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26/05/2020 | FRANCE | N°18/08362

France | France, Cour d'appel de Versailles, 1re chambre 2e section, 26 mai 2020, 18/08362


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 00A



1re chambre 2e section



ARRÊT N°



RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE



DU 26 MAI 2020



N° RG 18/08362 - N° Portalis DBV3-V-B7C-S2N7



AFFAIRE :



[X] [Y] [C]



C/



S.A. ISO SET









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2018 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-17-0007







Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/05/2020





à :



Me Oriane DONTOT



Me Marc

MONTAGNIER



TI DE SANNOIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

1re chambre 2e section

ARRÊT N°

RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

DU 26 MAI 2020

N° RG 18/08362 - N° Portalis DBV3-V-B7C-S2N7

AFFAIRE :

[X] [Y] [C]

C/

S.A. ISO SET

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 Septembre 2018 par le Tribunal d'Instance de SANNOIS

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 11-17-0007

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26/05/2020

à :

Me Oriane DONTOT

Me Marc

MONTAGNIER

TI DE SANNOIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [Y] [C]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20181145 et par Maître Adrien BROUSSE, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : G0748

APPELANT

****************

S.A. ISO SET

N° SIRET : 502 55 3 3 40

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Maître Marc MONTAGNIER de la SELARL ELLIPSIS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 202 et Me Isabelle FERRERO, avocat collaboratrice de Maître Ernest SFEZ, avocat plaidant au barreau de PARIS, vestiaire : C2042

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe JAVELAS, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle BROGLY, Président,

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Catherine SPECHT,

Suivant acte du 23 septembre 2014, M. [X] [Y] [C] a conclu un contrat de formation avec la société anonyme ISO SET pour un coût global de 10 500 euros, le contrat promettant un recrutement par une société partenaire moyennant le suivi d'une formation financée par cette dernière. Par acte en date du 27 avril 2015, M. [Y] [C] a conclu un contrat de travail avec la société Dcarte Engineering et a été mis à disposition de la société Partenor Technologies en vue de l'accomplissement d'une mission auprès d'un sous-traitant, jusqu'au 31 décembre 2016. Par lettre en date du 4 novembre 2016, M. [Y] [C] a remis sa démission. Le solde de ses frais de scolarité lui a, de ce fait, été réclamé.

Par ordonnance du 23 mai 2017, rendue à la requête de la société ISO SET, il a été enjoint à M. [Y] [C] de payer la somme de 9 466,60 euros au titre du solde des frais de scolarité, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification de l'ordonnance, laquelle a été effectuée par acte d'huissier de justice délivré le 11 juillet 2017.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 4 août 2017, M. [Y] [C] a formé opposition à ladite ordonnance.

Par jugement contradictoire du 20 septembre 2018, le tribunal d'instance de Sannois a :

- reçu M. [Y] [C] en son opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 23 mai 2017 (IP 21/17/000497),

y a substitué le présent jugement,

- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [Y] [C],

- condamné M. [Y] [C] à payer à la société ISO SET la somme de 9 466,60 euros (neuf mille quatre cent soixante-six euros et soixante centimes) outre les intérêts au taux légal à compter du 11 juillet 2017,

- débouté la société ISO SET de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné M. [Y] [C] au paiement de la somme de 300 euros (trois cents euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Y] [C] aux entiers dépens, y compris les frais d'injonction de payer,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté toute autre demande.

Par déclaration reçue au greffe du 11 décembre 2018, M. [Y] [C] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2020, M. [Y] [C], demande à la Cour de:

- infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

statuant à nouveau,

à titre principal et in limine litis,

- dire que le tribunal d'instance de Sannois est matériellement incompétent pour connaître des demandes formées par la société ISO SET, au profit du Conseil de prud'hommes de Créteil,

subsidiairement,

- débouter la société ISO SET de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la société ISO SET à verser à M. [Y] [C] les sommes suivantes :

- 11 833,40 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi du fait de la minoration salariale pratiquée au cours de sa période d'emploi par la société Dcarte Engineering,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de l'action en justice engagée par la société ISO SET,

en tout état de cause,

- ordonner à la société ISO SET de lui rembourser ses frais non compris dans les dépens à concurrence de 3 500 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- laisser à la société ISO SET la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit du Cabinet JRF Avocats représentée par Me Oriane Dontot, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société ISO SET n'a pas constitué avocat. Par acte d'huissier de justice délivré le 17 janvier 2019, la déclaration d'appel lui a été signifiée par remise à personne morale. Par acte d'huissier de justice délivré le 25 février 2020, les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées par remise à personne morale. La cour relève que la société Iso Set a son siège social en Suisse et dispose d'un établissement en France au [Adresse 3] [Localité 1], selon la mention écrite par l'officier instrumentaire, et qu'une employée du Centre des Affaires Business Center, Mme [O] [P], après avoir confirmé l'adresse du destinataire, a accepté de recevoir l'acte, en se déclarant habilitée en ce sens, en sorte que la signification de l'assignation est régulière, sans qu'il y ait lieu de rechercher si une signification a préalablement été tentée au siège social (Cass, 2ème civ. 10 Janvier 2019,numéro de pourvoi : 17-28.102).

Le présent arrêt, rendu après défaut de comparution de l'intimé, alors que l'assignation lui a été délivrée à personne morale, sera qualifié de réputé contradictoire en application de l'article 473, alinéa 2, du Code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 27 février 2020.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l'exception d'incompétence soulevée par M. [Y] [C]

M. [Y] [C] soulève in limine litis l'incompétence de la juridiction civile au profit de celle du conseil de prud'hommes de Créteil et sollicite de se fait l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il s'est reconnu compétent pour connaître du présent litige.

Il expose à la Cour que :

- ingénieur informatique en recherche d'emploi, il a été mis en contact avec la société Iso Set par un organisme de formation qui lui a promis un recrutement à moyen terme, moyennant le suivi d'une formation préalable, financée par la société Iso Set,

- il a signé le 23 septembre 2014, avec la société Iso Set un contrat de formation professionnelle prévoyant une formation d'une durée de 490 heures, dispensée sur 70 jours, le coût global de la formation s'élevant à 10 500 euros,

- il lui a été oralement précisé que les frais de formation seraient en réalité pris en charge par son futur employeur, la société partenaire,

- concomitamment à la signature du contrat de formation professionnelle, il a également signé une 'acceptation de créance' rappelant que le coût global de la formation s'élevait à la somme de 10 500 euros toutes taxes comprises,

- la formation a en réalité consisté, pour l'essentiel, à rédiger des curriculum vitae agrémentés de fausses expériences professionnelles, destinés à permettre à l'entreprise partenaire de le placer chez l'un de ses clients,

- au terme de la formation, son profil n'ayant toujours pas été retenu par l'un des clients de l'entreprise partenaire, il lui a été demandé de continuer à fréquenter le centre de formation et de continuer à rédiger des curriculum vitae arrangés en fonction des appels d'offres,

- à la fin du mois d'avril 2015, il a été informé que son profil avait été retenu et il lui a été transmis une proposition d'embauche par la société partenaire, Dcarte Engineering, précision étant apportée que le coût total de sa formation s'élevait désormais à 21 300 euros,

- il a été contraint d'accepter cette proposition d'embauche, faute de pouvoir rembourser le prix de sa formation,

- en même temps que son contrat d'embauche, il a signé une reconnaissance de dette au profit de la société Iso Set pour la somme de 21 300 euros, assortie d'une dispense de paiement valable aussi longtemps qu'il demeurerait lié à la société Dcarte Engineering,

- ayant été amené à démissionner de ses fonctions le 4 novembre 2016, la société Iso Set lui a réclamé le solde de ses frais de formation, soit la somme de 9 466, 60 euros,

- la société Iso Set a saisi le tribunal d'instance de Sannois d'une demande d'injonction de payer, à laquelle le juge d'instance a fait droit, et à laquelle il a formé opposition,

- le juge d'instance a commis une erreur de droit en se reconnaissant matériellement compétent pour connaître du litige qui lui était soumis, en faisant valoir que la demande en paiement de la société Iso Set reposait sur un contrat de formation professionnel antérieur au contrat de travail et sur une reconnaissance de dette établie le 27 avril 2015 et ne concernait donc pas le contrat de travail qui eût emporté compétence de la juridiction prud'homale,

- en effet, la reconnaissance de dette dont la société Iso Set se prévaut constitue un accessoire du contrat de travail conclu avec la société Dcarte Engineering, et il en va de même du contrat de formation professionnelle, peu important que ce contrat ait été conclu avant le contrat de travail et avec une tierce personne morale, dès lors qu'il constitue un accessoire de ce contrat de travail,

- par suite, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il rejeté l'exception d'incompétence soulevé par M. [Y] [C].

Sur ce

Aux termes de l'article L.1411-1 du Code du travail la juridiction prud'homale est seule compétente pour connaître des différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs ou leurs représentants et les salariés qu'ils emploient.

L'article L.221-4 du Code de l'organisation judiciaire précise que le tribunal d'instance, sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, connaît, en matière civile de toute action personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros.

En l'espèce, le premier juge a exactement relevé que le contrat de formation professionnelle signé par M. [Y] [C] le 23 septembre 2014 sur lequel se fonde la demande en paiement de la société Iso Set était antérieur de quelque sept mois au contrat de travail conclu le 27 avril 2015 avec une autre entreprise, la société Dcarte Engineering, et que, partant, le litige opposant M. [Y] [C] à la société Iso Set ne pouvait être considéré comme l'accessoire du contrat de travail souscrit postérieurement avec une autre entreprise, en sorte que la juridiction d'instance se trouvait compétente pour en connaître.

A ces justes motifs, il y a lieu d'ajouter que la convention de formation professionnelle dont l'exécution est l'objet du présent litige ne fait aucune référence à un quelconque contrat de travail et que le contrat de travail signé postérieurement ne mentionne pas non plus le contrat de formation, que la société Iso Set n'étant pas l'employeur de M. [Y] [C], la convention de formation professionnelle et la reconnaissance de dette signée le 27 avril 2015 ne peuvent , contrairement à ce que soutient ce dernier, s'analyser comme une clause de dédit-formation, qui est une clause du contrat de travail par laquelle le salarié, après avoir bénéficié d'une formation professionnelle financée par son employeur, s'engage à demeurer au service de ce dernier en s'interdisant, pendant une durée minimale, à mettre fin au contrat de travail à l'issue de la formation sauf à en rembourser le coût.

Le jugement déféré doit, de ce fait, être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [Y] [C].

II) Sur la demande en paiement de la société Iso Set

M. [Y] [C], pour s'opposer à la demande en paiement de la société Iso Set et solliciter l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamné à payer à cette dernière une somme de 9 466, 50 euros, représentant le solde du coût de sa formation, fait valoir à la Cour que :

- le contrat de formation professionnelle qu'il a conclu avec la société Iso Set doit être annulé ce qu'il ne répond pas aux exigences de l'article L.6353- du Code du travail, dès lors que les mentions qu'il contient sont trop imprécises, trop sibyllines, ne livrent aucune information sur le contenu de la formation dispensée et ne renvoient à aucun diplôme ou certification répertorié par la commission nationale de la certification professionnelle,

- les autres juridictions ayant eu à connaître de litiges opposant la société Iso Set à ses anciens stagiaires ont systématiquement annulé les conventions de formation, pour un défaut de respect des exigences de l'article L.6353-4 du Code du travail,

- le contrat de formation professionnelle encourt la nullité en ce qu'il ne respecte pas non plus les dispositions de l'article L.6353-6 du Code du travail aux termes desquelles aucune somme ne peut être exigée du stagiaire avant l'expiration d'un délai de rétractation (dix jours) prévu par l'article L.6353-5, dès lors que concomitamment à la signature du contrat de formation professionnelle M. [Y] [C] a été contraint de signer une acceptation de créance correspondant au coût total de la formation, soit 10 500 euros toutes taxes comprises, lui donnant le sentiment d'être redevable à son cocontractant de l'intégralité de ce coût,

- les actes fondant l'action de la société Iso Set doivent être requalifiés en une convention de dédit-formation, qui ne répondant pas aux exigences de la Cour de cassation relatives à de telles clauses - le montant de l'indemnité de dédit doit être proportionné aux frais de la formation et ne doit pas avoir pour effet de priver le salarié de la faculté de démissionner - doit conduire la Cour à débouter la société Iso Set de sa demande en paiement,

- le montage juridique élaboré par la société Iso Set est constitutif d'une fraude et porte atteinte aux droits de M. [Y] [C]. Ce montage est proposé à des salariés étrangers auxquels il est promis, par ce moyen, l'obtention d'une autorisation de travail et un contrat de travail et ces pratiques ont donné lieu à l'ouverture d'une information judiciaire dont est saisi un juge d'instruction du tribunal judiciaire de Créteil et à plusieurs mises en examen dont la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris a eu à connaître. Au plan civil, ce montage porte atteinte aux droits des salariés en ce qu'il aboutit à leur faire supporter la charge de leur adaptation professionnelle à leur emploi, sans information préalable du coût de celle-ci, en ce qu'il méconnaît le principe de la liberté du travail, les salariés subissant une pression pour conclure le contrat de travail et se voyant exposés au remboursement d'une somme exorbitante dans l'hypothèse où ils décideraient de quitter leur employeur. Les agissements frauduleux de la société Iso Set disqualifient sa demande en paiement qui ne pourra qu'être rejetée par la Cour.

- à titre infiniment subsidiaire, M. [Y] [C] conteste le montant des sommes qui lui sont réclamées, en soulignant que la reconnaissance de dette du 27 avril 2015 ne répond pas aux exigences de l'article 1376 du Code civil, qui dispose qu'une reconnaissance de dette doit indiquer le montant de la somme en toutes lettres et en chiffres, en sorte que l'existence de la dette n'est pas démontrée, alors que le coût global de la formation correspond à plus du double de celui stipulé dans la convention conclue en début de stage, qui est de 10 500 euros toutes taxes comprises. De plus, la prolongation de la formation du 1er janvier au 27 avril 2015 n'a pas fait l'objet d'un avenant au contrat de formation initialement conclu ni d'aucun écrit entre les parties, en méconnaissance des exigences de l'article L.6353-4 du Code du travail et de l'article 8C du contrat de formation professionnelle du 23 septembre 2014 et alors même que la condamnation mise par le premier juge à la charge de M. [Y] [C] correspond exclusivement au coût de la deuxième phase de formation pour laquelle précisément aucun contrat écrit n'a été établi entre les parties. En outre,, le volume d'heures de formation dispensées à M. [Y] [C] est moins important que celui dont il aurait dû bénéficier, soit 994 heures, et il n'est justifié que d'une trentaine d'heures de cours. Enfin, le manque de sérieux et d'effectivité de la formation, dont M. [Y] [C] justifie en versant aux débats de nombreuses attestations de stagiaires mécontents, qui confirment qu'aucune formation technique ou théorique n'était fournie et que le contenu de la formation consistait pour l'essentiel à préparer de faux curriculum vitae agrémentés de fausses expériences, interdit à la société Iso Set de prétendre au paiement de quelque somme que ce soit.

Sur ce

En application des dispositions de l'article 954 du Code de procédure civile, la Cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif (Cass. 3ème civ. 2 juin 2016, n°15-16.614).

En l'espèce, l'annulation de la convention de formation passée avec la société Iso Set, sollicitée dans le corps des dernières écritures de M. [Y] [C], n'est pas reprise dans le dispositif de ces mêmes écritures.

Par suite, les moyens soulevés par l'appelant pour inviter la Cour à débouter la société Iso Set de sa demande en paiement du solde des frais de formation, motifs pris de ce que la convention de formation encourrait la nullité du fait qu'elle ne respecterait pas les dispositions des articles L.6353 et L. 6353-6 du Code du travail, sont inopérants, la Cour ne pouvant être amenée à tirer les conséquences juridiques de l'annulation de la convention de formation litigieuse, alors même que n'étant pas saisie de cette demande d'annulation, elle ne peut en examiner le bien-fondé.

Pour les motifs indiqués ci-avant, la convention de formation professionnelle et la reconnaissance de dette signée le 27 avril 2015, sur lesquelles la société intimée fonde sa demande, ne peuvent , contrairement à ce que soutient ce dernier, s'analyser comme une clause de dédit-formation.

Le caractère frauduleux des agissements de la société Iso Set allégué par M. [Y] [C], qui fait état de l'ouverture d'une information judiciaire au tribunal de Créteil et de décisions de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, n'est pas suffisamment démontré par les pièces versées aux débats dans le cadre de la présente instance.

M. [Y] [C] conteste, en outre et à titre infiniment subsidiaire, les sommes qui lui sont réclamées en faisant valoir, d'une part, que la reconnaissance de dette qu'il a signée le 27 avril 2015, ne rapporte pas la preuve de l'existence de la créance, en ce qu'elle ne respecte pas les exigences de l'article 1376 du Code civil et, d'autre part, que la demande en paiement est dénuée de cause, dès lors que la seconde phase de la formation qui lui a été imposée n'a fait l'objet d'aucun contrat écrit entre les parties en violation du Code du travail et des stipulations de la convention professionnelle de formation (article 8 C), que la société Iso Set ne démontre pas la réalité de la formation qui lui a été dispensée ainsi qu'il ressort du relevé établi par ses soins qui permet de constater que seule une trentaine d'heure de cours a été dispensée sur les 994 heures prévues, et qu'enfin, la formation est dénuée de toute effectivité comme il en est justifié par les nombreuses attestations qu'il verse aux débats.

Le premier moyen tiré du défaut de caractère probant de la reconnaissance de dette signée par M. [Y] [C], du fait que l'instrumentum ne répond pas aux exigences de l'article 1326 du Code civil en ce qu'il ne comporte aucune mention manuscrite de la somme due ni en chiffres ni en lettre ni aucune mention en lettres de cette même somme, ne peut prospérer.

En effet, l'article 1326 étant conçu comme une règle de preuve, le défaut de l'un de ses éléments ne préjuge en rien de l'absence de la validité du negotium, mais a seulement pour effet de réduire l'efficacité de l'instrumentum, qui ne vaut alors que comme simple commencement de preuve par écrit, susceptible d'être complété par un élément extrinsèque à l'acte lui-même.

Il en résulte que M. [Y] [C], signataire d'une reconnaissance de dette irrégulière au sens de l'article 1326 du Code civil, ne peut, du fait de l'indépendance des articles 1326 et 1132 du Code civil, contester l'existence du negotium, c'est-à-dire du contrat ayant donné naissance à l'obligation dont la reconnaissance de dette litigieuse atteste l'existence - en se fondant sur cette irrégularité.

Par ailleurs, il résulte de l'article 1132 du Code civil que si la cause est exprimée dans l'acte comme c'est le cas en l'espèce la reconnaissance de dette indiquant que ' M. [Y] [C] a suivi une formation à titre privé dispensée ...du 23/09/2014 au 27/04/2015", cette cause étant présumée exacte, il appartient à M. [Y] [C], en sa qualité de débiteur, de rapporter la preuve que celle-ci n'existe pas.

Par suite, M. [Y] [C] ne peut faire grief à la société Iso Set de ne pas démontrer l'effectivité de la formation qui lui a été dispensée, cette preuve incombant à l'appelant.

Toutefois, l'appelant produit pas moins de onze attestations d'autres stagiaires mécontents dont les témoignages se recoupent et qui exposent qu'aucune formation théorique, technique ou pratique n'a été, en fait, fournie par la société Iso Set, que la formation litigieuse s'analysait, en fait, en une 'auto-formation' à la durée totalement aléatoire, les stagiaires étant livrés à eux-mêmes, dont l'unique objectif consistait à rédiger de faux curriculum vitae pour répondre aux appels d'offres et être accepté chez un client final.

L'absence d'effectivité de la formation et, partant, de cause à l'acceptation de créance et à la reconnaissance de dette signées par M. [Y] [C] étant ainsi démontrées, la société Iso Set sera déboutée de sa demande en paiement de la somme correspondant au solde des frais de formation et condamnée, au surplus, à rembourser à M. [Y] [C] les frais acquittés par prélèvement sur ses salaires, représentant un montant de 11 833,40 euros.

III) Sur la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y] [C] en réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de l'action engagée par la société Iso Set (5 000 euros)

Une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières, qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré, malgré l'infirmation dont sa décision a été l'objet en appel (Cass. civ 2ème, 10 mai 2007).

Par suite, la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y] [C] sera rejetée.

IV) Sur les demandes accessoires

La société Iso Set, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant par décision réputée contradictoire mise à disposition au greffe

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant rejeté l'exception d'incompétence soulevée par M. [X] [Y] [C] ;

Statuant à nouveau

Déboute la société Iso Set de ses demandes ;

Condamne la société Iso Set à payer à M. [X] [Y] [C] la somme de 11 833,40 euros;

Déboute M. [X] [Y] [C] de sa demande de dommages et intérêts ;

Vu l'article 700 du Code de procédure civile, condamne la société Iso Set à payer à M. [X] [Y] [C] une indemnité de 3 500 euros ;

Condamne la société Iso Set aux dépens de première instance et d'appel et dit que les dépens de la procédure d'appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, par l'avocat de M. [X] [Y] [C] qui en fait la demande.

Prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Isabelle BROGLY, Président et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 1re chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 18/08362
Date de la décision : 26/05/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 1B, arrêt n°18/08362 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-26;18.08362 ?
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