COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRÊT N° 152
CONTRADICTOIRE
DU 14 MAI 2020
N° RG 17/03689
N° Portalis : DBV3-V-B7B-RWTL
AFFAIRE :
[G] [M] [J]
C/
Association GROUPE ESSEC
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Juin 2017 par le conseil de prud'hommes - Formation paritaire de Cergy Pontoise
Section : Encadrement
N° RG : 16/00499
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 15 Mai 2020 à :
- Me Géry WAXIN
- Me Christophe DEBRAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE MAI DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 2 avril 2020 puis prorogé au 14 mai 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Monsieur [G] [M] [J]
né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 7] (PORTUGAL)
de nationalité Portugaise
[Adresse 1]
[Adresse 3]
Représenté par Me Géry WAXIN, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0395
APPELANT
****************
L'Association GROUPE ESSEC
N° SIRET : 775 663 958
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER de la SELARL Société Dupuy et Associés, plaidant, avocate au barreau de PARIS ; et par Me Christophe DEBRAY, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle VENDRYES, Président,
Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Rappel des faits constants
L'Association Groupe Essec, implantée à [Localité 5], exploite une école d'enseignement supérieur et assure des formations. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale de l'enseignement, écoles supérieures d'ingénieurs et de cadres - FESIC du 5 décembre 2006.
M. [G] [E], né le [Date naissance 2] 1972, a été engagé par cette association le 1er septembre 2008 par contrat à durée indéterminée, en qualité de professeur associé, statut cadre autonome des enseignants permanents de gestion de l'Essec, pour exercer au sein du département « Operations Management and Decision Sciences Department ».
Par avenant d'expatriation en date du 24 juin 2011, M. [E] a été détaché comme professeur associé à l'Essec Asia-Pacific, basée à [Localité 6], pour une durée de trois ans.
M. [E] a été promu au rang de « Full Professor » le 12 Octobre 2011, il exerçait la fonction de Professor of Operations Management and Decision Sciences.
Par avenant du 31 octobre 2014, le contrat de travail à durée déterminée de M. [E] conclu avec l'Essec Asia-Pacific a été prolongé jusqu'au 31 juillet 2015 dans le cadre d'une année sabbatique.
M. [E] a été licencié par l'Association Groupe Essec pour faute grave par lettre du 8 décembre 2015, motifs pris du fait que le salarié ne s'était pas présenté à l'école située à [Localité 5] à l'issue de son expatriation à [Localité 6] et que son absence impactait l'organisation des cours.
Le 26 juillet 2016, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de [Localité 5] en contestation de son licenciement.
Une médiation a été tentée, qui a toutefois échoué.
La décision contestée
Par jugement contradictoire rendu le 15 juin 2017, la section encadrement du conseil de prud'hommes de [Localité 5] a :
- dit que le licenciement de M. [E] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non une faute grave,
- condamné l'Association Groupe Essec à verser à M. [E] les sommes suivantes :
' 21 417,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 2 141,76 euros au titre des congés payés afférents,
' 15 527,77 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
' 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que les condamnations prononcées emportaient intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation par la partie défenderesse en ce qui concerne les créances salariales et à compter du jugement en ce qui concerne les créances indemnitaires,
- ordonné la réfection du bulletin de salaire du mois d'août 2015,
- débouté du surplus des demandes,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- mis les éventuels dépens de l'instance à la charge de l'Association Groupe Essec.
La procédure d'appel
M. [E] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 17/03689 du 18 juillet 2017.
Prétentions de M. [E], appelant
Par conclusions adressées par voie électronique 3 avril 2018, M. [E] conclut à l'infirmation du jugement et demande à la cour d'appel de :
- condamner l'Association Groupe Essec à lui verser les sommes suivantes :
' 32 842,86 euros à titre de préavis,
' 3 284,28 euros au titre des congés payés sur préavis,
' 54 190,07 euros au titre des salaires d'août à décembre 2015,
' 5 419 euros au titre des congés payés afférents à la période d'août 2015 au 7 décembre 2015,
' 49 807,49 euros au titre des bonus non versés sur les publications,
' 23 798 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
' 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour inobservation de l'égalité de traitement,
' 159 216 euros à titre de dommages-intérêts pour absence d'affiliation à l'assurance chômage,
' 250 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
' 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Prétentions de l'Association Groupe Essec, intimée
Par conclusions adressées par voie électronique le 15 octobre 2018, l'Association Groupe Essec demande à la cour d'appel de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [E] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave,
- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [E] les sommes suivantes :
' 21 417,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 2 141,76 euros au titre des congés payés afférents,
' 15 527,77 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
' 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [E] pour le surplus et en conséquence,
- débouter M. [E] de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner à lui restituer les sommes versées conformément au jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 5] du 15 juin 2017, soit la somme de 36 689,41 euros nets.
Elle demande en outre une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamnation de l'appelant aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Debray, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Par ordonnance rendue le 15 novembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 23 septembre 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
M. [E] formule des demandes relatives à l'exécution du contrat de travail (rappels de salaire, inégalité de traitement, affiliation à l'assurance-chômage et bonus pour des parutions) et des demandes relatives à la rupture du contrat de travail (contestation du licenciement et indemnisation de la rupture). Il convient d'examiner ces demandes successivement.
Sur les rappels de salaire
M. [E] fait valoir que le Groupe Essec a cessé de lui verser toute rémunération à compter du 1er août 2015 jusqu'à son licenciement, à l'exception uniquement du mois de novembre 2015. Il sollicite paiement d'une somme totale de 54 190,07 euros à ce titre, outre les congés payés afférents.
L'Association Groupe Essec s'oppose à cette demande. Elle souligne que contrairement à ce que soutient le salarié, elle lui a réglé son salaire du mois d'août 2015 mais plus aucun salaire jusqu'à son licenciement en raison de son absence injustifiée. Elle fait observer que M. [E] ne s'est pas manifesté durant cette période, que ce soit pour demander le versement de son salaire ou pour justifier de son absence. Elle soutient que dès lors qu'il ne s'est pas présenté à son poste, aucun salaire ne lui était dû.
Sur ce,
Aucun salaire n'est dû lorsque la prestation de travail n'est pas exécutée.
En l'espèce, les parties conviennent que M. [E] ne s'est pas présenté à son travail à compter du 1er septembre 2015, comme il aurait dû le faire, de sorte que la retenue opérée par l'employeur sur le salaire du salarié en raison de son absence et à proportion de cette absence, du 1er septembre 2015 au 7 décembre 2015, est justifiée.
M. [E] sera débouté de cette demande, le jugement étant confirmé sur ce point.
Sur l'inégalité de traitement
M. [E] fait valoir, à l'appui de sa demande tendant à l'allocation d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison du non-respect du principe d'égalité de traitement, qu'avec sa femme, Mme [H], tous deux professeurs du Groupe Essec, ils ont bénéficié d'une expatriation sur le site de [Localité 6] en même temps et pour une durée identique, qu'en revanche, alors que Mme [H] a obtenu de rester sur le site de [Localité 6] avec un contrat de travail local, il a reçu l'ordre de rentrer sur le campus de [Localité 5] sans qu'aucun élément objectif ne le justifie.
L'Association Groupe Essec conteste cette demande. Elle souligne avoir respecté ses obligations contractuelles à l'égard de M. [E].
Sur ce,
En vertu du principe d'égalité de traitement, l'employeur est tenu de traiter de façon identique les salariés placés dans une situation comparable.
Il apparaît toutefois au vu des faits de la cause que M. [E] ne peut se comparer utilement à son épouse, Mme [H], qui n'est pas placée dans une situation comparable à la sienne.
En effet, M. [E] et Mme [H] ont bénéficié tous les deux d'une prolongation d'un an de leur expatriation à l'Essec Asia-Pacific. Un premier contrat du 31 octobre 2014 puis un second du 26 février 2015 ont été transmis à M. [E] afin qu'il bénéficie, comme Mme [H], d'une prolongation d'une durée d'un an de juillet 2014 à juillet 2015.
S'agissant de la période postérieure au 1er août 2015, l'Essec Asia-Pacific n'a pas entendu proposer de contrat à durée indéterminée à M. [E], comme elle en avait la liberté. Il s'agit d'une décision de l'Essec Asia-Pacific, dont l'Association Groupe Essec n'a pas à justifier, s'agissant d'une entité juridique distincte au demeurant non appelée à la cause.
L'Association Groupe Essec entend tout de même expliquer au nom de l'Essec Asia-Pacific sa décision de ne pas embaucher M. [E]. Elle avait en effet constaté que M. [E] avait eu un comportement inamical, méprisant et agressif avec d'autres membres du personnel, qu'il avait indiqué lui-même ne pas être satisfait de son expérience au sein de l'Essec Asia-Pacific, qu'il avait critiqué le doyen de l'Essec Asia-Pacific et avait refusé de se soumettre à son autorité et qu'il avait fait peser une atmosphère difficile au sein de l'établissement.
Cette décision de ne pas proposer de contrat de travail à durée indéterminée à M. [E] relevait du pouvoir de l'employeur et aucune comparaison ne pouvait être utilement opérée avec Mme [H], placée dans une situation qui n'est pas comparable.
Il y a lieu de confirmer le jugement de première instance et donc de débouter M. [E] de cette demande.
Sur l'affiliation à l'assurance-chômage
M. [E], qui réclame la somme de 159 216 euros à ce titre, soutient que l'obligation faite à l'employeur d'assurer son salarié contre le risque de chômage s'applique aux salariés expatriés à la charge de la société mère pendant la période d'expatriation. Il fait valoir qu'il n'a pu bénéficier d'aucun revenu de remplacement suite à la perte de son emploi.
L'Association Groupe Essec s'oppose à cette demande. Elle prétend qu'aucune indemnité n'est due à ce titre dans la mesure où M. [E] réside et travaille à [Localité 6] et qu'il n'établit pas son préjudice.
Sur ce,
En application de l'article L. 5422-1 du code du travail, lequel renvoie à différents textes réglementaires, les salariés privés d'emploi bénéficient du régime d'assurance-chômage à condition de résider sur le territoire métropolitain, dans les départements d'outre-mer et dans les collectivités d'outre-mer de Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Barthélémy et Saint-Martin.
Or, M. [E] admet toujours habiter à [Localité 6] et ne réside donc pas en France. Ce point est confirmé par son contrat de travail conclu avec la National University of [Localité 6] démontrant qu'il réside et travaille à l'étranger (pièce 26 du salarié).
Il ne justifie donc pas d'un préjudice en lien avec son absence d'affiliation à l'assurance-chômage par l'Association Groupe Essec. Au demeurant l'employeur souligne que le salaire perçu par M. [E] à [Localité 6] (90 000 euros par an) est supérieur à celui perçu en France (76 950 euros par an).
M. [E] sera débouté de cette demande et le jugement confirmé de ce chef de demande.
Sur le bonus
M. [E] indique avoir publié cinq articles dans des revues scientifiques de très bon niveau, reconnues et diffusées au plan international et ne pas avoir reçu la rétribution correspondante alors qu'à l'instar des grandes universités mondiales et des grandes écoles, les professeurs qui, dans le cadre de leurs recherches, voient leurs travaux publiés dans des revues académiques bénéficient à cette occasion de bonus. Il précise que les cinq articles ont été remis à l'éditeur ou publiés en juillet 2014, mai 2015, juillet 2015, février 2016 et octobre 2016 et portent la mention de son appartenance à l'Essec contribuant par là-même au classement de l'école parmi les meilleures écoles mondiales de management. Il réclame dès lors à ce titre la somme de 49 807,49 euros.
L'Association Groupe Essec s'oppose à cette demande. Elle fait d'abord valoir que la demande est dépourvue de fondement et que M. [E] produit des pièces pour la première fois dans le cadre de la procédure d'appel, soit deux ans après la saisine du conseil de prud'hommes. Elle indique qu'il ne s'agit pas d'un bonus mais d'un fonds de recherche supplémentaire, pour financer les recherches. Elle fait observer que M. [E] sollicite des sommes pour des articles datant de son expatriation à [Localité 6] ou postérieurement à son licenciement. Elle fait encore valoir que si la publication d'articles dans des revues hautement classées a un intérêt pour une école, elle en a également pour ses professeurs-chercheurs qui établissent ainsi leur notoriété auprès de leurs pairs notamment à l'international. Elle souligne que le bénéfice de fonds de recherches supplémentaires est subordonné à une procédure spécifique que M. [E] n'a pas respectée. Elle reproche enfin à M. [E] d'avoir, de manière délibérée et inexacte, mentionné son appartenance à l'Essec Business School de [Localité 6] ou de [Localité 5] alors qu'il n'en faisait plus partie.
Sur ce,
Le document de référence applicable aux fonds de recherche au sein de l'Association Groupe Essec est le document intitulé « Politique de soutien à la recherche - 2015 » applicable au 1er janvier 2015 produit par l'employeur en pièce 12.
L'article 2.1 précise : « La publication effective d'un article ou d'un ouvrage lié aux disciplines couvertes par les différents départements de l'Essec donne droit à la mise à disposition d'un budget de recherche pour l'auteur/les coauteurs, membre(s) du corps professoral permanent. Ces ressources peuvent être utilisées uniquement pour des dépenses liées à l'activité de recherche, par exemple : acquérir des ouvrages scientifiques, du matériel informatique, assister aux congrès et groupes de recherche ; rémunérer des assistants de recherche, et racheter (...) des heures d'enseignement pour lui permettre de consacrer plus de temps à la recherche ».
Il résulte de cet article que cette subvention n'est pas une prime ou un bonus salarial destiné à rétribuer M. [E] pour ses publications, contrairement à ce que celui-ci soutient.
De plus, le bénéfice de fonds de recherche est subordonné à une procédure spécifique, consistant à envoyer au centre de recherche un original et une copie de la publication, saisir toute information concernant la publication dans les formulaires électroniques appropriés et les adresser au centre de recherche. Or, M. [E] ne justifie pas avoir respecté cette procédure.
Par ailleurs, à supposer la procédure respectée, ce qui n'est pas établi, le bénéfice d'une subvention de recherche peut être accordée au stade de la publication en ligne de l'article. Or les articles dont fait état M. [E] datent de son expatriation à [Localité 6] ou sont postérieurs à son licenciement.
M. [E] ne peut donc pas prétendre à une subvention de recherche.
Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.
Sur le licenciement pour faute grave
M. [E] conteste son licenciement.
Il fait d'abord valoir que la faute grave implique une réaction immédiate de l'employeur, or l'Essec a attendu deux mois et demi avant de prononcer son licenciement, qu'en ne sanctionnant pas immédiatement la faute, l'employeur la considère insuffisamment grave pour justifier une faute grave.
Il fait principalement valoir que l'Essec s'est contentée d'exiger sa présence sur le site de [Localité 5] à compter du 31 août 2015 sans lui fournir la moindre indication sur l'enseignement dont il serait chargé ou les cours qu'il devrait dispenser ou quelles seraient ses responsabilités réelles. Il soutient qu'à l'issue d'une période d'expatriation, la proposition de réintégration doit être ferme et précise, que le salarié est en droit d'exiger le statut exact qu'il occupera dans le poste où il sera réintégré.
Enfin, il ajoute qu'il était parfaitement fondé à croire qu'il poursuivrait sa carrière à [Localité 6] dans la mesure notamment où le groupe Essec avait proposé à son épouse, elle aussi professeur au sein du même groupe, de rester à [Localité 6].
La faute grave se définit comme la faute qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.
Il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir d'une faute grave du salarié d'en apporter seul la preuve. Si un doute subsiste sur la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, énonce :
"1. Par courrier Fedex en date du 12 novembre 2015, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au mardi 24 novembre 2015 sur le site de [Localité 5].
A votre demande, cet entretien s'est déroulé ce même jour via Skype.
Aucune des explications que vous nous avez fournies ne nous ayant permis de modifier notre appréciation des faits, nous sommes contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs suivants.
2. Vous avez été engagé au sein du Corps Professoral Permanent de l'association Groupe Essec à compter du 1er septembre 2008.
Par avenant à votre contrat de travail en date du 24 juin 2011, vous avez été expatrié au sein de l'Essec [Localité 6], à compter du 1er août 2011, pour une durée de 3 ans éventuellement renouvelable.
Le 31 juillet 2014, votre expatriation au sein de l'Essec [Localité 6] a pris fin.
Néanmoins, à votre demande, il a été convenu que votre expatriation serait renouvelée pour une durée d'un an et prendrait fin le 1er août 2015.
Il vous a été rappelé, à plusieurs reprises, et notamment par courrier en date du 19 juin 2015, que votre expatriation prenait fin le 1er août 2015 et que vous deviez vous présenter sur le campus de [Localité 5], à compter du 31 août 2015. Il vous a été également demandé de prendre contact avec le service des Ressources Humaines pour organiser votre déménagement.
Or depuis, le 31 août 2015, vous ne vous êtes jamais présenté à [Localité 5] et n'avez adressé un justificatif de cette absence prolongée.
Par courrier en date du 24 septembre 2015, nous vous avons invité à justifier de votre absence et à nous indiquer si des raisons familiales vous empêchaient de reprendre votre poste de travail à [Localité 5].
Nous avions attiré votre attention sur le fait que votre absence impactait l'organisation des cours et que dans ces conditions, nous avions besoin de connaître précisément vos intentions.
Ce courrier est resté sans réponse de votre part.
Au cours de l'entretien préalable qui s'est tenu le 24 novembre 2015, vous n'avez ni justifié votre absence ni manifesté le souhait de poursuivre l'exécution de votre contrat de travail à [Localité 5].
En conséquence, nous n'avons d'autres choix que de vous notifier votre licenciement pour faute grave.
Votre licenciement prendra effet à la date d'envoi du présent courrier qui vous est adressé par Fedex à votre domicile."
Aux termes de cette lettre, M. [E] a été licencié pour absence injustifiée après avoir refusé, à l'issue de son expatriation, de réintégrer son poste à l'Association Groupe Essec de [Localité 5] à compter du 1er août 2015.
M. [E] a conclu deux contrats de travail, un contrat avec l'Association Groupe Essec prévoyant son expatriation à l'Essec Asia-Pacific pour la période courant du 1er août 2011 au 1er août 2014 en qualité de professeur associé et un contrat local avec l'Essec Asia-Pacific, le premier contrat étant suspendu durant le temps de l'expatriation.
A la fin de l'année 2013, M. [E] et sa femme, Mme [H], ont sollicité un congé sabbatique au titre de l'année universitaire 2014/2015. L'association Groupe Essec a prolongé pour une durée d'un an l'expatriation de M. [E] à l'Essec Asia-Pacific, soit jusqu'au 31 juillet 2015. Pendant cette prolongation d'un an, M. [E] a continué à être payé par l'Essec Asia-Pacific et le contrat de travail conclu avec l'Association Groupe Essec est resté suspendu.
Selon les dispositions contractuelles applicables, au terme de la période d'expatriation, soit l'Essec Asia-Pacific proposait au salarié une embauche à durée indéterminée, ce qui n'a toutefois pas été fait, soit l'Association Groupe Essec demandait à M. [E] de reprendre son poste ou un poste équivalent à [Localité 5]. C'est cette deuxième solution qui a été mise en 'uvre.
En l'absence de proposition de poste à durée indéterminée formulée par l'Essec Asia-Pacific, l'Association Groupe Essec a informé M. [E] de la fin de son expatriation au mois de février 2015, soit plus de six mois avant la reprise de son contrat de travail le 1er août 2015 et de la nécessité de reprendre ses fonctions en France le 31 août 2015.
De nombreux échanges sont intervenus entre M. [E] et l'Association Groupe Essec.
Le salarié reconnaît aux termes de ses écritures ne pas s'être présenté en France sur le site de [Localité 5].
Il n'a pas justifié de son absence malgré les demandes en ce sens de son employeur, notamment par courrier du 24 septembre 2015.
L'Association Groupe Essec a certes engagé la procédure de licenciement deux mois et demi après le début de l'absence injustifiée du salarié mais dès lors que l'absence a perduré, elle pouvait valablement sanctionner cet abandon de poste.
Il ressort de différentes pièces versées aux débats que M. [E] a été informé dès le mois de février 2015 des conditions de sa réintégration, lesquelles ont été précisément définies. En effet, il a été informé en février 2015 de la nécessité de se présenter sur le campus de [Localité 5] dans les termes suivants : « Vous n'êtes pas définitivement basé à [Localité 6]. Vous devez au contraire être rapatrié en France, conformément au contrat que vous avez signé avec l'AGE, comme professeur chercheur et enseignant, échelon A, au sein du département gestion ». Par courrier du 19 juin 2015, M. [E] a été relancé en ces termes : « Je vous prie de bien vouloir vous mettre en contact, avant le 15 juillet prochain, avec le service RH de [Localité 5] pour les questions liées au déménagement ainsi qu'avec le Doyen des Professeurs pour la définition de vos objectifs 2015-16 ». Par courriel du 24 juillet 2015, l'arrivée de M. [E] à compter du 1er septembre 2015 a été annoncée au responsable du département concerné et aux services généraux.
Ainsi, il est établi que la réintégration de M. [E] avec reprise de son ancienneté y compris celle acquise à l'Essec Asia-Pacific, la fixation d'un salaire de base de 76 950 euros intégrant l'expérience acquise et l'attribution d'un poste conforme à sa qualification, avait été organisée.
Par ailleurs, le fait que M. [E] se pensait fondé à croire qu'il poursuivrait sa carrière à [Localité 6] apparaît sans incidence sur le motif ayant justifié son licenciement.
En définitive, il est démontré que M. [E] était en absence injustifiée depuis le 31 août 2015, aucune des circonstances invoquées par le salarié ne justifiant cette absence. C'est donc à bon droit que l'Association Groupe Essec a licencié M. [E].
Cette absence non justifiée et durable rendant impossible le maintien du salarié au sein de l'Association Groupe Essec pendant la durée du préavis, la faute grave est caractérisée, sans qu'il y ait lieu d'examiner le deuxième grief, surabondant, tenant à la désorganisation des cours.
M. [E] sera dès lors débouté de sa contestation du licenciement dont il a fait l'objet et de l'ensemble des demandes financières subséquentes (indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement et dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).
Le jugement sera infirmé de ces chefs de demandes.
Sur la demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire
La demande de remboursement des sommes versées par l'employeur au titre de l'exécution provisoire du jugement est sans objet, dès lors que l'infirmation de cette décision vaut titre exécutoire pour la restitution des sommes versées.
Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure
M. [E], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile. Il y a lieu à distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat, qui en a fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il sera en outre condamné à payer à l'Association Groupe Essec une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros.
M. [E] sera débouté de sa demande présentée sur le même fondement et tenu de rembourser la somme perçue sur ce fondement en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de [Localité 5] le 15 juin 2017 ;
Statuant à nouveau,
DIT le licenciement de M. [G] [E] à l'initiative de l'Association Groupe Essec fondé sur une faute grave ;
DÉBOUTE en conséquence M. [G] [E] de ses demandes subséquentes ;
CONFIRME le jugement pour le surplus ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [G] [E] à payer à l'Association Groupe Essec une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE M. [G] [E] de sa demande présentée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [G] [E] au paiement des entiers dépens, dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat ;
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,