilisation des produits et services se rattachant à l'objet social.
En pratique, la Société vend ainsi des carburants et assure diverses prestations dans le cadre des stations-service à son enseigne.
Par ailleurs, la Société met à disposition de ses clients des cartes 'Euroshell', permettant notamment à ses titulaires de payer les péages autoroutiers pour l'utilisation des autoroutes exploitées par des sociétés partenaires.
Des conventions ont été conclues avec les sociétés exploitantes ou concessionnaires d'autoroutes afin de définir les prestations fournies par la Société.
La rémunération de la Société est une commission calculée sur le montant hors taxes des prestations de péages qui lui sont facturées.
La Société considère intervenir ici en qualité de 'intermédiaire opaque', au sens de la législation fiscale et sociale, entre les sociétés d'autoroute et sa clientèle.
La Société a fait l'objet d'un contrôle d'assiette, d'abord au titre de la contribution sociale de solidarité et contribution additionnelle ('C3S') due au titre de l'année 2015 (sur la base des chiffres de l'année 2014), puis pour les C3S n2013, 2014 et 2016.
Il est résulté de ces contrôles que le chiffre d'affaires ('CA') déclaré par la Société à l'organisme social était systématiquement inférieur à celui déclaré à l'administration fiscale :
C3S 2013 : 4579611389euros déclarés à l'administration
3554114448euros déclarés à l'organisme
C3S 2014 : 2477350450euros
et 1661555680euros
C3S 2015 : 2300567874euros
et 1510561418euros
C3S 2016 : 1898950351euros
et 1206681231euros.
Ainsi, par courrier du 17 juin 2016, le régime social des indépendants ( 'RSI', aux droits duquel sont venus la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, puis, depuis le 1erjanvier2019, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales de Provence-Alpes-Côte-d'Azur - ci-après, 'l'URSSAF ') a mis en demeure la société des pétroles Shell de lui payer la somme de 339220 euros au titre de la C3S pour l'année 2015 et des majorations de retard et pour rectification notifiée dans le cadre d'un contrôle sur pièces.
Par lettre en date du 9 août 2016, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci-après, le 'TASS') afin de contester la mise en demeure.
Par courrier du 12 avril 2017, le RSI a mis en demeure la Société de lui payer la somme de 1146899 euros au titre de la C3S pour les années 2013, 2014 et 2016 et des majorations de retard pour rectification notifiée dans le cadre d'un contrôle sur pièces.
Par lettre recommandée en date du 9 juin 2017, la Société a saisi le TASS afin de contester cette mise en demeure.
Par jugement contradictoire en date du 18 septembre 2018, le TASS a :
- ordonné la jonction des instances enrôlées sous les numéros 17-01174/N et 16-01735/N ;
- débouté la Société de toutes ses demandes ;
- condamné la Société à payer au RSI la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société a interjeté appel de ce jugement en date du 15 novembre 2018.
L'affaire a finalement été appelée à l'audience de la cour du 28mai 2020.
Par conclusions communiquées, la Société sollicite de la cour que :
- il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour d'appel de Paris sur renvoi suite au pourvoi n° 18-13.605 [formé par la société Total Marketing Services (ci-après, 'TMS') à la suite de l'arrêt rendu par la cour de céans, autrement composée, dans un dossier concernant également la C3S] ;
- elle soit déclarée recevable et bien fondée en son appel ;
- soit infirmé le jugement rendu par le TASS le 18 septembre 2018, en jugeant que la Société n'est redevable de la contribution que sur l'assiette correspondant aux commissions perçues en application des contrats (et non au montant du chiffre d'affaires déclaré en CA3), soit 1441759,90 euros en 2012, 1 486 903,15 euros en 2013, 1 461 977,08 euros en 2014 et 1480830,54 euros en 2015 ;
- l'intimée soit condamnée à lui rembourser la somme de 339 220 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2016, ainsi que la somme de 1 146 899 euros avec intérêts au taux légal à compter du 12 mai 2017 ;
- l'intimée soit condamnée à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées, l'URSSAF demande à la cour de :
- dire mal fondé l'appel de la Société ;
- rejeter la demande de sursis à statuer de la Société ;
- confirmer le jugement rendu le 18septembre 2018 par le TASS en toutes ses dispositions ; en conséquence,
- valider la mise en demeure du 17 juin 2016 pour son entier montant, soit la somme de 339220euros (271812euros en principal, 40227euros pour retard de paiement, 27181 euros pour rectification notifiée dans le cadre d'un contrôle sur pièces) au titre de la C3S 2015 ;
- prendre acte du paiement, le 13juillet 2016, par la Société de ma mise en demeure du 17juin2016 pour son entier montant, soit la somme de 339220euros ;
- valider la mise en demeure du 12avril 2017 pour son entier montant, soit la somme de 1146899euros (891761euros en principal, 165936euros pour retard de paiement et 89175euros pour rectification notifiée dans le cadre d'un contrôle sur pièces), au titre de la C3S 2013, 2014 et 2016 ;
- prendre acte du paiement, le 12mai 2017, par la Société de la mise en demeure du 12avril 2017 pour son entier montant, soit la somme de 1146899euros ;
- condamner la Société à lui verser la somme de 3000euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
A titre préliminaire, la cour indique que, compte tenu des circonstances, il a été convenu entre les parties et la cour de ce que la discussion se fonderait exclusivement mais totalement sur les écritures échangées entre les parties et les pièces y afférentes respectivement, dont il n'est pas contesté qu'elles ont été régulièrement communiquées à la cour.
Par ailleurs, la cour indique, à toutes fins, qu'elle a déjà eu à connaître de litiges similaires, qu'elle garde à l'esprit que sa décision dans le dossier TMS a été cassée, d'où un renvoi devant la cour d'appel de Paris, ce qui correspond à la procédure évoquée pour laquelle un sursis à statuer a été sollicité.
Sur le sursis à statuer
L'URSSAF s'oppose à la demande de sursis à statuer formée par la Société, au motif que la cour d'appel de Paris doit rendre une décision sur renvoi après cassation d'un arrêt de la cour de céans ayant opposé TMS à la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants (caisse du régime social des indépendants - participations extérieures, sise à [...] ).
La cour de céans, pour intéressante et pertinente que serait une décision de la cour d'appel de Paris, n'est cependant pas tenue de quelque manière que ce soit par celle-ci, quand bien même l'arrêt en cause serait rendu sur renvoi de cassation, tandis que la jurisprudence de la Cour de cassation est à la fois connue et discutée par les parties comme par l'actuelle composition de la cour de céans.
La cour dira n'y avoir lieu à surseoir à statuer.
Sur l'arrêt de la Cour de cassation du 4avril 2019
L'arrêt de la Cour de cassation en date du 4 avril 2019 (n° de pourvoi 18-13605) se lit notamment :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu que pour déclarer irrecevable comme prescrite la demande de la société en remboursement des sommes qu'elle estimait avoir indûment versées au titre de la contribution sociale de solidarité pour l'année 2008, l'arrêt retient qu'aux termes de l'article L. 243-6 du code de la sécurité sociale, la société disposait d'un délai de trois ans à compter de la date à laquelle elle s'était acquittée de ces cotisations, soit, en l'espèce, la date non contestée du 14 mai 2008 ; que la société a exercé ce droit en sollicitant le remboursement le 3 juin 2009, demande qui s'est heurtée à un refus, notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 25 septembre 2012 ; que cette notification mentionne que le délai pour contester la décision du RSI est de trente jours à réception du courrier ; que la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 18 octobre 2013, soit plus d'un an après la date de notification ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre adressée par la caisse à la société le 25 septembre 2012 se bornait à mentionner un délai de trente jours pour lui faire part de ses observations, faute de quoi la rectification notifiée serait mise en recouvrement, outre les majorations, par voie de mise en demeure, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;
Et sur le quatrième moyen, pris en ses trois premières branches :
Vu les articles L. 651-5 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, et 273 octies du code général des impôts ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que le chiffre d'affaires, constituant l'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés qu'il prévoit, de l'assujetti agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une livraison de bien ou une prestation de services, est diminué de la valeur des biens ou des services qu'il est réputé acquérir ou recevoir, s'il bénéficie des dispositions du second ;
Attendu que pour rejeter la contestation de la société portant sur l'assiette de la contribution sociale de solidarité et de la contribution additionnelle, l'arrêt retient qu'aux termes des conventions passées entre cette dernière et les sociétés d'autoroutes, celles-ci acceptent que « les clients Total utilisent (les cartes GR et Eurotrafic confiées directement ou indirectement à sa clientèle) pour le paiement du montant du péage sur l'ensemble de son réseau autoroutier » ; qu'en contrepartie, les sociétés d'autoroutes s'engagent à verser à Total une commission, dont le taux est fixé à 0,5 % du montant hors taxe des prestations de péage facturées à Total ; que les cartes en cause sont des moyens de paiement, puisque le titulaire verra son compte débité du montant des péages qu'il a acquitté, avec cette particularité que le montant payé par le titulaire n'est pas le montant facturé par la société d'autoroutes concernée, puisque celle-ci verse une commission de 0,5 % à Total ; qu'il est constant que la société reste propriétaire de ces cartes, lesquelles constituent un moyen de paiement des péages des sociétés d'autoroutes ; qu'en d'autres termes, et peu important que ces cartes puissent également servir à obtenir des produits pétroliers ou des services dans les stations-service du groupe Total, l'objet de ces conventions est bien que la société fournisse des cartes constituant un moyen de paiement ; que l'offre proposée par la société n'est donc pas une question d'identification mais le moyen de payer le service de circulation autoroutière offert par les sociétés d'autoroute ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l'activité de la société au regard de la règle de la minoration d'assiette de la contribution sociale de solidarités des sociétés, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.
C'est à la lumière de cet arrêt, et des textes du rapport ainsi que des conclusions du ministère public s'y rapportant, que la cour de céans statuera ainsi qu'il suit.
La cour de céans estime utile de rappeler ici que le litige concerne donc la contribution sociale de solidarité des sociétés (et la contribution additionnelle). La C3S due au titre de l'année N est basée sur le chiffre d'affaires hors taxes ('HT') déclaré par l'entreprise au titre de l'annéeN-1.
Le redressement a pour origine que l'URSSAF reproche à la Société une discordance entre les chiffres d'affaires déclarés par la Société comme base de calcul des contributions et ceux communiqués à l'administration fiscale.
La Société fait notamment valoir, dans cette perspective, qu'elle intervient 'comme intermédiaire opaque entre les sociétés d'autoroute et (sa) clientèle'.
Les arguments échangés portent tant sur la procédure de redressement que sur le montant du redressement.
Sur la régularité de la procédure de contrôle et des mises en demeure
C'est à titre principal que la Société soutient l'irrégularité de la procédure des contrôles et celle des mises en demeure, dans un chapitre unique de ses conclusions.
La Société fait tout d'abord valoir que les contrôles opérés par l'organisme social l'ont été dans le cadre du contentieux général de la sécurité sociale et que les dispositions des articles L.243-7 et R.243-59 doivent donc trouver à s'appliquer.
Ces dispositions permettent, selon la Société, le respect du contradictoire.
Il en résulte notamment qu'avant tout contrôle, 'sur place ou sur pièces', à l'exception de celui qui porte sur la recherche d'infractions liées au travail dissimulé, l'organisme doit adresser à un avis de contrôle et que ce dernier doit mentionner la possibilité pour le cotisant d'être assisté d'un conseil de son choix.
La Société considère que le respect de ces principes s'applique quand bien même le contrôle n'aurait été effectué que sur la seule base de l'article L. 651-5-1 du code de la sécurité sociale. Par ailleurs, la Société retient que 'les mises en demeure des 17 juin 2016 et 12 avril 2017 ne mentionnent pas la cause des sommes réclamées'. Elles doivent donc être déclarées nulles.
L'URSSAF fait notamment valoir que les procédures de contrôle des faits étaient, à l'époque, régies par les seules dispositions de l'article L. 651-5-1 du code de la sécurité sociale. Les dispositions de l'article R. 243-59 du même code, ne sont pas applicables, notamment en ce qu'elles visent les contrôles sur place, dans les locaux de l'employeur.
L'obligation d'informer la société contrôlée de la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix n'était en aucun cas prévu à l'époque, en matière de C3S.
Sur ce
Il est constant que la Société fait partie des sociétés, entreprises ou établissements relevant de la C3S en vertu des dispositions de l'article L. 651-1 du code de la sécurité sociale.
Aux termes de l'article L. 651-5-1 du code de la sécurité sociale :
I. - L'organisme chargé du recouvrement de la contribution peut obtenir des administrations fiscales communication des éléments nécessaires à la détermination de son assiette et de son montant dans les conditions prévues à l'article L. 152 du livre des procédures fiscales.
II. - Les sociétés, entreprises et établissements mentionnés à l'article L. 651-1 du présent code sont tenues de fournir, à la demande de l'organisme de recouvrement, tous renseignements et documents nécessaires à la détermination de l'assiette de la contribution et de son montant dans un délai de soixante jours. Lorsque le redevable a répondu de façon insuffisante à cette demande, l'organisme de recouvrement le met en demeure de compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse attendus.
Le délai de reprise de la créance de contribution mentionné au premier alinéa de l'article L. 244-3 est interrompu à la date d'envoi des demandes mentionnées au premier alinéa du présent II.
Le contrôle des déclarations transmises par les sociétés, entreprises et établissements assujettis à la contribution sociale de solidarité est effectué dans les conditions prévues à l'article L. 113 du livre des procédures fiscales.
III. - En cas de défaut de réponse à la demande de renseignements et de documents ou à la mise en demeure mentionnée au II ou en cas de réponse insuffisante à la mise en demeure, il est appliqué une majoration dans la limite de 5 % du montant des sommes dues par le redevable.
IV. - L'organisme de recouvrement ayant constaté une inexactitude, une insuffisance, une omission ou une dissimulation dans les éléments servant au calcul de la contribution notifie au redevable, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un document mentionnant l'objet des opérations de contrôle, les documents consultés, la période vérifiée, le mode de calcul et le montant de la rectification envisagée.
Lorsque le redevable n'a pas répondu dans les délais prescrits à la demande et, le cas échéant, à la mise en demeure mentionnées au II du présent article ou que sa réponse demeure insuffisante, le montant de la rectification envisagée est estimé selon les règles fixées par l'avant-dernier alinéa de l'article L. 651-5.
Le redevable dispose d'un délai de trente jours pour faire part à l'organisme de recouvrement de sa réponse.
L'organisme de recouvrement est tenu de notifier à l'intéressé, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, la modification de la rectification envisagée dès lors que les observations fournies par le redevable sont reconnues fondées ou de motiver leur rejet.
L'organisme de recouvrement ne peut engager la mise en recouvrement de la contribution et des majorations avant l'expiration du délai de réponse mentionné au troisième alinéa du présent IV.
(souligné et mis en gras par la cour)
Les dispositions de l'article L. 243-7 du même code se lisent :
Le contrôle de l'application des dispositions du présent code par les employeurs, personnes privées ou publiques y compris les services de l'Etat autres que ceux mentionnés au quatrième alinéa et, dans le respect des dispositions prévues à l'article L. 133-6-5, par les travailleurs indépendants ainsi que par toute personne qui verse des cotisations ou contributions auprès des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général est confié à ces organismes. Le contrôle peut également être diligenté chez toute personne morale non inscrite à l'organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale en qualité d'employeur lorsque les inspecteurs peuvent faire état d'éléments motivés permettant de présumer, du fait d'un contrôle en cours, que cette dernière verse à des salariés de l'employeur contrôlé initialement une rémunération, au sens de l'article L. 242-1. Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces agents ont qualité pour dresser en cas d'infraction auxdites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. Les unions de recouvrement les transmettent, aux fins de poursuites, au procureur de la République s'il s'agit d'infractions pénalement sanctionnées.
Les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général sont également habilités dans le cadre de leurs contrôles à vérifier l'assiette, le taux et le calcul des cotisations destinées au financement des régimes de retraites complémentaires obligatoires mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX pour le compte des institutions gestionnaires de ces régimes, des cotisations et contributions recouvrées pour le compte de l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage par les organismes mentionnés aux c et e de l'article L. 5427-1 du code du travail et des cotisations destinées au financement des régimes mentionnés au titre Ier du livre VII du présent code. Le résultat de ces vérifications est transmis auxdites institutions aux fins de recouvrement.
Pour la mise en 'uvre de l'alinéa précédent, des conventions conclues entre, d'une part, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale et, d'autre part, les organismes nationaux qui fédèrent les institutions relevant du chapitre Ier du titre II du livre IX du présent code, les organismes mentionnés aux c et e de l'article L. 5427-1 du code du travail, l'organisme gestionnaire du régime d'assurance chômage et les organismes nationaux chargés de la gestion des régimes prévus au titre Ier du livre VII du présent code qui en font la demande fixent notamment les modalités de transmission du résultat des vérifications et la rémunération du service rendu par les organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général.
La Cour des comptes est compétente pour contrôler l'application des dispositions du présent code en matière de cotisations et contributions sociales aux membres du Gouvernement, à leurs collaborateurs. Pour l'exercice de cette mission, la Cour des comptes requiert, en tant que de besoin, l'assistance des organismes mentionnés au premier alinéa, et notamment la mise à disposition d'inspecteurs du recouvrement. Le résultat de ces vérifications est transmis à ces mêmes organismes aux fins de recouvrement. Par dérogation aux dispositions du présent alinéa, le contrôle de l'application par la Cour des comptes des dispositions du présent code en matière de cotisations et contributions sociales est assuré par l'organisme de recouvrement dont elle relève.
Enfin, l'article R. 243-59 du même code se lit :
Tout contrôle effectué en application de l'article L. 243-7 est précédé de l'envoi par l'organisme chargé du recouvrement des cotisations d'un avis adressé à l'employeur ou au travailleur indépendant par lettre recommandée avec accusé de réception, sauf dans le cas où le contrôle est effectué pour rechercher des infractions aux interdictions mentionnées à l'article L. 324-9 du code du travail. Cet avis mentionne qu'un document présentant au cotisant la procédure de contrôle et les droits dont il dispose pendant son déroulement et à son issue, tels qu'ils sont définis par le présent code, lui sera remis dès le début du contrôle et précise l'adresse électronique où ce document est consultable. Lorsque l'avis concerne un contrôle mentionné à l'article R. 243-59-3, il précise l'adresse électronique où ce document est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande, le modèle de ce document, intitulé "Charte du cotisant contrôlé", est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
L'employeur ou le travailleur indépendant a le droit pendant le contrôle de se faire assister du conseil de son choix. Il est fait mention de ce droit dans l'avis prévu à l'alinéa précédent.
Les employeurs, personnes privées ou publiques, et les travailleurs indépendants sont tenus de présenter aux agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7, dénommés inspecteurs du recouvrement, tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.
Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.
A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés. Le cas échéant, il mentionne les motifs qui conduisent à ne pas retenir la bonne foi de l'employeur ou du travailleur indépendant. Ce constat d'absence de bonne foi est contresigné par le directeur de l'organisme chargé du recouvrement. Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de celle de l'inspecteur du recouvrement.
L'absence d'observations vaut accord tacite concernant les pratiques ayant donné lieu à vérification, dès lors que l'organisme de recouvrement a eu les moyens de se prononcer en toute connaissance de cause. Le redressement ne peut porter sur des éléments qui, ayant fait l'objet d'un précédent contrôle dans la même entreprise ou le même établissement, n'ont pas donné lieu à observations de la part de cet organisme. (souligné par la cour)
Il résulte de ces dispositions qu'en principe, les opérations de contrôle des dispositions du code de la sécurité sociale doivent être précédées (sauf la recherche d'infractions du travail dissimulé) de l'envoi par l'organisme contrôleur d'un avis de contrôle, lequel doit en particulier comprendre la référence au droit, pour le cotisant, de se faire assister du conseil de son choix.
Cette disposition ne s'impose cependant que dans le cadre d'un contrôle sur place.
Elle ne trouve pas à s'appliquer dès lors qu'il existe la disposition spéciale de l'article L. 651-5-1 du même code, laquelle concerne les opérations menées par les organismes en charge du contrôle (en l'occurrence, ici, l'URSSAF) de la C3S.
Cet article autorise expressément l'URSSAF à obtenir des renseignements de la société concernée, sans que soit mise en oeuvre à proprement parler une procédure de contrôle.
La première phase de la procédure ne constitue d'ailleurs pas un 'contrôle' au sens strict puisque
il s'agit d'une obligation de communication par la Société, qui lui est imposée par le législateur. Cette phase s'analyse en une demande de renseignement et non en une opération de contrôle au sens de la législation.
Au demeurant, dans le cas présent, la lettre adressée par l'organisme de contrôle, le 16décembre 2015, puis celle du 29août 2016, faisaient référence à la 'charte de l'entreprise contrôlée' et au moyen de pouvoir la consulter par la voie électronique, précisant qu'elle pouvait être adressée par courrier.
La Société n'est donc pas fondée à invoquer une quelconque violation du respect du contradictoire ni de ses droits à se défendre.
La cour ajoute que la taille de cette Société exclut l'ignorance de la possibilité de se faire assister d'un conseil, étant relevé que les réponses aux lettres mentionnées ci-dessus ont été faites par le directeur administratif et financier de la Société lui-même.
La Société considère, ensuite, que les mises en demeure sont irrégulières au motif qu'elles 'ne mentionnent pas la cause des sommes réclamées'.
Il est constant qu'une mise en demeure doit préciser la nature, la cause et l'étendue des obligations du cotisant auquel elle est adressée.
En l'espèce, la mise en demeure du 17juin 2016 n'a pas été adressée isolément à la Société mais était jointe à une lettre, datée du même jour, par laquelle l'organisme social détaillait les motifs pour lesquels la Société ne pouvait bénéficier des dispositions relatives à la 'notion d'intermédiaire, au sens de l'article L. 651-5 alinéa 5 à 9 du code de la Sécurité Sociale'.
Ce courrier fait expressément référence à la réponse de la Société la lettre de notification d'observations du 11mars 2016. Cette dernière commence par ces mots : 'Nous revenons vers vous à la suite de votre courrier du 12février 2013 en réponse à notre demande de renseignements relative à l'assiette de la Contribution sociale de Solidarité des Sociétés et de la Contribution additionnelle 2015' (souligné par la cour ; en gras comme dans l'original).
La Société ne pouvait ainsi avoir aucun doute sur la cause de la mise en demeure, étant précisé que les montants réclamés à titre principal sont identiques dans la lettre du 17 juin 2016 et dans la mise en demeure elle-même.
Les mêmes observations peuvent être faites en ce qui concerne la mise en demeure du 12avril 2017, laquelle renvoyait expressément à la lettre de l'organisme en date du 10novembre2016, laquelle comportait exactement la même mention, sauf en ce qui concerne la période, bien évidemment, s'agissant des années 2013, 2014 et 2016.
La cour confirmera le jugement entrepris qui a considéré que la procédure était régulière.
Sur le fond
La Société plaide qu'elle 'exerce une activité d'intermédiaire opaque lui permettant de réduire l'assiette de la Contribution au montant de ses commissions' (en gras et souligné dans l'original des conclusions).
La Société fait ici référence à la 'mise à disposition' de ses clients des cartes Euroshell, qui permettent d'obtenir des produits et services auprès du réseau de distribution du groupe Shell et de payer les péages autoroutiers.
A cette dernière fin, la Société a conclu des contrats avec les sociétés exploitantes/concessionnaires d'autoroutes concernées.
La Société renvoie expressément à la 'convention conclue avec les sociétés du réseau d'autoroutes ESCOTA', dans lequel il est précisé qu'elle intervient en qualité d'intermédiaire opaque (article 1) et qu'elle 'agira en qualité de mandataire ducroire d'ESCOTA pour recouvrer, auprès de ses clients, les recettes de péage. En conséquence, SHELL refacture les péages à ses clients selon les tarifs en vigueur'. 'En contrepartie (...) ESCOTA s'engage à verser à SHELL une commission globale et forfaitaire', en l'espèce 0,40% du montant hors taxe des prestations de péage facturées à SHELL.
La Société considère que, ce faisant, elle remplit 'toutes les conditions visées à l'article L. 651-5 alinéa 5 du Code de la sécurité sociale' :
- la rémunération est fixée par l'article 3 de l'annexe 1 du contrat ; 'il s'agit d'une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le montant des ventes de prestations de péages (...)' ;
- s'agissant de la reddition de comptes, les sociétés d'autoroutes envoient à la Société le montant hebdomadaire des transactions enregistrées ainsi que, simultanément, une facture reprenant le nombre de transactions ; la Société 'fait son affaire du recouvrement du montant des prestations de péages dues par chacun des clients' ;
- s'agissant du mandat préalable, la 'copie du contrat transmis lors de la déclaration d'appel établit le respect de cette condition'.
La Société ajoute que, si l'article 4 de l'annexe au contrat conclu entre les sociétés SHELL et ESCOTA envisage l'acceptation par SHELL de participer au coût des évolutions de la signalétique des voies, cette participation est limitée et en tout cas, sur la période vérifiée, aucun changement de cartes n'a été effectué, par conséquent aucune dépense n'a été supportée par SHELL à ce titre.
'En tout état de cause, l'existence de prestations de services connexes rendues par un intermédiaire ne saurait, en soi, modifier sa qualité' (en gras dans l'original des conclusions). 'La circonstance qu'n intermédiaire opaque rende des services connexes tels que la gestion des litiges avec la clientèle, le recouvrement d'impayés, ou la promotion des services ne sauraient disqualifier sa qualité d'intermédiaire opaque'.
La Société invite ainsi la cour de céans à suivre la décision de la Cour de cassation dans l'affaire TMS.
La Société ajoute que la position de l'URSSAF et celle du TASS 'reviendrait à taxer deux fois le chiffre d'affaires issu de la vente de prestations de péages : une fois au niveau des sociétés de péages et une seconde fois au niveau de SHELL'.
Pour sa part, l'URSSAF commence par rappeler que, s'agissant d'une dérogation, les dispositions de l'article L. 651-5 alinéa 2 doivent être appliquées 'strictement' (en gras dans l'original des conclusions).
Or, la Société 'participe directement à la réalisation de la prestation avec ses propres moyens d'exploitation' (souligné dans l'original ; en gras comme dans l'original). En particulier, elle est habilité 'à pourvoir à la fourniture d'instruments de paiement, matérialisés par des cartes électroniques, sont elle assure plus généralement l'acquisition, l'émission , la ventre, la gestion et la promotion'. Le contrat en cause 'a précisément pour objet la fourniture de prestations de mises à disposition, gestion commerciale, technique, administrative, que (la Société) met en oeuvre avec ses propres moyens d'exploitation' (en gras comme dans l'original).
En outre, la Société est propriétaire des biens objets des transactions.
De plus, la société SHELL 'perçoit une commission forfaitaire non conforme' (souligné dans l'original ; en gras comme dans l'original). Or, une commission globale et forfaitaire comme celle prévue par le contrat ne respecte pas les conditions visées à l'article L. 651-5 alinéa 5 du code de la sécurité sociale.
L'URSSAF conteste, par ailleurs, que l'assujettissement de la Société aboutirait à une double taxation. La C3S concerne le chiffre d'affaires réalisé par chaque assujetti, 'en principe sans retraitement de l'assiette ainsi déterminée'. La double imposition prohibée telle qu'envisagée 'ne s'entend qu'à la condition d'une triple identité, de redevable, d'impôt, et d'assiette'.
En tout état de cause, la Société est défaillante dans l'administration de la preuve.
Sur ce
C'est par de justes motifs que la cour approuve, que le premier juge a confirmé le redressement imposé à la Société par l'URSSAF en matière de C3S pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016.
La cour ne trouve ici aucune raison de s'écarter, sous réserve de formulations que la Cour de cassation a pu trouver maladroite au point de considérer qu'il y avait pu avoir dénaturation, des motifs l'ayant conduite, alors qu'elle était autrement composée, à prendre sa décision dans l'affaire TMS.
Il convient tout d'abord de rappeler que c'est à celui qui sollicite un allégement de son obligation au paiement de charges sociales qu'il appartient de rapporter la preuve qu'il réunit les conditions lui permettant de l'obtenir.
C'est donc à la Société qu'il appartient d'apporter cette preuve.
Par ailleurs, il appartient au juge devant analyser un contrat de ne pas s'arrêter aux termes employés mais de rechercher la commune intention des parties tout en restituant aux clauses de ce contrat leur exacte signification.
Dans cette perspective, la (ou les) convention(s) signées par la Société avec les sociétés d'autoroute ne répond(ent) pas à la situation d'un intermédiaire opaque au sens de la loi, quand bien même ce terme est expressément repris dans les conventions liant la première aux secondes.
Aux termes de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale (cette disposition reprend notamment les points 1, 2 et 3 de l'ancien article 273 octies du code général des impôts ; voir ci-après les 1°, 2° et 3° du second alinéa cité) :
Les sociétés et entreprises assujetties à la contribution sociale de solidarité sont tenues d'indiquer annuellement à l'organisme chargé du recouvrement de cette contribution le montant de leur chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées. De ce montant sont déduits, en outre, les droits ou taxes indirects et les taxes intérieures de consommation, versés par ces sociétés et entreprises, grevant les produits médicamenteux et de parfumerie, les boissons, ainsi que les produits pétroliers.
(...)
Pour les commissionnaires au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce qui s'entremettent dans une livraison de biens ou de services, l'assiette de la contribution est constituée par le montant de leur commission, sous réserve que les conditions suivantes soient simultanément remplies :
1° L'opération d'entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ;
2° Il est rendu compte au commettant du prix auquel l'intermédiaire a traité l'opération avec l'autre contractant ;
3° L'intermédiaire qui réalise ces opérations d'entremise doit agir en vertu d'un mandat préalable et ne jamais devenir propriétaire des biens ;
4° Les opérations ne sont pas réalisées par des personnes établies en France qui s'entremettent dans la livraison de biens ou l'exécution des services par des redevables qui n'ont pas établi dans l'Union européenne le siège de leur activité, un établissement stable, leur domicile ou leur résidence habituelle.
Dans le cas d'entremise à la vente, les commettants des intermédiaires auxquels les cinquième à neuvième alinéas s'appliquent majorent leur chiffre d'affaires du montant des commissions versées.
(...) (souligné par la cour)
L'article L. 132-1 du code de commerce se lit :
Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant.
Les devoirs et les droits du commissionnaire qui agit au nom d'un commettant sont déterminés par le titre XIII du livre III du code civil.
La cour doit tout d'abord observer que la rémunération de la Société, en tant qu'intermédiaire opaque, ne répond pas aux exigences des dispositions qui viennent d'être rappelées.
En effet, la commission prévue à l'article 8.1 de la convention 'ESCOTA' (ci-après, la 'Convention'), si elle est fixée à l'article 3 des conditions particulières annexées à la Convention, à savoir 0,4% hors taxes du montant hors taxes des prestations de péage facturées à la Société, englobe d'autres prestations. L'article 8.1 de la Convention prévoit expressément que, en particulier, la commission rémunère la 'garantie de paiement des prestations fournies par SHELL et du risque financier y afférent'.
La 'commission se trouve ainsi qualifiée de 'globale et forfaitaire'.
Ni le 'prix' ni la 'quantité' ne sont déterminés et la 'nature' des services fournis est, en réalité, indéterminée ou insuffisamment déterminée.
En outre, la convention entre les sociétés d'autoroute et la société SHELL prévoit expressément que la seule possibilité pour cette dernière de mettre en oeuvre la convention est de remettre à ses propres clients une carte s'apparentant à une carte bancaire (article 1 de la Convention).
Il importe peu, ici, que ces cartes puissent, ce qui est exact, servir à obtenir des produits pétroliers ou des services dans les stations services du groupe.
Ces cartes permettent le passage aux péages des autoroutes et, ce faisant constituent un moyen de paiement. Le compte bancaire du titulaire de la carte sera d'ailleurs débité du montant intégral du péage.
Dans le même temps, la Société demeure propriétaire de ces cartes (quelle que soit leur forme).
C'est la Société qui pourvoit elle-même à leur conception, en tout cas à leur acquisition, leur émission ou leur vente, leur mise à disposition, leur échange éventuel (à la suite d'une perte, d'un vol ou par l'effet d'un changement dans les fonctionnalités ou autres de la carte).
Bien plus, la Société se trouve subrogée dans les droits des sociétés d'autoroute et, en cas de difficulté (par exemple, dans l'hypothèse d'un compte bancaire insuffisamment provisionné, ou clôturé), c'est la Société qui devra supporter les conséquences de la défaillance du titulaire de la carte.
En d'autres termes, la Société participe directement à la réalisation de la prestation avec ses propres moyens d'exploitation. Elle est notamment chargée de la gestion des factures, ainsi que de leur paiement effectif.
C'est la Société qui assure tout l'aspect publicitaire et commercial de ce mode de paiement des péages.
C'est également elle qui supporte le risque financier, pas la société d'autoroutes.
Enfin, l'argument de la Société d'une 'double imposition' (ou 'double taxation') est dénué de tout fondement.
La Société n'apporte aucun élément de preuve à l'appui de cette affirmation.
D'une part, la C3S est une taxe assise sur le chiffre d'affaires et dès lors, par définition, qui trouve à s'appliquer à toutes les entreprises participant à un processus de fabrication, de production ou de distribution d'un bien ou d'un service.
D'autre part, comme le relève l'URSSAF, il ne peut y avoir double imposition que pour autant qu'il y ait identité de redevable, d'impôt et d'assiette, ce qui n'est à l'évidence pas le cas ici.
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les mises en demeure délivrées à la Société sont justifiées.
Le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens éventuellement encourus depuis le 1er janvier 2019.
La Société sera condamnée à payer à l'URSSAF une indemnité d'un montant de 2000euros, en cause d'appel, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande à cet égard.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 18 septembre 2018 (17-01174/N et 16-01735/N) en toutes ses dispositions ;
Condamne la société des pétroles SHELL aux dépens éventuellement encourus depuis le
1er janvier 2019 ;
Condamne la société des pétroles SHELL à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Provence-Alpes-Côte-d'Azur une indemnité d'un montant de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute la société des pétroles SHELL de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Morgane Baché, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,