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09/04/2020 | FRANCE | N°18/03656

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 09 avril 2020, 18/03656


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 89B



5e Chambre







ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 9 AVRIL 2020



N° RG 18/03656



N° Portalis : DBV3-V-B7C-SS6Y







AFFAIRE :



SAS RAKON FRANCE



C/



[T] [S]



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE



CABINET CRUCHON MMA ASSURANCES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 29 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Cergy-Pontoise

N° RG : 15-00610/P





Copies exécutoires délivrées à :

- Me Séverine FAU-PULLICINO

- Me Guillaume COUSIN

- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE





Copies certifiées conformes dé...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 89B

5e Chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 9 AVRIL 2020

N° RG 18/03656

N° Portalis : DBV3-V-B7C-SS6Y

AFFAIRE :

SAS RAKON FRANCE

C/

[T] [S]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

CABINET CRUCHON MMA ASSURANCES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 29 Juin 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Cergy-Pontoise

N° RG : 15-00610/P

Copies exécutoires délivrées à :

- Me Séverine FAU-PULLICINO

- Me Guillaume COUSIN

- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

Copies certifiées conformes délivrées à :

- la SAS RAKON FRANCE

- M. [T] [S],

- le CABINET CRUCHON MMA ASSURANCES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 23 mars 2020, puis prorogé au 19 mars 2020, au 2 avril 2020 et au 9 avril 2020, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

La SAS RAKON FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Séverine FAU-PULLICINO de la SCP Esencia, avocate au barreau de BORDEAUX

APPELANTE

****************

Monsieur [T] [S]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0840

La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL D'OISE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par M. [G] [E] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

Le CABINET CRUCHON MMA ASSURANCES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Séverine FAU-PULLICINO de la SCP Esencia, avocate au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie-Bénédicte JACQUET, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice président placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Rakon (ci-après la 'Société') a pour activité la fabrication de composants électroniques à base de quartz et utilise de nombreuses machines, dont des 'scies'.

M. [T] [S] a été engagé par la Société à compter du 9 août 2006 en qualité de technicien de maintenance au sein de l'établissement d'[Localité 9].

Le 3 août 2012, M. [S] aurait été victime d'un accident, alors qu'il effectuait le démontage d'un bloc moteur de scie : il aurait subi une torsion du bassin.

M. [S] consultait un médecin le 8 août 2012, qui le plaçait en arrêt de travail jusqu'au 17 septembre suivant.

M. [S] ne prévenait la direction de sa Société que le 6 février 2013.

Le 12 février 2013, M. [S] a rempli une déclaration d'accident du travail et précisé les circonstances suivantes 'travaux de maintenance démontage d'un bloc moteur, soulèvement de charge lourde en hauteur. Douleurs lors de la descente manuelle du bloc moteur. Torsion du bassin lors de la manutention'.

Par décision du 27 mai 2013, la caisse primaire d'assurance maladie du Val d'Oise (ci-après la 'Caisse') a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels et a déclaré son état consolidé au 24 mars 2013.

Par décision du 19 novembre 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité a fixé son taux d'incapacité permanente partielle à 12 %.

Le 7 décembre 2012, M. [S] aurait été victime d'un second accident du travail.

La Société a complété une déclaration d'accident du travail le 11 février 2013 et mentionné les circonstances suivantes 'la victime faisait un travail de maintenance, démontage et remontage d'un moteur'.

Le certificat médical initial rédigé le 7 décembre 2012 mentionne l'existence d'une sciatique L5-S1.

La Caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels et a déclaré son état consolidé au 21 décembre 2012.

Par décision du 17 septembre 2013, le tribunal du contentieux de l'incapacité a fixé le taux d'incapacité permanente partielle ('IPP') à 7 %.

Par courrier du 18 juillet 2013, M. [S] a saisi la Caisse aux fins d'une demande de conciliation en vue de voir reconnaître la faute inexcusable de la Société.

Par requête du 12 juin 2015 , M. [S] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après, le 'TASS') d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'entreprise.

Par jugement du 29 juin 2018, le TASS 95 a :

-  dit et jugé que les accidents de travail dont a été victime M. [T] [S] le 3 août 2012 et le 7 décembre 2012, sont dus à une faute inexcusable de son employeur, la Société Rakon,

en conséquence,

- ordonné la majoration à son maximum de la rente, qui devra suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de M. [T] [S],

- accordé à Monsieur [T] [S] une provision d'un montant total de 4 000 euros à valoir sur les différents chefs de préjudices ;

- rappelé que les indemnités et la majoration de la rente seront directement versées par la Caisse qui en récupérera le montant auprès de l'employeur, la société Rakon,

- ordonné une mesure d'expertise médicale judiciaire et commet pour y procéder le docteur [K] [V],

- l'autorise dès à présent à s'adjoindre tout sapiteur de son choix dans une spécialité différente de la sienne, dont le concours s'avérerait utile à la bonne réalisation de la mission d'expertise en application de l'article 278 du code de procédure civile,

- enjoint au demandeur de remettre immédiatement à l'expert copie de toutes pièces médicales ou paramédicales utiles à l'accomplissement de la mission (certificat médical initial, certificat de consolidation, radiographies, comptes rendus d'hospitalisation, comptes rendus opératoires, dossier d'imagerie notamment), et dit que les défendeurs devront lui communiquer aussitôt que possible, et au plus tard trois jours avant la première réunion, les documents, renseignements, réclamations indispensables au bon déroulement des opérations,

- dit qu'en cas de besoin, et sans que le bénéfice du secret professionnel puisse lui être opposé, l'expert pourra se faire directement communiquer avec l'accord de la victime ou de ses ayants droit par tous tiers concernés (médecins, personnels paramédicaux, établissements hospitaliers ou de soins), toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtrait nécessaires à l'accomplissement de sa mission, en s'assurant de leur communication aux parties,

- fixe la provision à valoir sur la rémunération et les frais de l'expertise à la somme de 900 euros,

- dit que cette provision devra être consignée, par M. [T] [S] dans un délai de deux mois, faute de quoi la désignation deviendra caduque et l'a invité par ailleurs à transmettre un relevé d'identité bancaire pour une éventuelle restitution totale ou partielle de la provision, à la régie d'avance et de recettes du tribunal de grande instance du Val d'Oise,

- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera, de plein droit, caduque,

- dit que l'expert portera, aussitôt que possible après versement de la consignation, à la connaissance des parties et du magistrat chargé de suivre la mesure le calendrier de ses opérations accompagné de l'estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires,

- dit que l'expert effectuera sa mission dans le respect du principe de contradiction, et prendra en compte dans son avis, conformément aux dispositions de l'article 276 du code de procédure civile, les observations qui lui seront éventuellement faites dans le délai qu'il aura imparti, de l'ordre de quatre semaines, au vu d'une synthèse des constatations, opérations et de ses orientations,

- dit que l'expert déposera son rapport dans les trois mois de sa saisine au secrétariat du TASS en six exemplaires,

- dit que si le blessé n'est pas consolidé à la date de l'expertise, il sera établi un premier rapport par l'expert, qui pourra être ressaisi par la victime elle-même aux fins d'établissement d'un rapport complémentaire, sur production d'un certificat médical de son médecin traitant attestant de la consolidation de son état, et à charge de consigner préalablement une provision complémentaire de 400 euros TVA incluse,

- désigné le président du TASS pour en suivre les opérations et statuer sur tout incident,

- donné à l'expert la mission suivante :

- convoquer les parties ou leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix,

- déterminer l'état de la victime avant l'accident (anomalies, maladies, séquelles d'accidents antérieurs),

- relater les constatations médicales faites après l'accident ainsi que l'ensemble des interventions et soins, y compris la rééducation,

- examiner la victime, enregistrer ses doléances et décrire les constatations ainsi faites,

- décrire les lésions résultantes directement et exclusivement des accidents du travail survenu le 3 août 2012 et le 7 décembre 2012 ;

- et évaluer les préjudices suivants :

. recueillir les dires et doléances de M. [T] [S] en lui faisant préciser notamment les conditions d'apparition et l'importance des douleurs et de la gêne fonctionnelle, ainsi que leurs conséquences sur sa vie quotidienne; dégager ainsi, en conséquence les éléments propres à justifier une indemnisation au titre des souffrances physiques et morales endurées suivant l'échelle habituelle,

. donner une appréciation sur le déficit fonctionnel temporaire, en ce compris le préjudice d'agrément, à savoir l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante, qu'a rencontré M. [T] [S] avant la consolidation de son état,

. dire si M. [T] [S] a eu besoin de l'assistance d'une tierce personne avant la consolidation de son état, dans ce cas, pendant combien de temps et avec quel degré de spécialisation,

. évaluer le préjudice esthétique de manière globale c'est-à-dire avant et ou après la consolidation et de la même manière,

. évaluer le préjudice d'agrément après la consolidation c'est-à-dire l'impossibilité de continuer la pratique d'une activité sportive ou de loisirs spécifique antérieure l'accident,

. préciser s'il a existé un préjudice sexuel de manière globale et dans ce cas préciser la nature de l'atteinte,

. préciser s'il existe une perte ou une diminution des possibilités de promotion professionnelle,

. dire s'il y a lieu d'aménager ou d'adapter le domicile et ou le véhicule de la victime,

- rappelé la gratuité de la procédure en application des dispositions de l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale,

- condamné la Société à verser la somme de 1 000 euros à M. [T] [S] conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- assorti la décision de l'exécution provisoire en ce qui concerne la mesure d'expertise,

- rejeté toutes les demandes plus amples ou contraires,

- déclaré le jugement opposable à la compagnie d'assurance MMA,

- renvoyé l'affaire et les parties à l'audience du 4 décembre à 14h,

- réservé la charge des frais d'expertise jusqu'à la décision à intervenir sur le fond.

Par déclaration du 2 août 2018, la Société a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 janvier 2020.

Par conclusions déposées le 16 janvier 2020, la société Rakon France demande à la cour de :

- constater qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable,

- réformer le jugement rendu le 29 juin 2018 par le TASS ; en conséquence,

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [S] aux entiers dépens.

La société MMA, représentée par le même conseil que la société Rakon France, n'a pas fait déposer de conclusions.

M. [T] [S] sollicite la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

- renvoyer l'affaire devant le pôle social du tribunal judiciaire de Pontoise afin qu'il soit statué sur la liquidation du préjudice,

- condamner la société Rakon à payer à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions communiquées le 14 janvier 2020, la Caisse sollicite de la cour qu'elle :

- lui donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le principe de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société Rakon suite aux 2 accidents du travail dont a été victime M. [S] le 03.08.2012 et le 07.12.2012,

si la cour reconnaît la faute inexcusable de cet employeur,

- donne acte à la Caisse qu'elle s'en rapporte à justice sur le montant de la majoration de rente

dans les limites des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale,

- déclare l'arrêt à intervenir commun et opposable à la compagnie d'assurance de la société Rakon, la société MMA,

en conséquence,

- dise et juge que la Caisse récupérera auprès de la société Rakon ou de son assureur, la société MMA, le montant de tous les préjudices dont elle sera tenue de faire l'avance, qui seront alloués à M. [S] conformément aux articles L. 452-2 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, en conséquence,

- condamne la société Rakon ou son assureur à rembourser à l'organisme social les sommes dont il aura fait l'avance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Concernant le premier accident, la Société Rakon fait en particulier valoir que M. [S] n'a consulté un médecin que le 8 août 2012 pour un accident qui se serait produit le 3 août précédent, qu'il n'en a informé la direction de la Société que le 6 février 2013, que le jour de l'accident allégué, M. [S] 'a réalisé, dans la foulée, la même manipulation en vue de mettre en place le nouveau bloc moteur'.

S'agissant du second accident de travail, survenu le 7 décembre 2012, M. [S] a été en arrêt de travail du 10 décembre 2012 au 24 mars 2013 et considéré comme consolidé le 21 décembre 2012. La visite de reprise est intervenue le 25 mars 2013 et M. [S] a été déclaré apte 'sous réserve de fournir des agenouilloirs amovibles. Pas de port supérieur à 20 kgs'.

La Société souligne que le manquement à l'obligation de sécurité de résultat, à laquelle l'employeur est tenu, ne peut constituer une faute inexcusable que lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La Société précise que, lors des deux accidents, M. [S] disposait d'équipements lui facilitant les opérations de manutention de charges lourdes, étant observé que, lors du premier accident, le bloc moteur en cause pesait 28 kilogrammes (système de freinage compris) et non 50 à 70 comme le salarié avait pu l'indiquer (la Société ajoute que les blocs moteurs présentés par M. [S] dans sa pièce 46 ne correspondent pas aux modèles présents au sein de Rakon et qu'en outre, les blocs 'Rakon' sont en aluminium et non en fonte).

Concernant la façon de procéder, la Société indique que M. [S] ne peut prétendre avoir eu besoin de sortir le bloc moteur en même temps que la poulie (qui ne pèse au demeurant que cinq kilogrammes) et avait à sa disposition : un élévateur à fourche motorisé, un transpalette manuel, un transpalette motorisé et de petites tables de levage limitées en termes de poids de levage. La Société reproche à M. [S] de ne pas avoir utilisé le chariot élévateur, alors qu'en l'utilisant, il pouvait changer, seul, le bloc moteur.

De plus, il est arrivé à M. [S] de commander lui-même du matériel nécessaire au levage, avant (batteries, tables élévatrice) ou après l'accident (table élévatrice, chèvre de levage).

La Société relève, en outre, que M. [S] disposait de la formation (Bac pro 'maintenance') et de la qualification (au sommet de la hiérarchie de technicien de maintenance) nécessaires ; il disposait d'une 'longue expérience de maintenance en industrie et bâtiment' selon les termes de son CV.

Les appareils de levage étaient d'utilisation simple et ne nécessitaient aucun permis quelconque.

Le 3 août et le 7 décembre 2012, M. [S] a choisi de ne pas utiliser les équipements mis à sa disposition. Par ailleurs, la Société disposait bien d'un document unique d'évaluation des risques ('DUER') lors des accidents en cause.

La Société note également que M. [S] a été régulièrement suivi par la médecine du travail et a toujours été déclaré apte.

Enfin, la Société critique les attestations de trois anciens salariés produites par M. [S], l'une émanant d'une salariée ayant été concernée par une procédure de licenciement et deux autres rédigés par des personnes n'ayant jamais travaillé directement avec M. [S].

M. [S] soutient notamment, pour sa part, que le premier accident s'est produit alors qu'il avait dû monter sur une machine (une scie) pour en démonter le bloc moteur, avec la poulie et le faire descendre à un collègue (M. [Y]). Il entendait un 'craquement' mais poursuivait son travail, pendant quelques jours. Il était finalement placé en arrêt de travail, le 8 août 2012, d'abord pour une semaine puis jusqu'au 17 septembre 2012. Le 23 août 2012 une IRM avait montré une 'discopathie dégénérative et protrusive avec hernie discale para-médiane droite L5-S1 conflictuelle avec la racine S1 droite'.

Le second accident de travail s'était produit, le 7 décembre 2012, alors qu'il soulevait un moteur de scie, d'un poids de 80 kilogrammes, 'pour le ranger dans une armoire'. Il ressentait des 'douleurs dorsales et des picotements dans la jambe droite'.

Le 21 décembre 2012, M. [S] a subi une discectomie L5-S1 et libération radiculaire S1 droite.

M. [S] soutient que la Société ne pouvait pas ne pas avoir connaissance du risque auquel la manipulation de charges lourdes l'exposait. La circonstance d'un premier accident au mois d'août 2012 impliquait la conscience du danger. De plus, il y avait plusieurs accidents, abordés en CHSCT, dus au port ou au soulèvement de charges lourdes, en 2008 et 2009. Le document d'évaluation des risques mentionnait, pour trois des 11 unités de la société, la manutention comme présentant un risque moyen.

Or, la Société n'a jamais mis à la disposition de son salarié 'le matériel mécanique nécessaire à la manutention, (...) n'a jamais informé Monsieur [S] sur les risques encourus, n'a jamais organisé de formation 'gestes et postures' ou à la sécurité'.

M. [S] souligne que le poids du bloc moteur à soulever était très élevé et que, même à suivre les conclusions de la Société, cela représentait au moins 33 kilogrammes à soulever à bout de bras et à remettre en se penchant à un collègue situé en contrebas. Il ne disposait cependant d'aucun matériel pour l'aider à soulever et transporter les lourdes pièces des machines, comme le confirmaient trois témoins.

M. [S] souligne qu'il n'avait pas le pouvoir de commander les matériels de levage et que ce n'est que postérieurement aux accidents en cause que la Société avait pris des mesures à cet égard. En tout état de cause, il n'est pas démontré qu'il était autorisé à les utiliser, n'avait jamais été formé à le faire, outre qu'il n'est pas davantage démontré par la Société que les dispositifs qu'elle invoque étaient 'adaptés à la manutention manuelle que devait effectuer Monsieur [S]'.

Ce dernier relève que la réunion du CHSCT qui s'est tenue après son second accident, le 10 décembre 2012, a mentionné qu'il fallait 'prévoir une formation sur le port de charge ainsi que le port de ceinture'. Pourtant, deux ans après, lorsqu'il avait sollicité une formation sur les gestes et postures (17 septembre 2014), il lui avait été répondu que des aménagements avaient été effectués sur son poste de travail et qu'une telle formation ne s'avérait pas nécessaire.

M. [S] reproche également à la Société de ne pas avoir organisé de visite médicale de reprise à la suite du premier accident, alors qu'elle en avait été informée, quand bien même il n'a été déclaré que plusieurs mois après et que, en tout état de cause, il avait été absent plus de 30 jours.

A l'inverse, aucune faute ne pouvait lui être reprochée.

La Caisse s'en rapporte à justice quant à la faute inexcusable.

Sur ce,

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance de l'accident du travail.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droits d'en apporter la preuve.

L'appréciation de la conscience du danger relève de l'examen des circonstances de fait, notamment de la nature de l'activité du salarié ou du non-respect des règles de sécurité.

Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droits a droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies dans les articles suivants et notamment à une majoration de la rente allouée, outre depuis une décision du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel, la réparation de préjudices non couverts en tout ou partie par le Livre IV du code précité.

En l'espèce, les circonstances sont particulières en ce que, d'une part, le premier accident a été déclaré par la Société, avec des réserves, bien après sa survenance et en tout cas, après que le second accident était survenu ; et que, d'autre part, la pathologie décrite est la même pour les deux accidents.

Sur l'accident du 3 août 2012

La cour ne peut que constater que l'accident dont M. [S] aurait été victime le 3 août 2012 n'a pas donné lieu à un arrêt de travail immédiat. Non seulement, M. [S], qui se serait plaint d'avoir entendu un 'craquement' dans le dos 'Entre 10H et 12H', a continué son travail (puisque, à 15h37, il a adressé un message pour indiquer que, alors que le moteur ne devait être remonté que le lundi, il l'avait déjà fait le vendredi après-midi), mais il n'a fait l'objet d'un arrêt de travail que le 8 août 2012.

Les témoignages qu'il produit confirment qu'il aurait indiqué avoir mal au dos le vendredi 3 août et encore le lundi 6 août 2012.

C'est M. [S] qui a déclaré cet accident, le 13 février 2013, en indiquant que l'événement avait été connu des préposés de l'employeur le 6 août 2012.

En fait, M. [S] s'est vu délivrer un avis d'arrêt de travail le 8 août 2012, jusqu'au 15 août 2012, par un médecin de 'Urgences SOS'. Cet avis ne mentionne ni la pathologie, ni le lien avec le travail.

L'avis de prolongation d'arrêt de travail, du 24 août au 9 septembre 2012, fait état d'une sciatique.

Le certificat final d'accident du travail ou de maladie professionnelle fait état d'une sciatique droite et d'une reprise du travail le 17 septembre 2012, avec consolidation à cette date.

Enfin, l'IRM lombaire pratiquée le 23 août 2012 fait état, à l'étage L5-S1, d'une 'Discopathie dégénérative et protrusive avec hernie discale para-médiane droite venant au contact avec la racine S1 droite. Hypertrophie articulaire postérieure'.

Il en résulte que rien ne permet de considérer que M. [S] a été victime d'un accident du travail le 3 août 2012 puisque non seulement il a continué à travailler, mais il n'établit pas que l'avis d'arrêt de travail du 8 août 2012, soit cinq jours après les faits allégués et alors qu'une fin de semaine, au cours de laquelle M. [S] s'est trouvé libre de mener les activités que bon lui semblait, soit lié à autre chose qu'un 'mal de dos', dû à une situation pathologique indépendante du travail, en l'occurrence, une sciatique L5-S1, laquelle est totalement compatible avec la douleur décrite par M. [S].

La cour relève d'ailleurs que cette pathologie est nécessairement quelque peu ancienne puisque, lors de l'opération du 21 décembre 2012, suite au second accident de travail allégué, le chirurgien ayant pratiqué l'opération de discectomie L5-S1, mentionnera notamment qu'il a ramené 'une quantité abondante de matériel dégénéré'.

La cour note, à toutes fins, que la Caisse n'explique en aucune manière comment la pathologie déclarée le 3 août 2012 aurait pu n'être consolidée que le 24 mars 2013 (courrier de la Caisse en date du 5 juillet 2013), alors que non seulement, comme il vient d'être indiqué, M. [S] a pu être considéré comme consolidé au 17 septembre 2012 et a repris le travail, mais il a subi, à la suite du second accident, une opération, le 20 décembre 2012, qui a conduit à ce qu'il soit considéré comme consolidé de la sciatique par hernie discale L5-S1 ce même jour (lettre de la Caisse du 21 février 2013).

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qui concerne l'accident déclaré comme intervenu le 3 août 2012.

Sur le second accident

Il se serait produit, dans des circonstances similaires au précédent, le 7 décembre 2012, entre 13h30 et 14 heures.

La différence est que M. [S] a aussitôt cessé le travail, les attestations produites indiquant qu'il s'est assis, ou allongé au sol, en se plaignant du dos.

Le certificat médical initial d'accident du travail ou de maladie professionnelle fait état d'une sciatique L5-S1 et prévoit un arrêt de travail jusqu'au 15 janvier 2013.

Le certificat médical de prolongation, daté 20 décembre 2012, fait état d'une hernie discale lombaire opérée et prévoit un arrêt de travail jusqu'au 27 janvier 2013.

Le certificat médical final, établit le 21 mars 2013, fait état de la même pathologie et mentionne une reprise du travail le 25 mars 2013.

Dans ce second cas, il est constant que M. [S] a dû brusquement arrêter l'exécution de sa tâche alors qu'il se trouvait au temps et au lieu du travail.

Quel que soit le nom que l'on puisse donner à cet événement, force est de considérer que M. [S] se trouvait au temps et au lieu du travail et bénéficie, à ce titre, d'une présomption que l'événement trouve sa cause dans le travail.

Au regard des attestations produites, il apparaît vraisemblable que la société Rakon ait confié régulièrement à des salariés la tâche de procéder à la maintenance, la réparation ou le remplacement d'éléments d'un poids certain et que les salariés, s'ils pouvaient disposer aisément de matériel comme un transpalette (lequel, faut-il le rappeler, rend le transport de charges lourdes sur de courtes distances, comme d'un atelier à un autre, plus faciles, mais ne peut servir à la manutention des charges lorsqu'il s'agit de les monter ou de les descendre d'une machine sur laquelle elles sont ou doivent être fixées, comme en l'espèce), ne disposaient pas, à l'époque, de matériels suffisants pour la manipulation de charges lourdes.

En l'espèce, M. [S] devait déplacer un moteur (et sa poulie) du haut d'une machine pour pouvoir les transporter dans un atelier voisin.

Il considère que, compte tenu du geste à effectuer (descendre l'ensemble pour le remettre à un collègue resté au sol), il s'agit du port de charges lourdes et qu'il aurait donc dû bénéficier et de la formation nécessaire (que ce soit aux postures ou à l'utilisation du matériel) et du matériel nécessaires, ce qui n'est pas le cas.

L'attestation de M. [H], si elle ne concerne pas l'accident proprement dit, milite en faveur d'un manque d'intérêt de la Société à ces questions. Celle de Mme M.J., dont la cour a bien noté qu'une procédure l'opposait à la Société, confirme et l'engagement professionnel de M. [S] et une forme de dilettantisme de l'employeur en matière de sécurité (plus spécialement d'ailleurs en ce qui concerne les produits chimiques).

Plus précisément, le compte-rendu du CHSCT, qui vise expressément (entre autres) l'accident de M. [S] le 7 décembre 2012, indique : 'Prévoir une formation sur le port de charge ainsi que le port d'une ceinture'. Il résulte des termes mêmes de ce compte-rendu que M. [S] n'a pas reçu la formation nécessaire ni une ceinture destinée à soulager son dos des efforts.

Or, la Société ne démontre en aucune manière les mesures qu'elle a prises pour protéger les salariés en ce qui concerne le port des charges lourdes, quand bien même la masse de ces charges ne serait pas 'lourde' au sens du droit du travail.

Certes, M. [S] avait été déclaré apte, le 7 décembre 2011, prochaine visite prévue dans deux ans et le médecin du travail n'a apporté de limitation à son aptitude que le 25 mars 2013, après l'accident du 7 décembre 2012. Le poids de charge sera d'abord limité à 20 kilogrammes puis, le 10 août 2015, à 15 kilogrammes.

Mais, l'attestation de M. P. P., directeur général, si elle mentionne qu'il y avait un élévateur, un transpalette motorisé et un transpalette manuel, qu'il existait des rampes desservant les ateliers, ne précise pas à quelle date ces matériels ont été mis à disposition, encore moins quelle information les salariés auraient eue à cet égard, ni les formations qui se seraient révélées nécessaires pour pouvoir les utiliser.

L'attestation de M. [N], supérieur hiérarchique de M. [S], n'est pas davantage éclairante, qui ne mentionne aucune date (sauf pour mentionner l'achat d'une table élévatrice, mais en 2014, donc postérieurement à l'accident) et ne précise ni que le matériel était à la disposition effective du salarié, ni qu'il avait été formé, le cas échéant, pour l'utiliser, encore moins qu'une attention particulière avait été portée à la situation particulière à laquelle était exposée le salarié.

Les photographies prises par la Société pour montrer que l'utilisation d'une 'chèvre de levage' n'était pas possible, tandis que ce l'était avec un chariot élévateur manuel, si elles sont pertinentes pour le premier engin (pour autant que la cour puisse en juger au vue d'une seule photographie), ne le sont guère pour ce qui est du second. Il apparaît en effet que (en écrivant cela, la cour ne néglige pas la difficulté résultant de la structure de la machine comme de celle des locaux) le chariot doit être placé au plus près, les fourches levées au plus haut et que, nonobstant, il faudra bien une intervention humaine pour faire 'glisser' le bloc-moteur, que ce soit pour le retirer ou pour le positionner convenablement après réparation. En outre, les photographies ne montrent aucunement comment le technicien aurait dû, ou pu, se positionner si le chariot avait été utilisé, tandis que, à l'évidence, il aurait fallu porter le moteur, dans une position pour le moins inconfortable, sur une dizaine ou une vingtaine de centimètres au moins. Ces observations renforcent la nécessité d'un mode opératoire préalablement et clairement défini, qui ne résulte d'aucun des éléments soumis par la Société.

Par ailleurs, de nombreux autres documents ou attestations sont postérieurs à la période en cause ici et leur production, notamment en ce qu'elle tient à confirmer l'achat de matériels adéquats, revient à confirmer que ces matériels, dont il sera estimé par la Société, en 2014 ou 2015, qu'ils sont indispensables, ne l'étaient pas auparavant.

Surtout, alors que M. [S] avait été absent pendant 30 jours au moins après le 8 août 2012, il n'a pas fait l'objet d'une visite de reprise, en violation des dispositions de l'article R. 4624-31 du code du travail.

Il importe peu, à cet égard, que la cour ait considéré ci-dessus, que l'événement du 3 août 2012 n'était pas susceptible de constituer une faute inexcusable de l'entreprise.

En effet, si M. [S] avait bénéficié d'une visite de reprise, compte tenu de la pathologie dont il était atteint (discopathie L5-S1), il existait une possibilité, que la cour estime hautement probable, que le médecin du travail limite l'aptitude de M. [S] quant à la lourdeur des charges qu'il pouvait manipuler ou aux postures qu'il pouvait tenir.

En se privant délibérément de cette possibilité, la Société a pris un risque de nature à porter une atteinte à la santé ou à la sécurité de M. [S].

Ce risque était d'autant plus susceptible de se réaliser que M. [S] s'est vu confier les mêmes tâches que précédemment, sans recevoir aucune formation, explication, aide ni aucun soutien matériel (pas même une ceinture lombaire, dans l'hypothèse où elle aurait été recommandée par le médecin du travail, ce qui sera d'ailleurs le cas).

La faute inexcusable commise par la Société se trouve à l'origine directe et certaine de l'accident du 7 décembre 2012.

L'expertise ordonnée à juste titre par le premier juge ne pourra porter que sur cet accident. Il convient cependant d'indiquer qu'il résulte de ce qui précède qu'il existe un lien certain entre l'événement du 3 août 2012 et l'accident du 7 décembre suivant. L'expert désigné devra donc pouvoir obtenir communication de tous les éléments médicaux à compter du 3 août 2012, qu'il estimerait pertinents pour mener à bien sa mission.

La société d'assurances ne disconvient pas que l'arrêt lui soit déclaré opposable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La Société, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens d'appel.

Elle sera condamnée à payer à M. [S] la somme de 2 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise, en date du 29 juin 2018 (15-00610/P) en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne l'événement du 3 août 2012 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Décide que l'accident déclaré par M. [T] [S] le 12 février 2013, comme s'étant produit le 3 août 2012, ne résulte pas d'une faute inexcusable de la société Rakon France ;

Déboute M. [T] [S] de toutes ses demandes à cet égard ;

Décide que l'expertise ordonnée par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise dans son jugement du 29 juin 2018 ne pourra porter que sur l'accident du 7 décembre 2012, avec cette précision que l'expert devra pouvoir avoir accès à tous les documents médicaux depuis le 3 août 2012 inclus ;

Condamne la société Rakon France aux dépens d'appel ;

Condamne la société Rakon France à payer à M. [T] [S] une indemnité d'un montant de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déclare le présent arrêt opposable à la société MMA Assurances (Cabinet Cruchon) ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Carine Djellal, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/03656
Date de la décision : 09/04/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/03656 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-04-09;18.03656 ?
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