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28/05/2020 | FRANCE | N°18/07697

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 28 mai 2020, 18/07697


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 36Z



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 MAI 2020



N° RG 18/07697 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SYRY



AFFAIRE :



[Z] [Y]





C/

Société TRAQUEUR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Septembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F01374



Expéd

itions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Frédérique FARGUES

Me Mélina PEDROLETTI







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 36Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 MAI 2020

N° RG 18/07697 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SYRY

AFFAIRE :

[Z] [Y]

C/

Société TRAQUEUR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 26 Septembre 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2017F01374

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Frédérique FARGUES

Me Mélina PEDROLETTI

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Z] [Y]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentant : Me Frédérique FARGUES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 138

Représentant : Me Julien MAROTTE de l'ASSOCIATION DM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0708 -

APPELANT

****************

Société TRAQUEUR

N° SIRET : 412 027 492

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - N° du dossier 24218

Représentant : Me Jean REINHART de la SELARL REINHART MARVILLE TORRE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0030 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Thérèse ANDRIEU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société Traqueur, société anonyme à directoire et à conseil de surveillance, est le leader français de la géolocalisation et de la récupération de véhicules volés.

Le 18 juillet 2006, M.[Z] [Y] a été nommé président du conseil de surveillance de la société Traqueur.

Suivant décision du conseil de surveillance du 28 novembre 2016, M.[Y] a été nommé président du directoire de la société Traqueur. Cette décision a fait suite à une lettre de M. [C], alors vice-président du conseil de surveillance, du 9 novembre 2016, qui définissait la mission confiée à M. [Y], celui-ci étant chargé de restructurer l'entreprise avec pour objectif la cession rapide du groupe Traqueur. Les conditions de rémunération afférentes étaient aussi fixées.

A la même date, M. [Y] et la société Traqueur ont conclu une convention de mandat social prévoyant diverses obligations de paiement à la charge de cette dernière.

En mai 2017, la société Coyote System est devenue actionnaire de la société Traqueur à hauteur de 49% du capital ensuite de cessions de participations de gré à gré.

Selon procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017, le conseil de surveillance décidait de la révocation de M.[Y] en sa qualité de président du directoire.

Par décision de l'assemblée générale des associés de la société Traqueur du 15 juin 2017, les mandats de plusieurs membres du conseil de surveillance étaient révoqués ou non-renouvelés, et de nouveaux membres étaient nommés.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 juin 2017, M.[Y] a mis en demeure la société Traqueur de lui régler la somme de 730.600,63 euros ramenée ultérieurement à une somme inférieure à 500000 € en exécution de la convention de mandat social, au titre de sa rémunération et de ses indemnités de révocation.

Par courrier du 30 juin 2017, la société Traqueur a refusé de donner suite aux demandes de M.[Y] et lui a signifié qu'elle entendait lui réclamer la somme de 95.075,85 euros correspondant selon elle à la perception d'une rémunération indue que M.[Y] se serait fixé en sa qualité de président du directoire.

Par acte extrajudiciaire du 11 août 2017, M. [Z] [Y] a assigné la société Traqueur devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d'obtenir le paiement de sa rémunération en tant que président du directoire et des primes et indemnités de révocation.

Par jugement du 26 septembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- Condamné la société Traqueur à payer à Monsieur [Z] [Y] la somme de 7.500 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2017 ;

- Débouté M. [Z] [Y] de l'ensemble de ses autres demandes ;

- Débouté la société Traqueur de sa demande reconventionnelle ;

- Condamné la société Traqueur à payer à M. [Z] [Y] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;

- Condamné la société Traqueur aux entiers dépens.

Par déclaration du 12 novembre 2018, M. [Y] a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 février 2020, M.[Y] demande à la cour de :

- Réformer le jugement déféré ;

- Condamner la société Traqueur à lui payer les sommes de :

90.000 euros au titre de l'indemnité contractuelle de révocation;

318.369,31 euros au titre de la prime contractuelle de cession;

35.000 euros au titre de la prime contractuelle sur objectifs ;

30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour révocation brutale et sans juste motif ;

- Débouter la société Traqueur de son appel incident ;

- Condamner la société Traqueur à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 29 janvier 2020, la société Traqueur prie la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 26 septembre 2018 en ce qu'il a débouté [Z] [Y] de l'ensemble de ses demandes au titre, d'une part, du versement des primes sur objectifs, de révocation et de cession et, d'autre part, de sa demande de dommages et intérêts pour révocation vexatoire et brutale ;

- Déclarer recevable et bien fondée la société Traqueur en son appel incident et infirmant la décision déférée pour le surplus ;

Et statuant a nouveau :

A titre principal :

- Juger que la lettre accord du 9 novembre 2016 et la convention de mandat social de [Z] [Y] du 28 novembre 2016 sont nulles conformément à la prohibition de l'auto-détermination par le dirigeant de sa rémunération ;

A titre subsidiaire :

- Juger que les demandes de [Z] [Y] fondées sur les primes de révocation et de cession sont nulles au regard du défaut d'application de la procédure des conventions réglementées conformément à l'article L. 225-90 du code de commerce ;

- Juger que la lettre accord du 9 novembre 2016 et la convention de mandat social du 28 novembre 2016 réitérée dans le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance en date du 31 mai 2017 sont partiellement annulées en leurs stipulations nulles relatives aux primes de cession et de révocation de [Z] [Y] ;

- Juger que les conditions d'octroi de la prime sur objectifs ne sont pas réunies ;

A titre très subsidiaire :

- Juger que la lettre accord du 9 novembre 2016 et que la convention de mandat social de [Z] [Y] du 28 novembre 2016 sont partiellement annulées en ses stipulations nulles de nature contractuelle relatives aux primes de cession et de révocation au regard de l'article 1161 du code civil ;

Et en tout état de cause,

- Juger que les demandes indemnitaires formées par [Z] [Y] sur le prétendu caractère brutal et vexatoire de sa révocation sont infondées en ce qu'elles ne sont ni démontrées, ni justifiées ;

En conséquence,

- Débouter [Z] [Y] de toutes ses demandes, fins et conclusions;

- Condamner [Z] [Y] à payer à la société Traqueur la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner [Z] [Y] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Pedroletti en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 février 2020.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour relève que la société Traqueur ne conteste pas l'octroi de la somme de 7500 € à M.[Y] par le tribunal en complément de sa rémunération et ne critique pas le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement.

Dès lors, ces dispositions du jugement dont appel non contestées sont d'ores et déjà confirmées.

Sur la nullité alléguée de la lettre d'accord du 9 novembre 2016 et de la convention de mandat social du 28 novembre 2016

M.[Y] , en réponse à la demande de la société Traqueur aux fins de voir prononcer la nullité de la lettre d'accord du 9 novembre 2016 et de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 compte-tenu de l'autodétermination de sa rémunération par le dirigeant, fait valoir que si la fixation de la rémunération du président du directoire relève de la compétence exclusive du conseil de surveillance , rien ne s'oppose à ce que la délibération soit préparée en amont dans le cadre d'une négociation entre la société et les dirigeants pressentis. Il relève qu'en l'espèce c'est par sa délibération du 28 novembre 2016 que le conseil de surveillance l'a nommé et a déterminé formellement sa rémunération réitérant les termes de la lettre d'accord du 9 novembre 2016 en formalisant le contenu dans une convention de mandat annexée au procès-verbal du conseil de surveillance du même jour.

La société Traqueur relève pour sa part que la lettre du 9 novembre 2016 a été conclue au nom et pour le compte du conseil de surveillance mais 'en chambre' entre deux de ses membres, à savoir son vice-président et son président, M.[Y], en vue de la nomination future de ce dernier au poste de président du directoire qui caractérise ainsi une 'autodétermination ' de sa rémunération par M.[Y] . Elle fait valoir que la délibération du conseil de surveillance du 28 novembre 2016 se limite à faire référence à la lettre d'accord précitée et à la convention de mandat social annexée.

****

L'article L 225-63 du code de commerce dans sa version applicable à l'espèce dispose que 'l'acte de nomination fixe le mode et le montant de la rémunération de chacun des membres du directoire'.

La rémunération est votée par le conseil de surveillance.

La société Traqueur soutient que M.[Y] a procédé à une autodétermination de sa rémunération de président du directoire en la prévoyant en amont du conseil de surveillance alors qu'il en était encore le président, que dès lors, les conventions sont illicites, que toute ratification de la décision du dirigeant est prohibée.

Cependant, la cour constate comme les premiers juges que si la lettre du 9 novembre 2016 prise isolément signée de M.[Y] et de M.[C] ne peut avoir de portée juridique à l'égard de la société Traqueur, le conseil de surveillance selon procès-verbal de la réunion du 26 novembre 2016 a procédé à la nomination de M.[Y] en qualité de président du directoire, que M.[Y] a accepté les fonctions qui lui étaient proposées , selon les termes et conditions convenues entre les parties telles que détaillées dans la lettre accord signée entre M.[Y] et le conseil de surveillance et le contrat de mandat social annexé aux présentes.

La convention de mandat social a été conclue entre M.[Y] et la société Traqueur qui explicite de façon détaillée la rémunération de M.[Y] .

Il est expressément mentionné dans le contrat de mandat social que 'les termes et conditions de l'exercice des fonctions de président du directoire de M.[Z] [Y] ont fait l'objet d'accords consignés dans une lettre du conseil de surveillance du 9 novembre 2016, acceptée par M.[Z] [Y], et la présente convention de mandat social est convenue en application de ces accords dont elle réitère les termes relatifs à ce mandat.

Il ressort des mentions portées au procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 28 novembre 2016 qu'a été nommé M. [Y] en qualité de président du directoire, et fixé sa rémunération du président du directoire.

Le renvoi à un document annexé au procès-verbal élaboré en amont de la réunion du conseil de surveillance dans le cadre d'une négociation initiée par les membres de la société Traqueur entre juillet et novembre 2016, qui a ainsi préparé la délibération, ne caractérise pas l'autodétermination alléguée de sa rémunération par le président du directoire dans la mesure où celle-ci a été approuvée et votée par le conseil de surveillance, qui en a fixé les modalités, que d'ailleurs celles-ci ont été modifiées par rapport à la lettre du 9 novembre 2016 dans la convention de mandat social du 28 novembre 2016.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont considéré que le procès-verbal du conseil de surveillance du 28 novembre 2016 était valable, la référence à la lettre d'accord du 9 novembre 2016 ne l'entachant pas de nullité, cette lettre ne caractérisant pas une autodétermination de sa rémunération par le président du directoire, les conditions en ayant été définies et fixées par le conseil de surveillance., que la convention de mandat social ne peut être davantage annulée.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de révocation

M.[Y] rappelle qu'il est prévu à son bénéfice une indemnité de révocation pour tout autre motif que celui de faute lourde. Il conclut à l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande à ce titre au motif que l'attribution de l'indemnité de révocation n'avait pas été soumise à la procédure des conventions réglementées, l'assemblée générale des actionnaires du 15 juin 2017 n'en ayant pas approuvé en outre le versement.

Il fait valoir que le régime des conventions réglementées ne s'applique pas au versement de l'indemnité de révocation dans la mesure où les titres de la société Traqueur sont cotés sur Alternext qui n'est pas un marché réglementé. Il prétend en outre que dès lors qu'il n'était pas encore entré en fonction , la convention conclue le 28 novembre 2016 entre lui-même et la société Traqueur n'avait pas à être approuvée par l'assemblée des actionnaires.

La société Traqueur réplique que les conventions réglementées doivent être autorisées au préalable par le conseil de surveillance ce qui n'est pas le cas en l'espèce et que dès lors la convention doit être annulée. A titre subsidiaire, elle fait valoir qu'en application de l'article 1161 du code civil , la même convention de mandat social qui fixe l'indemnité de révocation est entâchée d'une nullité partielle, M.[Y] ne pouvant à la fois représenter la société Traqueur d'une part et lui-même en qualité du président du directoire.

****

L'indemnité de révocation est prévue dans la convention annexée à la délibération du conseil de surveillance du 28 novembre 2016 qui prévoit que M.[Y] peut être révoqué à tout moment et sans préavis de ses fonctions. En cas de révocation autre que pour faute lourde, il bénéficiera d'une indemnité de révocation d'un montant brut de 90000 € .

L''article L 225-86 du code de commerce dispose que toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et l'un des membres du directoire ou du conseil de surveillance... doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil de surveillance.

L'autorisation préalable du conseil de surveillance est motivée en justifiant de l'intérêt de la convention pour la société , notamment en précisant les conditions financières qui y sont attachées.

L'article L 225-88 du code de commerce dans sa version applicable au litige ajoute que le président du conseil de surveillance donne avis aux commissaires aux comptes de toutes les conventions autorisées et soumet celles-ci à l'approbation de l'assemblée générale laquelle doit statuer sur le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions.

L'article L 225-90 du code de commerce prévoit que les conventions visées à l'article L 225-86 du code de commerce et conclues sans autorisation préalable du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société.

Il ressort de l'article 21 des statuts de la société Traqueur que le conseil de surveillance fixe le mode et la rémunération de chacun des membres du directoire.

Il résulte de l'article 32 des statuts que toute convention entre la société et l'un des membres du directoire ... doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil de surveillance.

La convention de mandat social du 28 novembre 2016 conclue entre M.[Y], en sa qualité de futur président du directoire et la société Traqueur qui prévoit notamment l'indemnité de révocation qui n'entre pas dans la rémunération est soumise à la procédure des conventions réglementées qui conformément à l'article L 225-86 du code de commerce précité exige une autorisation préalable du conseil de surveillance puis son approbation par l'assemblée générale des actionnaires.

Il ne s'agit pas d'une convention courante contrairement à ce que soutient M.[Y], la société Traqueur prenant un risque juridique en s'engageant à allouer des indemnités exceptionnelles.

Il est mentionné dans le procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 28 novembre 2016 que M.[Y] accepte les fonctions qui lui sont proposées, selon les termes et les conditions convenues tels que détaillés dans la lettre accord et le contrat de mandat social annexés aux présentes.

Le conseil de surveillance a donc voté sur la nomination de M.[Y] autorisant dans le même temps les termes et fixation de ses éléments de rémunération ainsi que notamment sur l'indemnité de révocation figurant explicitement dans la convention annexée au procès-verbal de délibération.

La convention du 28 novembre 2016 dans laquelle figure la fixation de l'indemnité de révocation a donc été approuvée par le conseil de surveillance ce qui ressort des termes du procès-verbal de réunion du même jour. Le conseil de surveillance a donc été parfaitement informé et éclairé sur les modalités de rémunération mais aussi sur le versement de primes qui seraient versées à M.[Y] au cas de révocation de son mandat.

Dès lors, le conseil de surveillance s'il n'a donné son autorisation au préalable s'est prononcé le même jour que la conclusion de la convention qui a été annexée au procès-verbal de la réunion du conseil.

La procédure prévue à l'article L 225-86 du code de commerce a été respectée.

Au surplus, si le défaut d'autorisation préalable par le conseil de surveillance était retenu comme le soutient la société Traqueur qui conclut à la nullité partielle de la convention, il appartient à celle-ci de rapporter la preuve de conséquences dommageables pour la société prévues aux dispositions de l'article L 225-90 du code de commerce ce que la société Traqueur n'établit pas.

Il n'y a pas eu en outre d'approbation de la convention par l'assemblée générale des actionnaires mais il résulte de l'article L 225-89 du code de commerce que ce défaut d'approbation n'entraîne pas la nullité de la convention sauf fraude ce que ne démontre pas non plus la société Traqueur.

L'article 1161 du code civil dans sa version applicable au litige dispose qu' 'un représentant ne peut agir pour le compte de deux parties au contrat ni contracter pour son propre compte avec le représenté. En ces cas, l'acte accompli est nul à moins que la loi ne l'autorise ou que le représenté ne l'ait autorisé ou ratifié'.

C'est à juste titre que M.[Y] indique que le texte n'est pas applicable à l'espèce dans la mesure où l'organe qui détermine la rémunération du président du directoire est le conseil de surveillance et qu'il y a procédé en l'espèce dans sa délibération du 28 novembre 2016.

La demande de nullité de la convention de mandat social étant donc rejetée, la société Traqueur en exécution des termes de la convention est condamnée à verser à M.[Y] la somme de 90000 € au titre de l'indemnité de révocation.

Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la prime en cas de cession

Au préalable, il convient de relever que la société Traqueur conclut pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus exposés à la nullité de la convention de mandat social à défaut de respect de la procédure concernant les conventions réglementées.

Il convient de rappeler que la demande de nullité de la convention du 28 novembre 2016 qui porte sur la prime au cas de cession s'appuie sur les mêmes moyens que précedemment évoqués pour la prime de révocation lesquels ont été écartés.

Au chapitre 'rémunération' figurant à la convention de mandat social du 28 novembre 2016 est prévue une prime perçue par M.[Y] en cas de cession de la société Traqueur.

Les modalités d'attribution et de versement de la prime sont décrites par renvoi au paragraphe n°6 de la lettre accord du 9 novembre 2016.

L'article 4.1.4 de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 prévoit que par cession, il convient d'entendre toute opération conduite durant la présidence du directoire de Traqueur par M.[Z] [Y] , de quelque nature qu'elle soit et quelque qu'en soient les modalités, entraînant immédiatement ou à terme un changement de contrôle de Traqueur au sens de l'article L 233-3 du code de commerce et conduisant à une offre publique d'achat sur Traqueur.

Le tribunal a relevé notamment qu'il n'était pas contesté que M.[Y] n'avait pas participé au processus d'acquisition de la société par Coyote.

M.[Y] critique la décision entreprise soutenant pour l'essentiel que le versement de la prime de cession n'était pas subordonné à sa participation au processus de cession.

Cependant, les termes clairs de la convention prévoient que la cession devait être menée sous la présidence de M.[Y], celui-ci ne produisant aucun élément à cet égard, que de plus il ressort de la lettre du 9 novembre 2016 que l'objectif de la mission qui lui était confiée était la cession rapide du groupe Traqueur.

Dès lors, M.[Y] n'ayant pas mené les opérations de cession ne peut prétendre au versement d'une prime à ce titre en soutenant que la prime était due indépendamment de toute diligence déployée de sa part dans la recherche de négociations avec un acquéreur et était générée par le simple fait de l'acceptation par le conseil de surveillance d'une offre de cession alors qu'il présidait le directoire.

Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la prime sur objectifs

La convention du 28 novembre 2016 prévoit une prime sur objectifs. Il s'agit d'une prime annuelle sur atteinte d'objectifs d'un montant brut de 70000 €. Les objectifs annuels seront, après discussion, décidés lors du Conseil de surveillance lors de l'élaboration annuelle du groupe.

M.[Y] fait valoir que la prime sur objectifs est un élément de rémunération du président du directoire, qu'elle n'est pas soumise à autorisation. Il relève qu'il appartenait à la société Traqueur de lui fixer ses objectifs, que celle-ci s'est abstenue d'y procéder de façon déloyale, qu'elle ne peut dans ces conditions se soustraire au versement de la prime ayant manqué à ses obligations issues de la convention de mandat social. Il conclut à l'infirmation du jugement et au versement de la somme de 35000 €.

La société Traqueur conclut à la confirmation du jugement qui a retenu qu'aucun objectif n'ayant été fixé par le conseil de surveillance, la prime ne pouvait dès lors être allouée.

M.[Y] pour rapporter la preuve de ce qu'il avait rempli les objectifs verse au débat deux attestations selon lesquelles il a donné toute satisfaction mais celles-ci sont insuffisantes à l'établir dans la mesure où les objectifs n'ont pas été fixés par le conseil de surveillance alors qu'ils devaient être décidés annuellement, après discussion, lors de l'élaboration du budget annuel du Groupe.

Par-ailleurs, M.[Y] qui avait la possibilité de demander à la société Traqueur de procéder à la fixation de ses objectifs, s'en est abstenu, et ne peut dès lors reprocher à la société Traqueur un manquement dans ses obligations pour ne pas y avoir procédé.

Il établit donc d'autant moins comme il le prétend que c'est de façon déloyale que la société Traqueur s'est soustraite à l'énumération des objectifs qui devaient lui être fixés .

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M.[Y] de sa demande.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande en dommages et intérêts pour révocation brutale et vexatoire

M.[Y] fait valoir que le procès-verbal du conseil de surveillance du 15 juin 2017 alors qu'il prévoit d'exposer les raisons qui motivent le conseil de surveillance à envisager la révocation du président du directoire ne sont pas explicitées, que la révocation a été faite sans juste motif, que la lettre du 18 mai 2017 invoquée par la société Traqueur est insuffisante à en justifier. Il considère que le changement de majorité au sein de la société Traqueur, que la volonté de mettre en place une nouvelle stratégie ou même la perte de confiance envers la direction en place ne justifient pas sa révocation dès lors que n'est pas établie ni même alléguée par la société Traqueur une atteinte à l'intérêt social.

Il conclut en conséquence à l'infirmation du jugement et à la condamnation de la société Traqueur de lui verser la somme de 30000 € à titre de dommages et intérêts du fait d'une révocation intervenue sans juste motif et en outre qui a été faite en violation du principe du contradictoire, n'ayant pas été invité lors de la réunion du conseil de surveillance à présenter ses observations.

La société Traqueur fait valoir que la société Coyote a informé M.[Y] dès le 18 mai 2017 de sa volonté de changer la gouvernance de la société Traqueur, que dès lors, M.[Y] était au courant de sa révocation envisagée un mois à l'avance, qu'elle n'est ni brutale ni vexatoire, qu'elle n'avait pas à être motivée.

Elle conclut à la confirmation du jugement.

*****

L'article L 225-61 du code de commerce dispose que 'les membres du directoire ou le directeur général peuvent être révoqués par l'assemblée générale ainsi que, si les statuts le prévoient par le conseil de surveillance. Si la révocation est décidée sans juste motif, elle peut donner lieu à des dommages et intérêts.'

Il ressort des termes de la convention de mandat social du 28 novembre 2016 que M.[Y] pouvait être révoqué à tout moment et sans préavis de ses fonctions de président du directoire par décision de l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société Traqueur ou par décision du conseil de surveillance.

M.[Y] soutient que la révocation est intervenue de façon brutale sans que le principe du contradictoire ne soit respecté alors que la société Coyote par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mai 2017 l'informait de sa volonté de mettre en place une nouvelle gouvernance, l'extrait du procès-verbal de la réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 rappelant que M.[Y] en avait été informé préalablement.

M.[Y] estime que les motifs ne lui ont pas été explicités, qu'il a donc été révoqué sans juste motif. Cependant, la cour constate que si les motifs ne figurent pas dans l'extrait du procès-verbal de réunion du conseil de surveillance du 15 juin 2017 mais sont remplacés par des points de suspension, c'est dans le souci de conserver un caractère de confidentialité aux motifs s'agissant d'un extrait déposé au greffe. M.[Y] ne le conteste pas.

Au regard de ces éléments, M.[Y] ne rapporte la preuve ni du caractère vexatoire, ni brutal de la révocation dont il a été informé un mois auparavant dans le respect du contradictoire ni celle l'absence de l'absence de juste motif.

Le jugement qui a débouté M.[Y] de sa demande en dommages et intérêts est donc confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement est confirmé en ce qui concerne les dépens de première instance et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Traqueur est condamnée aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elle est condamnée à verser à M.[Y] la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Infirme partiellement le jugement rendu le 26 septembre 2018 par le tribunal de commerce de Nanterre en ce qu'il a débouté M.[Y] de sa demande de versement d'indemnité de révocation,

Statuant à nouveau,

Condamne la société Traqueur à verser à M.[Y] la somme de 90000 € au titre de l'indemnité de révocation,

Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions,

Condamne la société Traqueur aux dépens d'appel avec droit de recouvrement direct,

Condamne la société Traqueur à verser à M.[Y] la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 18/07697
Date de la décision : 28/05/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°18/07697 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-28;18.07697 ?
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