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17/06/2020 | FRANCE | N°17/04876

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 17 juin 2020, 17/04876


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 17 JUIN 2020



N° RG 17/04876

N° Portalis DBV3-V-B7B-R4AR



AFFAIRE :



[G] [U]





C/



S.A.R.L. HOTEL PARIS SUD









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : AD

N° RG : F16/01351


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Me Grégoire HERVET



Me Mélina PEDROLETTI







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt su...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 17 JUIN 2020

N° RG 17/04876

N° Portalis DBV3-V-B7B-R4AR

AFFAIRE :

[G] [U]

C/

S.A.R.L. HOTEL PARIS SUD

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : AD

N° RG : F16/01351

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Grégoire HERVET

Me Mélina PEDROLETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT JUIN DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [G] [U]

née le [Date naissance 6] 1964 en ALGERIE

de nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Grégoire HERVET, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R235

APPELANTE

****************

S.A.R.L. HOTEL PARIS SUD

N° SIRET: 343 178 133

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentant : Me Olivier AUDRAS de l'AARPI CONDORCET AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0009 - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué , avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été fixée à l'audience publique du 13 mai 2020 pour être débattue devant la cour composée de:

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

En application de l'article 8 de l'ordonnance 2020-304 du 25 mars 2020 portant, notamment, adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, il a été décidé par le président que la procédure susvisée se déroulerait sans audience.

Les parties en ont été avisées par le greffe le 27 avril 2020 et ces dernières ne s'y sont pas opposées dans le délai de quinze jours.

Ces même magistrats en ont délibéré conformément à la loi.

Par jugement du 26 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section activités diverses) a :

. débouté Mme [G] [U] de toutes ses demandes,

. laissé les dépens à la charge de Mme [U].

Par déclaration adressée au greffe le 16 octobre 2017, Mme [U] a interjeté appel de ce jugement.

Le président ayant décidé, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, de procéder selon la procédure sans audience, un avis a été adressé aux parties le 27 avril 2020. Les parties ne se sont pas opposées à cette procédure.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 13 mai 2020.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 12 janvier 2018, Mme [U] demande à la cour de :

. la déclarer recevable et bien fondée en son appel,

. infirmer en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en date du 26 septembre 2017,

et statuant à nouveau,

. dire que la Société Hotel Paris Sud n'a pas respecté les préconisations ordonnées par le médecin du travail,

. dire que la Société Hotel Paris Sud a manqué incontestablement à son obligation de sécurité de résultat en l'absence de mesure concrète prise dès l'avis d'inaptitude temporaire en date du 3 mars 2015 et l'avis d'aptitude avec restrictions en date du 26 mars 2015,

. « dire que ces circonstances ont contribué à la dégradation de son état de santé puis à la déclaration d'inaptitude définitive le 17 mars 2016 et à sa reconnaissance comme travailleur handicapé le » (ainsi rédigé dans le dispositif des conclusions),

. dire que le seul établissement d'une fiche ergonomique ne permet pas d'établir le respect de l'obligation de sécurité de résultat, ni des préconisations du médecin du travail en l'absence d'élément matériel démontrant le réaménagement de son poste de travail dès 2015,

en conséquence,

. dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en que son inaptitude est la cause directe des agissements fautifs de la société Hotel Paris Sud,

. condamner la société Hotel Paris Sud au paiement de la somme de 31 882 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. condamner la société Hotel Paris Sud au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 10 avril 2018, la SARL Hotel Paris Sud demande à la cour de :

à titre principal,

. déclarer les prétentions de Mme [U] irrecevables,

. déclarer en tout état de cause Mme [U] mal fondée en son appel, l'en débouter,

. débouter en conséquence Mme [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire,

. confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

. débouter Mme [U] de toutes ses demandes,

y ajoutant,

. condamner Mme [U] à lui verser une somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. condamner Mme [U] aux dépens.

LA COUR,

La société Hotel Paris Sud exploite, dans le cadre d'un contrat de franchise, un établissement hôtelier sous l'enseigne Ibis styles, situé au [Adresse 3].

Mme [G] [U] a été engagée par l'établissement hôtelier situé au [Adresse 2] en qualité de femme de chambre-cafetière, par contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 octobre 2007.

L'hôtel a été racheté en 2009 par la SARL Hôtel Paris Sud.

Mme [U] percevait une rémunération brute mensuelle de 1 771,25 euros.

Lors d'une visite médicale intervenue le 5 mars 2015 à la demande de Mme [U], cette dernière a été déclarée temporairement inapte, puis, à compter du 26 mars 2015, Mme [U] a été déclarée apte avec restriction.

A la demande de Mme [U], l'inspection du travail a effectué une visite au sein de l'établissement le 29 avril 2015. A l'issue de celle-ci, l'inspection du travail a préconisé le maintien des aménagements mis en place et des clarifications concernant la définition du poste de Mme [U].

Le 7 mai 2015, l'avis d'aptitude avec réserve a été renouvelé avec les mêmes restrictions.

Le 12 novembre 2015, Mme [U] a de nouveau été déclarée apte avec une restriction supplémentaire concernant le nettoyage des baignoires.

A l'issue de deux visites médicales des 29 février 2016 et 17 mars 2016, Mme [U] a été déclarée inapte au poste qu'elle occupait.

Par lettre du 15 avril 2016, Mme [U] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 28 avril 2016.

Mme [U] a été licenciée pour inaptitude par lettre du 3 mai 2016 ainsi libellée :

« Il (le médecin du travail) n'a pas su nous suggérer des types de poste susceptibles d'être compatibles avec votre état de santé.

Il s'est avéré qu'en dépit de notre recherche de reclassement approfondie de postes conformes aux préconisations du Médecin du travail, aucun poste disponible compatible avec votre état de santé n'a pu être identifié, tant au sein de notre établissement qu'au sein des autres établissements sollicités, et ce pour les motifs qui vous ont été exposés dans nos courriers datés des 11 et 21 avril 2016.

Ainsi, nous n'avons plus d'autres choix que de vous notifier votre licenciement pour cause d'inaptitude médicalement constatée et absence de toute possibilité de reclassement ».

Le 6 juillet 2016, Mme [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins de contester son licenciement.

SUR CE :

Sur la fin de non-recevoir :

La SARL HOTEL PARIS SUD conclut à l'irrecevabilité des prétentions de Mme [U] sur le fondement de l'article 562 code de procédure civile, la déclaration d'appel ne visant aucun chef de jugement.

Mme [U], qui demande de déclarer son appel recevable, ne donne pas spécifiquement la réplique sur ce point.

L'article 562 du code de procédure civile prévoit que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il ne résulte de ce texte, relatif à l'effet dévolutif de l'appel, aucune fin de non-recevoir au sens des articles 122 et suivants code de procédure civile.

En réalité, la sanction appliquée à une déclaration d'appel qui, comme c'est le cas en l'espèce (puisque la déclaration d'appel de Mme [U] indique seulement « appel total »), méconnaît les prescriptions de l'article 901 4° ne consiste pas en l'irrecevabilité des demandes.

En effet, l'article 901 4° du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. La déclaration d'appel qui mentionne « appel général » ou « appel total » (comme c'est le cas en l'espèce) ne répond pas aux exigences de ce texte et encourt non pas une irrecevabilité mais la nullité prévue par l'article 901 précité.

Cette nullité, qui ne sanctionne pas une irrégularité de fond, est une nullité pour vice de forme au sens de l'article 114 du code de procédure civile qui ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. Elle peut être couverte par une nouvelle déclaration d'appel. La régularisation ne peut pas intervenir après l'expiration du délai imparti à l'appelant pour conclure conformément aux articles 910-4, alinéa 1, et 954, alinéa 1, du code de procédure civile.

En l'espèce, la SARL HOTEL PARIS SUD n'invoque pas la nullité pour vice de forme ; elle invoque une fin de non-recevoir. En outre, elle n'invoque au soutien de sa demande aucun grief qui lui serait causé par l'irrégularité comme le prévoit l'article 114 alinéa 2.

Il s'ensuit que la fin de non-recevoir sera rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail :

Pour conclure au fait que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Mme [U] soutient :

. que son état de santé s'est dégradé en raison de ce que l'employeur n'a pas respecté son obligation de sécurité en méconnaissant les préconisations du médecin du travail relativement au port de charges lourdes,

. qu'un reclassement était envisageable, en particulier sur un poste d'employé polyvalent petit déjeuner, puisque ce type de poste faisait l'objet d'offres régulières.

En réplique, la SARL HOTEL PARIS SUD conteste avoir méconnu son obligation de sécurité, exposant que ni l'affection de Mme [U], ni son aggravation ne lui sont imputables puisqu'elle a pris toutes les mesures préconisées par le médecin du travail et l'inspecteur du travail. S'agissant de l'obligation de reclassement, la SARL HOTEL PARIS SUD expose avoir étendu ses recherches aux établissements avec lesquels elle entretient des relations et affirme qu'aucun poste d'employé de petit déjeuner n'était disponible au sein de l'établissement et qu'au surplus, ce type de poste implique un port de charges lourdes (supérieures à 5 kg) et des contraintes posturales.

Elle fait valoir du reste qu'elle n'était pas tenue de rechercher un reclassement au sein de l'entier groupe ACCOR puis qu'elle n'est que franchisée et que l'appartenance à un réseau commercial ne suffit pas à caractériser la permutabilité du personnel ; qu'en dépit de cela, elle a procédé à une recherche étendue à une cinquantaine d'hôtels partenaires.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. L'employeur peut néanmoins s'exonérer de sa responsabilité s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Ces articles disposent :

Article L. 4121-1 : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. »

Article L. 4121-2 « L'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

En l'espèce, Mme [U] a fait l'objet d'un avis d'inaptitude consécutive à une maladie non professionnelle ainsi rédigé : « inapte définitif au poste actuel. Art. R. 4624-32 du code du travail. Apte à un poste sans port de charges lourdes ou contraintes posturales » (cf. avis d'inaptitude du 17 mars 2016 en pièce 12 E).

Cet avis d'inaptitude contraignait la SARL HOTEL PARIS SUD à entreprendre des recherches visant au reclassement de Mme [U]. Cette dernière affirme cependant en substance que son inaptitude résulte d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

A cet égard, il n'est pas discuté que Mme [U] souffre depuis l'année 2014 d'un syndrome de prolapsus génital. Cette maladie a donné lieu à plusieurs arrêts de travail et la médecine du travail a eu l'occasion de se prononcer sur l'aptitude de Mme [U] :

. le 5 mars 2015, le médecin la déclarait « inapte temporaire ' voir médecin traitant. A revoir à la reprise. Étude de poste à faire » (pièce 12 S) ;

. le 26 mars 2015, le médecin la déclarait « apte avec restrictions ' pas de port de charges $gt; 5 kg. Pas d'attraction de chariots de linge ' A revoir : 3 mois » (pièce 13 S) ;

. le 7 mai 2015, le médecin du travail prononçait un avis d'inaptitude avec restrictions ainsi rédigé : « pas de port de charges $gt; 5 kg. Pas d'attraction de chariots de linge. A revoir : 2 mois » (pièce 15 S).

A la même époque (cf. courrier de l'inspecteur du travail adressé à la SARL HOTEL PARIS SUD le 4 mai 2015 ' pièce 14 S) l'inspection du travail écrivait à l'employeur : « Nous faisons suite à la visite effectuée dans votre établissement le mercredi 29 avril dernier concernant (') la situation de Mme [U] employée en qualité de femme de chambre depuis octobre 2007. (') Suite à étude de poste (') il est apparu que la définition du poste de Mme [U] devrait faire l'objet d'un certain nombre de clarifications, tenant compte des préconisations médicales [pas de port de charges supérieures à 5 kg, pas de traction de chariots de linge] ('). Comme nous vous l'avons indiqué le 29 avril, cette clarification devrait inclure a minima la rédaction d'une fiche de poste indiquant de manière précise :

- le nombre de chambres à nettoyer chaque jour, leur localisation ordinaire et les quelques travaux de nettoyage annexes à réaliser sur les parties communes ;

- des consignes et procédures de travail permettant, après mise en 'uvre d'une formation préalable et de la prochaine étude ergonomique que vous avez évoquée, d'atteindre le niveau de qualité requis tout en travaillant dans des conditions satisfaisantes ;

- les aménagements de poste décidés à la suite de l'avis médical d'aptitude (par exemple, ainsi que vous nous l'avez indiqué, l'approvisionnement des étages en linge propre par la gouvernante, Mme [K]).

(...) »

. le 12 novembre 2015, le médecin du travail concluait : « apte avec restrictions ' limiter le nettoyage des baignoires - pas de port de charges lourdes - pas d'attraction de chariots de linge - A revoir : 3 mois » (pièce 16 S).

Mme [U] expose que les restrictions n'ont pas été respectées par la SARL HOTEL PARIS SUD et produit pour en justifier des photographies prises à partir de son téléphone portable entre les mois de mars 2015 et janvier 2016 (pièces 17 à 22 S) ainsi que des éléments médicaux (notamment pièces 26 ' avis d'arrêt de travail du 22 juillet 2015 du médecin traitant qui indique « douleurs abdominopelviennes sur prolapsus génital avec non respect des mesures préconisées par la médecine du travail avec port de charges excessives et harcèlement moral » - et 28 - lettre du même médecin traitant adressée à un confrère le 22 juillet 2015 dans lequel le médecin indique en substance que les préconisations de la médecine du travail ne sont pas respectées). Ces pièces - tant les photographies que les avis médicaux - n'établissent pas la réalité du non-respect, par l'employeur, de son obligation de sécurité : les photographies ne montrent que des chariots et du matériel et il n'apparaît pas que Mme [U] les porte. Quant aux éléments médicaux (pièces 26 et 28), ils émanent d'un médecin qui ne fait que retranscrire les propos de Mme [U] sans pour autant avoir été personnellement témoin des faits que sa patiente lui rapportait. Toutefois, s'agissant de l'obligation de sécurité, c'est à l'employeur d'établir qu'il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Il convient donc de vérifier lesdites mesures, étant observé :

. d'une part que l'employeur devait prendre des mesures spécifiques dès le 26 mars 2015 puisqu'à cette date, il n'ignorait pas que Mme [U] devait limiter son port de charges,

. d'autre part qu'il est médicalement établi (pièce 29 de la salariée) que le port de charges lourdes aggrave la maladie de Mme [U] ; le professeur [H] écrit en effet le 15 décembre 2015 : « Je soussigné, Professeur [Y] [H], certifie que l'état de santé de Mme [U] née le [Date naissance 1]/1964 est susceptible de s'aggraver si elle porte des charges lourdes. Il s'agit d'un prolapsus génital. Il est donc plutôt conseillé d'éviter le port de charges lourdes »,

. enfin qu'il est indifférent que le prolapsus génital dont souffre Mme [U] soit ou non d'origine professionnelle.

Les pièces produites et les débats montrent :

. que la SARL HOTEL PARIS SUD est organisée de telle manière que « cela permet à nos femmes de chambres de ne pas trop charger les chariots mis à leur disposition » (pièce 8 E ' attestation d'une salariée de l'hôtel, adjointe de direction) ; que Mme [K], gouvernante, est chargée de réaliser le travail suivant : « Mon rôle est de distribuer le linge et le partager dans chaque lingerie des femmes de chambre ainsi que celle de Mme [U] en ce qui concerne le réapprovisionnement des produits d'accueil et des bouteilles d'eau 50 cl, ils sont stockés dans une réserve dont je détiens les clés, que je prépare dans un chariot et les stocke dans les lingeries des femmes de chambre et de Mme [U] » (pièce 7 E). Il doit être noté à ce stade que le poids des chargements n'est pas indiqué, de sorte qu'il n'est pas permis à la cour de vérifier, à partir de ces témoignages, si l'obligation de limiter les charges à moins de 5 kilogrammes, était ou non respecté.

. que la SARL HOTEL PARIS SUD a demandé une étude du poste de femme de chambre à un ergonome, lequel a réalisé son étude courant juillet 2015 (pièce 6 E où apparaissent des recommandations relatives à l'utilisation du chariot pour en limiter le poids) ; étude transmise à l'inspecteur du travail le 9 septembre 2015 (pièce 38 E). Il doit encore être relevé à ce stade que l'étude n'évoque en rien la question d'une limitation du poids des chargements à 5 kilogrammes.

. que la SARL HOTEL PARIS SUD a établi une fiche de poste de femme de chambre. Cette fiche de poste ne précise rien du poids des chariots devant nécessairement être véhiculés par les salarié.

En définitive, l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve de ce qu'il a pris les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique de Mme [U], échoue dans la démonstration attendue de lui. Plus précisément, il n'établit pas avoir pris les mesures propres à limiter à 5 kilogrammes les chariots tractés par Mme [U].

Il a été vu qu'un port de charges lourdes était susceptible d'aggraver la maladie de Mme [U] (cf. pièce 29 ' certificat du Professeur [H]). Il a été jugé que la SARL HOTEL PARIS SUD ne justifiait pas avoir pris les mesures préconisées par le médecin du travail qui, pendant pratiquement toute l'année 2015, limitait à 5 kg le port de charges de Mme [U]. Il est constant que le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude définitif le 17 mars 2016.

Cet avis est consécutif à une aggravation de l'état de santé de Mme [U] ; aggravation qui présente, compte tenu de la chronologie ci-avant rappelée et de la pathologie de la salariée, un lien avec le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité.

Dès lors que l'inaptitude de Mme [U] est causée par le comportement fautif de l'employeur, le licenciement pour inaptitude qui en résulte est sans cause réelle et sérieuse.

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner le deuxième moyen relatif à l'obligation de reclassement, il convient d'infirmer le jugement.

Statuant à nouveau, il convient d'octroyer à Mme [U] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige) qui, compte tenu de l'ancienneté de la salariée (près de 8 ans et demi), de son niveau de rémunération (environ 1 770 euros bruts par mois) et de son état de santé, sera fixée à la somme de 15 000 euros, au paiement de laquelle la SARL HOTEL PARIS SUD sera condamnée.

L'article L. 1235-4 dispose que dans les cas prévus aux articles L. 1235-3 et L. 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Le licenciement ayant été jugé comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il conviendra d'ordonner, d'office, le remboursement par la SARL HOTEL PARIS SUD aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [U], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant, la SARL HOTEL PARIS SUD sera condamnée aux dépens.

Il conviendra de condamner la SARL HOTEL PARIS SUD à payer à Mme [U] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DIT le licenciement de Mme [U] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

CONDAMNE la SARL HOTEL PARIS SUD à payer à Mme [U] une indemnité de 15 000  euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE le remboursement par la SARL HOTEL PARIS SUD aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées à Mme [U], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage en application de l'article L. 1235-4 du code du travail,

CONDAMNE la SARL HOTEL PARIS SUD à payer à Mme [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SARL HOTEL PARIS SUD aux entiers dépens de première instance et d'appel.

. prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente et par Madame Dorothée MARCINEK, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

Dorothée MARCINEK Clotilde MAUGENDRE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/04876
Date de la décision : 17/06/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°17/04876 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-17;17.04876 ?
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