La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/04/2020 | FRANCE | N°18/01318

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 30 avril 2020, 18/01318


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



11e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 AVRIL 2020



N° RG 18/01318 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SG4L



AFFAIRE :



[L] [J]





C/

SARL AUX SOURCES BCA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 15/

01777



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP BACHELET - BERION - GUERARD OBERTI



la SELARL CR ASSOCIES







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

11e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 AVRIL 2020

N° RG 18/01318 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SG4L

AFFAIRE :

[L] [J]

C/

SARL AUX SOURCES BCA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° Chambre :

N° Section : C

N° RG : 15/01777

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP BACHELET - BERION - GUERARD OBERTI

la SELARL CR ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant fixé au 2 avril 2020 puis prorogé au 30 avril 2020, les conseils des parties en ayant été avisés, dans l'affaire entre :

Madame [L] [J]

née le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Caroline GUERARD-OBERTI de la SCP BACHELET - BERION - GUERARD OBERTI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 133 - N° du dossier 15/00080

APPELANTE

****************

SARL AUX SOURCES BCA

N° SIRET : 800 751 968

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Candice TROMBONE de la SELARL CR ASSOCIES, Constitué, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 241 - Représentant : Me Franck BENAIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0179, substitué par Me Pascale LOUVIGNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 4 juin 2014, Mme [L] [J] était embauchée par la SARL BCA exerçant sous l'enseigne « Aux sources » en qualité d'employée polyvalente par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention des cafés, hôtels et restaurants.

La salariée avait auparavant travaillé dans ce restaurant sur la période du 1er juin 2009 au 31 mai 2013 et avait été licenciée pour motif économique par son précédent employeur qui avait été placé en liquidation judiciaire.

Par un premier avertissement non daté, la société BCA reprochait à la salariée son absence à l'ouverture de l'établissement le samedi 25 octobre 2014. Par un deuxième avertissement du 25 mars 2015, la société BCA lui reprochait sa légèreté à l'égard de la clientèle et ses multiples oublis. Par un troisième avertissement du 22 mai 2015, l'employeur lui reprochait plusieurs oublis dans la réalisation de ses tâches.

Par courrier du 9 juin 2015, la salariée demandait à son employeur l'annulation de ces trois avertissements et réclamait le paiement de ses heures supplémentaires.

La salariée était arrêtée pour maladie du 8 au 17 juin 2015, puis du 6 au 11 novembre 2015 par son son médecin traitant.

Le 27 novembre 2015, Mme [L] [J] saisissait le conseil de prud'hommes de Montmorency d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de ses heures supplémentaires. Le 5 mars 2016, la SARL BCA licenciait pour faute grave Mme [J].

Vu le jugement du 5 février 2018 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Montmorency qui a :

- débouté Mme [L] [J] de l'intégralité de ses demandes.

- condamné Mme [L] [J] aux entiers dépens.

Vu la notification de ce jugement le 9 février 2018

Vu l'appel interjeté par Mme [L] [J] le 2 mars 2018.

Vu les conclusions de l'appelante, Mme [L] [J], notifiées le 27 janvier 2020 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour de :

- dire et juger l'appel de Mme [J] concluante, recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Montmorency et, statuant à nouveau :

- condamner la SARL B.C.A à lui payer les sommes suivantes :

- 23 665,76 euros au titre des heures supplémentaires ;

- 2 366,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- 3 192,32 euros de dommages et intérêts pour dépassement de la durée absolue de travail hebdomadaire ;

- 3 192,32 euros de dommages et intérêts pour privation du droit au repos hebdomadaire ;

- 19 153,92 euros de dommages et intérêts pour travail dissimulé ;

- 3 192,32 euros de dommages et intérêts pour absence de visite médicale d'embauche

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] aux torts de la SARL BCA à effet du 5 mars 2016,

- en conséquence, la condamner à payer à la salariée les sommes suivantes :

- 4 788,48 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied ;

- 478,84 euros de congés payés afférents ;

- 3 192,32 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

- 319,32 euros de congés payés afférents ;

- 2 128,20 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 38 307,84 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 9 576,96 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'allongement délibéré de la procédure et de la remise tardive des documents sociaux ;

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

A titre subsidiaire,

- dire le licenciement de Mme [L] [J] sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL B.C.A à lui payer :

- 4 788,48 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied ;

- 478,84 euros de congés payés afférents ;

- 3 192,32 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

- 319,32 euros de congés payés afférents ;

- 2 128,20 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement ;

- 38 307,84 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 9 576,96 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de l'allongement délibéré de la procédure et de la remise tardive des documents sociaux ;

le tout avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes ;

- ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

- condamner la SARL B.C.A à payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700

du code de procédure civile ;

- condamner la SARL B.C.A aux entiers dépens ;

Vu les écritures de l'intimée, la SARL BCA, notifiées le 17 janvier 2020 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement du conseil de Prud'hommes de Montmorency du 9 février 2018

- débouter Mme [L] [J] de toutes ses demandes

- condamner Mme [L] [J] à payer la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Subsidiairement, si par extraordinaire la cour retenait le bien fondé de ses demandes pour résiliation ou licenciement,

- réduire sensiblement les dommages et intérêts à allouer à Madame [J]

Vu l'ordonnance de clôture du 3 février 2020.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

Sur l'absence de visite d'embauche :

Mme [J] expose qu'elle n'a pas passé la visite médicale d'embauche alors que son travail était très physique et qu'elle a nécessairement subi un préjudice qu'elle évalue à un mois de salaire soit la somme de 3 192,32 euros.

La SARL BCA répond qu'elle a été convoquée à la médecine du travail et a été reçue le 23/12/2015 tandis qu'elle avait été suivie dans le cadre du contrat de travail précédent pour lequel elle avait les mêmes fonctions. Elle reproche à la salariée de ne pas justifier de son préjudice.

En effet, si la visite médicale passée le 23/12/2015 ne peut servir de visite médicale d'embauche, laquelle doit avoir lieu avant la fin de la période d'essai de la salariée, la SARL BCA ne justifie pas avoir sollicité de l'organisme de la médecine du travail auquel elle était affiliée l'examen médical lors de l'embauche de Mme [J] de sorte que le manquement est constant. Néanmoins, pour demander l'indemnisation de son préjudice, la salariée doit le caractériser et ne peut se contenter d'affirmer qu'elle a « nécessairement » subi un préjudice ; la cour ne peut que la débouter de ce chef de demande.

Sur les heures supplémentaires :

Mme [J] affirme dans ses écritures qu'elle travaillait « du lundi au samedi inclus, de 11h à 15h puis de 18h à 23h et parfois plus tard lorsque les clients tardaient à quitter l'établissement, soit 9 heures par semaine, 6 jours sur 7, soit 54 heures hebdomadaires ». Elle sollicite la condamnation de la SARL BCA à lui verser la somme totale de 23 665,76 euros outre 2 366,57 euros au titre des congés payés afférents.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Mme [J] verse de nombreuses attestations émanant de [X] [D], [V] [P], [E] [M], [Y] [O], [Q] et [U] [N], [I] [T], [R] [A] et [H] [B], qui, en leur qualité de clients du restaurant, indiquent qu'ils venaient régulièrement dans l'établissement pour déjeuner ou dîner et même le samedi et qu'ils étaient servis par Mme [L] [J] ; cependant, alors que Mme [J] a été employée entre 2009 et 2013 en qualité de serveuse dans cet établissement de restauration puis, à compter de juin 2014, et alors qu'aucun des témoins n'indiquent leurs dates de venue dans ce restaurant et ne donnent de précision sur les horaires accomplis par la serveuse, ces attestations n'apportent aucun élément sur les horaires effectués par la salariée.

Elle verse également sa lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la SARL BCA le 9 juin 2015 dans laquelle elle mentionnait « comme vous le savez, je travaille du lundi au samedi inclus, 9 heures par jour soit 54 heures par semaine au lieu de 35 » à laquelle son employeur a répondu seulement le 26 décembre 2015 pour contester les heures revendiquées par Mme [J] « contrairement à ce que vous indiquez, vous n'avez pas accompli d'heures supplémentaires depuis votre embauche. Les heures où, animée par une volonté de nuire manifeste, vous êtes restée sur votre lieu de travail alors que je vous ai demandé à plusieurs reprises de partir, ne seraient être bien entendu comptabilisées. Votre contrat de travail précise d'ailleurs que les heures supplémentaires sont déclenchées à la demande expresse de l'employeur. Je constate que vous n'avez jamais formulé la moindre réclamation à ce sujet en 18 mois de travail (...) Je ne comprend pas votre demande relative au non respect du droit à deux jours de repos entiers par semaine alors que la loi ne prévoit pas une telle obligation, en tout état de cause et afin de clarifier définitivement la situation, vous trouverez ci-joint le planning hebdomadaire précis que je vous demande à nouveau de respecter scrupuleusement », lettre accompagnée d'un planning de 35 heures du lundi au vendredi non signé par Mme [J] mais seulement par l'employeur.

Le contrat de travail de Mme [J] faisait état d'un horaire hebdomadaire de 35 heures, sans aucune mention des heures de travail, « le salarié se conformera aux horaires en vigueur dans l'établissement. Les horaires de travail et les jours travaillés ou de repos pourront être modifiés en fonction des nécessités du service. Le salarié reconnaît dès à présent que son horaire de travail ainsi que les jours travaillés ou de repos ne constituent pas un élément déterminant du contrat de travail et accepte donc expressément tout changement éventuel d'horaires de travail que ses fonctions ou les conditions d'exploitation de l'établissement pourraient imposer ».

La SARL BCA répond que la salariée qui avait un contrat de travail pour travailler 35 heures, « ne démontre pas travailler de 11h à 15h et de 18h à 23h », « ne démontre aucunement que c'est son employeur qui lui aurait demandé de dépasser les 35 heures de travail » (') et que dans l'un de ses courriers, lui a demandé « à nouveau » de respecter son planning ce qui confirme l'existence de ce planning antérieurement à l'envoi de ce courrier » ; Elle expose dans ses écritures qu'il y avait d'autres salariés dans le restaurant qui travaillaient à temps plein ou à temps partiel, que s'il est arrivé à Mme [J] de travailler quelques samedis, c'était pour compenser les heures de la semaine où elle avait dû s'absenter, qu'elle habite dans la même rue à 2 minutes du restaurant et c'est volontairement qu'elle restait parfois au restaurant avec des amis ou son fils à discuter ou boire, son employeur lui demandant de partir. Elle verse en pièce 22 l'attestation du cuisinier [K] qui expose « je venais tous les jours à 10h puisque c'est moi qui prépare les plats. Mme [J] n'était jamais là quand j'arrive. Elle arrivait après 11h elle ne prenait son service que peu de temps avant l'arrivée des premiers clients du midi. On reprenait ensemble notre service de l'après-midi à 18h30 et on finissait en même temps à 22h30. Mme [J] n'était que présente le samedi pour rattraper les jours ratés dans la semaine ».

A l'exception de ce dernier témoignage, les autres éléments présentés par l'employeur sont inopérants pour justifier des horaires effectués par la salariée, la SARL BCA ne justifiant nullement de l'existence d'horaires collectifs ou individuels ou encore de planning délivré à la salariée avant celui remis le 09/12/2015 après la saisine du conseil de prud'hommes ou enfin contestant que la salariée avait droit à 2 jours de repos d'affilée comme souhaité par elle de sorte qu'il ressort de l'ensemble de ses éléments, et compte tenu de l'obligation qui est faite à l'employeur de contrôler le temps de travail de ses salariés, que Mme [J] a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui ne lui ont pas été réglées, que la cour évalue à la somme de 12  365 euros outre celle 1 236,50 euros au titre des congés payés y afférents.

Alors que la salariée justifie avoir effectué des heures supplémentaires qui ne lui ont pas été totalement réglées par l'employeur, la cour ne retient pas qu'elle a accompli plus de 48 heures par semaine de sorte qu'il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour « dépassement de la durée absolue de travail hebdomadaire ». Elle indique qu'elle a été également privée du droit à 2 jours de repos hebdomadaires puisque celui-ci a toujours été limité au dimanche ; mais la cour retient que Mme [J] travaillait le samedi lorsqu'elle rattrapait un jour « raté » de la semaine comme affirmé par l'employeur et confirmé par le cuisinier et la déboute en conséquence de sa demande à ce titre.

Mme [J] réclame l'octroi de dommages et intérêts pour travail dissimulé ; s'agissant de cette demande, la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; alors que Mme [J] avait réclamé par sa lettre du mois de juin 2015 paiement de ses heures supplémentaires et que l'employeur n'a pas répondu à cette demande, il en résulte qu'il a volontairement minoré sur les bulletins de salaire de Mme [J] le nombre exact d'heures de travail de sorte qu'il y a lieu de faire droit à cette demande et de condamner la SARL BCA à lui verser la somme de 17 114 euros.

Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail :

Sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.

Aussi, les manquements de l'employeur relatifs au paiement de l'ensemble des heures de travail de la salariée, compte tenu de l'importance du nombre d'heures dissimulées et de la poursuite du comportement de l'employeur malgré la demande de la salariée constitue un manquement suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; il convient de faire droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de la salariée à la date du 5 mars 2016, cette résiliation prenant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Compte tenu du salaire mensuel moyen de Mme [J] de 2 263 euros outre 588,80 euros au titre des heures supplémentaires retenues par la cour, et alors que la SARL BCA ne conclut pas sur les demandes chiffrées de la salariée, ne serait-ce qu'à titre subsidiaire, il convient de condamner la SARL BCA à lui régler les sommes suivantes :

- au titre de la mise à pied conservatoire : la somme de 2 814 euros au regard des bulletins de salaire de janvier à mars 2016 versés aux débats, outre la somme de 281,40 euros au titre des congés payés y afférents

- au titre de l'indemnité de préavis à hauteur d'un mois de salaire, la somme de 2 852,33 euros outre 285,23 euros au titre des congés payés y afférents

- indemnité de licenciement : la somme de 1 045,84 euros

- dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : compte tenu de l'ancienneté de Mme [J] inférieure à deux ans, de son salaire mensuel, de son âge lors de la rupture (51 ans), de son inscription à Pôle emploi à la suite de la rupture jusqu'à ce qu'elle retrouve un emploi en qualité d'aide à domicile en septembre 2016 pour un salaire inférieur à celui perçu au sein de la SARL BCA, la cour évalue son préjudice pour ce licenciement abusif à la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail .

- dommages et intérêts pour allongement délibéré de la procédure et remise tardive des documents sociaux : Mme [J] affirme que la prolongation de la procédure avait pour objectif de la contraindre à accepter une transaction moyennant le paiement d'une somme ridicule ; néanmoins, alors qu'elle ne justifie pas de pourparlers entre les parties pour obtenir « une transaction » et alors que le report de l'entretien préalable résulte de la seule erreur matérielle que l'employeur a rectifiée le lendemain et qu'elle ne justifie pas plus de la remise prétendument tardive des documents de fin de contrat de travail alors que ceux-ci sont quérables et non portables, il convient de la débouter de sa demande supplémentaire de dommages et intérêts non justifiés.

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation. S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter de la décision les ayant prononcées ;

Sur la remise de l'attestation Pôle emploi 

Mme [J] demande une remise de l'attestation rectifiée ; il convient d'y faire droit sans qu'il soit besoin d'assortir cette obligation de faire d'une astreinte, à défaut d'allégations le justifiant.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la SARL BCA ;

La demande formée par Mme [J] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris 

et statuant à nouveau

Condamne la SARL BCA à verser à Mme [J] la somme de 12  365 euros à titre d'heures supplémentaires outre 1 236,50 euros au titre des congés payés y afférents ainsi que la somme de 17 114 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [J] à la date du 5 mars 2016 et dit qu'il prend les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

Condamne la SARL BCA à lui verser les sommes suivantes :

2 814 euros au titre de la mise à pied conservatoire injustifiée, outre la somme de 281,40 euros au titre des congés payés y afférents

2 852,33 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 285,23 euros au titre des congés payés y afférents

1 045,84 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement

10 000 euros au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Déboute Mme [J] du surplus de ses demandes

Ordonne à la SARL BCA de remettre à Mme [J] dans le mois de la notification de l'arrêt une attestation Pôle emploi rectifiée ;

Dit n'y avoir lieu à astreinte

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et celles à caractère indemnitaire produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Condamne la SARL BCA aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SARL BCA à payer à Mme [J] la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01318
Date de la décision : 30/04/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°18/01318 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-30;18.01318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award