La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2020 | FRANCE | N°19/06390

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 26 mai 2020, 19/06390


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 51Z



1re chambre 2e section



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MAI 2020



N° RG 19/06390 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TN5B



AFFAIRE :



SA D'HLM VILOGIA



C/



[H] [L]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2016 par le Tribunal d'Instance de VANVES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-15-812







Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/05/2020





à :





Me Gaëlle LE DEUN





Me Edith COGNY





TI DE VANVES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51Z

1re chambre 2e section

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MAI 2020

N° RG 19/06390 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TN5B

AFFAIRE :

SA D'HLM VILOGIA

C/

[H] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Juin 2016 par le Tribunal d'Instance de VANVES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-15-812

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/05/2020

à :

Me Gaëlle LE DEUN

Me Edith COGNY

TI DE VANVES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 20 juin 2019 cassant et annulant l'arrêt rendu par la cour d'appel de VERSAILLES le 20 mars 2018

SA D'HLM VILOGIA

[Adresse 5]

[Localité 4]

assistée de Maître Gaëlle LE DEUN de la SELARL SELARL LE NAIR BOUYER ET ASSOCIES avocat postulant au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 33 - N° du dossier 700208 et Maître Emilie BACQUEYRISSES, avocat substituant Maître My-kim YANG PAYA de la SCP SEBAN ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : P0498

****************

DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

Madame [H] [L]

née le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[R]

assistée de Maître Edith COGNY de la SCP BERTHAULT - COGNY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 17 - N° du dossier 13510

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 25 Février 2020, Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT ;

Mme [H] [L] a pris à bail un logement situé dans un immeuble appartenant à la SA d'H.L.M. Vilogia. Le 6 juin 2014, la société d'H.L.M. Vilogia a signé une convention avec l'Etat en application de l'article L 351-2 du code de la construction et de l'habitation. Le locataire ayant refusé de justifier de ses ressources, la bailleresse lui a réclamé un supplément de loyer de solidarité liquidé au taux le plus élevé.

Suivant assignation délivrée le 24 novembre 2015, la société d'H.L.M. Vilogia a assigné M. [M] et Mme [L] à comparaître devant le tribunal d'instance de Vanves afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- la résolution du contrat de bail qui les lierait pour un logement situé au [Adresse 3],

- l'expulsion des preneurs ainsi que de tous occupants de leur chef des locaux loués, avec l'assistance d'un serrurier et de la force publique et ce sous astreinte de 8 euros par jour de retard,

- le règlement du sort des meubles selon les modalités des articles L 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- la condamnation de M. [M] et Mme [L] au paiement d'une somme de 33 247,81 euros correspondant aux loyers impayés, arrêtée au 30 septembre 2015, outre les intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- leur condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation égale au loyer augmenté des

charges,

- leur condamnation au paiement d'une somme de 330 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens comprenant le coût du commandement, de l'assignation et de sa notification au préfet.

Par jugement contradictoire en date du 16 juin 2016, le tribunal d'instance de Vanves a :

- constaté le désistement de la société d'H.L.M. Vilogia de ses demandes à l'encontre de M. [M],

- débouté la société d'H.L.M. Vilogia de ses demandes au titre de la dette locative, du prononcé de la résiliation du bail ainsi que de l'ensemble de ses prétentions subséquentes,

- débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamné la société d'H.L.M. Vilogia à payer à Mme [L] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration reçue au greffe en date du 23 août 2016, la société d'H.L.M. Vilogia a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire en date du 20 mars 2018, la cour d'appel de Versailles a :

- déclaré recevables l'action et l'appel de la société d'H.L.M. Vilogia,

- rejeté la demande de la société d'H.L.M. Vilogia aux fins de condamner Mme [L] à lui payer la somme de 87 408,62 euros au titre d'un supplément de loyer solidarité mensuel et confirmé le jugement en ce qu'il a débouté la société d'H.L.M. Vilogia de ses demandes,

- confirmé le jugement en ce qu'il a condamné la société d'H.L.M. Vilogia à payer à Mme [L] la somme de 800 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

y ajoutant,

- condamné la société d'H.L.M. Vilogia à payer à Mme [L] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société d'H.L.M. Vilogia aux dépens d'appel.

Par arrêt en date du 20 juin 2019, la troisième chambre civile de la Cour de cassation a :

- cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 mars 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles et remis, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée,

- condamné Mme [L] aux dépens,

- rejeté la demande de Mme [L] et l'a condamnée à payer à la société d'H.L.M. Vilogia la somme de 3 000 euros,

- dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé.

Par déclaration reçue au greffe en date du 3 septembre 2019, la société d'H.L.M. Vilogia a saisi la cour d'appel. Aux termes de ses conclusions notifiées le 15 janvier 2020, la société demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en sa saisine de la cour d'appel,

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions comme étant mal fondées,

- infirmer le jugement rendu le 16 juin 2016 par le tribunal d'Instance de Vanves en ce qu'il :

- l'a déboutée de ses demandes au titre de la dette locative, du prononcé de la résiliation du bail ainsi que de l'ensemble de ses prétentions subséquentes,

- l'a condamnée à payer à Mme [L] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a déboutée du surplus de ses demandes,

- l'a condamnée aux entiers dépens.

et, statuant à nouveau,

- dire et juger que la convention conclue entre l'Etat et la société d'H.L.M. Vilogia était de plein droit applicable à compter de sa signature le 6 juin 2014,

- dire et juger en conséquence qu'elle est recevable et fondée à réclamer à Mme [L] le règlement d'un supplément de loyer solidarité mensuel de 87 408,62 euros du 1er janvier 2015 au 30 décembre 2016,

- condamner Mme [L] à lui payer la somme de 87 408,62 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,

- condamner Mme [L] à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] à lui rembourser les entiers dépens de cassation, et de renvoi après cassation.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 décembre 2019, Mme [L] demande à la cour de :

in limine litis,

- dire et juger la société d'H.L.M. Vilogia irrecevable en l'ensemble de ses demandes à défaut de justifier de sa qualité et de son droit d'agir, à défaut de produire son titre de propriété et de justifier que le logement qu'elle occupe est effectivement conventionné par la production de l'état descriptif de division publié en même temps que la convention du 6 juin 2014,

au fond,

- dire et juger la société d'H.L.M. Vilogia mal fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

en conséquence,

- débouter la société d'H.L.M. Vilogia de ses demandes et confirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de Vanves, le 16 juin 2016, en ce qu'il a :

- débouté la société d'H.L.M. Vilogia de ses demandes au titre de la dette locative, du prononcé de la résiliation du bail ainsi que de l'ensemble de ses prétentions subséquentes,

- condamné la société d'H.L.M. Vilogia à payer à Mme [L] la somme de hui cent euros (800 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société d'H.L.M. Vilogia aux dépens,

et statuant à nouveau,

- la dire et juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

en conséquence,

- condamner la société d'H.L.M. Vilogia à lui payer la somme de 5 000 euros en dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société d'H.L.M. Vilogia à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société d'H.L.M. Vilogia à l'ensemble des dépens de cassation et de renvoi après

cassation.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 février 2020.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

Sur la recevabilité du décompte de la société Vilogia

Par message RPVA en date du 3 mars 2020, il a été demandé à l'avocat de la société Vilogia de produire le décompte visé par sa pièce 18, intitulée "compte de départ du 17 mars 2017 et décompte annexé", dont seule une page avait été fournie à la cour.

L'avocat de la société Vilogia a produit en délibéré une pièce de deux pages.

L'avocat de Mme [L] a indiqué que, malgré l'intitulé de cette pièce dans le bordereau de pièces de la société Vilogia, seule la première page correspondant au compte de départ lui avait été communiquée, à l'exclusion de tout décompte. Elle soutient que le décompte produit en cours de délibéré est donc irrecevable.

Il ressort des explications des parties, qui sont conformes au dossier produit devant la cour, que, bien que la pièce 18 du bordereau de pièces de la société Vilogia fasse mention d'un décompte annexé, seule une page mentionnant le compte de départ du 17 mars 2017 a été communiqué au conseil de Mme [L].

Dès lors que le décompte produit en délibéré par la société Vilogia n'a pas été communiqué à Mme [L] avant la clôture, et qu'il n'a pas été soumis à la contradiction, il convient de le déclarer irrecevable.

Sur la recevabilité des demandes de la société Vilogia

Mme [L] soutient que les demandes de la société Vilogia sont irrecevables, faute pour celle-ci de démontrer qu'elle est propriétaire du logement loué, et qu'elle a conclu une convention de conventionnement portant sur ce logement.

La société Vilogia verse aux débats :

- l'avenant au contrat de bail transférant le bail à Mme [L] seule (M. et Mme [L] étant auparavant colocataires) en date du 19 juin 2000, qui mentionne que Mme [L] est locataire d'un appartement sis [Adresse 3],

- l'acte notarié du 26 décembre 2013 qui indique qu'elle a acquis un ensemble immobilier sis [Adresse 2], cadastrées N[Cadastre 6], N[Cadastre 7] et N[Cadastre 8].

- la convention conclue avec l'Etat en application de l'article L 351-2 du code de la construction et de l'habitation pour l'opération d'acquisition amélioration de 38 logements collectifs financés en PLS situés [Adresse 3]. Cette convention est datée du 6 juin 2014, elle précise que le logement loué à Mme [L] (n°126) est concerné par l'acte.

Dès lors, il convient de dire que la société Vilogia justifie à la fois être propriétaire de l'immeuble concerné, et que le logement loué à Mme [L] était soumis à la convention du 6 juin 2014. Les demandes de la société Vilogia sont recevables.

Sur la demande principale en paiement

La société d'H.L.M. Vilogia expose au soutien de ses prétentions que :

- elle est devenue propriétaire le 26 décembre 2013 de l'immeuble dans lequel est situé l'appartement loué à Mme [L], dans le cadre d'une opération d'acquisition-amélioration financée en Prêt Locatif Social,

- elle a souscrit le 6 juin 2014 une convention avec l'Etat en application des articles L 353-2 à L 353-17 du code de la construction et de l'habitation,

- Mme [L] a refusé de répondre à l'enquête sur ses ressources, ce qui a entraîné l'application d'un surloyer maximum forfaitaire de 3593,88 euros par mois à compter du 1er janvier 2015,

- en application de l'article L 353-14 du code de la construction et de l'habitation, la convention APL conclue avec l'Etat entre en vigueur à compter de sa signature, et non au jour de sa publication,

- une fois l'immeuble conventionné, le caractère d'ordre public de la réglementation H.L.M. s'impose à l'ensemble des locataires présents dans les logements, sans qu'elle ait à proposer de nouveau bail à Mme [L],

- la loi ELAN, postérieure au présent litige, ne peut s'y appliquer.

Mme [L] fait valoir en réponse pour l'essentiel que :

- les locataires en place des logements nouvellement conventionnés ne sont pas concernés par l'article L 441-1 du code de la construction et de l'habitation, et ils ne sont tenus au paiement d'un SLS que s'ils ont conclu un nouveau bail, sur le fondement de l'article L 353-7 du code de la construction et de l'habitation,

- en vertu de la force obligatoire des contrats et du principe de l'effet relatif des contrats, le locataire ne peut se voir imposer sans son accord une modification substantielle du contrat par l'effet d'une convention à laquelle il n'a pas été partie,

- la loi ELAN prévoit désormais explicitement que les locataires qui refusent de conclure un nouveau bail ne peuvent se voir appliquer un SLS, ce qui constitue une interprétation de la législation antérieure, d'application rétroactive,

- il doit être fait une application cumulative des articles L 353-7 et L 353-16 du code de la construction et de l'habitation, un nouveau loyer ne pouvant être imposé au locataire que si celui-ci a préalablement accepté que sa relation avec son bailleur soit régie par la convention, ce qui ressort également de la convention du 6 juin 2014, et ce alors qu'en l'espèce, aucun nouveau bail n'a jamais été proposé à Mme [L], et la convention APL ne lui a pas été notifiée,

- le SLS ne peut être appliqué lorsque le locataire règle déjà un loyer maximal dérogatoire, et c'est la réglementation relative au loyer maximal dérogatoire qui devait être appliquée à Mme [L],

- subsidiairement, sur le calcul de la dette, aucune notification de SLS de 2015 à 2017 n'a été adressée à Mme [L], la société Vilogia ne justifie pas des modalités de calcul du SLS, ni du calcul des sommes réclamées, et le locataire ne peut être privé du bénéfice du plafonnement du supplément de loyer prévu par l'article L 441-4 du code de la construction et de l'habitation.

Sur le régime applicable

Il ressort des pièces susmentionnées qu' une convention a été conclue, le 6 juin 2014 entre l'Etat et la SA d'H.L.M. Vilogia, en application de l'article L.351-2 (2°ou 3°) du code de la construction et de l'habitation pour l'opération d'acquisition-amélioration de 38 logements collectifs situés [Adresse 3], et que cette convention avait pour objet, comme le spécifie son article 1er, de fixer les droits et les obligations des parties prévus par les articles L 353-1 à L 353-17 du code de la construction et de l'habitation pour l'opération acquisition-amélioration de ces 38 logements.Il résulte de l'article L. 353-1 du Code de la construction et de l'habitation que « Les dispositions du présent chapitre règlent, dans la mesure où elles dérogent à la législation en vigueur, les rapports entre propriétaires et locataires ou occupants des logements qui ont fait l'objet d'une convention en application de l'article L.351-2 ». Il n'est pas contesté que les dispositions de ce chapitre du code de la construction et de l'habitation sont d'ordre public.

L'article L.353-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable, dispose que 'Lorsqu'à la date d'entrée en vigueur de la convention le logement concerné est l'objet d'un bail en cours de validité [...], le propriétaire doit proposer au locataire ou à l'occupant un bail conforme aux stipulations de la convention et entrant en vigueur après l'exécution des travaux prévus par celle-ci ou en l'absence de travaux prévus par la convention, à la date de l'acceptation du bail par le locataire ou l'occupant.

Le locataire dispose d'un délai de six mois pour accepter le bail. S'il refuse [...], il n'est rien changé aux stipulations du bail en cours. Dans ce cas, le locataire n'a pas droit à l'aide personnalisée au logement et le propriétaire peut demander une révision de ses engagements conventionnels ou le report de leurs effets jusqu'à l'expiration du bail.'

L'article L 353-14, dans sa rédaction applicable en l'espèce, dispose que :

' Par dérogation aux dispositions de la section I du présent chapitre, les dispositions de la présente section sont applicables aux logements conventionnés appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré mentionnés à l'article L. 411-2, aux logements apportés aux sociétés civiles immobilières régies par les articles L. 443-6-2 et suivants, ainsi qu'à ceux appartenant aux collectivités locales et gérés par lesdits organismes.'

Il convient de constater que l'article L 353-14 du code de la construction et de l'habitation indique que les articles L 353-15 à L 353-22, sans faire de distinction entre ces différents articles, sont applicables aux logements conventionnés appartenant aux organismes d'H.L.M., par dérogation aux articles L 353-2 à L 353-13 qui concernent les autres logements conventionnés.

En conséquence, l'article L 353-7 du code de la construction et de l'habitation n'était pas applicable aux logements relevant du secteur H.L.M.

Dans ce cadre, c'est l'article L 353-16 du code de la construction et de l'habitation qui s'appliquait, lequel prévoyait :

' A compter de la date d'entrée en vigueur de la convention [...], le bailleur peut, dans la limite du maximum prévu par la convention, fixer un nouveau loyer qui est applicable dès sa notification aux titulaires de baux en cours ou aux bénéficiaires du droit au maintien dans les lieux sans qu'il soit nécessaire de leur donner congé.'

L'article L. 353-17 de ce code précise que : ' Par dérogation à l'article L. 353-3, les conventions concernant les logements mentionnés à l'article L. 353-14 prennent effet à leur date de signature'.

En conséquence, il convient de dire que la convention signée entre l'Etat et la société Vilogia s'appliquait dès sa signature, soit le 6 juin 2014.

La mise à la disposition du locataire, prévue par l'article L. 353-16 du CCH, d'une copie de la convention conclue entre l'Etat et le bailleur ne constitue pas une condition préalable à son exécution. En outre, la loi n'assortit d'aucune sanction le défaut de mise à disposition de la convention.

Dès lors, l'article L. 353-14 du code de la construction et de l'habitation s'applique au logement des Mme [L] malgré l'absence de mise à disposition de la convention par la société H.L.M. Vilogia.

Il convient de constater que, si la loi ELAN du 23 novembre 2018, a modifié postérieurement cette réglementation, rien ne justifie qu'il s'agit d'une interprétation de la loi antérieure, dès lors qu'au contraire les réponses ministérielles produites par Mme [L] elle-même indiquent notamment :

'La loi ELAN a à nouveau clarifié et modifié cette situation pour la rendre plus juste et compréhensible pour le locataire. Les dispositions législatives, dans la rédaction issue de cette loi, clarifient et étendent la possibilité pour le locataire de choisir (...)'.

En conséquence, la loi ELAN ne peut s'appliquer rétroactivement, et Mme [L] est mal fondée à en réclamer l'application.

L'article L 441-3 du code de la construction et de l'habitation énonce, par ailleurs, que :

'les organismes d'habitations à loyer modéré perçoivent des locataires des logements visés au premier alinéa de l'article L.441-1 le paiement d'un supplément de loyer de solidarité, en sus du loyer principal et des charges locatives, dès lors qu'au cours du bail les ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer excèdent d'au moins 20 % les plafonds de ressources en vigueur pour l'attribution de ces logements.'

Les dispositions de cet article constituent un régime locatif dérogatoire applicable quels que soient les textes auxquels se réfère le bail initial, dès l'entrée en vigueur de la convention, le supplément de loyer prévu en application de l'article L 441-3 du code de la construction et de l'habitation étant exigible en vertu d'une prérogative de puissance publique dérogeant aux dispositions de droit commun du louage.

Le bailleur peut, dans le cas où les ressources du locataire excèdent significativement le plafond de ressources pour l'attribution d'un logement social, appeler un loyer pratiqué dans la limite du loyer dérogatoire, mais aussi un SLS conforme au barème applicable.

L'argumentation de Mme [L] sur l'inapplication du supplément de loyer de solidarité aux logements sousmis à un loyer maximum dérogatoire est donc mal fondée.

La société Vilogia était donc en droit de réclamer à Mme [L] le paiement d'un supplément de loyer de solidarité, et le jugement sera infirmé de ce chef.

En raison de sa nature, le supplément de loyer est applicable dès la signature de la convention entre l'Etat et la société d'H.L.M., étant précisé que la société Vilogia le réclame en l'espèce à compter du 1er janvier 2015.

Sur le montant de la créance

Mme [L] conteste le montant du supplément de loyer de solidarité qui lui a été appliqué.

La société Vilogia justifie avoir à plusieurs reprises demandé à Mme [L] de justifier de ses ressources, et avoir fait délivrer à Mme [L] le 22 juillet 2015 une sommation de lui fournir l'enquête ressource et situation des ocupants, ainsi que son avis d'imposition.

Mme [L] ne conteste pas avoir refusé de fournir ces éléments.

Selon les dispositions de l'article L 441-4 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable, le montant du supplément de loyer de solidarité est également obtenu en appliquant le coefficient de dépassement du plafond de ressources au supplément de loyer de référence du logement. Ce montant est également plafonné lorsque, cumulé avec le montant du loyer principal, il excède 25 % des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer. Le programme local de l'habitat peut porter ce plafond jusqu'à 35 % des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer.

En application de l'article L 441-9 du code de la construction et de l'habitation, à défaut de justification par le locataire de ses ressources, et après mise en demeure restée infructueuse pendant quinze jours, l'organisme d'habitations à loyer modéré liquide provisoirement le supplément de loyer. Pour cette liquidation, il est fait application d'un coefficient de dépassement du plafond de ressources égal à la valeur maximale prévue par le décret mentionné à l'article L. 441-8. L'organisme d'habitations à loyer modéré perçoit en outre une indemnité pour frais de dossier dont le montant maximum est fixé par décret en Conseil d'Etat.

Selon les dispositions de l'article R 441-21 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version en vigueur en l'espèce, le supplément de loyer de solidarité appliqué par l'organisme d'habitations à loyer modéré est calculé par lui en fonction :

1° Du coefficient de dépassement du plafond des ressources dont la valeur est de 0, 27 lorsque le dépassement est égal à 20 % ; pour chaque dépassement supplémentaire de 1 %, est ajoutée une valeur de :

- 0,06 au-dessus de 20 % jusqu'à 59 % de dépassement,

- 0,08 de 60 % jusqu'à 149 % de dépassement,

- 0,1 à partir de 150 % de dépassement.

2° Du supplément de loyer de référence dont le montant mensuel par mètre carré habitable est fixé à :

- 2, 50 € pour les logements situés à [Localité 11] et dans les communes limitrophes (zone 1 bis),

- 2, 00 € pour les logements situés dans les autres communes de l'agglomération de [Localité 11] et dans les communes des zones d'urbanisation et des villes nouvelles de la région d'Ile-de-France (zone 1) ,

- 1,00 € pour les logements situés dans le reste de la région d'Ile-de-France, dans les agglomérations et communautés urbaines de plus de 100 000 habitants, dans les communes rattachées à un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de programme local de l'habitat regroupant plus de 100 000 habitants au dernier recensement partiel connu et dans les zones d'urbanisation et les villes nouvelles hors de la région d'Ile-de-France (zone 2) ;

- 0,25 € pour les logements situés en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte et dans le reste du territoire national (zone 3).

La société Vilogia indique que le supplément de loyer de solidarité a été calculée sur la base de :

- supplément de loyer de solidarité de référence mensuel au m2 de surface habitable : 2,68 euros (SLS ref)

- surface habitable du logement : 90 m2 (SH)

- prix maximum m2 habitable : 999,99 euros (MH)

- loyer principal mensuel (hors charges) : 770,97 euros (LP)

- coefficient de dépassement par rapport au plafond : 14,90 (CD)

- supplément de loyer de solidarité avant plafonnement : 3593,88 euros (PS = SLSref x SH X CD)

- plafond SLS/ ressources : 0

- plafond SLS/m2 surface habitable : 89 228,13 euros

- SLS après plafonnement : 3593,88 euros

Aucun contrat de bail mentionnant la surface du logement n'est produit aux débats.

Cependant, la convention du 6 juin 2014 indique que la surface habitable de l'appartement 126 est de 79, 60 m2. En l'absence d'autre élément de preuve, c'est cette surface qui doit être prise pour base du calcul du supplément de loyer de solidarité.

Concernant le supplément de loyer de solidarité de référence mensuel au m2, il y a lieu de constater que le calcul doit être effectué sur la base de 2, 50 euros, conformément à l'article R 441-21 du code de la construction et de l'habitation, faute pour la société Vilogia de justifier de sa base de calcul.

En conséquence, le montant mensuel du supplément de loyer de solidarité qui pouvait être réclamé à Mme [L] était de 2965, 10 euros (2,5 x 79,6 x 14,90), et non de 3593,88 euros.

La loi 24 mars 2014 a modifié l'article L 441-4 du code de la construction et de l'habitation, qui prévoyait jusqu'alors que le montant du supplément de loyer de solidarité était plafonné lorsque, cumulé avec le montant du loyer principal, il excèdait, par mètre carré de surface habitable, un plafond fixé par décret.

En conséquence, entre 2015 et 2017, la société Vilogia n'avait pas à plafonner le supplément de loyer de solidarité, sauf à ce qu'il excède 25 % des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer, ce qui n'était pas déterminable en l'état, la locataire refusant de donner les justificatifs de ses ressources.

La pièce 'compte de départ' du 21 mars 2017, qui mentionne un solde antérieur de 87 637,18 euros sans plus de précision, ne peut justifier du montant de la dette locative.

La société Vilogia ne verse aux débats un décompte que pour la période comprise entre le 31 décembre 2014 et le 31 mars 2016, qui mentionne un solde débiteur de 55 052,66 euros.

Dès lors que la société Vilogia a imputé à la locataire sur cette période un supplément de loyer de solidarité mensuel de 3593,88 euros au lieu de 2965,10 euros, il faut déduire de cette dette la somme de 9431,70 euros au titre du surloyer indûment décompté.

Il y a lieu également de déduire les frais d'assignation, qui relèvent des dépens.

Il convient en conséquence de condamner Mme [L] à verser à la société Vilogia la somme de 45 419,83 euros au titre de sa dette locative au 31 mars 2016. La société Vilogia sera déboutée du surplus de sa demande, faute de justifier du montant de sa créance.

Sur les demandes de dommages et intérêts

Mme [L] ne justifie d'aucune faute de la société Vilogia, qui était bien fondée à lui réclamer un supplément de loyer de solidarité, et doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité procédurale et les dépens

Mme [L], partie perdante, sera condamnés aux dépens de première instance, d'appel, et de cassation, les dispositions du jugement attaqué relatives aux dépens et à l'indemnité procédurale étant infirmées.

Il convient en équité de la condamner à payer à la société H.L.M. Vilogia la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa demande à ce titre étant rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevable le décompte produit en délibéré par la société Vilogia correspondant à la deuxième page de sa pièce 18,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau,

Condamne Mme [L] à payer à la société d'H.L.M. Vilogia la somme de 45 419,83 euros au titre du supplément de loyer de solidarité pour la période allant du 1er janvier 2015 au 31 mars 2016,

Déboute la société Vilogia du surplus de ses demandes,

Condamne Mme [L] aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Condamne Mme [L] à payer à la société H.L.M. Vilogia la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Mme [L] aux dépens de cassation et d'appel.

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 19/06390
Date de la décision : 26/05/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°19/06390 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-26;19.06390 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award