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02/07/2020 | FRANCE | N°18/03178

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 02 juillet 2020, 18/03178


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 89E

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 02 JUILLET 2020



N° RG 18/03178



N° Portalis DBV3-V-B7C-SRCW



AFFAIRE :



Société FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE (anciennement SA GUNNEBO FRANCE)



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Soc

iale de VERSAILLES

N° RG : 14-00884



Copies exécutoires délivrées à :



la AARPI Carneiro & Coutier Avocats



la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



Société FICHET SECURIT...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89E

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 02 JUILLET 2020

N° RG 18/03178

N° Portalis DBV3-V-B7C-SRCW

AFFAIRE :

Société FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE (anciennement SA GUNNEBO FRANCE)

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 14-00884

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI Carneiro & Coutier Avocats

la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

Société FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE (anciennement SA GUNNEBO FRANCE)

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DEUX JUILLET DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 25 Juin 2020, puis prorogé au 2 juillet, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Société FICHET SECURITY SOLUTIONS FRANCE (anciennement SA GUNNEBO FRANCE)

[Adresse 3]

[Adresse 3]

représentée par Me Karine MUZEAU-COUTIER de l'AARPI Carneiro & Coutier Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0109

APPELANTE

****************

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1901

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 04 Juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice président placée,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

FAITS ET PROCÉDURE

[B] [P] a été embauché par la société Fichet Bauche SA, devenue Gunnebo France et aujourd'hui Fichet Security Solutions France (ci-après, la 'Société') à compter du

1er novembre 1971 en qualité d'ouvrier d'entretien.

Entre 1973 et 1975, [B] [P] a effectué son service militaire.

Après son retour au sein de la Société en novembre 1975, il a occupé successivement différents postes:

- de 1975 à 1978: ouvrier d'entretien  ;
- de 1978 à 1988: ajusteur  ;
- de 1989 à 1995: maintenance chez les clients  ;
- de 1995 à juillet 2010: technicien service après-vente  ;
- à partir de juillet 2010 : technicien atelier.

Le 8 juillet 2013, [B] [P] a déclaré une maladie professionnelle auprès de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne (ci-après, la CPAM ou la caisse) au titre d'un « carcinome bronchique primitif » suivant certificat médical initial en date du 18 avril 2013 faisant état d'un 'carcinome bronchique primitif avec localisations secondaires pleurales. Tableau 30 bis (amiante)', la première constatation médicale datant du 4 octobre 2012.

[B] [P] a également transmis un certificat médical émanant du Professeur [K] [U], du service pneumologie et pathologie professionnelle du Centre hospitalier intercommunal de [Localité 4] faisant état d'un lien vraisemblable entre l'adénocarcinome bronchique primitif et l'exposition professionnelle à l'amiante.

Par courrier en date du 24 juillet 2013, la CPAM a transmis à la Société cette déclaration de maladie professionnelle.

Aux termes de ce courrier, la caisse précisait que la déclaration de maladie professionnelle lui était parvenue le 10 juillet 2013 et lui indiquait que l'instruction était en cours et que la décision devrait être prise dans un délai de 3 mois à compter de cette date.

La CPAM demandait à la Société de transmettre un double de la déclaration de maladie professionnelle au médecin du travail et de lui communiquer les coordonnées de ce dernier.

[B] [P] est décédé des suites de la maladie le [Date décès 2] 2013.

La CPAM aurait informé la Société, qui le conteste, de la nécessité d'un délai complémentaire d'instruction par courrier du 27 septembre 2013.

Par mail du 2 octobre 2013, l'enquêtrice auprès de la CPAM interrogeait la Société sur les postes occupés par [B] [P] au cours de sa carrière au sein de la Société et lui demandait la communication d'éléments.

La Société a apporté une réponse à la caisse le 25 novembre 2013 précisant que 'selon les éléments en [notre] possession, il n'apparaît pas que [B] [P] ait exercé des fonctions entraînant une éventuelle exposition à l'amiante (...)'.

Le 29 novembre 2013, la caisse a informé la Société de la fin de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces consultatives du dossier préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie qui devait intervenir le 19 décembre 2013.

Le 12 décembre 2013, la Société a sollicité la communication des pièces du dossier d'[B] [P].

La CPAM a transmis des éléments à la Société par télécopie dès le lendemain, le 13 décembre 2013.

Le 20 décembre 2013, la CPAM informait la Société de la prise en charge de la maladie 'cancer broncho-pulmonaire primitif' inscrite dans le tableau n° 30 bis des maladies professionnelles au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 5 mars 2014, la CPAM informait la Société qu'une modification était intervenue dans le dossier d'[B] [P] et faisait référence à une maladie professionnelle du 13 juin 2012.

Mme [P] a en effet formé un recours devant la commission de recours amiable pour régulariser le point de départ de la maladie professionnelle de son époux, la commission ayant finalement fixé ce point de départ au 13 juin 2012 suite à un avis favorable du médecin conseil.

Par requête en date du 7 avril, puis relance du 13 mai 2014, la Société a saisi la commission de recours amiable de la CPAM (ci-après, la 'CRA') aux fins de contester la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie d'[B] [P].

En l'absence de décision de la CRA dans le délai légal, la Société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (ci-après, le 'TASS') par courrier du 2 juin 2014.

Parallèlement, par courrier en date du 25 mars 2014, la CPAM a informé la Société du décès d'[B] [P] et qu'elle devait se prononcer sur l'imputabilité de ce décès à la maladie du 13 juin 2012.

Par courrier du 4 avril 2014, la CPAM a informé la Société de la fin de l'instruction et de sa possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la décision sur le caractère professionnel du décès devant intervenir le 24 avril 2014.

La Société a sollicité la transmission des pièces du dossier par télécopie du 11 avril 2014.

La CPAM n'aurait pas transmis ces éléments à la société.

Par courrier du 24 avril 2014, la CPAM a notifié à la Société sa décision de prise en charge du décès d'[B] [P] au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par courrier du 23 juin 2014, la Société a contesté le caractère professionnel du décès d'[B] [P] devant la CRA.

En l'absence de décision explicite de la CRA, la Société a saisi une nouvelle fois le TASS, par requête du 25 septembre 2014.

Le tribunal a décidé de joindre les deux dossiers sous le numéro 14-00884.

Par jugement contradictoire en date du 5 juin 2018, le TASS  :

- déclare opposable à la Société GUNNEBO FRANCE la prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de l'affection déclarée le 8 juillet 2013 par Monsieur [B] [P]  ;
- déclare opposable à la Société GUNNEBO FRANCE la prise en charge au titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne du décès de Monsieur [B] [P] survenu le [Date décès 2] 2013  ;
- condamne la Société GUNNEBO FRANCE à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile (...).

Pour l'essentiel, le TASS a constaté que les conditions du tableau 30 bis étaient bien remplies, et qu'il importait peu que cette exposition au risque ait été modérée pendant certaines périodes, et que les conséquences de cette exposition n'aient pas été constatées par le médecin du travail compte tenu du caractère volatile du produit et de ses effets souvent différés.

Le tribunal a considéré que la maladie et le décès d'[B] [P] relevaient de la législation sur les maladies professionnelles, que la CPAM avait bien rempli son obligation d'information auprès de l'employeur et que les décisions de la caisse devaient être déclarées opposables à la Société tant en ce qui concerne la maladie professionnelle que le décès d'[B] [P].

La Société a interjeté appel de ce jugement en date du 3 juillet 2018.

Par conclusions déposées à l'audience et soutenues oralement, la Société demande à la cour de :

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles le 5 juin 2018  ;

Et statuant de nouveau
- dire et juger que l'affection déclarée par Monsieur [B] [P] le 8 juillet 2013 et son décès intervenu le [Date décès 2] 2013 ne présentent pas un caractère professionnel  ;

En tout état de cause
- déclarer inopposable à la société Fichet Securité solutions France les décisions de la CPAM de prendre en charge la maladie et le décès de M. [B] [P] au titre de la législation relative aux risques professionnels  ;

En conséquence
- dire et juger que la maladie et le décès de Monsieur [B] [P] ne doivent pas être inscrits sur le compte employeur de la société Fichet Security Solutions France ;

- condamner la CPAM du Val de Marne à payer à la Société Fichet Security Solutions France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions déposées à l'audience et soutenues oralement, la CPAM demande à la cour de:

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 5 juin 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles ;
- débouter la société Fichet Security Solutions France de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Fichet Security Solutions France à payer à la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie pour plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues oralement.

MOTIFS

Sur l'opposabilité des décisions de la CPAM

La Société considère que la CPAM ne lui aurait pas transmis l'intégralité du dossier d'[B] [P] en violation du principe du contradictoire de la procédure d'instruction, ce qui rendrait inopposables les décisions de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie et du décès de ce dernier.

Plus précisément, la société invoque l'absence des éléments suivants:

- avis de la CRAM ;

- avis ou conclusion administrative du médecin du travail ;

- rapport de l'inspecteur du travail ;

- avis du médecin conseil ;

- conclusions du médecin agréé ;

- avis d'un pneumologue mandaté par le médecin conseil ;

- rapport ou avis de l'ingénieur conseil de la CRAMIF ;

- synthèse de l'enquête administrative.

Elle soutient également que la caisse ne rapporterait pas la preuve de l'envoi et de la réception de la société du courrier de la CPAM du 27 septembre 2013 aux termes duquel elle informerait la société de la prolongation de l'examen de la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie de M. [P].

La Société indique qu'un courrier de la caisse du 5 mars 2014 l'informerait d'une maladie professionnelle du 13 juin 2012 alors qu'elle n'aurait jamais été informée d'une maladie dont le point de départ serait le 13 juin 2012 et qu'elle ne disposerait pas du certificat médical initial afférent à cette maladie.

La Société n'a donc pas été en mesure de vérifier si ce certificat médical faisait état de la même maladie à savoir un 'carcinome bronchique primitif'.

La Société sollicite donc l'infirmation du jugement et que la cour déclare inopposable la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle d'[B] [P].

En ce qui concerne le décès d'[B] [P], la Société considère qu'aucun avis médical établissant un lien entre la maladie déclarée par ce dernier et son décès ne lui a été transmis.

Par ailleurs, la Société considère que le délai d'instruction par la caisse de la demande de reconnaissance du caractère professionnel du décès d'[B] [P] était particulièrement court et ne lui a pas permis de faire valoir ses observations.

La Société précise également que la CPAM ne lui a pas transmis les pièces du dossier en dépit de sa demande.

La Société sollicite donc l'infirmation du jugement et demande à la cour de déclarer inopposables les décisions de prise en charge de la maladie et du décès d'[B] [P].

La CPAM quant à elle, considère avoir rempli ses obligations d'information à l'égard de la Société.

Elle soutient que l'avis du médecin du travail et le rapport de l'inspecteur du travail ne sont versés aux dossiers que dans le cas de la saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (ci-après CRRMP) ou si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste des travaux contenues dans un tableau des maladies professionnelles ne sont pas remplies.

La caisse souligne que seule la condition d'exposition au risque est contestée par la Société or elle considère qu'il a été démontré qu'au cours de son activité au sein de la société, [B] [P] était amené à effectuer des travaux d'entretien et de maintenance sur des coffres-forts contenant de l'amiante.

La CPAM considère que les pièces du dossier permettant de déterminer que l'origine professionnelle de la maladie pouvait être reconnue par présomption, sans qu'il soit nécessaire de recueillir l'avis du CRRMP, elle n'avait donc pas à communiquer l'avis du médecin du travail et le rapport de l'inspecteur du travail.

En ce qui concerne la sollicitation de l'avis d'un pneumologue mandaté par le médecin conseil, la caisse précise que conformément aux dispositions de l'article D.461-8 du code de la sécurité sociale, le recours à l'avis d'un médecin spécialiste ou compétent en pneumologie n'est pas une obligation pour elle.

En outre, elle indique que le dossier d'[B] [P] contenait l'avis d'un pneumologue, le professeur [U].

La CPAM considère que la désignation de la maladie ne faisant aucun doute, l'avis d'un pneumologue désigné par le médecin conseil de la caisse n'était donc pas nécessaire.

Elle rappelle qu'en tout état de cause, un pneumologue ne peut pas se prononcer sur le caractère professionnel de l'affection dans la mesure où seul un CRRMP pourrait se prononcer sur le lien de causalité entre la pathologie et le travail de l'assuré.

La CPAM rappelle que l'ingénieur conseil auprès de la CRAMIF a été consulté dans le cadre de l'enquête diligentée par la caisse et qu'il a précisé que l'amiante était un matériau constituant des coffres-forts dans les années 60 à 80 environ et que la Société avait mis en place en 2004 des procédures pour le perçage et le tronçonnage des coffres-forts contenant de l'amiante, une liste des coffres-forts concernés ayant été diffusée aux salariés.

La caisse indique que la seule obligation qui pèse sur elle, en application des articles R. 441-11 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale, est d'adresser à l'employeur une lettre l'informant de la fin de l'instruction du dossier, de la date de la décision à intervenir et de la possibilité de venir consulter sur place les pièces du dossier.

Elle souligne qu'elle a communiqué à la Société les pièces du dossier par télécopie et que si cette dernière ne s'estimait pas assez informée, il lui appartenait de se déplacer pour une plus ample consultation du dossier.

Elle considère donc avoir respecté ses obligations à l'égard de l'employeur.

Concernant la date de la maladie professionnelle, la caisse indique que la première constatation médicale de l'affection peut être antérieure à la date de déclaration et à la date de rédaction du certificat médical initial.

Elle soutient que la date de première constatation médicale d'une maladie professionnelle peut être fixée par le médecin conseil à partir de l'examen du dossier médical de la victime et qu'en l'espèce si le certificat médical initial est daté du 18 avril 2013, date retenue comme la 'date administrative' de la pathologie, [B] [P] était toutefois reconnu atteint d'une affection de longue durée au titre de son carcinome depuis le 13 juin 2012.

Le médecin conseil de la caisse a donc retenu cette date comme point de départ de la maladie professionnelle, ce qui selon la caisse ressort de la synthèse de l'enquête administrative.

La caisse cite une jurisprudence aux termes de laquelle la pièce caractérisant la première constatation médicale d'une maladie professionnelle, dont la date est antérieure à celle du certificat médical initial, ne figure pas parmi les documents constituant le dossier qui doit être mis à la disposition de l'employeur et que les éléments de diagnostic n'ont pas à figurer dans les pièces du dossier.

La CPAM considère donc avoir respecté ses obligations.

La caisse souligne que la Société ne justifie pas d'un intérêt à agir sur ce point dès lors qu'elle ne prouve pas l'impact financier d'une telle modification.

La CPAM sollicite donc la confirmation du jugement.

En ce qui concerne l'opposabilité de la décision de prise en charge du décès d'[B] [P] au titre des risques professionnels, la caisse soutient avoir respecté le principe du contradictoire.

Elle soutient avoir fait part à la Société, par lettre du 25 mars 2014, de la réception d'un certificat médical de décès concernant [B] [P] et qu'elle l'a informée qu'une instruction était en cours, celle-ci consistant à solliciter l'avis médical pour se prononcer sur l'imputabilité du décès de la maladie dont souffrait ce dernier.

La caisse indique avoir informé la Société de la clôture de l'instruction et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier par courrier du 4 avril 2014 et qu'elle lui a notifié la prise en charge du décès au titre des risques professionnels le 24 avril 2014.

Elle considère donc avoir respecté ses obligations.

En ce qui concerne l'absence de transmission des pièces du dossier à l'employeur, la caisse rappelle que sa seule obligation est d'adresser à l'employeur une lettre l'informant de la fin de l'instruction du dossier, de la date de la décision à intervenir et de la possibilité de venir consulter sur place les pièces du dossier.

Elle sollicite donc la confirmation du jugement.

Sur ce

Il convient de rappeler que les rapports entre un assuré et une caisse primaire d'assurance maladie sont indépendants des rapports entre l'employeur de cet assuré et la caisse.

Aux termes de l'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur en 2014 :

Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre  ;

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire  ;

2°) les divers certificats médicaux  ;

3°) les constats faits par la caisse primaire  ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties  ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale  ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.(...).

L'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale évoqué par la Société ne peut trouver à s'appliquer au cas d'espèce dans la mesure où comme l'ont retenu les premiers juges et ainsi que l'indique la CPAM, celui-ci mentionne les pièces transmises au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qui, en l'espèce, n'avait pas à être saisi s'agissant d'une maladie figurant dans l'un des tableaux des maladies professionnelles.

Il ne peut donc être reproché à la caisse de ne pas avoir communiqué à la Société le rapport de l'inspection du travail et l'avis du médecin du travail.

En ce qui concerne le recours à l'avis d'un médecin spécialiste mandaté par le médecin conseil du service du contrôle médical de la caisse, la cour rappelle qu'il s'agit d'une possibilité de la caisse et non pas d'une obligation.

En outre, il est établi et non contesté que le dossier d'[B] [P] contenait un certificat médical émanant du professeur [K] [U], du service pneumologie et pathologie professionnelle du centre hospitalier intercommunal de [Localité 4], désignant clairement la maladie d'[B] [P] 'adénocarcinome bronchique primitif' dans un contexte 'd'exposition professionnelle antérieure à l'amiante'.

En tout état de cause, la cour rappelle qu'il appartenait à la Société, si elle ne se considérait pas suffisamment informée, de se déplacer pour consulter le dossier d'[B] [P], étant précisé que la caisse a transmis les pièces constitutives du dossier par télécopie du 13 décembre 2013 pour répondre à la demande de la Société.

La cour fait d'ailleurs remarquer que la Société ne peut prétendre que la synthèse de l'enquête administrative ne lui aurait pas été adressée alors même qu'elle figurait parmi les pièces transmises par télécopie en date du 13 décembre 2013 et communiquée par la Société elle-même dans le cadre de la présente instance.

En outre, la cour constate que la télécopie transmise par la CPAM contenait 11 pages au total mais que le document versé aux débats par la Société n'en contient que 9 sur les 11.

En ce qui concerne l'avis de l'ingénieur conseil auprès de la CRAMIF, celui-ci apparaît bien avoir été consulté dans le cadre de l'enquête diligentée par la caisse, étant précisé que cette dernière n'a pas l'obligation de communiquer son rapport à l'employeur.

Il est donc établi que les pièces du dossier d'[B] [P] mentionnées par les dispositions précitées ont bien été transmises à la Société, qui ne peut dès lors reprocher un défaut d'information de la caisse.

En ce qui concerne la date de la première constatation médicale, il est de principe que celle-ci peut être antérieure à la date de la déclaration de la maladie professionnelle et à la date de rédaction du certificat médical initial et que celle-ci peut être fixée par le médecin conseil à partir de l'examen du dossier médical de l'intéressé.

En l'espèce il est établi que l'épouse d'[B] [P] a formé un recours devant la commission de recours amiable pour régulariser le point de départ de la maladie professionnelle de son époux, la commission ayant finalement fixé le point de départ de la maladie professionnelle d'[B] [P] au 13 juin 2012, suite à un avis favorable du médecin conseil.

La cour précise que les éléments médicaux ayant conduit au diagnostic n'ont pas à figurer dans le dossier consultable par l'employeur.

Aux termes de l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l'époque des faits:

La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

L'article R. 441-14 se lit quant à lui :

Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

La Société considère qu'elle n'aurait pas reçu le courrier de la caisse l'informant du délai complémentaire d'instruction.

Elle indique également que ce moyen n'aurait pas été examiné par le tribunal.

La caisse n'apporte aucune explication sur cet argument.

La caisse ne contestant pas le fait que la Société ait soulevé ce moyen en première instance et qu'il n'aurait pas été examiné par le tribunal, il appartient donc à la Cour d'y répondre.

Dans le cas présent, il est constant que la caisse a réceptionné la déclaration de maladie professionnelle d'[B] [P] le 10 juillet 2013, comme en atteste son courrier du 24 juillet 2013.

Sa décision devait donc intervenir au plus tard le 10 octobre 2013, sauf pour la caisse à informer les parties de la nécessité de recourir à un délai complémentaire.

Il ne peut être contesté que la caisse a effectivement eu besoin d'un délai supplémentaire, puisqu'elle soutient en avoir informé la Société par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2013.

Cela résulte en outre du fait que la déclaration de maladie professionnelle a été reçue par ses services le 10 juillet 2013 et qu'elle n'a pris sa décision que le 20 décembre 2013, soit plus de trois mois plus tard.

Or, pour justifier avoir adressé à l'employeur un courrier l'informant du recours au délai complémentaire, la caisse ne fournit qu'une impression de la copie d'une lettre datée du 27 septembre 2013 notifiant la nécessité de recourir à un délai complémentaire d'instruction.

Si aucun élément ne permet de douter de la réalité de ce courrier, force est de constater que la caisse n'est pas en mesure de rapporter la preuve de son expédition effective, ni a fortiori de la date de sa réception ou de sa mise à la disposition de l'employeur avant la date d'expiration prévue à l'article ci-dessus rappelé soit avant le 10 octobre 2013.

La cour considère donc que la caisse, qui ne justifie pas avoir avisé la Société, préalablement au 10 octobre 2013, de la prolongation de l'instruction, a manqué à son obligation d'information et à celle d'instruire de manière loyale et contradictoire la procédure de reconnaissance de la maladie professionnelle.

Dès lors, la décision de la caisse de prendre en charge la pathologie d'[B] [P] au titre du risque professionnel ne peut qu'être déclarée inopposable à la Société, sans que la cour n'ait à statuer sur le caractère professionnel de cette maladie.

Le jugement est infirmé sur ce point.

La cour ayant jugé que la reconnaissance par la caisse de la maladie professionnelle d'[B] [P] était inopposable à la Société, la décision de prise en charge du décès de ce dernier au titre des risques professionnels doit être également déclarée inopposable à l'employeur sans que la cour n'ait à statuer sur le caractère professionnel de ce décès.

Le jugement est infirmé sur ce point

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La caisse qui succombe à l'instance sera condamnée aux dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la société de sa demande d'indemnité sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement rendu le 5 juin 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (n° 14-00884) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare inopposable à la société Fichet Security Solutions France (anciennement Gunnebo France) la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de prendre en charge au titre des risques professionnels, la maladie déclarée par [B] [P] le 8 juillet 2013 ;

Déclare inopposable à la société Fichet Security Solutions France (anciennement Gunnebo France) la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne de prendre en charge au titre des risques professionnels le décès d'[B] [P] survenu le [Date décès 2] 2013.

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Val de Marne aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur TAMPREAU Achille, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/03178
Date de la décision : 02/07/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/03178 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-07-02;18.03178 ?
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