COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78M
16e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 19 MARS 2020
N° RG 18/04075 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SN5A
AFFAIRE :
SA GALIAN ASSURANCES
C/
[S] [D]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Mai 2018 par le Tribunal d'Instance de Boulogne-Billancourt
N° RG : 1118000060
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 19 03 2020
à :
Me Jean-françois PERET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE
Me Olivier AMANN, avocat au barreau de VERSAILLES -
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF MARS DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, après prorogation, dans l'affaire entre :
SA GALIAN ASSURANCES
N° Siret : 423 703 032 (RCS Paris)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Jean-françois PERET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 203
APPELANTE
****************
Monsieur [S] [D]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (Algérie)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Olivier AMANN, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 116 - N° du dossier 1109 - Représentant : Me Danielle PARTOUCHE-LEVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2059
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 Mars 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Patricia GRASSO, Président,
Madame Nicolette GUILLAUME, Président
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
Greffier lors du délibéré : Madame Mélanie RIBEIRO
EXPOSE DU LITIGE
Par ordonnance rendue le 8 juillet 2010, le juge des référés du tribunal d'instance de Longjumeau a condamné M. [S] [D], solidairement avec Mme [R] [F], à payer à M. [I] [B] et Mme [Y] [U], en deniers ou quittances valables, une provision de 20.378,48 euros à valoir sur les loyers et charges dus au mois de décembre 2009, outre une clause pénale à hauteur de 500 euros, outre une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges contractuels qui auraient été dus en cas de non résiliation du bail et ce, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux, outre une somme de 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens.
Par procès-verbal de recherches infructueuses du 20 octobre 2010, cette ordonnance a été signifiée à M. [D].
Par requête du 16 janvier 2017, la société anonyme Galian assurances a, sur le fondement de ladite ordonnance, sollicité la saisie des rémunérations de M. [S] [D] à hauteur des sommes suivantes :
-la somme de 38.403,12 euros au titre du principal ;
-la somme de 2.030,26 euros au titre des dépens ;
-la somme de 764,71 euros au titre des frais ;
-la somme de 9.932,73 euros au titre des intérêts échus,
soit un total de 40.500,13 euros.
Le 8 janvier 2018, le juge de la saisie des rémunérations a renvoyé l'affaire devant le tribunal d' instance au motif d'une contestation sérieuse soulevée par M. [D], conformément à l'article R. 3252-8 du code du travail.
Par jugement rendu le 14 mai 2018, le tribunal d'instance de Boulogne-Billancourt a :
déclaré irrecevable la requête formée par la SA Galian assurances tendant à la saisie des rémunérations de M. [D] ;
condamné la SA Galian assurances à payer à M. [D] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
rejeté le surplus des demandes ;
condamné la SA Galian assurances aux dépens ;
dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Le 11 juin 2018, la SA Galian assurances a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 8 novembre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Galian assurances, appelante, demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu et statuant à nouveau ;
la déclarer recevable et bien-fondée en sa demande, en qualité de subrogée légale ;
ordonner la saisie des rémunérations de M. [D] dans les conditions fixées par la loi, pour la somme de 26.872,43 euros en principal avec intérêts légaux et anatocisme, outre la somme de 2.030,26 euros de dépens et frais de saisie ;
condamner M. [D] à payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'instance.
Au soutien de ses demandes, la SA Galian assurances fait valoir :
qu'en vertu de l'article L. 121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé une indemnité est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ; que le paiement de l'indemnité, qui conditionne à lui seul la subrogation automatique de l'assureur dans les droits et actions de l'assuré, a été réalisé par elle-même, conformément à la jurisprudence du Conseil d'Etat (arrêt Compagnie Groupama Sud du 5 octobre 2005) ; que le versement aux débats de quittances subrogatives démontre sa qualité de subrogée dans les droits des bailleurs, M. [B] et Mme [U], en raison du contrat qui la lie au mandataire immobilier de ces derniers, l'agence des Templiers, rachetée par la société Foncia Immobilias ;
que la fin de non-recevoir soulevée par M. [D] est elle-même irrecevable en ce qu'elle n'a pas été soulevée à l'audience de conciliation du 8 janvier 2018 ;
que le preneur à bail a loué le bien appartenant aux bailleurs ; qu'en effet, il est versé aux débats sa pièce d'identité ainsi qu'un chèque rédigé à l'ordre de l'agence des Templiers d'un montant de 1.320 euros ; qu'au surplus, l'ordonnance de référé du 8 juillet 2010 condamnant le preneur à bail au paiement des sommes visées est définitive ; qu'aucune prescription ne peut lui être opposée ; qu'il n'y a pas eu de cession de créance mais subrogation légale ; qu'il appartient au débiteur de prouver qu'il s'est libéré de sa dette en vertu de l'article 1353 du code civil.
Dans ses conclusions transmises le 4 octobre 2018, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [S] [D], intimé, demande à la cour de :
constater que la SA Galian assurances ne justifie pas de sa qualité à agir à son égard ;
dire la demande irrecevable pour défaut de qualité à agir ;
dire la demande prescrite au regard de l'article L 114-1 du Code des assurances
constater que la SA Galian assurances ne justifie pas avoir notifié la cession de créance dans les termes de l'article 1690 du code civil, ni dans les termes de l'article 1324, alinéa 1er, du code civil -confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions ;
À titre subsidiaire,
constater que la SA Galian assurances ne justifie pas du paiement de la créance au profit des propriétaires, M. [B] et Mme [U] ;
débouter la SA Galian assurances de l'intégralité de ses demandes ;
En tout état de cause,
condamner la SA Galian assurances à payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, M. [D] fait valoir :
que la demande formulée par la SA Galian assurances est irrecevable en ce qu'elle est identique à celle formulée suivant requête en date du 6 juin 2016, ensuite de laquelle une ordonnance de rejet a été rendue le 10 janvier 2017 par le tribunal d'instance au motif du défaut d'intérêt à agir, et qu'elle concerne les mêmes parties ;
que les quittances subrogatives versées aux débats sont celles de la société Foncia immobilias, qui subroge la société CGI assurances, devenue la SA Galian assurances, dans ses droits ; que la preuve de la subrogation n'est pas rapportée dès lors que la société Galian Assurances ne démontre pas que la créance du précédent mandataire des bailleurs, l'agence des Templiers, a été transmise à la société Foncia immobilias ; que par conséquent, la demande de la SA Galian assurances doit être déclarée irrecevable en raison du défaut de qualité à agir ;
que la compagnie d'assurance ne rapporte la preuve ni d'un contrat d'assurance conclu avec les bailleurs, ni du paiement entre les mains de ces derniers en vertu d'une garantie régulièrement souscrite ;
qu' en vertu des dispositions de l'article L. 114-1 du code des assurances, toutes les actions dérivant du contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance ; qu' en l'espèce, le délai a commencé à courir à compter de la dernière quittance subrogative en date du 15 décembre 2011 ; qu'ainsi, la demande en paiement pouvait être formulée jusqu'au 15 décembre 2013 ; que par conséquent, la demande, formulée le 24 janvier 2017, est prescrite ;
que la cession de créance entre l'agence des Templiers et la société Foncia Immobilias- n'a pas été signifiée au débiteur cédé, M. [D] ;
qu'à titre subsidiaire, le règlement de la créance en deniers et quittances au profit des bailleurs n'est pas démontrée dans son quantum ; que le justificatif du paiement de ces sommes au profit de ces derniers n'est pas versé aux débats ;
qu' à titre subsidiaire, la demande de la SA Galian assurances est mal fondée à son égard en ce qu'il n'a jamais signé un contrat de bail avec les propriétaires et n'a jamais résidé à cette adresse ; qu'en effet, le contrat de bail est établi au nom de Mme [F], son ancienne épouse -qu' étant domicilié ailleurs à l'époque de la signature du contrat de bail par son ancienne épouse, l'ordonnance n'a pu lui être signifiée à personne ; que s'agissant du chèque d'un montant de 1.320 euros rédigé par lui, il s'agissait d'une somme prêtée à son ancienne épouse afin que celle-ci puisse payer le dépôt de garantie ; qu'en revanche, il n'avait pas connaissance du fait que celle-ci avait fabriqué un faux en mentionnant son nom sur le contrat de bail, comportement que sa fille relate dans une attestation versée aux débats.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 12 février 2019. L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 mars 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le défaut d'intérêt à agir de la société Galian Assurances
Le premier juge a estimé qu'aucune preuve n'étant rapportée d'un paiement effectif par la société Galian Assurances à l'agence des Templiers ou à la société Foncia Immobilias, ni in fine à M. [B] et Mme [U] les créanciers originaires, bénéficiaires finaux du contrat d'assurance souscrit par leur mandataire de gestion locative, dans leur intérêt et sur leur demande, la société Galian Assurances ne pouvait se prévaloir de la subrogation légale de l'article 1251-3 du code civil pour fonder sa requête en saisie des rémunérations de M. [S] [D] sur le titre obtenu par M. [B] et Mme [U]. La société Galian Assurances a été déclarée irrecevable en sa requête aux fins de saisie des rémunérations, faute de justifier de son droit d'agir.
Or en cause d'appel, l'appelante précise qu'elle agit sur le fondement de la subrogation légale spéciale et personnelle de l'article L 121-12 du code des assurances. Peu importe que le titre soit l'ordonnance de référé du 8 juillet 2010 du tribunal d'instance de Longjumeau rendue au nom des bailleurs demandeurs, lesquels par ailleurs conservaient le droit d'agir en résiliation du bail ou en constatation d'acquisition de la clause résolutoire insérée à ce contrat. Le décalage de plusieurs mois existant entre la première indemnisation intervenue le 29 octobre 2009 et l'assignation en référé d'avril 2010 s'explique par le fait que les bailleurs, malgré un premier jeu de la garantie de leurs loyers assurée à leur bénéfice à la fin du mois d'octobre 2009, ont vu se prolonger la carence des locataires, pendant encore plus de cinq mois après, et ont donc été alors contraints de saisir le tribunal d'instance en constatation d'acquisition de la clause résolutoire.
Par ailleurs il n'existe aucune cession de créance en l'espèce mais seulement une subrogation de l'assureur dans les droits de l'assuré- l'agence des Templiers, devenue société Foncia Immobilias, selon les pièces justifiant de la cession de clientèle de l'une à l'autre , régulièrement publiée et notifiée à la FNAIM.
La société Galian Assurances ayant droit et intérêt à agir, est recevable en ses demandes.
Le jugement entrepris est en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la prescription
Sur le fondement de la subrogation légale, la société Galian Assurances, qui justifie avoir payé l'assuré et s'être fait remettre cinq quittances subrogatives des 29 octobre 2009 (2), 22 août 2010, 13 septembre 2010 et 17 février 2012, invoque à juste titre pour point de départ de son recours subrogatoire, la date de chacun des ses paiements matérialisés par les quittances subrogatives remises. Ces paiements n'ont pas nécessairement à être effectués entre les mains de l'assuré lui-même, mais peuvent être adressés à un mandataire assuré pour compte.
La prescription quinquennale, seule applicable au recours de l'assureur contre l'auteur du dommage, a été interrompue par une tentative de saisie-attribution opérée le 2 janvier 2012 sur le compte bancaire de M. [D] par la société CGI Assurances, aux droits de laquelle vient la société Galian Assurances.
La fin de non-recevoir tirée de la prescription est rejetée.
Sur la qualité de locataire de M. [S] [D]
Force est de constater que M. [S] [D] a loué le bien immobilier appartenant à M. [B] et Mme [U], même s'il l'a fait pour rendre service à son ex-épouse Mme [C] remariée [F]. L'appelante verse aux débats sa pièce d'identité qui était en possession
du gestionnaire de la location, la société Foncia Immobilias, ainsi qu'un chèque de 1.320 - signé de lui et émis à l'ordre de l'agence des Templiers . En outre, l'ordonnance de référé du 8 juillet 2010, ancienne et définitive, condamne M. [S] [D] .
M. [D] n'a jamais établi que la signature apposée sur le contrat de bail n'est pas la sienne.
Sur le montant de la créance
M. [D] n'offre nullement de prouver qu'il aurait payé le montant ou une partie de la dette locative prise en charge par les quittances et ne démontre pas sa libération.
La saisie des rémunérations sera donc ordonnée pour la somme de 27.272,43 euros dont sera déduite la somme de 400 euros déjà payée par l'appelant, soit à due concurrence de la somme de 26.872,43 euros , outre celle 2.036,26 euros de frais de procédure et dépens non contestés, et les intérêts au taux légal à compter de chaque quittance subrogative et capitalisation de ces intérêts dans les termes de l'article 1343-2 nouveau du code civil.
Sur les demandes accessoires
L'équité commande d'allouer à la SA Galian Assurances une somme ainsi qu'il sera dit au dispositif au titre des frais irrépétibles de procédure qu'elle a été contrainte d'exposer pour la préservation de ses droits.
Succombant en son argumentation et ses demandes, M. [S] [D] supportera les dépens d'appel comme de première instance.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
DÉCLARE la SA Galian Assurances recevable et bien fondée en son recours à l'encontre de M. [S] [D], en sa qualité de subrogée légale ;
ORDONNE la saisie des rémunérations de M. [S] [D] dans les conditions fixées par la loi, pour la somme de 26.872,43 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter de chaque quittance subrogative et capitalisation de ceux-ci, outre la somme de 2.030,26 euros au titre des frais et dépens ;
CONDAMNE M. [S] [D] à verser à la SA Galian Assurances une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [S] [D] aux entiers dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; signé par Madame Marie-Chrsitine MASSUET, Conseiller pour le Président empêché et par Mme RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,