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06/05/2020 | FRANCE | N°17/03220

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 06 mai 2020, 17/03220


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 06 MAI 2020



N° RG 17/03220 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RUWV



AFFAIRE :



[S] [V]





C/

SASU STEREAU

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : E

N° RG : F16/00087



Copies exécutoi

res et certifiées conformes délivrées à :



SCP SAINT SERNIN



SCP COURTAIGNE AVOCATS







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant fixé a...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 06 MAI 2020

N° RG 17/03220 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RUWV

AFFAIRE :

[S] [V]

C/

SASU STEREAU

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mai 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : E

N° RG : F16/00087

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP SAINT SERNIN

SCP COURTAIGNE AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX MAI DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant fixé au 1er avril 2020 puis prorogé au 6 mai 2020, les conseils des parties en ayant été avisés dans l'affaire entre :

Monsieur [S] [V]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Françoise DE SAINT SERNIN de la SCP SAINT SERNIN, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0525, substituée par Me Julia FABINI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0525

APPELANT

****************

SASU STEREAU

N° SIRET : 602 011 918

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Florence MILAN, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, substituée par Me Neila SADNIA, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS SAUR

N° SIRET : 339 379 984

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - Représentant : Me Florence MILAN, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, substituée par Me Neila SADNIA, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Mars 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [S] [V] a été engagé en qualité d'ingénieur projets à compter du 23 février 1998 par la société Stereau appartenant au groupe SAUR.  

La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des entreprises des services d'eau et d'assainissement. 

En 2014, M. [V] a été informé de la prochaine fermeture du département Grandes Exploitations dont il était le directeur d'exploitation au sein de la société Stereau et il lui a été proposé un nouveau poste à la direction du pôle Eau France de la société SAUR.

A compter du 1er mai 2015, le contrat de travail de Monsieur [V] a été transféré à la société SAUR.

Le 3 juillet 2015, Monsieur [V] s'est plaint de faire l'objet d'un harcèlement moral.

Le 10 juillet 2015, Monsieur [V] a été convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement fixé au 23 juillet 2015. Cette convocation était assortie d'une mise à pied conservatoire.

Monsieur [V] a été licencié le 28 juillet 2015 pour faute grave. Selon l'employeur le licenciement est fondé sur l'insubordination du salarié.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de Monsieur [V] s'élevait, selon lui, à la somme de 7 301,98 euros. 

M. [V] a contesté son licenciement devant le conseil de prud'hommes de Rambouillet, saisi le 23 mars 2016.

Par jugement du 22 mai 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- requalifié le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] en licenciement avec cause réelle et sérieuse.

- fixé le salaire moyen de Monsieur [V] à la somme de 7 086,41 euros.

- mis hors de cause la société Stereau.

- condamné la société SAUR à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :

3 517,08 euros de rappel de salaire au titre de sa mise à pied conservatoire et 351,70 euros de congés payés afférents.

51 441,50 euros au titre d'indemnité conventionnelle de licenciement.

24 379,86 euros au titre d'indemnité compensatrice de préavis et 2 437,99 euros correspondant aux congés payés y afférents.

- débouté les parties de leurs autres et plus amples demandes.

- ordonné à la société SAUR de fournir sans délai à Monsieur [V] des documents sociaux à jour.

- condamné la société SAUR à verser à Monsieur [V] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté Monsieur [S] [V] de sa demande d'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile.

- débouté la société Stereau de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- débouté la société SAUR de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- fixé la date de départ des intérêts légaux au 24 mars 2016 pour l'ensemble des rappels de salaire et à la date du prononcé pour les dommages et intérêts et le paiement de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné la capitalisation des intérêts.

- condamné la société SAUR aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution éventuels.

Monsieur [V] a relevé appel du jugement le 27 juin 2017.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 2 mars 2020, Monsieur [V] demande à la cour d'appel de :

- réformer le jugement du conseil de prud'hommes de Rambouillet du 14 juin 2017 ;

En statuant à nouveau :

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

- fixer la moyenne des douze derniers mois de salaire à la somme de 7 301,98 euros ;

En conséquence,

A titre principal, sur la nullité du licenciement et la demande de réintégration :

- constater que son licenciement constitue une mesure de rétorsion au harcèlement moral à but démissionnaire dénoncé par le salarié ;

- dire et juger, en conséquence, que ce licenciement est nul et de nul effet;

- prononcer sa réintégration dans son emploi ou, à défaut, dans un emploi équivalent ;

- condamner la société SAUR à lui verser une indemnité égale aux salaires échus entre le jour de sa mise à pied (15 juillet 2015) et le jour de sa réintégration effective estimée par anticipation à la date de délibéré, soit 423 514,84 euros ;

A titre subsidiaire, sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et les demandes financières afférentes :

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

- condamner la société SAUR à lui verser les sommes suivantes :

3 517,08 euros à titre de rappel de salaires sur la mise à pied conservatoire, ainsi que les congés payés y afférents à hauteur de 351,70 euros ;

46 221,53 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

21 905,94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, ainsi que les congés payés y afférents à hauteur de 2 190,59 euros;

175 248 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) ;

A titre infiniment subsidiaire :

- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a requalifié le licenciement pour faute en licenciement pour cause réelle et sérieuse ; En tout état de cause :

- condamner solidairement ou l'une à défaut de l'autre, les sociétés SAUR et Stereau à payer à Monsieur [S] [V] les sommes suivantes :

43 812 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements des sociétés à leur obligation de prévention des agissements de harcèlement moral (article L.1152-4) ;

43 812 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les agissements de harcèlement moral (article L.1152-1) ;

10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil.

En réplique, aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 26 février 2020, la société SAUR et la société Stereau demandent à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que :

Monsieur [V] avait accepté sa mutation au sein de la Société SAUR en date du 14 avril 2015 et qu'elle est devenue effective à compter du 1er mai 2015 ;

la société Stereau devait être mise hors de cause ;

Monsieur [V] n'avait pas fait l'objet d'agissements de harcèlement moral ;

Monsieur [V] avait commis un acte d'insubordination en n'accomplissant pas les missions qui lui avaient été confiées par la société SAUR, ce qui justifiait son licenciement ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

jugé que le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] devait être requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

condamné à payer à Monsieur [V] les sommes suivantes :

3 517,08 euros au titre de la mise à pied à titre conservatoire et les congés payés afférents ;

51 441,50 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

24 379,86 euros au titre du préavis et les congés payés afférents ;

1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En conséquence :

- dire et juger que le licenciement pour faute grave de Monsieur [V] est bien fondé ;

- débouter Monsieur [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

- ordonner le remboursement des sommes versées à Monsieur [V] au titre de l'exécution provisoire de droit ;

- condamner Monsieur [V] à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [V] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 3 mars 2020.

MOTIFS :

Vu la lettre de licenciement,

Vu les conclusions des parties,

Sur l'existence d'un harcèlement moral et sur la contestation de la validité du licenciement :

Considérant qu'aux termes de l'article L.1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, il appartient au salarié qui se plaint de subir des agissements répétés de harcèlement moral, de présenter des faits précis et concordants permettant d'en présumer l'existence et il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, M. [V] fait essentiellement état des différends l'ayant opposé à la société SAUR à l'occasion de son changement d'affectation au sein du pôle Eau France de cette société dont la direction d'exploitation se situe à [Localité 6] ;

Considérant qu'il invoque une première série de difficultés tenant au fait que son lieu de travail n'était initialement pas fixé à [Localité 5] comme il le souhaitait, que des clauses ont été ajoutées à la proposition d'origine et que la société SAUR s'est d'emblée considérée comme son employeur alors qu'aucun avenant à son contrat de travail n'a été conclu ;

Considérant toutefois qu'il ressort de la correspondance échangée entre les parties que M. [V] a accepté, le 14 avril 2015, la proposition qui lui avait été faite le 30 mars 2015 d'occuper le poste 'Audits de Performance' au sein du pôle Eau SAUR France avec la précision que ce poste est rattaché à la direction générale de [Localité 6] ;

Considérant que l'employeur justifie également qu'en réponse à l'interrogation du salarié, il lui a été indiqué qu'il pourrait continuer à habiter à [Localité 5] et utiliser les bureaux de l'entreprise situés dans cette ville dans le cadre de ses nouvelles missions, et qu'il lui a adressé un contrat sur lequel le lieu de travail est fixé à [Localité 5] ;

Considérant qu'ainsi, contrairement à que soutient le salarié, la société SAUR ne s'est pas opposée à sa principale revendication relative à son lieu de travail ;

Considérant ensuite que la seconde série de difficultés évoquées par M. [V] pour en déduire l'existence d'un harcèlement moral tient au fait qu'il lui a été adressé un nouveau contrat au lieu d'un avenant à son précédent contrat de travail mais après plusieurs échanges entre les parties à ce sujet, la société SAUR a accepté, le 5 juin 2015, que les rapports contractuels soient régis uniquement par le contrat du 30 mars 2015 signé par l'intéressé avec la précision que son lieu de travail est fixé à [Localité 5] ;

Considérant que le salarié avait donc la confirmation de son employeur que son contrat de travail se poursuivrait aux conditions qu'il avait précédemment acceptées et que son lieu de travail serait fixé à [Localité 5] comme il le souhaitait ;

Considérant enfin que M. [V] produit les lettres échangées avec la société SAUR au cours du mois de juin 2015, dans lesquelles il se plaint à nouveau de ne pas avoir reçu d'avenant à son contrat de travail et propose des modifications à son contrat de travail comme l'augmentation de son salaire de base ainsi que la réponse de la société qui dit s'en tenir aux termes de sa lettre du 5 juin 2015 acceptant les précédentes demandes du salarié ;

Considérant que dans cette réponse en date du 17 juin 2015, l'employeur se borne à réfuter la présentation des faits par le salarié et à lui demander d'assumer l'exécution de ses missions et d'occuper à plein temps son poste de travail à [Localité 5] ; que cette lettre ne comporte aucune menace ni pression ;

Considérant que de son côté, la société SAUR fait observer que loin de rechercher à provoquer la démission de son salarié, elle lui a proposé un poste qu'il a lui-même qualifié de 'challenge passionnant' dans son entretien annuel d'évaluation de l'année 2014 et s'est ensuite efforcée de lui donner satisfaction dans cette nouvelle affectation en acceptant que le lieu de travail soit fixé à [Localité 5] et en s'en tenant, pour les autres conditions, au seul contrat du 30 mars 2015 dont les termes avaient été approuvés par le salarié ;

Considérant qu'enfin, l'enquête entreprise par les délégués du personnel après la dénonciation d'agissements de harcèlement moral ne fait ressortir aucun élément précis et concret en dehors de l'absence d'application de la charte mobilité ;

Considérant qu'ainsi, appréciés dans leur ensemble, les faits présentés par le salarié à l'appui de sa demande de reconnaissance d'un harcèlement moral révèlent de simples divergences provisoires sur certaines conditions du contrat de travail mais ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement ;

Considérant que dans ces conditions, la demande indemnitaire pour harcèlement moral ne pouvait prospérer ;

Considérant que M. [V] rappelle que le licenciement est entaché de nullité lorsqu'il est notifié par mesure de rétorsion à la dénonciation par le salarié du harcèlement moral qu'il subit ;

Considérant qu'il précise qu'en l'espèce, la rupture de son contrat de travail est intervenue très peu de temps après l'envoi à son employeur d'une lettre du 3 juillet 2015 dénonçant le harcèlement dont il était victime ;

Considérant cependant que cette chronologie ne suffit pas établir que le licenciement prononcé le 28 juillet 2015 a pour véritable motif les faits de harcèlement dénoncés par le salarié ;

Considérant qu'outre le fait que la lettre de licenciement ne fait aucunement état du harcèlement dénoncé dans la lettre du 3 juillet 2015, il ressort de l'ensemble des éléments de fait présentés par les deux parties que la rupture du contrat de travail a pour unique cause la situation résultant du refus du salarié d'exécuter la relation de travail avec la société SAUR selon des conditions contractuelles auxquelles il n'adhérait pas complètement ;

Considérant que le licenciement n'a donc pas été notifié par mesure de rétorsion à la dénonciation d'un harcèlement moral mais en raison de l'opposition du salarié au sujet des conditions contractuelles d'exécution de son contrat de travail ;

Qu'il n'est donc pas entaché de nullité et la demande d'indemnité présentée sur ce fondement par le salarié comme celle visant à sa réintégration doivent être rejetées ;

Sur la contestation subsidiaire de la cause de licenciement :

Considérant que dans la lettre de licenciement pour faute grave de M. [V], la société SAUR lui reproche de ne pas avoir l'intention d'honorer ses engagements contractuels, ce refus étant constitutif d'une insubordination ;

Considérant que la faute grave s'entend d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation de ses obligations contractuelles d'une importance telle que cela rend impossible son maintien dans l'entreprise ; que la charge de la preuve de la faute grave incombe à l'employeur ;

Considérant qu'en l'espèce, la société SAUR soutient qu'en dépit de l'acceptation de son changement d'affectation, le 14 avril 2015, date à laquelle M. [V] lui a renvoyé un exemplaire signé de la proposition contractuelle du 30 mars 2015 comportant les éléments essentiels de la relation de travail à savoir la nature de l'emploi, la qualification et la rémunération, le salarié n'a pas commencé son nouveau travail ;

Considérant que pour contester la cause de son licenciement, M. [V] prétend qu'il n'a pas donné son consentement à ce changement d'affectation mais sa lettre du 14 avril 2015 est dépourvue de toute équivoque sur ce point ;

Considérant qu'il importe peu que l'intéressé ait apporté des précisions relatives à la détermination de son lieu de travail ; que cela n'a pas pour effet de retirer à son engagement sa force obligatoire ;

Considérant qu'au demeurant, l'employeur a donné son accord à la demande du salarié de voir fixer son lieu de travail à [Localité 5] ;

Considérant aussi que, contrairement à ce que soutient M. [V], la conclusion d'un avenant au contrat de travail n'était pas nécessaire à la formation de son nouvel engagement et les discussions échangées par les parties à ce sujet n'en ont pas retardé la prise d'effet ;

Considérant qu'enfin, les modalités pratiques du changement d'affectation définies dans la charte mobilité de l'entreprise ne concernent pas la naissance de l'engagement contractuel résultant du seul accord des volontés ;

Considérant que c'est donc à tort que M. [V] estime ne pas être engagé par son acceptation de la proposition d'affectation au sein du pôle Eau de la société SAUR ;

Considérant qu'il était donc tenu d'accomplir les missions inhérentes à ses nouvelles fonctions au sein de cette société ;

Considérant que la société SAUR établit par des attestations et différentes lettres envoyées par le salarié et notamment celle du 13 juin 2015 que celui-ci refusait de travailler sous la subordination de son nouvel employeur et ne se rendait pas aux réunions professionnelles de son entreprise ;

Considérant toutefois que durant cette période, il justifie s'être occupé de dossiers intéressant aussi bien la société Stereau que la société SAUR et s'est expressément engagé, lors de l'entretien préalable, à effectuer ses missions dans l'intérêt de son employeur ;

Considérant que son attitude n'était donc pas guidée par une volonté de se soustraire délibérément à ses obligations contractuelles mais par une interprétation inexacte de sa situation professionnelle depuis son changement d'affectation ;

Considérant que, compte tenu de ce contexte particulier, le manquement du salarié à ses obligations contractuelles en dépit d'une lettre du 17 juin 2015 de son employeur valant mise en demeure, ne constituait pas une faute grave mais une cause réelle et sérieuse de licenciement comme l'a jugé le conseil de prud'hommes dont la décision sera confirmée ;

Sur les conséquences financières du licenciement :

Considérant qu'en l'absence de faute grave, les premiers juges ont condamné à juste titre la société SAUR à payer à M. [V] la somme de 3 517,08 € correspondant au rappel de salaire pour la période de mise à pied ainsi que celle de 351,70 € correspondant aux congés payés y afférents ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Considérant qu'en revanche, les condamnations au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et du préavis seront portées aux sommes suivantes :

- 46 221,53 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 21 905,94 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 190, 59 € correspondant aux congés payés y afférents ;

Sur les autres demandes :

Considérant qu'il convient d'abord de confirmer la mise hors de cause de la société Stereau qui n'était plus l'employeur de M. [V] ;

Considérant ensuite que le salarié demande la condamnation de son employeur à lui verser des dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il prétend avoir subi du fait de l'absence de prévention des agissements de harcèlement moral dont il a fait l'objet ;

Considérant toutefois qu'il a été constaté que M. [V] n'avait pas été victime d'un tel harcèlement et, contrairement à ce qu'il prétend, la société SAUR n'est pas restée inactive lorsqu'il a dénoncé les agissements le laissant, selon lui, supposer ;

Considérant qu'une enquête a en effet été effectuée sur le harcèlement dénoncé par le salarié ;

Considérant qu'en revanche, l'employeur n'était pas tenu de suspendre la procédure de licenciement dans l'attente des résultats de l'enquête et aucun grief ne peut lui être fait à ce sujet ;

Considérant que de même, la société SAUR justifie avoir mis en place dans l'entreprise une cellule d'écoute et de veille psychologique pour préserver la santé de ses salariés ;

Considérant qu'elle a donc pris des mesures adaptées pour protéger ses salariés et éviter qu'ils ne soient victimes d'un harcèlement moral ;

Que la demande indemnitaire sur le fondement de l'article L 1152-4 du code du travail sera rejetée ;

Considérant ensuite que, comme l'a jugé le conseil de prud'hommes, les intérêts échus pour une année entière à compter de la demande de capitalisation porteront eux-mêmes intérêts ;

Considérant qu'enfin, au regard de la situation respective des parties, il n'y a pas lieu en cause d'appel de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la condamnation prononcée de ce chef par les premiers juges sera en revanche maintenue;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en son évaluation du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de celles de l'indemnité compensatrice et des congés payés y afférents ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

- Déboute M. [S] [V] de sa contestation, de la validité de son licenciement ainsi que de ses demandes en réintégration et en paiement dune indemnité égale aux salaires échus entre le jour de sa mise à pied et sa réintégration ;

- Rejette ses demandes indemnitaires en réparation du préjudice causé par l'absence de prévention du harcèlement moral et de celui subi du fait d'un tel harcèlement ;

- Limite les condamnations de la société SAUR au titre des indemnités de rupture aux sommes suivantes :

- 46 221,53 € pour l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 21 905,94 € pour l'indemnité compensatrice de préavis,

- 2 190,59 € pour les congés payés y afférents,

- Déboute les parties de leurs demandes respectives en appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [S] [V] aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03220
Date de la décision : 06/05/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°17/03220 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-06;17.03220 ?
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