La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/03/2020 | FRANCE | N°18/07714

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 26 mars 2020, 18/07714


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 MARS 2020



N° RG 18/07714 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SYT6



AFFAIRE :



[X] [R]



[B] [I] épouse [R]

C/

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Juillet 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG

: 14/00355



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26 03 2020

à :

Me Odile BORDIER

avocat au barreau de CHARTRES,

Me Marie josé DEVEMY avocat au barreau de CHARTRES







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 MARS 2020

N° RG 18/07714 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SYT6

AFFAIRE :

[X] [R]

[B] [I] épouse [R]

C/

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 25 Juillet 2018 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 14/00355

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 26 03 2020

à :

Me Odile BORDIER

avocat au barreau de CHARTRES,

Me Marie josé DEVEMY avocat au barreau de CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [X] [R]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Odile BORDIER de la SCP BORDIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000006 - N° du dossier 2014026

Madame [B] [I] épouse [R]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentant : Me Odile BORDIER de la SCP BORDIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000006 - N° du dossier 2014026

APPELANTS

****************

SA CREDIT FONCIER DE FRANCE Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° 542 029 848

N° SIRET : 542 02 9 8 48

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Marie josé DEVEMY de la SCP PICHARD DEVEMY KARM, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000040 - N° du dossier 30280

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Février 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président

Madame Sylvie GUYON-NEROT, Président

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Nazia KHELLADI,

EXPOSE DU LITIGE

Pour financer l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Localité 7], M. [X] [R] et Mme [B] [I] son épouse ont souscrit auprès du Crédit foncier de France le 23 avril 2008, un prêt immobilier qui n'est pas litigieux, et un prêt relais remboursable sur 24 mois au taux de 5% avec un différé d'amortissement et d'intérêts dans l'attente de la revente de deux autres biens, dont l'exécution a été retardée par les difficultés qu'ils ont rencontrées pour vendre l'un de ces biens. Le remboursement du prêt relais arrivant à terme le 6 mai 2010, un moratoire a été accordé jusqu'au 6 mars 2011, et le second bien ayant été vendu le 25 février 2011, une somme de 217 339 € a été versée à la banque.

La banque avait accueilli favorablement leur demande de restructuration des divers prêts à leur charge. En effet, et leur a présenté une offre de prêt immobilier d'un montant de 171.109 euros, remboursable sur 300 mois au taux de 4,15 % l'an hors assurance, et portant sur le regroupement du prêt relais pour un montant de 67.199 euros, du prêt immobilier pour un montant de 59.455 euros et d'un troisième prêt conclu avec le Crédit agricole pour un montant de 40.904 euros. Après avoir accepté cette offre le 10 février 2012, ils se sont rétractés.

Statuant sur la demande de la banque en remboursement du solde du prêt relais introduite par assignation du 31 janvier 2014, le Tribunal de Grande Instance de Chartes par jugement contradictoire du 25 juillet 2018, a :

-rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription biennale soulevée par M. et Mme [R] ;

-condamné M. et Mme [R] à payer à la SA Crédit foncier de France la somme de 66.973,20 euros avec intérêts au taux de 5 % à compter du 9 mars 2011 ;

-dit qu'il y aura lieu d'en déduire, par voie de compensation, la somme de 1.000 euros;

-déclaré irrecevables les demandes reconventionnelles ;

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamné M. et Mme [R] aux dépens, qui seront recouvrés par la SCP Pichard Devémy Karm, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 13 novembre 2018, M. et Mme [R] ont interjeté appel de la décision.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises au greffe le 24 janvier 2020 auxquelles il est expressément renvoyé, les appelants demandent à la cour de :

-infirmer le jugement entrepris ;

-déclarer l'action de la SA Crédit foncier de France prescrite ;

-débouter la SA Crédit foncier de France de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner la SA Crédit foncier de France à régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens ;

-Subsidiairement, prononcer la déchéance du droit aux intérêts ;

-déclarer la SA Crédit foncier de France responsable de leur préjudice en raison de ses manquements à ses obligations de conseil et de mise en garde ;

-dire et juger la prorogation du contrat "prêt relais" affecté d'un vice ouvrant droit à dommages et intérêts ;

-condamner la SA Crédit foncier de France à leur payer la somme de 92.423,02 euros arrêtée au 12 octobre 2018 selon décompte joint ;

-dire que cette somme viendra en compensation de la somme demandée par la SA Crédit foncier de France ;

-condamner la SA Crédit foncier de France à régler la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la SA Crédit foncier de France aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Bordier en vertu de l'article 699 du code de procédure civile.

Au soutien de leurs demandes, M. et Mme [R] font valoir :

-que l'action de la société Crédit foncier de France est irrecevable en ce qu'elle est prescrite sur le fondement de l'article L. 137-2 du code de la consommation ; que le délai a commencé à courir à compter du premier incident de paiement non régularisé ; que le moratoire du mois d'août 2010 et le projet de restructurer les autres emprunts étaient dépourvus d'effet au motif que ce projet n'a pas abouti faute pour la banque d'avoir répondu à leur courrier du 10 février 2012 sur les conditions d'octroi de cette restructuration, sans qu'ils ne reconnaissent devoir leur dette ; que la date d'exigibilité du prêt relais est le 6 mars 2011 au plus tard, bien que cette prorogation soit affectée d'un vice au sens des articles 1128 à 1131 du code civil puisqu'ils n'ont jamais signé de moratoire ; que la mesure conservatoire prise en décembre 2013 par la banque n'a pas interrompu le délai de prescription biennale en ce qu'elle est intervenue après l'expiration dudit délai ;

-qu'à titre subsidiaire, le décompte versé dans l'assignation de la SA Crédit foncier de France est erroné en ce qu'il ne prend pas en considération les versements qu'ils ont effectué et les montants prélevés sur leur compte bancaire ; qu'ils n'ont reçu aucun décompte de créance à partir de l'année 2010 ;

-que leur demande d'indemnisation sur le fondement de l'ancien article 1147 du code civil est recevable en ce qu'elle n'est pas prescrite ; que le délai de prescription a commencé à courir à la date de l'assignation délivrée par la banque, soit le 31 janvier 2014 et non au 25 février 2011 au motif qu'à cette date, ils ignoraient ce que la banque allait leur réclamer au titre du solde du prêt relais ; que la banque a manqué à son obligation d'information en ce qu'ils n'ont jamais été mis en demeure d'avoir à lui régler le solde de la dette ; que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et de conseil à leur égard au motif que la banque n'a pas fait expertisé leurs biens et qu'elle ne les a pas informé du risque de cette opération financière au regard de la période d'instabilité du marché de l'immobilier ; que la banque n'a pas pris en compte les frais inhérents aux ventes dans ce montage financier ; que leurs biens immobiliers ont été sur-évalués par rapport au marché de l'époque en 2008 ; qu'au moment de la souscription du prêt relais, ils n'avaient conclu aucun autre prêt.

Par dernières conclusions transmises au greffe le 6 mai 2019 auxquelles il est expressément renvoyé, la société Crédit foncier de France demande à la cour de :

-confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

-condamner M. et Mme [R] à lui verser la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, avec recouvrement direct au profit de la SCP Pichard Devémy Karm, avocat aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile, lesquels comprendront les frais d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire et ses suites.

Au soutien de ses demandes, la SA Crédit foncier de France fait valoir que son action en paiement est recevable ; que le délai biennal de forclusion de l'article L. 218-2 du code de la consommation court non pas à compter de la date d'exigibilité de la dette mais à compter de la lettre de résiliation du prêt ; qu'en l'espèce, l'exigibilité de la dette au titre du prêt relais, doit être datée au 6 mai 2010, date initiale du terme du prêt relai ; que le délai a été interrompu par de nombreux actes ;

-qu'en revanche, la demande d'indemnisation du préjudice de M. et Mme [R] résultant d'un prétendu manquement à son obligation de conseil et de mise en garde au titre du montage de l'opération financière se heurte à la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil et est donc irrecevable ; que ce délai a commencé à courir dès l'octroi du crédit, soit le 23 avril 2008 mais ce n'est que dans des écritures signifiées le 5 septembre 2016, soit plus de cinq ans après, que M. et Mme [R] ont réclamé l'indemnisation de leur préjudice; Subsidiairement, que le concours litigieux était adapté aux capacités financières telles que les emprunteurs les lui avaient déclarées; qu'elle n'est pas responsable de l'effondrement du marché immobilier qui les a contraints à baisser sensiblement le prix de vente de leur bien ; qu'outre l'information mensuelle sur l'évolution du prêt qui a été délivrée aux emprunteurs, la déchéance du terme et la mise en demeure d'avoir à solder leur dette ont été notifiées par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 août 2010.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 28 janvier 2020.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 19 février 2020 et le prononcé de l'arrêt au 26 mars 2020 par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l'action :

Après avoir rappelé à juste titre l'application de l'article L137-2 devenu L 218-2 du code de la consommation le premier juge a cependant retenu que le délai de prescription ne courait pas à compter de la date d'exigibilité de la créance mais de la lettre de résiliation et que la banque n'ayant jamais manifesté son intention de résilier le prêt, le délai n'a pas couru.

Cependant, le point de départ du délai de prescription se situant au jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, en présence d'une dette payable à terme unique l'action en paiement du solde se prescrit à compter de la survenue du terme qui emporte son exigibilité.

En l'espèce, la banque a consenti aux époux [R] un moratoire qu'ils ont accepté le 17 août 2010, reportant le terme du prêt relais au 6 mars 2011. A défaut de remboursement intégral de la créance à cette date, la banque était en mesure d'exercer son action en paiement. Le délai de prescription a donc commencé à courir à compter du 6 mars 2011.

La banque invoque plusieurs évènements ayant interrompu la prescription.

Le versement du prix de vente de l'immeuble en exécution du prêt relais le 8 mars 2011 a effectivement fait partir un délai de même durée à compter de cette date, en application de l'article 2240 du code civil.

Pour que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit soit interruptive de prescription il faut qu'elle soit non équivoque. Par conséquent leur accord de restructuration de leurs prêts en cours donné par courrier du 5 novembre 2011 (pièce 18 de l'intimée) incluant expressément le reliquat restant du sur le prêt relais qu'ils estimaient à 67 000 € a également produit un effet interruptif à cette date. En revanche, la cour note que l'acceptation de l'offre de prêt du 10 février 2012 qui a d'ailleurs été rétractée suivant les indications de la banque avait été faite sous conditions qui nécessitaient un recalcul global de l'ensemble de la dette, et une rediscussion de la garantie. Par conséquent elle ne présente pas un caractère non équivoque permettant de lui faire produire un effet interruptif.

Le délai pour agir de la société Crédit Foncier de France a donc couru jusqu'au 5 novembre 2013. Il en résulte que la procédure d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire qui est postérieure, est sans effet, et que l'assignation en paiement du 31 janvier 2014 a été délivrée tardivement.

Le jugement doit donc être infirmé en toutes ses dispositions.

Les autres demandes de M et Mme [R] n'ayant été présentées qu'à titre subsidiaire, elle sont devenues sans objet dès lors qu'ils ont obtenu gain de cause sur leur moyen principal. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur la recevabilité et le bien-fondé de la demande fondée sur la responsabilité de la banque.

La SA Crédit foncier de France supportera les dépens de première instance et d'appel et l'équité commande d'allouer à M et Mme [R] la somme de 1500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement par décision contradictoire rendue en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE l'action en paiement de la SA Crédit foncier de France irrecevable comme prescrite,

CONDAMNE la SA Crédit foncier de France à payer à [X] [R] et Mme [B] [I] épouse [R] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Crédit foncier de France aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement dans les conditions posées par l'article 699 alinéa 2 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller pour le Président empêché et par Madame KHELLADI, Greffier placé, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 18/07714
Date de la décision : 26/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°18/07714 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-26;18.07714 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award