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26/03/2020 | FRANCE | N°19/01934

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 26 mars 2020, 19/01934


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2020



N° RG 19/01934 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEZ3



AFFAIRE :



[C] [M]





C/



SCA COOPERATIVE AGRICOLE DE BONNEVAL BEAUCE ET PERCHE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

Sect

ion : Encadrement

N° RG : 13/00199







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SCP PHILIPPE MERY & ASSOCIES



la SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2020

N° RG 19/01934 - N° Portalis DBV3-V-B7D-TEZ3

AFFAIRE :

[C] [M]

C/

SCA COOPERATIVE AGRICOLE DE BONNEVAL BEAUCE ET PERCHE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Février 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHARTRES

Section : Encadrement

N° RG : 13/00199

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SCP PHILIPPE MERY & ASSOCIES

la SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Philippe MERY de la SCP PHILIPPE MERY & ASSOCIES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000035 - N° du dossier 20101123

APPELANT

****************

SCA COOPERATIVE AGRICOLE DE BONNEVAL BEAUCE ET PERCHE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Anne ROBERT-CASANOVA de la SELARL ROBERT CASANOVA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000043

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 17 Février 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE

Le 4 octobre 1982, M. [C] [M] était embauché par la société Coopérative Agricole de la Beauce et du Perche (CABP) en qualité de magasinier par contrat à durée indéterminée. Il évoluait ensuite vers les fonctions de responsable technique et commercial (statut cadre). Enfin, le 10 décembre 2009, l'employeur le nommait, dans le cadre d'une mutation pour motif économique, responsable logistique semence.

Au cours de l'exécution de son contrat de travail, plusieurs avertissements étaient notifiés au salarié en raison notamment d'arrivées tardives, d'absences injustifiées et de difficultés logistiques.

Le 4 avril 2011, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. L'entretien avait lieu le 11 avril 2011. Le 14 avril 2011, il lui notifiait son licenciement pour faute grave.

Le 17 mai 2011, M. [C] [M] saisissait le conseil de prud'hommes de Chartres.

Vu le jugement du 28 février 2014 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Chartres qui a :

En la forme,

- reçu M. [C] [M] en ses demandes,

-reçu la Coopérative Agricole de la Beauce et du Perche en ses demandes reconventionnelles,

Au fond,

- confirmé la mutation de M. [C] [M],

- dit et jugé que le licenciement pour faute grave de M. [C] [M] par la Coopérative Agricole de la Beauce et du Perche est parfaitement justifié,

En conséquence,

- débouté M. [C] [M] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la Coopérative Agricole de la Beauce et du Perche de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

- condamné M. [C] [M] aux entiers dépens.

Vu la notification de ce jugement le 28 février 2014.

Vu l'appel interjeté par M. [C] [M] le 28 février 2014.

Vu l'arrêt du 8 avril 2016 ordonnant la radiation pour défaut de diligences de l'appelant.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [C] [M], notifiées le12 avril 2019 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- déclarer M. [C] [M] recevable et bien-fondé en son appel ;

Y faisant droit,

- annuler la mutation du 10 novembre 2009 ;

- annuler le licenciement;

- condamner en conséquence la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche à payer à M. [C] [M]:

- la somme de dix mille euros à titre de dommages et intérêts pour mutation abusive et vexatoire;

- la somme de cent mille euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive;

- la somme de vingt sept mille sept cent soixante trois euros et quatre vingt un centimes à titre d'indemnités légale de licenciement ;

- la somme de onze mille cent cinq euros et cinquante deux centimes à titre d'indemnités de préavis ;

- la somme de mille euros à titre de dommages intérêts pour délivrance d'un certificat de travail non conforme ;

- la somme de sept mille euros à titre d'indemnité pour frais non compris dans les dépens ;

- ordonner la délivrance, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, passé le délai de quinzaine suivant la notification de l'arrêt à intervenir, d'un certificat de travail mentionnant, au titre de la date de sortie, la date du 16 juillet 2011 ainsi que les emplois suivants : « magasinier d'octobre 1982 à août 1984; agent de dépôt de septembre 1984 à décembre 1990; chef de dépôt de janvier 1991 au 16 avril 2011 » ;

- débouter la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche en tous dépens.

Vu les écritures de l'intimée, la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche, notifiées le 17 janvier 2020 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- voir dire et juger confirmer le jugement entrepris et

- débouter en conséquence M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

- dire que la mutation avait bien un motif économique,

- dire que le licenciement de M. [M] repose sur une faute grave,

En conséquence,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause,

- ne pas faire droit aux intérêts à compter de la saisine des prud'hommes et de neutraliser la période du 8 avril 2016 au 24 avril 2019, la radiation étant intervenue du fait de M. [M],

- le condamner à verser à la Cooperative Agricole de Bonneval Beauce et Perche les sommes de :

- 3 000 euros à titre de dommages et intérêts toute cause de préjudice confondus sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- les dépens.

Vu la lettre de licenciement.

SUR CE,

Sur la mutation du 10 novembre 2009 :

M. [M] sollicite l'annulation de sa mutation en date du 10 novembre 2009 et la condamnation de la coopérative agricole de Bonneval Beauce et Perche à lui payer la somme de dix mille euros à titre de dommages et intérêts pour mutation abusive et vexatoire ;

Il fait valoir à ce titre que cette mutation ne résultait pas d'un problème économique ni d'une quelconque réorganisation mais bien d'une volonté de le sanctionner en raison de ses problèmes de santé et estime avoir été victime dans ce cadre d'une fraude et d'une discrimination ;

La coopérative agricole de Bonneval Beauce et Perche fait valoir en réplique qu'il n'existe aucun lien entre la maladie et la mutation pour motif économique dans le cadre de laquelle M. [M] a été conservé à un poste stratégique et non licencié comme d'autres salariés, que le médecin du travail l'avait déclaré apte et que M. [M] a accepté ladite mutation faute de l'avoir contestée et refusée dans les délais ;

La coopérative agricole de Bonneval Beauce et Perche justifie que par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2009 elle a proposé à M. [M] une mutation au poste de « responsable logistique semence » pour motif économique en raison de la suppression de son poste de technico-commercial suite à la réorganisation de son activité terrain, en l'informant que « vous disposez d'un délai de réflexion d'un mois maximum d'un mois pour me signifier par écrit votre accord ou refus. A défaut de réponse dans ce délai vous serez considéré comme ayant accepté cette modification » ;

En application de l'article L.1226-6 du code du travail, le silence gardé par le salarié pendant plus d'un mois vaut acceptation de la modification proposée par l'employeur ; Il s'ensuit que M. [M] a accepté la proposition de mutation au poste de « responsable logistique semence » ;

Si M. [M] produit aux débats des pièces médicales concernant sa situation de santé début 2008 et à l'été 2009, il ne démontre pas la connaissance de son employeur de cette situation ; la mention dans le procès-verbal du conseil d'administration de la coopérative agricole du 5 octobre 2009 d'une nouvelle visite médicale de M. [M] dans le contexte de la réorganisation, de même que le compte-rendu d'entretien préalable auquel se réfère le salarié mais que conteste l'employeur et qui s'est tenu le 15 novembre 2010 soit plus d'un an après la proposition de mutation sont insuffisants à cet égard ;

La volonté de l'employeur, alléguée par M. [M], de le sanctionner frauduleusement ou de le discriminer en raison de ses problèmes de santé par cette mutation n'est pas établie ; M. [M] sera en conséquence débouté de l'ensemble de ses demandes en lien avec cette mutation ; le jugement sera confirmé sur ce point ;

Sur le licenciement

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;

En l'espèce, la lettre de licenciement reproche à M. [M] des manquements se rapportant à l'affrètement/logistique, aux statistiques, ainsi qu'un abandon de poste, un non-respect des horaires de travail et des problèmes d'hygiène perdurant et perturbant son environnement de travail ;

M. [M] invoque la nullité du licenciement en faisant valoir que cette sanction procède à nouveau de la volonté de l'employeur de l'écarter en raison de ses problèmes de santé ; il ajoute que ceux-ci se sont aggravés en raison du comportement discriminatoire de l'employeur et de sa volonté de lui imposer des tâches pour lesquelles il n'était pas formé ; il indique par ailleurs que la coopérative n'établit pas qu'elle qu'elle serait dotée d'un règlement intérieur régulier ; il sollicite finalement des dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Toutefois, comme le fait valoir en réplique l'intimée, qui produit son règlement intérieur, lequel contient des règles relatives à la discipline, à la nature et à l'échelle des sanctions, M. [M] ne justifie pas avoir informé son employeur des prescriptions médicales qu'il produit aux débats, datées de juillet 2010, janvier et juin 2011, ni avoir bénéficié d'arrêts maladie ; la demande de nullité du licenciement sera donc écartée ;

M. [M] avait été sanctionné le 11 octobre 2010 d'un premier avertissement pour des manquements dans ses fonctions en ce compris des absences répétées à son poste de travail puis d'un second avertissement le 23 novembre 2010 ;

La cour constate que les premiers griefs se rapportant à l'affrètement/logistique des camions et aux statistiques (comparaisons absentes ou erronées) s'analysent en une insuffisance professionnelle, alors que l'employeur a choisi de se placer sur le terrain disciplinaire, de sorte qu'ils ne peuvent être retenus dans ce cadre à l'encontre de M. [M] ;

La coopérative agricole de Bonneval Beauce et Perche produit aussi des éléments et attestations selon lesquelles M. [M] a bénéficié d'accompagnement dans son nouveau poste, qu'il s'est rendu à deux reprises et pendant son temps de travail dans un bar-tabac courant mars 2011 avant de regagner son poste et a été en retard à son travail, outre qu'il faisait preuve d'un laisser-aller en matière d'hygiène ; il est observé que M. [M] ne conteste pas, même à titre subsidiaire, les faits se rapportant auxdits griefs ;

La cour estime que ces griefs, sans constituer une faute grave, constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

En conséquence, le jugement sera infirmé seulement en ce qu'il a dit que le licenciement pour faute grave de M. [M] est justifié et débouté ce dernier de ses demandes relatives à l'indemnité légale de licenciement et au préavis ;

Sur les conséquences financières

A la date de son licenciement M. [M] avait une ancienneté de plus de 28 ans au sein de l'entreprise qui employait de façon habituelle plus de 11 salariés ;

Il sera fait droit à ses demandes d'indemnité légale de licenciement et d'indemnités de préavis en lui allouant respectivement les sommes de 27 763,81 euros et de 11 105,52 euros de ces chefs ;

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'enjoindre à la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche, comme le demande M. [M] sans être contredit par l'intimée, de lui délivrer, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, un certificat de travail mentionnant, au titre de la date de sortie, la date du 16 juillet 2011 ainsi que les emplois suivants: « magasinier d'octobre 1982 à août 1984; agent de dépôt de septembre 1984 à décembre 1990; chef de dépôt de janvier 1991 au 16 avril 2011 » ;

Le prononcé d'une astreinte ne s'avère toutefois pas nécessaire à défaut d'allégations le justifiant ;

La demande de dommages intérêts pour délivrance d'un certificat de travail non conforme sera rejetée en l'absence de démonstration d'un préjudice spécifique subi à ce titre ;

La Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche sera déboutée de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts faute de démontrer une exécution de mauvaise foi du contrat de travail par M. [M] ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche ;

La demande formée par M. [M] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives à la faute grave, à l'indemnité légale de licenciement, à l'indemnité de préavis et au certificat de travail,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [C] [M] fondé sur une cause réelle et sérieuse,

Condamne la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche à payer à M. [C] [M] les sommes suivantes :

- 27 763,81 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 11 105,52 euros à titre d'indemnité de préavis,

- 1 500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,

Ordonne à la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche, comme le demande M. [M] sans être contredit par l'intimée, de lui délivrer, dans le mois suivant la signification du présent arrêt, un certificat de travail mentionnant, au titre de la date de sortie, la date du 16 juillet 2011 ainsi que les emplois suivants: « magasinier d'octobre 1982 à août 1984; agent de dépôt de septembre 1984 à décembre 1990; chef de dépôt de janvier 1991 au 16 avril 2011 »,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la Coopérative Agricole de Bonneval Beauce et Perche aux dépens d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01934
Date de la décision : 26/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°19/01934 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-26;19.01934 ?
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