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08/09/2020 | FRANCE | N°19/033181

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1a, 08 septembre 2020, 19/033181


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE
Code nac : 28Z

DU 08 SEPTEMBRE 2020

No RG 19/03318
No Portalis DBV3-V-B7D-TF3I

AFFAIRE :

T... Q...
C/
Consorts O...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 17/03637

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

-Me Claire RICARD
r>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur ...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

1ère chambre 1ère section

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE
Code nac : 28Z

DU 08 SEPTEMBRE 2020

No RG 19/03318
No Portalis DBV3-V-B7D-TF3I

AFFAIRE :

T... Q...
C/
Consorts O...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Mars 2019 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 17/03637

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :

à :

-la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES,

-Me Claire RICARD

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur T... Q...
[...]
[...]

représenté par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - No du dossier 1961719
Me Mélanie ERBER de la SCP COBLENCE AVOCATS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : D0072

APPELANT
****************

Madame A... O...
née le [...] à
de nationalité Française
[...]
[...]
[...]

Madame XW... O... veuve B...
née le [...] à
de nationalité Française
[...]
[...]
[...]

Madame S... O...
née le [...] à
de nationalité Française
[...]
[...]

représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - No du dossier 2190607
Me François HONNORAT de la SELARL MONTPENSIER, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0084

Madame L... Y... veuve O...
née le [...] à PARIS
de nationalité Française
[...]
[...]
[...]

Madame KF... O... épouse G...
[...]
[...]
[...]

Monsieur V... O...
[...]
[...]
[...]

représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - No du dossier 2190607
Me Jean VEIL de l'ASSOCIATION VEIL JOURDE, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : T06

Monsieur K..., E... RI...
né le [...] à PARIS
de nationalité Française
[...]
[...]

Madame X..., F... RI...
née le [...] à SAINT TROPEZ
de nationalité Française
[...]
[...]

représentés par Me Claire RICARD, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - No du dossier 2190607
Me Philippe g. LANGLOIS, avocat - barreau de PARIS, vestiaire : P0461

INTIMÉS
****************

Composition de la cour :

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.

Mme Anne LELIEVRE, Conseiller chargée du rapport, a rendu compte du dossier dans le délibéré de la cour à M. Alain PALAU et Mme Nathalie LAUER, Conseiller.

Les parties en ont été avisées par le greffe le 19 mai 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.
Vu le jugement rendu le 21 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- écarté les moyens d'irrecevabilité soulevés d'une part, par Mmes et M. O... et Mme et M. RI... et d'autre part, par M. Q...,
- déclaré Mmes et M. O... et Mme et M. RI... recevables en leurs demandes,
- déclaré M. Q... recevable en ses demandes,
- dit que l'aquarelle de R... W..., « Groupe d'Arbres », dessin à la mine de plomb et aquarelle sur papier blanc, 31,4 x 47,4 cm, déposée au sein de la National Gallery Of Canada sise à Ottawa dépend de la succession d'I... C...,
- dit en conséquence que cette œuvre est la propriété indivise d'une part, de Mmes et M. O..., venant aux droits de P... O..., seul héritier d'I... C... et d'autre part, de Mme et M. RI... , venant aux droits de N... RI... , lui-même seul héritier venant aux droits de M. et Mme RI... et de leur fils M..., légataires particuliers et à titre universels d'I... C... suivant testament olographe du 7 décembre 1911,
- dit que M. Q..., venant aux droits de H... Q..., ne dispose d'aucun droit de propriété sur l'oeuvre de R... W... conservée à titre précaire par la National Gallery Of Canada sise à Ottawa,
- rejeté la demande de dommages-intérêts de Mmes et M. O... et Mme et M. RI... pour abus de droit,
- rejeté toute autre demande des parties,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement,
- débouté Mmes et M. O... et Mme et M. RI... de leur demande tendant à être autorisés à se voir remettre dès à présent et nonobstant appel l'oeuvre de R... W..., à la vendre aux enchères publiques et à autoriser leur mandataire à conserver le produit net de la vente jusqu'à ce qu'intervienne une décision de justice passée en force de chose jugée quant à la propriété de cette aquarelle,
- condamné M. Q... aux dépens,
- condamné M. Q... à régler au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10 000 euros aux demandeurs à l'instance ;

Vu l'appel de ce jugement interjeté le 7 mai 2019 par M. T... Q... ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 2 janvier 2020 par lesquelles M. T... Q... demande à la cour de :

Vu ensemble,
Vu, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, les articles 1134, 1341 et 1353 du code civil,
Vu les articles 9, 12 et 122 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 21 mars 2019 en toutes ses dispositions, à l'exception de celle ayant déclaré M. T... Q... recevable en sa revendication de la propriété de l'aquarelle de R... W... intitulée « Groupe d'Arbres », répertoriée sous la référence 178a par le catalogue des œuvres du peintre établi par M. D... U...,

Statuant à nouveau,
- déclarer M. K... et Mme X... RI... irrecevables en leurs demandes, ou subsidiairement mal fondés et en conséquence les en débouter,
- débouter les consorts O... de leurs demandes,
- déclarer que l'œuvre susvisée de R... W... appartient indivisément aux consorts O... et à M. T... Q..., à hauteur d'un quart pour les premiers et des trois-quarts pour le second,
- condamner les consorts O... et RI... , pris ensemble, à payer à M. Q... la somme de 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl Lexavoué Paris-Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2019 par lesquelles Mmes A..., XW... et S... O..., Mme L... Y..., Mme KF... O..., M. V... O..., M. K... RI... et Mme X... RI... demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :
• dit que l'aquarelle de R... W..., « Groupe d'arbres », dessin à la mine de plomb et aquarelle sur papier blanc, 31,4 x 47,4 cm, déposée au sein de la National Gallery of Canada sise à Ottawa, dépend de la succession d'I... C...,

• dit en conséquence que cette œuvre est la propriété indivise, d'une part, de Mmes et M. O..., venant aux droits de P... O..., seul héritiers d'I... C... et d'autre part, de Mme et M. RI... , venant aux droits de N... RI... , lui-même seul héritier venant aux droits de M. et Mme RI... et de leur fils M..., légataires particuliers et à titre universels d'I... C... suivant testament olographe du 7 décembre 1911,
• dit que M. Q..., venant aux droits de H... Q..., ne dispose d'aucun droit de propriété sur l'œuvre de R... W... conservée à titre précaire par la National Gallery of Canada sise à Ottawa,
• condamné M. Q... aux dépens,
• condamné M. Q... à régler au titre de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 10 000 euros aux demandeurs à l'instance,

Et, ajoutant au jugement,
- condamner M. Q... aux dépens de l'appel,
- condamner M. Q... à régler, par application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 10 000 euros aux intimés au titre de leurs frais irrépétibles en cause d'appel ;

FAITS ET PROCÉDURE

I... C..., collectionneur, galériste et marchand d'art réputé , né le [...] à Saint-Denis (Ile de le Réunion) est décédé le [...] à Versailles.

En suite de son décès, un acte de notoriété a été reçu par M. QU... LI... , notaire à Paris (75), les 29 novembre et 8 décembre 1939 dont il résulte qu'il ne laisse aucun descendant mais uniquement des collatéraux privilégiés, soit ses frères et soeurs germains EJ..., PB..., RZ... et W... C... ainsi que, KZ... C..., sa nièce venant en représentation de son frère KZ... prédécédé, P... C....

I... C... avait organisé la dévolution de sa succession par testament olographe du 7 décembre 1911 selon lequel il a consenti divers legs portant sur des sommes d'argent ou sur des oeuvres d'art dépendant de sa collection personnelle, dont étaient bénéficiaires pour l'essentiel ses frères et soeurs, mais également M. et Mme RI... et leur fils M....

I... C... priait ses héritiers de ne vendre ses tableaux que peu a peu par au moins dix ventes, le tout dans un espace de six ans au moins et avait prévu au testament susvisé que les sommes produites en plus des legs seraient partagées entre les différents légataires proportionnellement à leurs legs. I... C... avait désigné en qualité d'exécuteurs testamentaires M... RI... ainsi que R... W..., le fils homonyme du peintre.

Par acte du 18 janvier 1940, reçu par le même notaire, en présence des deux exécuteurs testamentaires, EJ... C..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de mandataire de ses frère et soeurs, a consenti à la délivrance de ces legs notamment au profit des consorts RI... .

Aux termes d'un protocole d'accord des 12 et 18 janvier 1940 conclu entre les héritiers ab intestat et les consorts RI... , il avait été notamment convenu qu'après établissement d'un inventaire descriptif des oeuvres composant la succession du défunt, les deux tiers en seraient attribués aux consorts RI... et le tiers restant à la fratrie C.... Aux fins de mener à bien les opérations d'exécution de ce protocole, les parties signataires de cet acte ont chacune désigné un mandataire en qualité d'expert, H... Q... représentant ainsi les consorts C... et YY... IZ... représentant les consorts RI... .

Aux mois de mars et d'avril 1940, H... Q... a fait expédier un lot d'oeuvres vers les Etats-Unis depuis Lisbonne composé d'oeuvres de XK..., CQ..., W..., XU..., VZ..., UV... ou NZ..., chargé le [...] au Portugal à bord du [...], navire battant pavillon américain, à destination de la galerie [...] à New-York.

Au cours de la traversée, le navire [...] a été arraisonné par la marine de guerre britannique alors qu'il se trouvait dans les Bermudes et le lot d'oeuvres se trouvant à bord, au motif qu'il était susceptible de profiter à l'Allemagne dès lors que son expéditeur se trouvait en France, soit dans une zone occupée par l'ennemi, a été saisi par l'amirauté britannique, placée sous la garde de la Cour de L'Echiquier du Canada agissant comme Cour de l'amirauté, qui a confié la conservation des oeuvres saisies à la National Gallery d' Ottawa. Les oeuvres saisies ont ainsi été inscrites au registre de la Cour de L'Echiquier d'Ottawa le 7 novembre 1940.

A l'issue de la deuxième guerre mondiale, des procédures ont été diligentées par les consorts C... en France et au Royaume-Uni afin de leur voir restituer les oeuvres saisies et déposées au sein du musée d'Ottawa . Les consorts C... faisaient valoir que ces oeuvres dépendaient de la succession d'I... C.... H... Q... s'est opposé à la revendication des consorts C... au motif que le lot d'Ottawa lui appartenait pour provenir d'une vente à lui consentie par EJ... C... représentant l'hérédité C..., le 13 avril 1940, au prix de cinq millions de francs.

Les consorts C... se sont par la suite désistés de l'ensemble des actions judiciaires qu'ils avaient mises en oeuvre et ont conclu le 22 mars 1949 une convention avec H... Q..., laquelle prévoyait d'une part que certaines oeuvres précisément énumérées revenaient à H... Q... et d'autre part que le reste des oeuvres non énumérées serait réparti en quatre lots de valeur sensiblement égale, dont l'un, tiré au sort, serait attribué en pleine propriété à M. FP... NN... représentant RZ... et W... C..., les trois autres quarts restant la propriété personnelle de H... Q... qui faisait son affaire personnelle de remplir de leurs droits KZ... C... et PB... C....

De fait, suivant une seconde convention du 24 mars 1949, EJ... C..., FP... NN... ès qualités et H... Q... s'engageaient à remettre à KZ... C... la somme de 33 millions de francs.

Le 30 mai 1949, en exécution de la convention du 22 mars 1949 et d'une décision de la chambre des prises de la Cour de l'amirauté britannique, les oeuvres déposées à titre précaire au sein de la National Gallery of Ottawa ont été restituées d'une part à M. FP... NN..., en qualité de mandataire de RZ... et W... C... et d'autre part à H... Q....

Postérieurement, entre 1954 et 1966, les consorts C... ont eu plusieurs contacts avec la direction de la National Gallery of Ottawa concernant une toile constituée d'une aquarelle de R... W... représentant un groupe d'arbres qui avait été omise de la restitution des oeuvres ayant eu lieu le 30 mai 1949, sans qu'aucune suite concrète ne soit donnée à ces échanges.

Au cours de l'année 2013, à la suite de la publication dans un journal canadien d'un article consacré à cette oeuvre de R... W... oubliée dans les réserves du musée d'Ottawa, Mmes et M. O..., venant aux droits de P... O..., seul héritier d'I... C... et M. et Mme RI... , venant aux droits des époux RI... et de leur fils M... en qualité de légataires du défunt, ont à nouveau pris l'attache de la National Gallery of Ottawa aux fins de revendiquer la propriété de cette oeuvre et sa restitution, dès lors que le musée ne se reconnaissait titulaire d'aucun droit sur celle-ci.

Après avoir invité M. T... Q... en qualité d'ayant droit de H... Q... à prendre position quant à la propriété de cette oeuvre, la National Gallery of Ottawa a indiqué à Mmes et M. O... et M. et Mme RI... que celui-ci revendiquait concurremment un droit de propriété sur l'aquarelle.

C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 4 avril 2017, Mmes et M. O... et M. et Mme RI... ont fait assigner M. T... Q..., lui-même venant aux droits de H... Q... en qualité de légataire universel de son oncle, décédé en 1989, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de voir dire que l'oeuvre de R... W... conservée à titre précaire par la National Gallery of Ottawa, est la propriété exclusive de la succession d'I... C... et que M. Q... ne peut se prévaloir d'aucun droit sur cette aquarelle et ne justifie d'aucune qualité pour exercer sur cette oeuvre une revendication concurrente à la leur.

Le jugement déféré a dit que l'aquarelle de R... W..., "Groupe d'arbres", dépend de la succession d'I... C..., que cette oeuvre est la propriété indivise d'une part, de Mmes et M. O..., venant aux droits de P... O..., seul héritier d'I... C... et d'autre part, de Mme et M. RI... , venant aux droits de N... RI... , lui-même seul héritier venant aux droits de M. et Mme RI... et de leur fils M..., légataires particuliers et à titre universel d'I... C... suivant testament olographe du 7 décembre 1911, et dit que M. Q..., venant aux droits de H... Q..., ne dispose d'aucun droit de propriété sur l'oeuvre de R... W... conservée à titre précaire par la National Gallery Of Canada sise à Ottawa.

SUR CE , LA COUR,

Sur l'intérêt à agir de M. et Mme RI...

La déclaration d'appel de M. T... Q... porte notamment sur la disposition du jugement ayant écarté les moyens d'irrecevabilité soulevés par lui et déclaré les consorts O... et Mme RI... recevables en leurs demandes.

M. T... Q... sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, à l'exception de celle l'ayant déclaré recevable en sa revendication de propriété de l'aquarelle de R... W... intitulée "groupe d'arbres" répertoriée sous la référence 178a par le catalogue des oeuvres du peintre établi par M .D... U....

Pour autant, M. T... Q... n'invoque aucun moyen sérieux au soutien de cette demande.

Il n'est pas sérieusement contesté que l'oeuvre sur laquelle portent les demandes des parties appartenait à la collection et à la succession d'I... C.... En effet, le dos de l'aquarelle porte la mention "PH" accompagnée d'un chiffre, correspondant aux références qu'inscrivait I... C... sur toute oeuvre de sa collection afin de l'identifier au sein d'un fonds photographique raisonné. C'est cette référence qui figure au sein du catalogue raisonné de l'oeuvre de R... W..., établi par M. D... U..., qui mentionne qu'elle provient du fonds C....

Il en résulte que M. et Mme RI... , en leur qualité de légataires à titre universel d'I... C... ont un intérêt à agir, qui n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de leur action et doivent donc être déclarés recevables en leurs demandes.

Le jugement entrepris sera ainsi confirmé sur ce point.

Sur la provenance de l'oeuvre litigieuse, sur son sort au décès d'I... C... et sur la vente invoquée par M. T... Q...

Au soutien de son appel, M. T... Q... fait valoir que l'appartenance persistante de l'aquarelle à la succession d'I... C... repose sur des présomptions non fondées. S'il ne conteste pas que l'oeuvre ait appartenu à la collection du défunt, il estime que l'absence d'inventaire complet de l'actif successoral ne suffit pas à établir que l'oeuvre ait été comprise ou exclue du partage. Il rappelle, d'une part, que les héritiers d'I... C... ont toujours affirmé que l'oeuvre leur avait été attribuée lors du partage de la succession du défunt et, d'autre part, qu'une cession consentie le 13 avril 1940 par EJ... C... à H... Q... portait sur les oeuvres acquises lors dudit partage. Il souligne que l'absence d'inventaire annexé au reçu de ladite cession signifie uniquement que le périmètre de ladite cession est inconnu mais nullement que l'aquarelle ne faisait pas partie de cette cession. Il ajoute qu'il ne peut lui être reproché de ne pas produire un inventaire de la cession alors que les intimés produisent des documents établissant qu'un inventaire des oeuvres cédées a été dressé, sans pour autant le produire.

M. T... Q... précise qu'aucun élément n'établit que H... Q... aurait acquis le lot d'oeuvres par un autre moyen que la cession consentie par EJ... C... et que l'expédition organisée à l'initiative de H... Q... du lot d'Ottawa en juin 1940 est consécutive à ladite cession. Il en conclut que rien ne permet de considérer que l'oeuvre litigieuse, oubliée lors du tirage au sort des oeuvres expédiées à Ottawa en suite des deux conventions de 1949 conclues entre H... Q... et les héritiers C..., aurait échappé au partage de la succession d'I... C... quand toutes les autres oeuvres envoyées à Ottawa en 1940 puis tirées au sort en vertu desdites conventions, provenaient de la part successorale attribuée aux collatéraux privilégiés du défunt. Dès lors, M. T... Q... affirme que la seule présomption précise et concordante est celle selon laquelle l'oeuvre "Groupe d'arbres" a été attribuée aux héritiers d'I... C... lors des opérations de partage successoral. L'oeuvre n'appartient donc plus à la succession d'I... C... mais, sur le fondement des deux conventions de 1949, indivisément à Mmes et M. O... et à M. T... Q..., à hauteur d'un quart pour les premiers et des trois-quarts pour le second.

Les intimés répliquent que l'aquarelle provient de la collection d'I... C..., ce qui n'est pas contesté, et que rien ne permet d'établir qu'elle a été attribuée lors du partage de la succession du défunt. Ils exposent que l'inventaire descriptif des oeuvres de la collection n'a porté que sur les oeuvres les plus importantes la composant. Ils énoncent que le partage n'a pas été mené conformément à l'accord formalisé entre les héritiers et les légataires du défunt puisque les experts désignés par chaque partie, dont H... Q..., qui représentait les héritiers C..., n'ont pas dressé l'état descriptif de tous les dessins originaux, aquarelles, sanguines et peintures à l'huile de la succession. Dès lors, ils considèrent que la charge de la preuve que l'aquarelle litigieuse aurait été incluse dans le partage et attribuée aux héritiers C... repose sur l'appelant et que ce dernier échoue à la rapporter. Ils ajoutent encore que c'est à l'appelant d'établir que H... Q... a acquis la propriété de l'oeuvre litigieuse de EJ... C.... A ce titre, ils précisent que le seul élément de preuve produit par M. T... Q... est la copie d'un reçu, lequel indique qu'il porte sur la cession d'un lot de tableaux incluant des oeuvres de W... et qu'un inventaire a été dressé. Or, les intimés soulignent que l'appelant ne produit aucun inventaire et, ce faisant, n'établit pas que le reçu concerne les oeuvres conservées à Ottawa. Ils ne contestent pas que H... Q... se trouvait en possession de l'aquarelle lors de son expédition vers les Etats-Unis mais rappellent, d'une part, que l'inclusion de celle-ci dans les opérations de partage n'est pas établie et, d'autre part, que même si elle avait été attribuée aux héritiers C..., elle devait ensuite faire l'objet d'une répartition en nature entre ceux-ci, ce qui n'avait pu avoir lieu en 1940 du fait de l'éloignement des soeurs et de la nièce d'I... C.... Les intimés en concluent que l'éventuelle aliénation de l'oeuvre litigieuse leur est inopposable puisqu'ils n'y ont pas consenti. Ainsi, ils estiment que la possession de H... Q... était équivoque dès lors qu'aucune preuve d'une acquisition régulière et opposable de l'oeuvre n'est produite.

***

Il n'est pas contesté qu'I... C... fut le premier exposant de R... W... et son marchand attitré. I... C... avait entrepris, du vivant de l'artiste un catalogue illustré et raisonné des oeuvres du peintre se trouvant dans sa collection, ce qui avait donné lieu à la constitution d'un fonds photographique, les lettres "PH" portées au dos des oeuvres chargées sur le navire [...] témoignant de l'appartenance de ces oeuvres à ladite collection.

L'oeuvre litigieuse, répertoriée au catalogue raisonné des oeuvres de W..., repris par D... U... et publié en 1983 est désignée sous la référence 178 a. Elle est datée de 1890 et décrite ainsi :" MV... de plomb et aquarelle sur papier blanc légèrement décoloré là où la feuille était couverte d'un passe-partout". Ses dimensions sont de 31,3 x 47,3 cm et sa provenance est "I... C..., Paris. Propriétaire actuel inconnu".

Il est acquis par l'ensemble des parties que l'oeuvre litigieuse, oubliée dans les réserves de la National Gallery d'Ottawa, faisait partie de la collection d' I... C... lors de l'ouverture de sa succession.

Il s'avère que les héritiers et les légataires s'étaient mis d'accord, selon la convention passée entre eux les 12 et 18 janvier 1940, sur le fait qu'en raison de la situation née du fait de la guerre, les ventes envisagées par I... C... dans son testament, ne seraient pas effectuées par sa succession, toute initiative étant laissée à chacun des attributaires des oeuvres et objets compris dans son lot, en vertu du partage dont ils fixaient les modalités. Ils avaient prévu de faire établir un état descriptif par un ou plusieurs experts et décidé que le partage serait effectué d'accord avec EJ... C... ès nom et qualités et M.et Mme RI... , dans la proportion de deux tiers pour M. et Mme RI... ceux-ci faisant leur affaire personnelle de la répartition entre eux et un tiers à EJ... C... pour en faire personnellement la répartition entre les ayants- droit qu'il représentait.

Le partage de 1940 a ainsi été réalisé en nature, les parties ayant renoncé au vu des circonstances à organiser des ventes d'oeuvres dont le produit aurait été attribué sous la forme de la clause d'accroissement prévue au testament.

La convention conclue en janvier 1940 qui a eu pour objet d'interpréter le testament d'I... C... en ce qui concerne les bénéficiaires de la clause d'accroissement et ses modalités de calcul est devenue définitive par l'effet de la transaction intervenue entre les héritiers et les légataires le 4 août 1961, ainsi que l'a jugé la cour d'appel de Paris par arrêt irrévocable du 24 juin 2003, à l'encontre duquel le pourvoi formé a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation en date du 10 mai 2006.

Il résulte de l'arrêt susvisé qu'aux termes de la transaction conclue le 4 août 1961, les héritiers et les légataires ont fait diverses concessions réciproques et se sont engagés à ne plus élever aucune réclamation ou revendication de quelque nature ou pour quelque cause que ce soit, touchant à l'interprétation du testament, aux conditions et à l'exécution de la convention, au partage des tableaux qui s'en est suivie et à l'attribution définitive des deux tiers à M. et Mme RI... .

Il en résulte que les opérations de partage sur les oeuvres présentes au décès d'I... C..., hors oeuvre omise par inadvertance, ou par soustraction délibérée, avaient bien eu lieu, étant rappelé que les litiges nés par la suite, en dehors de la présente instance, ont porté sur des oeuvres qui avaient été déposées en 1939 dans des coffres, par des personnes tierces au présent litige, et qu'il s'est agi alors de procéder à un partage complémentaire en application de l'article 892 du code civil, dès lors qu'il était établi de manière certaine que le partage n'avait pu porter sur lesdites oeuvres dont les parties ignoraient l'existence en 1940 , laquelle ne leur a été révélée que dans les années 1970, suite à la disparition du détenteur des coffres.

En l'espèce, il doit être admis que l'oeuvre litigieuse, qui a été embarquée sur le navire [...], au même titre que les autres oeuvres saisies, dont il n'est pas prétendu par les intimés qu'elles leur avaient été dissimulées, lesdites oeuvres faisant l'objet de la convention d'Ottawa de 1949, faisait partie des opérations de partage.

Le fait qu'aucun inventaire exhaustif de l'ensemble des oeuvres présentes lors des opérations de partage, n'ait été établi, qui se justifie par les circonstances de la guerre et l'importance considérable en nombre des oeuvres dépendant de la succession d'I... C..., M. RI... ayant indiqué lors d'un témoignage fourni devant un commissaire de police en 1948, ainsi que mentionné dans les conclusions des intimés, que 3080 oeuvres n'avaient pu être inventoriées en 1939, est insuffisant à constituer la preuve de l'omission de l'oeuvre litigieuse dans le partage intervenu, aucune action en complément de partage ou en revendication n'ayant par la suite été exercée par les légataires depuis la fin de la guerre, sur l'ensemble des oeuvres saisies.

Il n'est pas non plus démontré que H... Q... se serait procuré les oeuvres qu'il a fait transporter sur le navire [...] et qui ont été saisies, dans des circonstances autres que celles d'une remise volontaire de la part de EJ... C..., qu'elles lui aient ou non été cédées. Il en résulte que lesdites oeuvres, au nombre desquelles figure l'oeuvre litigieuse de W..., avaient fait l'objet d'un partage, au profit de la fratrie C....

La question se pose alors de l'existence d'une vente au profit de H... Q... et de son objet, intervenue le 13 avril 1940 selon, M. T... Q..., son unique héritier, qui s'en prévaut en prétendant qu'elle a porté notamment sur l'oeuvre litigieuse, affirmant que EJ... C... agissant au nom des cohéritiers, la lui aurait cédée, avec d'autres oeuvres, au prix de 5 millions de francs.

Il incombe toutefois à M. T... Q... d'établir la réalité de la cession intervenue et le cas échéant, son étendue.

Si la pièce no11 des intimés qui correspond à la copie d'un reçu daté du 13 avril 1940, signé de EJ... C... selon lequel celui-ci reconnaît avoir reçu une somme de 5 millions de francs "pour la vente d'un lot de tableaux par W..., CQ..., XK..., NZ..., etc ", remis au Ministère des finances dans le cadre de l'enquête dont H... Q... a fait l'objet après la guerre, pourrait constituer une présomption de la vente d'oeuvres provenant de la succession d' I... C... , il n'est pas établi, faute de production de l'inventaire dressé et contresigné, dont l'existence est mentionnée sur ce reçu, que l'oeuvre litigieuse faisait partie du lot d'oeuvres vendu.

Comme cela a été relevé par les premiers juges, le seul fait que cette oeuvre soit au nombre de celles qui ont été chargées par H... Q... sur le navire [...] n'établit pas qu'elle était la propriété de son expéditeur. En effet, la possession de l'aquarelle par H... Q... est entachée d'équivoque, compte tenu des circonstances de guerre et de la saisie des oeuvres, ainsi que de l'enquête dont il a fait l'objet après la guerre. En outre, la convention d'Ottawa du 22 mars 1949 a notamment eu pour objet de répartir les oeuvres saisies, entre H... Q... et certains membres de la fratrie C..., en présence de EJ... C..., ce qui suppose que le premier a admis qu'il ne pouvait fournir la preuve que toutes les oeuvres saisies constituaient sa propriété, nonobstant la cession invoquée.

Il apparaît dans ces circonstances que M. T... Q... n'est pas fondé à revendiquer la propriété de l'oeuvre sur le fondement de la cession dont il se prévaut.

Sur la détermination du propriétaire de l'oeuvre et sur la portée de la convention du 22 mars 1949

Au soutien de son appel, M. T... Q... critique la décision entreprise en ce qu'elle a écarté l'oeuvre de l'application du protocole d'accord du 22 mars 1949 au motif qu'elle avait été omise des opérations de tirage au sort. Il rappelle le principe d'intangibilité des actes juridiques, auquel une présomption ne peut porter atteinte, a fortiori lorsque les termes de l'acte en question sont clairs et précis. Il fait valoir que les parties ont déterminé les conditions de la répartition de la propriété des tableaux d'Ottawa avant de procéder aux opérations de partage et que le principe de répartition 3/4-1/4 a été appliqué à un lot défini comme étant constitué de toutes les oeuvres entreposées au sein du musée canadien, à l'exception de celles limitativement énumérées comme revenant à H... Q.... Il en déduit que la convention englobe de manière claire et précise l'ensemble des oeuvres autres, sans les énumérer de manière exhaustive et que nonobstant l'oubli de l'oeuvre litigieuse lors des opérations de tirage au sort, cette dernière fait partie des tableaux d'Ottawa et doit être incluse dans l'objet de la convention. Il soutient également que les deux conventions de 1949 ne contiennent aucun inventaire, ce qui atteste que les parties s'étaient accordées pour se répartir, de manière aléatoire, un lot globalement déterminé mais dont le contenu n'était pas connu avec précision. Il considère que les premiers juges ont dénaturé l'acte concerné et méconnu la volonté des parties, dont l'accord n'était pas subordonné à l'établissement d'un inventaire des oeuvres, en excluant l'oeuvre oubliée de son périmètre. Il en déduit que la transaction d'Ottawa vaut titre de propriété de l'aquarelle « Groupe d'arbres » dans les conditions indiquées.

Il fait valoir que la transaction d'Ottawa doit produire effet dès lors que toute action en résiliation est prescrite, que l'on se place à la date de sa conclusion du 22 mars 1949 ou de la date de la connaissance par les consorts C... de l'oubli de l'oeuvre lors du tirage au sort, qu'il dit remonter au 19 mai 1966, compte tenu de la lettre adressée au conseil de l'hérédité C..., Me OJ... QL..., par le directeur du musée.

Il souligne qu'à supposer que l'on se place même à l'année 2013, correspondant à la date de sa propre revendication, le délai de prescription applicable à l'action en résiliation du protocole serait alors un délai de cinq ans issu de la réforme de la prescription intervenue en 2008, qui serait lui-même révolu. Il considère que la transaction a acquis un caractère irrévocable et que celle-ci interdit aux consorts O... de revendiquer la pleine propriété de l'oeuvre oubliée.

Il observe qu'il est impossible de déterminer, au cas où l'oeuvre aurait été tirée au sort à l'époque, de quel lot elle aurait fait partie et donc à qui, de la fratrie C... ou de H... Q..., elle aurait été attribuée.

Il en conclut que H... Q... a perdu 75% de chances de se voir attribuer l'oeuvre et la fratrie C..., 25% de chances d'aboutir à ce même résultat et que la seule conclusion compatible avec la logique et les termes du protocole de mars 1949 est de dire que l'oeuvre appartient indivisément à lui-même et aux consorts O... à hauteur respectivement de 75% et de 25%.

Il s'oppose à la revendication de M. et Mme RI... .

Il estime que l'absence d'inventaire successoral complet ne permet pas de conclure que l'oeuvre a été exclue du partage initial et ne peut leur permettre de revendiquer l'aquarelle, sans quoi cela leur permettrait de revendiquer aussi toutes les oeuvres qui ont été entreposées à Ottawa. Il souligne que lors du partage de la succession, les légataires ont renoncé à toute action visant à remettre en cause l'attribution dont ils ont bénéficié.

Il souligne qu'ils ne peuvent soutenir avoir accepté l'incertitude de la composition de l'actif successoral pour recevoir à l'époque leur part dans la succession et dire ensuite qu'ils ne l'acceptent plus, pour revendiquer la propriété de l'oeuvre.

Il ajoute que toute réclamation de la part de M. et Mme RI... visant à augmenter la part qu'ils ont reçue nécessite qu'ils apportent la preuve de ce que le legs reçu aurait été inférieur aux 2/3 de l'actif successoral, ce qu'ils ne font pas, rappelant qu'il résulte notamment d'un article du journal "Les échos" daté du 17 juillet 2009 consacré à I... C... qu'en 1949, les RI... possédaient encore 2559 oeuvres de la collection C..., de W... à AP....

Il oppose encore aux légataires d' I... C... l'acte transactionnel du 22 mars 1949 reconnaissant la propriété de H... Q... et donc de lui-même en sa qualité d'ayant-cause, sur les tableaux d'Ottawa.

En réplique, les consorts O... et M. et Mme RI... font valoir qu'à la suite du partage des oeuvres d'Ottawa par tirage au sort, les parties ont signé un document confirmant la répartition et le partage des oeuvres et leur donnant mutuellement délivrance, décharge et renoncement. Ils exposent que cet acte juridique, intangible, ne peut être remis en cause par aucune revendication, d'autant plus que rien ne permet de supposer que la composition des lots seraient demeurée identique si l'aquarelle litigieuse n'avait pas été oubliée. Dès lors, ils estiment que M. T... Q... invoque à tort la convention du 22 mars 1949 pour fonder les droits indivis qu'il revendique sur ladite aquarelle. Ils affirment en effet que les droits de propriété de H... Q... ne peuvent résulter que de l'allotissement consécutif au partage du 30 mai 1949, lequel doit être analysé comme un acte juridique intangible. Or, cet allotissement n'a pas inclus l'oeuvre litigieuse.

Ils objectent que M. T... Q... ne justifie pas de sa qualité de propriétaire de l'oeuvre. Ils énoncent qu'aucun élément n'établit que l'aquarelle se trouvait dans les lots attribués à H... Q... le 30 mai 1949. En revanche, ils font état de présomptions selon lesquelles l'oeuvre aurait bien été incluse dans les opérations de partage, arguant que W... et RZ... C... avaient contacté, en 1954, la National Gallery of Canada pour signaler l'omission d'une aquarelle de W... dans le lot qui leur était attribué. Leur héritière avait également, après elles, revendiqué la propriété de cette oeuvre et en avait demandé la restitution. Les intimés considèrent que l'oeuvre se trouvait incluse dans l'actif successoral, que M. T... Q... ne parvient pas à démontrer que H... Q... aurait acquis l'oeuvre d'une quelconque façon. Ils affirment que les consorts RI... ont conservé des droits indivis sur l'aquarelle. Ils en concluent que l'oeuvre est la propriété indivise de Mmes et M. O..., venant aux droits des héritiers d'I... C..., et de Mme et M. RI... , venant aux droits des légataires d'I... C....

***

Il a été précédemment relevé qu'il a été procédé au partage entre les héritiers C... et les légataires RI... en 1940. En 1961, ceux-ci se sont définitivement entendus sur l'interprétation du testament d'I... C.... Les héritiers et les légataires se sont engagés à ne plus élever aucune réclamation ou revendication de quelque nature ou pour quelque cause que ce soit touchant l'interprétation du testament, les conditions d'exécution de la convention, du partage des tableaux qui s'en est suivie et de l'attribution définitive des 2/3 à Mme RI... et à M... RI... . Ces derniers n'ont par la suite jamais revendiqué les oeuvres saisies sur le navire [...], que ce soit avant ou après le protocole d'accord conclu entre H... Q... et les héritiers, protocole d'accord qui a été exécuté, qu'ils n'ont pas remis en cause depuis 1949, ce dont il se déduit qu'ils avaient implicitement admis que les oeuvres ayant fait l'objet de la saisie, y compris l'aquarelle litigieuse de W..., avaient été attribuées lors du partage, aux héritiers C....

M. et Mme RI... ne démontrent pas que l'oeuvre de W..., aurait été soustraite de l'actif successoral et du partage, ni omise de celui-ci, ni qu'ils n'auraient pas été allotis au titre du partage, à hauteur des deux tiers, ainsi que cela avait été décidé par la convention conclue en janvier 1940 avec les héritiers, devenue irrévocable. Il s'en infère qu'ils ne démontrent pas leurs droits sur l'oeuvre revendiquée qui faisait partie du lot attribué aux héritiers et qu'ils doivent être déboutés de leurs demandes à ce titre.

La convention du 22 mars 1949, intervenu entre FP... NN... représentant RZ... et W... C... d'une part et H... Q... et EJ... C... agissant tant en son nom personnel qu'au nom de PB... C..., son frère, d'autre part, a eu pour objet de rapprocher les parties pour mettre fin aux difficultés les divisant. Cette convention a prévu d'une part le désistement des parties de diverses instances pendantes et de plaintes.

Aux termes de l'article 6 , EJ... C... et H... Q... ont abandonné toute propriété à FP... NN... ès qualités sur 8 tableaux limitativement énumérés, se trouvant à New York se composant d'un W..., " le paysan", d'un CQ..., " portrait d'I... C... e, toréador", d'un XK... "courses", d'un CQ... "Baigneuse couchée", d'un CQ... "Corsage vert", d'un W... " Paysage en hauteur", d'un NZ... "Nu rose", d'un NZ... " Evocation", étant spécifié que parmi les tableaux 2,3,4,5,6 seulement, il sera retiré un tableau lequel sera attribué en toute propriété à H... Q..., ledit tableau devant être tiré au sort.

Selon l'article VII de la convention "Sur les tableaux d'Ottawa, il sera prélevé les toiles et aquarelles qui sont la propriété personnelle de H... Q... ou de Mme H... Q... , qui se composent d'un lot de 21 aquarelles de FB... et les tableaux suivants : un CF..., un XU..., un DX..., un TX..., trois XK..., un NZ... bleu, trois CQ..., un NU...", ces objets devant être remis en pleine propriété à H... Q....

L'article VIII mentionne : " En dehors des tableaux et dessins visés à l'article VII, les autres tableaux, aquarelles, dessins, gouaches, livres etc... seront, d'accord entre Messieurs FP... NN... et H... Q... partagés en quatre lots de valeur sensiblement égale.

Un lot tiré au sort sera attribué en pleine propriété à M. FP... NN... ès qualités, les trois autres quarts restant la propriété personnelle de M. H... Q..., étant entendu que le retrait desdits tableaux ne pourra être effectué par aucune des parties avant que le tirage au sort ait été effectué."

Il était précisé à l'article IX que M. H... Q... "faisait son affaire personnelle de remplir de leurs droits Mademoiselle KZ... C... et M. PB... C...".

Il résulte de l'énonciation des termes de la convention et de l'articulation des articles VII et VIII entre eux que son objet portait notamment sur la totalité des tableaux saisis se trouvant en dépôt au musée d' Ottawa, et qu'à l'exception des oeuvres énumérées à l'article VII, l'intégralité des autres oeuvres, sous toutes leurs formes, devait être partagée entre H... Q... et FP... NN... ès qualités à raison de 3/4 pour le premier et d'un quart pour le second.

Les intimés affirment sans le démontrer qu'il existe des éléments de présomption en faveur d'un allotissement de l'oeuvre au profit de W... et de RZ... C.... Ils se prévalent de ce que ces dernières auraient repris contact avec la Galerie en 1954 pour signaler l'omission de l'aquarelle à l'issue des opérations conduites le 30 mai 1949.

Cependant la pièce sur laquelle ils se fondent, à savoir la pièce no38 ne constitue nullement la revendication annoncée mais correspond à un courrier du directeur de la Galerie adressé le 19 mai 1966 au département de la justice d'Ottawa qui fait état, sans autres précisions d'une revendication depuis 1954, sans que l'identité du revendiquant soit précisée. Le directeur de la Galerie indique que l'oeuvre a été accidentellement laissée de côté par les requérants de la succession d'I... C... lorsque la collection a été partagée en 1949.

Dans un courrier du 13 juin 1966 adressée en réponse aux demandes de précisions du département de la justice d'Ottawa, le directeur mentionne que dans l'esprit des collaborateurs expérimentés impliqués , sous entendu dans les opérations de partage, l'aquarelle a été recouverte par une pile de papiers d'emballages dans la pièce où le partage de la collection C... a été effectué. Le directeur se réfère ensuite à un inventaire établi en décembre 1940 en présence d'un officiel de la Cour de l'Echiquier.

Son courrier se limite donc à confirmer que l'oeuvre litigieuse faisait partie des oeuvres saisies de la collection C..., sans éclairer en quoi que ce soit sur le fait qu'elle aurait été incluse dans le partage effectué en 1949.

Cette circonstance est confortée par les termes de l'attestation de M.OJ... QL... avocat inscrit au Barreau de la province de Québec, qui indique avoir représenté Mmes W... et RZ... C... et FP... NN... lors de l'exécution de la convention de partage au printemps de l'année 1949. Il expose que H... Q... et FP... NN... ont procédé au déballage des caisses de peintures, dessins, livres et autres objets, et ont choisi et partagé les peintures et objets d'art entre eux. Le témoin indique qu'il était présent lorsque les caisses ont été délivrées et lorsque le partage a été fait d'un commun accord entre H... Q... et FP... NN.... Il précise notamment que le partage et l'adjudication ont pris un jour entier et que H... Q... et FP... NN... ont chacun emporté les tableaux qui leur avaient été adjugés en se donnant respectivement délivrance, décharge et renoncement.

Le témoin n'évoque pas la trace d'un écrit énumérant les oeuvres constituant les quatre lots composés avant le partage ni celle du lot tiré au sort.

Rien ne permet donc d'affirmer que l'oeuvre litigieuse avait été incluse dans l'un des lots, que ce soit celui tiré au sort au profit d' FP... NN... ès qualités ou dans l'un des trois lots restants, revenant à H... Q....

Il ne peut qu'être retenu que la convention portait sur l'ensemble des oeuvres déposées au musée d'Ottawa dont l'oeuvre querellée faisait partie et que ce n'est que par suite de son oubli matériel, en raison de circonstances inexpliquées mais indépendantes de la volonté des parties à la convention que celle-ci n'a en définitive, pas été incluse dans la composition des lots et a échappé au partage prévu dans les conditions de l'article VII de la convention.

Aucune des parties ne remet en cause le tirage au sort qui a été effectué sur les quatre lots composés des oeuvres présentes à Ottawa et du partage final qui en est résulté selon les proportions fixées entre les signataires de la convention.

La proportion du partage prévu à la convention doit s'appliquer à l'oeuvre litigieuse omise, puisque d'une part il ne peut être procédé à un nouveau tirage au sort, 71 ans après que le partage a été exécuté, les oeuvres figurant dans les lots composés n'étant pas énumérées et s'étant dispersées depuis, et que d'autre part, l'aquarelle en question, si elle avait été incluse dans un lot, aurait augmenté la valeur de l'ensemble des lots de manière égale, puisque les lots auraient été composés quelque peu différemment. Quelle que soit l'incidence du tirage au sort, la part d'FP... NN... aurait été augmentée d'un quart de la valeur de l'oeuvre et celle de H... Q... de 3/4.

Il convient par conséquent, en application de la convention du 22 mars 1949, de dire que M. T... Q... d'une part et les consorts O... d'autre part, disposent de droits indivis sur l'oeuvre de W... se trouvant entre les mains de la National Gallery d'Ottawa, respectivement à hauteur de trois quarts et d'un quart.

Sur les dépens et sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Compte tenu de la solution apportée au litige, il convient de dire que les parties conserveront la charge de leurs dépens respectifs.

Il n' y a pas lieu de faire droit aux demandes présentées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a déclaré recevables M. et Mme RI... en leurs demandes,

L'INFIRME en ses autres dispositions critiquées,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement entrepris,

DIT que l'aquarelle de R... W... intitulée " Groupe d'arbres " correspondant à un dessin à la mine de plomb et aquarelle sur papier blanc, 31,4 x 47,4 cm, déposée au sein de la National Gallery Of Canada sise à Ottawa répertoriée sous la référence 178 a par le catalogue des oeuvres du peintre établi par M. D... U... appartient indivisément à Mme A... O..., Mme XW... O... veuve B..., Mme S... O..., Mme L... Y... veuve O..., Mme KF... O... épouse G... et M. V... O... d'une part et à M. T... Q... d'autre part, à hauteur d'un quart pour les premiers et de trois quarts pour le second,

REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel,

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1a
Numéro d'arrêt : 19/033181
Date de la décision : 08/09/2020
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

Arrêt rendu le 30 septembre 2020 par la 1ère chambre 1ère section de la Cour d’appel de Versailles RG 19/03318 Succession et libéralité, liquidation partage successoral, partage successoral, œuvre d’art, aquarelle, action en revendication, rejet, possession revendiquée par le demandeur, possession entachée d'équivoque (oui), impossibilité pour le demandeur de fournir la preuve de la propriété des œuvres saisies, convention de 1949, objet, répartition des œuvres saisies. Succession et libéralité, succession, partage successoral, œuvre d’art, aquarelle, convention sur l'ensemble des œuvres déposées au musée, oubli matériel d’une aquarelle, circonstances inexpliquées et indépendantes de la volonté des parties à la convention, œuvre omise du partage, droits indivis des parties à la convention (oui), détermination du montant des droits indivis. La cour retient que le fait que l'œuvre d’art litigieuse soit au nombre de celles qui ont été chargées sur le navire à la demande de l’expert, représentant, lors du partage, des héritiers légaux du défunt, n'établit pas qu'elle était la propriété de son expéditeur qui prétendait avoir acquis une partie des œuvres auprès des héritiers. La cour considère que la possession de l'aquarelle par l’expéditeur est entachée d'équivoque, compte tenu des circonstances de guerre et de la saisie des œuvres, ainsi que de l'enquête faite après la guerre. En outre, la convention d'Ottawa du 22 mars 1949 a notamment eu pour objet de répartir les œuvres saisies, entre l’expert et certains membres d’une fratrie, ce qui suppose que le premier a admis qu'il ne pouvait fournir la preuve que toutes les œuvres saisies constituaient sa propriété, nonobstant la cession invoquée. Pour ces raisons, le demandeur n'est pas fondé à revendiquer la propriété de l'œuvre sur le fondement de la cession dont il se prévaut. Sur la détermination du montant des droits indivis, la Cour rappelle que la convention portait sur l'ensemble des œuvres déposées au muséedont l'aquarelle querellée faisait partie. Ce n'est que par suite de son oubli matériel, en raison de circonstances inexpliquées mais indépendantes de la volonté des parties à la convention que celle-ci n'a en définitive, pas été incluse dans la composition des lots et a échappé au partage. La Cour estime qu’aucune des parties ne remet en cause le tirage au sort qui a été effectué sur les quatre lots composés des œuvres présentes et du partage final qui en est résulté selon les proportions fixées entre les signataires de la convention. La proportion du partage prévu à la convention doit s'appliquer à l'œuvre litigieuse omise, puisque d'une part, il ne peut être procédé à un nouveau tirage au sort, 71 ans après que le partage a été exécuté, et, d'autre part, que l'aquarelle en question aurait augmenté la valeur de l'ensemble des lots de manière égale, puisque les lots auraient été composés quelque peu différemment.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2020-09-08;19.033181 ?
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