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28/04/2020 | FRANCE | N°18/073721

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13, 28 avril 2020, 18/073721


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 59B

13e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 28 AVRIL 2020

No RG 18/07372 - No Portalis DBV3-V-B7C-SXSO

AFFAIRE :

Société FAL OIL CO LLC

C/
SA UNION DE BANQUES ARABES ET FRANÇAISES UBAF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 2014F02320

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 28.04.2020

à :

Me Mélina PEDROLETTI
>Me Oriane DONTOT

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suiva...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 59B

13e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 28 AVRIL 2020

No RG 18/07372 - No Portalis DBV3-V-B7C-SXSO

AFFAIRE :

Société FAL OIL CO LLC

C/
SA UNION DE BANQUES ARABES ET FRANÇAISES UBAF

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 31 Mai 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre :
No Section :
No RG : 2014F02320

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 28.04.2020

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Oriane DONTOT

TC de NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT AVRIL DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Société FAL OIL CO LLC
[...]
[...]

Représentée par Maître Mélina PEDROLETTI, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626 - No du dossier 24174 et par Maître Michael BEKKALI, avocat plaidant au barreau de PARIS

APPELANTE
****************

SA UNION DE BANQUES ARABES ET FRANÇAISES UBAF
[...]
[...]

Représentée par Maître Oriane DONTOT de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - No du dossier 20181082 et par Maître Valérie MAYER, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMÉE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Mars 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN,

La société de droit des Emirats Arabes Unis Fal oil company (la société Fal oil) exploite une activité d'achat et de revente de produits pétroliers.

Pour financer et/ou garantir son activité, elle est en relation avec différents établissements de crédit dont l'Union des banques arabes et françaises (l'UBAF), spécialisée dans les crédits documentaires et le financement du commerce international, dans les livres de laquelle elle dispose d'un compte courant depuis le 5 janvier 2009. Dans le cadre de leurs relations, cette banque émet des crédits documentaires sur l'ordre de sa cliente et confirme par ailleurs d'autres crédits documentaires émis en faveur de celle-ci.

Courant 2008, la société Fal oil a conclu des contrats d'approvisionnement en produits pétroliers avec des sociétés mauritaniennes qui ont été renouvelés en 2010 pour une durée de deux ans et qui prévoyaient que les paiements seraient effectués par crédits documentaires irrévocables et confirmés par une banque internationale de premier ordre.
Le financement de ces contrats était assuré par la Société générale qui émettait des lettres de crédit import.

Entre avril 2008 et juin 2011, l'UBAF a ainsi confirmé 379 lettres de crédit export et procédé à leur paiement sur le compte de la société Fal oil ouvert auprès de la Société générale.

Par ailleurs, pour approvisionner le marché soudanais en produits pétroliers, la société Fal oil et l'UBAF ont signé, le 28 mai 2010 un contrat de financement en vertu duquel la banque émettait sur ordre de sa cliente des lettres de crédit import permettant à celle-ci d'acheter auprès de ses fournisseurs les produits pétroliers destinés à être livrés à des sociétés soudanaises.

Le 18 avril 2011, l'UBAF a émis, en application de ce contrat, un crédit documentaire import en faveur de la société Adnoc, fournisseur de la société Fal oil, d'un montant de 32 685 291,87 USD, qu'elle lui a payé le 20 mai 2011 sur présentation des documents justifiant de la livraison.

En contrepartie, la société Fal oil a proposé à l'UBAF un crédit documentaire export, émis en sa faveur par la Banque centrale du Soudan sur ordre de la société soudanaise Sudapet, importatrice de pétrole.

L'UBAF a refusé de confirmer ce crédit documentaire export au motif qu'il prévoyait qu'elle ne serait remboursée par la banque émettrice que 60 jours après avoir elle-même payé.

La société Fal oil n'ayant pas remboursé cette somme à l'UBAF, celle-ci lui a accordé un prêt du même montant jusqu'au 31 mai puis au 10 juin 2011. Le prêt n'ayant pas été honoré par la société Fal oil à cette date, l'UBAF l'a mise en demeure de lui payer cette somme avant le 17 juin 2011 puis a procédé le 1er juillet suivant à une compensation entre cette somme et celle de 28 637 129,44 USD due par l'UBAF à la société Fal oil au titre de soixante-deux crédits documentaires export émis au profit de la société Fal oil et confirmés par l'UBAF dans le cadre de l'approvisionnement du marché mauritanien en produits pétroliers.

Les règlements de ces crédits documentaires ne s'étant pas faits sur le compte de la société Fal oil ouvert dans les livres de la Société générale ce qui a entraîné le non paiement des lettres de crédit export pour les livraisons mauritaniennes, la Société générale a contesté cette compensation et engagé une action à l'encontre de l'UBAF. Elle a été déboutée de l'ensemble de ses demandes par un jugement du 23 décembre 2014 du tribunal de commerce de Nanterre, devenu définitif.

Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 mars 2014, la société Fal oil a mis en demeure la banque UBAF de lui payer la somme de 28 637 126,85 USD au titre des lettres de crédit non payées outre celle de 165 551 840 USD à titre de dommages et intérêts. Celle-ci étant restée sans effet, elle a saisi le tribunal de commerce de Nanterre qui, par jugement contradictoire du 31 mai 2018, a :

- rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'UBAF,
- débouté la société Fal oil de sa demande formée à titre principal,
- débouté l'UBAF de sa demande reconventionnelle,
- condamné la société Fal oil à payer à l'UBAF la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné la société Fal oil aux dépens.

La société Fal oil a régulièrement interjeté appel de cette décision le 24 octobre 2018.

Selon conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 19 février 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147, 1290 et 1291 anciens du code civil, de :

- déclarer son appel recevable et bien fondé,
- réformer le jugement en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
- dire et juger que la banque UBAF a méconnu ses engagements contractuels et commis une faute contractuelle en procédant à une compensation à son préjudice ;
- condamner la banque UBAF à lui payer la contre valeur en euros de la somme en principal de 69 554 913,85 USD, à parfaire, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 21 mars 2014, au titre du préjudice causé par les manquements de la banque à ses engagements contractuels,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la banque UBAF de sa demande de condamnation à hauteur de 6 108,24 USD en principal, outre les intérêts,
- débouter la banque UBAF de l'intégralité de ses demandes,
- condamner la banque UBAF à lui payer la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par maître Pedroletti, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 14 février 2020, l'UBAF sollicite :

- au visa des articles L.511-28 du code de commerce, ensemble l'article 122 du code de procédure civile et les pièces produites, notamment les écritures de première instance de la société Fal Oil de :
* dire et juger que, si même les «traites» invoquées par la société Fal oil étaient considérées ou utilisées comme de véritables lettres de change, toutes demandes fondées sur elles sont prescrites comme étant formulées plus de trois ans après leur date d'échéance, et qu'en conséquence, de telles demandes sont irrecevables ;
* à titre subsidiaire, constater que les «traites» invoquées par la société Fal oil n'ont pas été acceptées par elle, et qu'elles n'ont jamais été considérées par les parties, et notamment par la société Fal oil, qui l'a expressément reconnu, comme de véritables lettres de change ; en conséquence, déclarer mal fondée toute contestation de la compensation opérée par elle fondée sur l'article L.511-28 du code de commerce ;
- vu les articles 1187 et 1290 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, constater que la compensation légale entre sa créance sur la société Fal oil au titre du remboursement par cette dernière des sommes payées par l'UBAF au titre du crédit documentaire émis d'ordre de la société Fal oil en faveur de la société Adnoc, et la créance réciproque de la société Fal oil sur l'UBAF au titre de la confirmation par cette dernière de divers crédits documentaires émis en faveur de la société Fal oil, est parfaitement régulière ;
- vu les articles 1134, 1147 et 1150 du code civil, dans leur rédaction applicable en la cause, dire et juger qu'elle n'a commis aucune faute, que les préjudices invoqués par la société Fal oil sont partiellement non étayés, et qu'en toute hypothèse, le lien de causalité entre ces prétendus préjudices et les prétendues fautes n'est pas démontré ;
- en toute hypothèse, confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Fal oil dans leur intégralité ;
y ajoutant, reconventionnellement,
- condamner la société Fal oil à lui payer la contre-valeur en euros de la somme de 6 108,24 USD en principal, outre intérêts au taux de 1,36% depuis le 1er juillet 2011 et jusqu'à parfait paiement ; En toute hypothèse :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Fal oil à lui verser une somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;
- y ajoutant, condamner la société Fal oil à lui verser une somme de 100 000 euros supplémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de maître Oriane Dontot, AARPI-JRF, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 2020.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 25 février 2020, l'UBAF sollicite le rejet des pièces numéros 50 et 51 communiquées par l'appelante la veille de l'ordonnance de clôture.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la société Fal oil recevable.

1- Sur la demande de rejet des pièces

En application des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile, le juge ne peut statuer que sur des demandes, moyens et faits dont les parties ont été mises à même de discuter contradictoirement, ce qui implique qu'elles en aient eu connaissance en temps utile pour faire valoir leur position et leur défense. Dans le cas présent, les pièces no50 et 51, communiquées à l'intimée la veille de la clôture au soutien des conclusions no4, identiques aux précédentes, l'ont été trop tardivement pour permettre à cette dernière d'en prendre connaissance afin de préparer et faire connaître en temps utile ses observations.

Dans ces conditions, ces pièces ne peuvent qu'être écartées des débats.

2- Sur la responsabilité de l'UBAF

La société Fal oil soutient qu'en ne payant pas comptant sur son compte ouvert dans les livres de la Société générale les lettres de crédit et en procédant à une compensation irrégulière à plusieurs titres, l'UBAF a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle qui lui a causé un préjudice.

En s'appuyant sur la position du Professeur I... D..., certains arrêts de la Cour de cassation et un arrêt de la Cour de justice de Genève du 27 avril 1989, elle explique, tout d'abord, que la compensation est incompatible avec le caractère autonome et abstrait du crédit documentaire en ce que le banquier qui s'engage à payer à la remise de documents renonce par là même à opposer sa créance au bénéficiaire pour refuser d'exécuter son obligation ; mais également avec sa fonction économique en ce que c'est un moyen de paiement qui ne peut pas être subordonné à des conditions non documentaires et en ce qu'elle priverait le vendeur de mobiliser la créance résultant de la lettre de crédit ; et qu'elle porte atteinte à la cohérence et à l'équilibre du crédit documentaire notamment lorsqu'elle est soulevée par la banque confirmante à l'encontre du bénéficiaire. Elle expose également qu'en acceptant d'intervenir en qualité de banque confirmante dans une opération de crédit documentaire soumise aux Règles et usances uniformes de la Chambre de commerce internationale relatives aux crédits documentaires (RUU 600), l'UBAF a renoncé à faire valoir une exception de compensation, précisant que les soixante-deux lettres de crédit non payées confirmées par l'UBAF stipulaient précisément qu'à réception des documents conformes aux termes des lettres de crédit celle-ci s'engageait à payer à l'échéance conformément aux instructions contenues dans ces lettres, c'est à dire sur son compte bancaire ouvert auprès de la Société générale. Elle ajoute que cette compensation est déloyale puisqu'elle est intervenue, alors qu'elle proposait des alternatives destinées à apurer sa dette et avait procédé au paiement de 4 millions de dollars, entre des créances nées dans le cadre de relations commerciales totalement indépendantes. Elle précise que l'UBAF était en outre parfaitement au courant de l'affectation des sommes dues au financement des contrats mauritaniens par la Société générale et des conséquences qu'entraînerait le non paiement des soixante-deux lettres de crédit et ce peu important qu'elle ait eu ou non connaissance des termes du Sécurity deed conclu entre elle-même et la Société générale.

Elle fait valoir ensuite que la compensation était irrégulière au regard de l'affectation spéciale des sommes dues par l'UBAF. Elle soutient que celle-ci avait reçu des instructions de paiement claires et précises qu'elle a acceptées et qu'en confirmant les soixante-deux lettres de crédit export elle s'est engagée à les honorer c'est à dire à accepter les cent-trente et une lettres de change émises en application de ces lettres, tirées sur elle, et à les régler à leur échéance. Elle en déduit que la banque n'a pas observé l'obligation générale qui lui incombe de respecter l'affectation spéciale des fonds. Précisant que l'UBAF n'était pas seulement banque confirmante aux termes des lettres de crédit mais également sa banque, elle fait valoir que cette dernière est malvenue à soutenir qu'elle ne disposait pas de la qualité de mandataire de sa cliente.

Enfin, elle prétend que l'UBAF ne pouvait pas procéder à une compensation de créances entre le 20 juin 2011 et le 30 juin 2011 alors que seules onze utilisations des lettres de crédit non payées sur les cent-trente et une utilisations compensées étaient exigibles. Invoquant les dispositions de l'article L.511-28 du code de commerce et rappelant qu'en matière de lettre de change le terme est stipulé à la fois en faveur du débiteur et en celle du créancier, elle considère que l'UBAF ne pouvait pas renoncer unilatéralement au bénéfice du terme des lettres de crédit export, en sorte qu'en compensant la créance de la société Fal oil qui n'était pas exigible avec celle qu'elle détenait, la banque a violé les dispositions des articles 1290 et 1291 du code civil. En réplique au moyen de la banque, elle souligne que son action résulte non pas des termes des lettres de change mais des manquements de l'UBAF aux RUU 600 et à ses obligations, de sorte qu'elle ne peut pas se voir opposer la prescription triennale prévue par l'article L.511-78 du code de commerce.

Elle ajoute que l'UBAF ne pouvait en tout état de cause plus procéder à une compensation postérieurement au 13 juillet 2011, date à laquelle la signification du Sécurity deed, aux termes duquel elle s'était engagée à céder ses créances à la Société générale, a été réalisée.

Après avoir rappelé les règles du crédit documentaire ainsi que son rôle de banque désignée et confirmante dans les crédits documentaires en faveur de la société Fal oil, la Société générale étant quant à elle banque notificatrice et présentatrice, l'UBAF conclut que la société Fal oil est la seule responsable de la situation pour ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles.
Elle soutient en premier lieu que la nature du crédit documentaire n'exclut pas le jeu de la compensation entre la banque émettrice ou confirmante et le bénéficiaire et que ni les RUU 600 ni le code civil ni encore les modalités de paiement prévues ne contiennent de règle écartant la compensation légale en cette matière. Elle souligne qu'à la date de la compensation aucune cession de créance ne lui avait été notifiée et n'avait été acceptée par elle sans réserve, en sorte qu'elle était parfaitement en droit de faire jouer la compensation légale. Evoquant la position des Professeurs P... U... et K... X... ainsi que celle de M. K... S..., elle conteste que la compensation soit incompatible avec le mécanisme du crédit documentaire puisque la compensation équivaut à un paiement, lequel est le but économique du crédit documentaire. Si elle reconnaît que la règle de l'inopposabilité des exceptions existe en matière de crédit documentaire, elle précise néanmoins que la société Fal oil opère une confusion et qu'il s'agit de l'inopposabilité des exceptions extérieures au crédit documentaire, du fait de l'autonomie de ce dernier par rapport au contrat de base, mais non de l'inopposabilité des exceptions pouvant exister entre les parties au crédit documentaire en sorte qu'il n'existe pas d'inopposabilité des exceptions nées du rapport personnel entre la banque et le bénéficiaire, ce que ne contredit pas l'article 4 des RUU 600. Elle conteste également que la compensation porte atteinte à la cohérence et à l'équilibre du crédit documentaire puisque, contrairement à ce qui est soutenu, ce paiement ne fait pas perdre à la banque confirmante son recours contre la banque émettrice et qu'il est couramment utilisé en matière de crédit documentaire import adossé à un crédit documentaire export, précisant par ailleurs que l'arrêt de la Cour de justice de Genève du 27 avril 1989 sur lequel s'appuie la société Fal oil est propre au droit suisse et contredit par une décision postérieure de la cour d'appel de Bruxelles du 13 juin 1991.

Elle prétend en deuxième lieu qu'elle n'a jamais renoncé ni expressément ni tacitement à son droit de payer par compensation. Elle précise que les crédits documentaires export qu'elle a confirmés ne comportaient aucune indication de paiement, à l'exception du champ 78 qui ne constitue pas un message adressé par la banque confirmante au bénéficiaire mais un message adressé par la banque émettrice à la banque confirmante ou désignée, effectuant le paiement, et contenant l'engagement de la banque émettrice de la rembourser. S'agissant des traites qui lui ont été remises par la société Fal oil, elle s'interroge sur leur validité en tant que lettres de change, dès lors qu'elles ne comportent pas les mentions légales, soulignant que dans les faits elles n'ont jamais été utilisées par les parties comme de véritables lettres de change ce que l'appelante elle-même a reconnu, qu'en tout état de cause elles sont prescrites car datées de 2011, en sorte que la société Fal oil ne peut prétendre que la banque serait tenue par les termes de celles-ci.

Affirmant en troisième lieu que son comportement a été loyal, elle reproche au contraire à la société Fal oil d'avoir violé ses engagements envers elle en conférant à la Société générale des droits qu'elle s'était engagée envers elle à conserver libres de toute charge, de lui avoir caché les accords passés avec la Société générale en violation de ses obligations envers elle et de lui avoir fait des promesses de paiement restées sans suite.

Relevant une contradiction dans les conclusions de l'appelante quant à l'affectation des fonds tantôt "au financement des contrats d'approvisionnement mauritaniens par la Société générale" et tantôt à "la provision des lettres de change" tirées par la société Fal oil sur l'UBAF, elle expose en quatrième lieu qu'il n'existait en réalité aucune affectation spéciale des fonds et qu'une simple indication de paiement ne peut pas valoir affectation spéciale. Elle explique que la jurisprudence considère qu'il n'y a affectation spéciale que dans trois séries d'hypothèses qui n'existent pas en l'espèce puisqu'elle n'était ni prêteur ni mandataire de la société Fal oil, mais uniquement débitrice de celle-ci, laquelle ne lui a au demeurant remis aucune somme ou valeur.

En cinquième lieu, elle soutient que s'il est exact que ses dettes envers la société Fal oil était à terme et que celui-ci n'était pas encore survenu, elle était libre d'y renoncer à tout moment ce qu'elle a fait en toute légalité. Elle critique les arguments de l'appelante tirés du droit cambiaire aux motifs que si lettres de change il y avait, elles seraient toutes prescrites la plus récente datant du 15 décembre 2011, que les traites n'ont jamais été considérées par les parties comme de véritables lettres de change, que s'il était considéré que les "traites" valaient lettres de change, elle ne les a pas acceptées et ce avec l'accord tacite de la société Fal oil qui n'a jamais protesté, enfin que les traites n'ayant jamais circulé, le rapport cambiaire s'efface devant le rapport fondamental entre tireur et tiré.

En sixième lieu, elle rappelle qu'à la date à laquelle elle a renoncé au terme de ses dettes et de la compensation, elle n'avait reçu aucune notification d'une cession de créance en faveur de la Société générale, la cession Dailly opérée par la société Fal oil au profit de cette dernière datant du 10 août 2011 et la signification du Sécurity deed ayant été effectuée le 13 juillet 2011, en sorte que les conditions de la compensation légale étaient réunies.

Il résulte des faits constants repris ci dessus que l'UBAF et la société Fal oil ont été parties à deux opérations distinctes :

- la première concernant l'approvisionnement de la Mauritanie en produits pétroliers dans laquelle sont intervenues la société Fal oil comme donneur d'ordre et bénéficiaire du paiement des crédits documentaires export, l'UBAF en qualité de banque désignée et confirmatrice des crédits documentaires export émis par les banques mauritaniennes et la Société générale comme banque émettrice des crédits documentaires import et notificatrice des documents afférents aux crédits documentaires export,
- la seconde concernant l'approvisionnement du Soudan en produits pétroliers dans laquelle sont intervenues la société Fal oil comme donneur d'ordre et bénéficiaire du paiement des crédits documentaires export et l'UBAF en qualité de banque émettrice des crédits documentaires import et confirmatrice des crédits documentaires export.

Aux termes de l'article 1234 ancien du code civil, les obligations s'éteignent notamment par la compensation.

Les articles 1290, 1291 et 1293 anciens du même code précisent d'une part que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu du débiteur, d'autre part qu'elle n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent et qui sont également liquides et exigibles, enfin qu'elle a lieu quelles que soient les causes de l'une ou l'autre des dettes.
Il convient de relever au préalable que ni ces textes ni les RUU 600, dans leur version 2007, n'écartent la compensation légale en matière de crédit documentaire.

Selon les définitions données par l'article 2 des RUU 600 "Honorer signifie : a. Payer à vue si le crédit est réalisable par paiement à vue, b. Contracter un engagement de paiement différé et payer à l'échéance si le crédit est réalisable par paiement différé, c. Accepter une lettre de change ("traite") tirée par le bénéficiaire et payer à l'échéance si le crédit est réalisable par acceptation".
En l'espèce, les crédits documentaires export étaient réalisables par acceptation.

Il est certain qu'en compensant sa dette résultant de la confirmation du crédit documentaire irrévocable au profit de la société Fal oil avec la créance, d'un montant moindre, qu'elle détenait contre cette même société, l'UBAF a effectué un paiement et, en conséquence, honoré son obligation de banquier confirmant de ce crédit documentaire irrévocable au sens de l'article 8 des RUU 600.

C'est à tort que l'appelante soutient que la compensation va à l'encontre des règles régissant le crédit documentaire irrévocable. En effet en invoquant la compensation, la banque n'a pas révoqué son engagement et ne s'y est pas soustrait mais a utilisé une modalité d'exécution de l'obligation prévue par la loi.

L'article 4 des RUU 600 prévoit que "Les banques ne sont en aucune façon concernées ou liées par [le] contrat [de base]...En conséquence l'engagement d'une banque d'honorer, de négocier ou de s'acquitter de toute autre obligation en vertu du crédit, ne peut donner lieu à réclamation du donneur d'ordre ou à l'invocation par ce dernier de moyens de défense fondés sur ses relations avec la banque émettrice ou le bénéficiaire. Un bénéficiaire ne peut, en aucun cas, se prévaloir des rapports contractuels existant entre les banques ou entre le donneur d'ordre et la banque émettrice".

Il n'interdit pas à la banque de se prévaloir des relations existant entre elle et le bénéficiaire.
Ainsi, l'engagement de la banque n'est autonome que vis à vis du contrat de base conclu entre l'acheteur et le vendeur d'une part et de la convention conclue entre le donneur d'ordre et la banque émettrice d'autre part, de sorte que l'UBAF peut se prévaloir des exceptions tirées de son rapport avec le bénéficiaire, à savoir en l'espèce l'existence d'une dette de la société Fal oil envers elle.

Si l'UBAF a pris l'engagement aux termes des crédits documentaires émis de payer à réception des documents conformes sur le compte bancaire de la société Fal oil ouvert auprès de la Société générale, elle n'a pas ce faisant renoncé à faire valoir une exception de compensation puisque la seule apposition de coordonnées bancaires d'un compte ne peut pas s'analyser en une renonciation expresse ou implicite à utiliser la compensation qui se substitue habituellement, lorsque les conditions en sont réunies, au mode de paiement initialement prévu entre les parties.

Par ailleurs, la société Fal oil ne peut pas sérieusement prétendre qu'utiliser la compensation légale empêcherait le bénéficiaire de mobiliser ses créances alors qu'elle même a cédé ses créances au titre des crédits documentaires émis par l'UBAF à la Société générale aux termes d'un acte constitutif de sûretés (Security deed) daté du 17 septembre 2009.
En dépit de ses allégations, l'appelante ne justifie d'aucune disposition prévoyant que le paiement par voie de compensation ferait perdre à la banque confirmante, qui a éteint son obligation à l'égard du bénéficiaire, son recours contre la banque émettrice alors que le parallèle fait par l'UBAF, qui s'appuie en cela sur la consultation du Professeur U... et la jurisprudence de la Cour de cassation (Com. 13.03.2012 no10-28635), avec la caution, qui après avoir éteint son obligation par voie de compensation conserve son recours contre le débiteur principal, est pertinent.

Il ne peut pas non plus être soutenu que la compensation était déloyale puisqu'elle est intervenue après que l'UBAF a accordé à la société Fal oil des délais pour permettre la réalisation des propositions alternatives formées pour l'apurement de sa dette, lesquelles n'ont pas été tenues, seuls 4 millions de dollars ayant finalement été payés.

En outre, la compensation pouvant se réaliser quelles que soient les causes de l'une ou l'autre des dettes, le fait que la compensation litigieuse soit intervenue entre des créances nées dans le cadre de relations commerciales totalement indépendantes n'est ni une cause d'irrégularité de l'opération ni une démonstration d'une prétendue déloyauté.

Si l'UBAF ne conteste pas avoir su que le paiement des crédits documentaires export sur le compte de la société Fal oil ouvert dans les livres de la Société générale servait de garantie de remboursement des crédits documentaires import émis par cette dernière pour l'achat des produits pétroliers nécessaires à l'exécution des obligations de la société Fal oil dans le cadre des contrats d'approvisionnement mauritaniens, en revanche aucun élément ne démontre qu'elle avait connaissance, avant la compensation, de ce que la société Fal oil avait cédé ses créances au titre des crédits documentaires à la Société générale, alors d'une part que la société Fal oil s'était engagée aux termes de l'article 3.2 du contrat cadre pour l'escompte régularisé avec l'UBAF le 1er septembre 2008 à ne pas céder "tout ou partie de ses droits au titre du crédit documentaire et du contrat commercial sous-jacent à quiconque d'autre qu'à l'UBAF" ; d'autre part, que le Security deed n'a été signifié à l'UBAF que le 13 juillet 2011 et, de troisième part, que dans ses conclusions récapitulatives no3 de première instance, la société Fal oil a reconnu que "la banque UBAF, agissant donc en qualité de banque confirmante dans le cadre des lettres de crédit export, n'avait donc pas à connaître les termes du contrat liant la société Fal oil et la Société générale, banque émettrice des lettres de crédit import [...] Mais il n'était pas question d'informer la banque UBAF des engagements passés avec la Société générale [...] Il n'a jamais été question pour [la société Fal oil] d'informer la banque UBAF de l'ensemble des engagements pris avec les autres banques", en sorte qu'aucune déloyauté dans le recours à la compensation ne peut être reprochée à l'UBAF par la société Fal oil.

S'agissant du deuxième moyen développé par la société Fal oil oil, celle-ci ne démontre pas qu'au delà des seules indications relatives aux coordonnées du compte bancaire sur lequel les sommes devaient être versées, à savoir son propre compte ouvert dans les livres de la Société générale, elle aurait donné mandat à l'UBAF en vue d'une utilisation particulière de fonds, qui au demeurant ne lui ont pas été remis, notamment le paiement d'une dette qu'elle aurait eue envers la Société générale. Le fait que l'UBAF soit la banque de la société Fal oil ne lui confère pas pour autant la qualité de mandataire chargé de recevoir des fonds pour sa cliente et de les utiliser conformément à des instructions reçues de sa mandante et accompagnant le paiement.
La société Fal oil ne rapporte pas plus la preuve qu'elle lui aurait donné mission de faire un usage déterminé des sommes dont elle était débitrice à son égard.

Il n'y a donc pas eu affectation spéciale des sommes dues à la société Fal oil et l'UBAF n'a manqué à aucune des obligations qui lui incombait à ce titre en sa qualité de banquier de la société Fal oil.

Aux termes mêmes des dernières conclusions de l'appelante (p26), l'action en responsabilité contractuelle qu'elle a engagée "résulte non pas des termes des lettres de change mais des manquements d'UBAF aux RUU 600 et à ses obligations sous les lettres de crédit découlant de la compensation illicite" et de ses conclusions no3 de première instance, "Certes, les lettres de change n'ont jamais été considérées ou utilisées par la société Fal oil ou par la banque UBAF comme de véritables lettres de change, et n'ont jamais circulé".

Dès lors que les traites litigieuses n'ont pas été considérées comme des lettres de change par les parties qui ne les ont pas mises en oeuvre comme telles, puisque notamment elles n'ont pas été acceptées par l'UBAF et n'ont pas circulé, la société Fal oil ne peut pas plus invoquer une affectation spéciale au paiement de "lettres de change".

Il s'en déduit également que les moyens tirés du droit cambiaire sont inopérants. Il n'y a pas lieu, par conséquent, d'y répondre.

Enfin, il n'est pas contesté que plusieurs crédits documentaires export ont été rendus exigibles et réglés par l'UBAF à la société Fal oil avant leurs dates d'échéance stipulées à 180 jours.

L'article 1187 ancien du code civil selon lequel le terme est toujours stipulé en faveur du débiteur, à moins qu'il ne résulte de la stipulation, ou des circonstances, qu'il a été aussi convenu en faveur du créancier, doit s'appliquer.

Le principe posé par ce texte constitue une présomption simple que le créancier peut renverser.

S'agissant de lettres de crédit émises par des banques mauritaniennes, le terme à 180 jours était présumé en faveur de l'UBAF, débitrice.

Contrairement à ce qui est soutenu, l'engagement contractuel de payer à l'échéance ne signifie pas que le terme était également stipulé en faveur du bénéficiaire de sorte que seul un accord commun des parties pouvait permettre de rendre immédiatement exigibles les obligations qui étaient à terme.

La preuve de l'existence d'une stipulation ou de circonstances empêchant l'UBAF de renoncer au terme, étant relevé qu'une renonciation à bénéficier d'un délai de paiement en sa faveur ne peut en principe faire grief au créancier, n'est pas rapportée par la société Fal oil qui appuie l'essentiel de son argumentation sur l'article L.511-28 du code de commerce relatif à la lettre de change lequel est inapplicable puisqu'elle a reconnu que les traites litigieuses n'avaient pas été considérées comme des lettres de change.

Les dettes étaient donc exigibles.

Il se déduit de ces éléments que la compensation, dont les conditions étaient réunies, pouvait valablement être réalisée entre les dettes réciproques de l'UBAF, banque confirmante, et de la société Fal oil, bénéficiaire, avant la signification du Security deed réalisée le 13 juillet 2011, en sorte qu'aucune faute ne peut être reprochée à l'intimée.

Il convient, par conséquent, de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes en paiement de la société Fal oil.

3- Sur la demande reconventionnelle de l'UBAF

L'UBAF soutient avoir un reliquat de créance au titre du crédit documentaire Adnoc puisque cette créance était d'un montant supérieur à celui de la dette avec laquelle elle s'est compensée. Elle en demande donc le paiement avec intérêts au taux contractuel à compter de la compensation.

La société Fal oil réplique que cette demande, dépourvue de fondement, n'est étayée par aucune pièce.

Par lettre du 1er juillet 2011, l'UBAF a informé la société Fal oil de la compensation réalisée et a sollicité le paiement du solde soit la somme de 6 108,24 USD.

Elle ne produit toutefois qu'un échange de mails attestant selon elle du taux des intérêts dus mais aucun décompte précis et détaillé de la somme qu'elle réclame, laquelle ne correspond pas au solde résultant de la déduction des sommes de 3 999 976,12 USD, payée par la société Fal oil, et de 28 637 129,44 USD, compensée par l'UBAF, du montant du prêt de 32 685 291,87 USD.

Dans ces conditions sa demande ne peut qu'être rejetée.

Le jugement sera par suite confirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Déclare recevable l'appel formé par la société Fal oil company ;

Ecarte des débats les pièces no50 et 51 communiquées par la société Fal oil company le 19 février 2020 ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Condamne la société Fal oil à payer à la SA UBAF la somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Fal oil aux dépens d'appel avec droit de recouvrement au profit de maître Oriane Dontot, avocat, pour les frais dont elle aurait fait l'avance, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Delphine BONNET, Conseiller pour la Présidente empêchée et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le conseiller pour la présidente empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13
Numéro d'arrêt : 18/073721
Date de la décision : 28/04/2020
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

Arrêt rendu le 28 avril 2020 par la 13ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 18/07372 Droit du crédit, crédit international, crédit à l'importation, crédit documentaire, crédit documentaire irrévocable, exécution du crédit documentaire, extinction par compensation (oui), créance vis-à-vis du même bénéficiaire au titre d'une autre opération de crédit documentaire, compensation légale (oui), renonciation expresse à la compensation légale dans le crédit documentaire (non), absence d'interdiction des paiements par compensation dans les RUU 600, apposition des coordonnées bancaires, circonstance insuffisante à caractériser la renonciation expresse, obstacle à la compensation légale (non), autonomie de l'engagement vis-à-vis du seul contrat de base, banquier confirmant admis à se prévaloir des exceptions tirées de son rapport avec le bénéficiaire, preuve non-rapportée de la perte de recours, preuve non-rapportée du caractère déloyal de la compensation, compensation entre créances nées dans le cadre de relations commerciales indépendantes sans incidence, confirmation. Pour dire et juger que c’est à bon droit que le banquier confirmant a fait valoir la compensation entre la dette résultant de la confirmation du crédit documentaire irrévocable avec la créance détenue contre le même bénéficiaire au titre d'une autre opération de crédit documentaire, la Cour rappelle que ni les articles 1234, 1290, 1291 et 1293 du Code civil, ni les RUU 600 version 2007, n'écartent la compensation légale en matière de crédit documentaire. En compensant sa dette résultant de la confirmation du crédit documentaire irrévocable avec la créance d'un montant moindre détenue contre le bénéficiaire, le banquier a effectué un paiement et honoré son obligation de banquier confirmant de ce crédit documentaire irrévocable au sens de l'article 8 des RUU 600. C'est à tort que l’appelante, le bénéficiaire, soutient que la compensation va à l'encontre des règles régissant le crédit documentaire irrévocable. En effet en invoquant la compensation, le banquier confirmant n'a pas révoqué son engagement et ne s'y est pas soustrait mais a utilisé une modalité d'exécution de l'obligation prévue par la loi. L'article 4 des RUU 600 n'interdit pas au banquier confirmant de se prévaloir de ses relations avec le bénéficiaire, l'engagement du banquier n'étant autonome que vis à vis du contrat de base conclu entre l'acheteur et le vendeur d'une part et de la convention conclue entre le donneur d'ordre et le banquier émetteur d'autre part, de sorte que le banquier confirmant peut se prévaloir des exceptions tirées de son rapport avec le bénéficiaire, à savoir en l'espèce l'existence d'une dette du bénéficiaire. Si le banquier a pris l'engagement aux termes des crédits documentaires émis de payer à réception des documents conformes sur le compte bancaire du bénéficiaire ouvert dans les livres d'une autre banque, il n'a renoncé à faire valoir une exception de compensation puisque la seule apposition de coordonnées bancaires d'un compte ne peut pas s'analyser en une renonciation expresse ou implicite à utiliser la compensation qui se substitue habituellement, lorsque les conditions en sont réunies, au mode de paiement initialement prévu entre les parties. Le bénéficiaire ayant cédé ses créances au titre des crédits documentaires ne peut par ailleurs sérieusement prétendre qu'utiliser la compensation légale l'empêcherait de mobiliser ses créances. Le bénéficiaire ne justifie d'aucune disposition prévoyant que le paiement par voie de compensation ferait perdre à la banque confirmante, qui a éteint son obligation à l'égard du bénéficiaire, son recours contre le banquier émetteur. Il ne peut pas non plus être soutenu que la compensation était déloyale puisqu'elle est intervenue après que le banquier confirmant a accordé au bénéficiaire des délais pour permettre la réalisation des propositions alternatives formées pour l'apurement de sa dette. En outre, la compensation pouvant s


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2020-04-28;18.073721 ?
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