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12/03/2020 | FRANCE | N°18/07263

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 12 mars 2020, 18/07263


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 12 MARS 2020



N° RG 18/07263



N° Portalis DBV3-V-B7C-SXKB



AFFAIRE :



[S], [H] [W]





C/



SA MMA IARD

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2EME

N° RG : 16/02126


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Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES



Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE MARS DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 12 MARS 2020

N° RG 18/07263

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXKB

AFFAIRE :

[S], [H] [W]

C/

SA MMA IARD

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2EME

N° RG : 16/02126

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [S], [H] [W]

né le [Date naissance 7] 1958 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1860577

Représentant : Me Jérôme LAVOCAT, CABINET JEROME LAVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de LYON

APPELANT

****************

1/ SA MMA IARD venant aux droits de la société COVEA RISKS

N° SIRET : 440 048 882

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

2/ SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES venant aux droits de la société COVEA RIKS

N° SIRET : 775 652 126

[Adresse 1]

[Localité 6]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - N° du dossier 2140215

Représentant : Me Marie-cécile BIZARD de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713

INTIMEES

3/ CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU RHONE

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - ASSIGNATION A PERSONNE HABILITEE le 23.11.2018

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

------

FAITS ET PROCÉDURE

Le 9 avril 2003, M. [S] [W], né le [Date naissance 7] 1958, qui marchait sur un trottoir, a été renversé par un scooter et subi une fracture sévère de la cheville droite.

Par ordonnance du 18 juillet 2006, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [C], lequel a déposé son rapport le 16 octobre 2006.

Par jugement du 14 octobre 2008, le tribunal de grande instance de Lyon a liquidé le préjudice corporel de M. [W] et condamné la société Covea Risks à lui payer la somme de 56 917,83 euros en réparation du solde de son préjudice corporel , déduction faite des provisions de 101 000 euros, outre celles de 400 euros au titre du préjudice matériel et de 1 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par un arrêt du 7 janvier 2010, la cour d'appel de Lyon a réformé la décision précitée sur l'évaluation de certains postes de préjudice et, statuant de nouveau, a condamné la société Covea Risks à payer à M. [W] la somme de 101 016,83 euros en réparation de son préjudice, déduction faite des provisions s'élevant à 101 000 euros, ainsi que celle de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arguant d'une aggravation de son état de santé, M. [W] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon d'une demande de nouvelle expertise et de versement d'une indemnité provisionnelle.

Par ordonnance du 22 février 2011, sa demande de provision a été réservée et le docteur [C] a été désigné aux fins d'expertise médicale.

L'expert a déposé son rapport le 28 juillet 2011.

Par jugement du 5 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société Covea Risks à payer à M. [W] la somme de 2 000 euros, provisions payées déjà déduites, outre intérêts au taux légal à compter du jugement et celle de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour d'appel de Lyon a, par un arrêt du 2 juillet 2015, confirmé le jugement frappé d'appel en toutes ses dispositions sauf sur les évaluations du déficit fonctionnel , et statuant de nouveau, a fixé à 3340,70 euros l'indemnité destinée à réparer le déficit fonctionnel temporaire et à 7480 euros l'indemnité destinée à réparer le déficit fonctionnel permanent. La cour d'appel a, après imputation des divers postes soumis au recours des tiers payeurs et déduction faite de la provision de 10 000 euros, condamné en deniers et quittances la société Covea Risks à payer à M [W] la somme de 7 420,70 euros au titre de l'aggravation de son préjudice avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

Faisant valoir une nouvelle aggravation de son état, M [W] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 10 avril 2014, a ordonné une nouvelle expertise confiée au docteur [C] et rejeté sa demande de provision.

L'expert a déposé son rapport le 19 février 2015.

Par ordonnance du 24 mars 2015, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a condamné la société Covea Risks à payer à M. [W] la somme de 20 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice après aggravation.

Par acte du 10 novembre 2015, M. [W] a assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société Covea Risks et la CPAM du Rhône en liquidation de son préjudice corporel résultant de l'aggravation de son état.

Par jugement du 28 juin 2018, le tribunal a :

- condamné in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits de la société Covea Risks (les MMA) à payer à M.[W] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel résultant de l'aggravation de son état à compter du 9 janvier 2012, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour :

720 euros au titre des frais divers,

9 270 euros au titre de la tierce personne temporaire,

7 577,50 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

20 000 euros au titre de la souffrance endurée,

3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

2 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

2 000 euros au titre du préjudice esthétique,

- débouté M [W] du surplus de ses autres demandes indemnitaires,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1143-2 du code civil,

- condamné in solidum les MMA à payer à M. [W] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 31 août 2014 et jusqu'au 17 mars 2017,

- déclaré le jugement commun à la CPAM du Rhône,

- condamné in solidum les MMA aux dépens et à une indemnité de procédure de 3000 euros.

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- rejeté pour le surplus.

Par acte du 23 octobre 2018, M. [W] a interjeté appel et demande à la cour, par dernières écritures du 30 avril 2019, de :

- infirmer le jugement relatif à l'évaluation de son préjudice corporel et au calcul des pénalités de retard,

- condamner in solidum les MMA à lui payer en réparation de l'aggravation de son préjudice les sommes suivantes :

* Préjudices patrimoniaux :

- dépenses de santé :

total du préjudice29 329,52 euros

part revenant à la victime 0 euros

part revenant à l'organisme social29 329,52 euros

- frais divers :

total du préjudice720 euros

part revenant à la victime720 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- assistance temporaire par une tierce personne

total du préjudice9 270 euros

part revenant à la victime 9 270 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- pertes de gains professionnels actuels :

total du préjudice37 123,25 euros

part revenant à la victime0 euros

part revenant à l'organisme social 37 123,25 euros

- pertes de gains professionnels futurs :

total du préjudice 476 069,19 euros

part revenant à la victime 347 230,14 euros

par revenant à l'organisme social128 839,05 euros

- incidence professionnelle :

total du préjudice 20 000 euros

part revenant à la victime 20 000 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

* Préjudices extra-patrimoniaux :

- déficit fonctionnel temporaire :

total du préjudice14 556 euros

part revenant à la victime14 556 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- préjudice esthétique temporaire :

total du préjudice3 000 euros

part revenant à la victime3 000 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- déficit fonctionnel permanent :

total du préjudice4 000 euros

part revenant à la victime4 000 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- souffrances endurées 4,5/7 :

total du préjudice30 000 euros

part revenant à la victime30 000 euros

part revenant à l'organisme social0 euros

- préjudice esthétique permanent 1,5/7 :

total du préjudice3 000 euros

part revenant à la victime3 000 euros

part revenant à l'organisme social 0 euros

- juger que le montant total des indemnités allouées à M. [W] en réparation de l'aggravation de son préjudice, avant imputation de la créance de l'organisme social et des provisions versées, produira intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 31 août 2014 et jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir devenu définitif,

- constater que le montant total de la créance définitive de la CPAM du Rhône s'élève à 195 291,82 euros,

- ordonner la capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner les MMA à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, en sus de l'indemnité allouée à ce titre en première instance,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM du Rhône,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et d'appel, avec recouvrement direct.

Par dernières écritures du 3 janvier 2020, les MMA demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

pris acte de ce que le droit à indemnisation de M. [W] concernant l'aggravation de son état de santé n'est pas contesté

fixé les postes de préjudices suivants, provisions non déduites :

frais divers720 euros

tierce personne7 210 euros

préjudice professionnel :

perte de gains professionnels actuelsnéant

perte de gains professionnels futursnéant

incidence professionnellenéant

déficit fonctionnel temporaire6 971,30 euros

déficit fonctionnel permanent2 000 euros

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

condamné in solidum les MMA à payer à M. [W] les sommes suivantes, provisions non déduites :

souffrances endurées20 000 euros

préjudice esthétique temporaire3 000 euros

préjudice esthétique permanent2 000 euros

condamné in solidum les MMA à payer à M. [W] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 31 août 2014 et jusqu'au 17 mars 2017,

condamné in solidum les MMA à payer à M [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- et le réformant :

- fixer les postes de préjudices comme suit provisions non déduites :

souffrances endurées15 000 euros

préjudice esthétique temporaire700 euros

préjudice esthétique permanent1 700 euros

- débouter M [W] du surplus de ses demandes,

- dire que les MMA paieront à M. [W] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre adressée par voie de conclusions le 17 mars 2017, soit 34 301,30 euros avant déduction des provisions versées, aucun des postes d'indemnisation n'étant 'imputé d'une quelconque créance des organismes sociaux qui n'a donc pas à être réimputée',

- ramener les sommes sollicitées par M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun à la CPAM du Rhône.

La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelant ont été signifiées à la CPAM du Rhône par actes remis à personne habilitée.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 janvier 2020.

SUR QUOI, LA COUR

Le droit à indemnisation de M. [W] lié à l'aggravation de son état de santé n'est pas contesté par les MMA.

- Sur les préjudices

Les parties s'accordent sur l'indemnisation des frais divers (720 euros) et de la tierce personne temporaire (9270 euros). Elles conviennent également que M. [W] n'a conservé à sa charge aucune dépense de santé actuelle.

Ces dispositions seront donc confirmées.

Les conclusions de l'expert judiciaire sont les suivantes :

- la date de l'aggravation de l'état est fixée au 9 janvier 2012.

- lors de la précédente expertise, du 31 mai 2011, l'état séquellaire imputable est chiffré par un déficit fonctionnel permanent de 24 %.

- A la suite de cette expertise du 31 mai 2011, et comme cela était prévisible, l'état séquellaire au niveau de l'arrière pied droit et du médio pied droit s'est progressivement aggravé sous forme de lésions arthrosiques et dégénératives sur l'articulation sous-talienne motivant les 3 nouvelles interventions chirurgicales au CHLS du 31 mai 2012, du 28 février 2013 et du 19 septembre 2013 alors que l'articulation tibio-talienne avait déjà été opérée précédemment et que les articulations médio-tarsiennes en particulier la proximale sont aussi le siège de lésions arthrosiques imputables.

- les conséquences médico-légales de cette aggravation essentiellement douloureuse des lésions arthrosiques et dégénératives de l'arrière-pied droit sont les suivantes :

Préjudices temporaires :

DFT total 18 jours

DFT partiel à 25% : 142 jours

DFT partiel à 30% : 382 jours

DFT partiel à 50% : 270 jours

PGPA : 181 jours

Souffrances endurées : comprises entre moyennes et assez importantes : 4,5/7

Préjudice esthétique pendant 3 mois, modéré : 3/7

Aide par tierce personne non spécialisée avant consolidation : 1h30 par jour durant 270 jours puis 2 h par semaine pendant près de 55 semaines

Date de consolidation médico-légale : 31 mars 2014

Préjudices permanents :

Déficit fonctionnel permanent : 1 %, le DFP qui était de 24 % le 31 mai 2011 est désormais de 25 %

Préjudice professionnel : licenciement, invalidité et reconversion professionnelle imputables à l'accident. M. [W] ne peut plus travailler dans un métier qui exige force, souplesse et endurance au niveau des membres inférieurs,

Préjudice esthétique définitif compris entre très léger et léger : 1.5/7

Il n'existe pas d'autre préjudice définitif.

M. [W] était âgé de 56 ans lors de la consolidation fixée au 31 mars 2014. Son préjudice sera réparé comme suit, étant observé qu'en application de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités réparant des préjudices qu'ils ont pris en charge.

* Les préjudices patrimoniaux

* les pertes de gains professionnels actuels

Le tribunal a observé que pour la période concernée, M. [W] avait perçu des indemnités journalières d'un montant total de 37 123,25 euros, soit une moyenne mensuelle de 1374,93 euros et qu'il n'était justifié d'aucune perte de gains.

M. [W] ne demande rien au titre de la perte de gains professionnels actuels puisque la seule somme mentionnée dans le tableau figurant au dispositif de ses conclusions est celle de 37 123,25 euros, correspondant aux indemnités journalières perçues pendant la période considérée.

* les pertes de gains professionnels futurs

Le tribunal a jugé que l'aggravation de l'état de M. [W], seul objet du litige qui lui était soumis, n'avait pas eu de nouvelles conséquences sur le plan professionnel.

M. [W] fait valoir qu'il est aujourd'hui âgé de 61 ans, que ses chances de reclassement sont inexistantes, compte tenu de son âge, du marché dégradé de l'emploi notamment pour les seniors et de son déficit fonctionnel permanent réévalué à 25 %. Il ajoute que du fait de son faible niveau d'études, il n'a pu à ce jour se reconvertir professionnellement pour trouver une activité professionnelle compatible avec son handicap et ne pourra certainement pas le faire dans l'avenir.

Les MMA répliquent que M. [W] ne rapporte toujours pas la preuve de ce que l'aggravation de 1 % du déficit fonctionnel permanent a modifié en quoique ce soit sa situation professionnelle ou accentué ses difficultés dans sa recherche d'emploi.

Il importe de rappeler qu'il s'agit, dans le cadre de la présente instance, d'indemniser les préjudices découlant de l'aggravation du 9 janvier 2012, qui est à l'origine d'un déficit permanent de 1 %.

M. [W] était chauffeur-livreur. ll est constant que depuis l'accident il n'a plus occupé aucun emploi, que ce soit dans son secteur d'activité ou dans un autre.

Lors de l'expertise réalisée en juillet 2011, par le même expert, à l'occasion de la première aggravation, avait été retenu un déficit fonctionnel permanent de 4 %, portant ce déficit à 24 %.

Dans son arrêt du 2 juillet 2015, la cour d'appel de Lyon, appelée à se prononcer sur l'indemnisation de cette première aggravation, avait retenu que la situation de M. [W] au niveau professionnel ne s'était pas fondamentalement modifiée depuis l'aggravation de son état. Si dans son rapport du 19 février 2015, l'expert mentionne que M. [W] ne peut 'plus travailler dans un métier qui exige force, souplesse et endurance au niveau des membres inférieurs', il est à noter que ce constat était déjà celui qu'il faisait lors de sa précédente expertise de juillet 2011, cette précédente aggravation de 4 % ayant donné lieu au rejet, par la cour d'appel de Lyon dans son arrêt du 2 juillet 2015, de la demande d'indemnisation de pertes de gains professionnels futurs.

M. [W] échoue à démontrer avec la certitude requise que l'aggravation de son état, de 1 %, est à l'origine d'une perte de gains professionnels futurs et le rejet de sa demande sera confirmé.

* l'incidence professionnelle

Le tribunal a jugé que l'aggravation de l'état de M. [W] n'avait pas eu de nouvelles conséquences sur le plan professionnel et qu'il n'existait pas d'incidence professionnelle en lien direct avec cette nouvelle aggravation.

La cour ne peut que rappeler que le litige dont elle est saisie porte sur l'indemnisation de l'aggravation de l'état de M. [W], fixée à 1 % par un expert qui a procédé à trois reprises, en 2006, 2011 et 2015, à son examen. Il n'est pas démontré que cette aggravation soit à l'origine d'une incidence professionnelle indemnisable.

Le rejet de cette demande par le tribunal sera donc confirmé.

* Les préjudices extra-patrimoniaux

* le déficit fonctionnel temporaire

L'expert a retenu aux termes de son rapport un déficit fonctionnel temporaire total de 18 jours, un déficit fonctionnel partiel à 25 % de 142 jours, à 30 % de 382 jours et à 50 % de 270 jours.

Le tribunal sera approuvé d'avoir indemnisé ce préjudice sur la base de 25 euros par jour. Le préjudice de M. [W] est donc le suivant :

- déficit fonctionnel temporaire total : 18 x 25 = 450 euros

- déficit fonctionnel temporaire 50 % : 270 x 25 x 0,50 = 3375 euros

- déficit fonctionnel temporaire 30% : 382 x 25 x 0.30 =2865 euros

- déficit fonctionnel temporaire 25 % : 142 x 25 x 0.25 = 887,50 euros

soit la somme de 7 577,50 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef.

* les souffrances endurées

Elles ont été caractérisées par l'aggravation progressive des douleurs de la cheville et du pied droit du fait des lésions arthrosiques et dégénératives au niveau des articulations de l'arrière-pied droit, des trois interventions chirurgicales effectuées en mai 2012, février et septembre 2013, des difficultés de déambulation après chaque intervention et des douleurs importantes consécutives à l'échec des deux premières interventions.

Elles ont été justement indemnisées par l'allocation de la somme de 20 000 euros allouée par le premier juge

* le préjudice esthétique temporaire

L'expert l'a qualifié de modéré (3/7) limité à une période de trois mois et résultant de ce que, durant cette période, M. [W] s'est déplacé avec deux cannes et que sa démarche sans appui sur le pied droit était très inesthétique.

Le tribunal l'a indemnisé à hauteur de la somme de 3000 euros, que M. [W] demande de confirmer, l'assureur sollicitant qu'elle soit ramenée à 700 euros.

En considération de la brève période durant laquelle ce préjudice a été subi, la somme de 3000 euros allouée par le tribunal est excessive et ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 1500 euros.

* le déficit fonctionnel permanent

L'expert a retenu un déficit fonctionnel permanent lié à l'aggravation de l'état du demandeur de 1 %. Il indique que l'aggravation de l'état de M. [W] a nécessité trois interventions chirurgicales, la troisième arthrodèse sous-talienne avec greffe ayant permis une atténuation des douleurs. M. [W] est contraint de porter des semelles orthopédiques et les douleurs plantaires justifient un déficit en aggravation de 1 %.

La somme allouée à ce titre par le tribunal, de 2000 euros, indemnise suffisamment ce préjudice.

La CPAM du Rhône verse à M. [W] une rente accident du travail depuis le 3 janvier 2005. La notification des débours définitifs du 6 juillet 2015 fait apparaître qu'elle a versé des arrérages de la rente d'un montant de 12979,57 euros pour la période allant de janvier 2011 à mars 2014.

S'il est de principe qu'à défaut d'imputation de la créance du tiers payeur sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, cette créance s'impute sur la somme allouée en indemnisation du déficit fonctionnel permanent, il n'est pas démontré au cas présent que les prestations servies au cours de la période concernée ont contribué à l'indemnisation de l'aggravation du préjudice.

* le préjudice esthétique permanent

L'expert l'a évalué entre très léger et léger et il réside dans l'accentuation de l'état cicatriciel au niveau de la cheville et de l'arrière pied droits ainsi que de la cicatrice supplémentaire au niveau de la crête iliaque droite.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a indemnisé à hauteur de la somme de 2000 euros.

- Sur le doublement des intérêts

Le tribunal a observé qu'une offre ayant été formée par l'assureur par voie de conclusions signifiées le 17 mars 2017, il y avait lieu de dire que le montant des indemnités allouées au demandeur, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, produirait intérêts au double du taux de l'intérêt légal du 31 août 2014 au 17 mars 2017.

Les MMA ne contestent pas ne pas avoir fait d'offre dans le délai de cinq mois à compter de la date du rapport définitif mais indiquent avoir formé une offre par voie de conclusions le 17 mars 2017, à hauteur de 34 301,30 euros. L'assureur affirme que cette offre était complète et doit constituer l'assiette de la sanction. Il souligne que M. [W] demande que l'assiette de calcul soit constituée de l'indemnité allouée à laquelle s'ajouterait la totalité de la créance de la Caisse alors qu'aucun des postes de préjudices retenus n'a été imputé de cette créance par le jugement entrepris.

M. [W] soutient que l'insuffisance de l'offre faite par l'assureur s'apparente à une absence d'offre, de sorte qu'il est bien fondé à solliciter que le montant total des indemnités qui lui seront allouées avant imputation de la créance de l'organisme social et des provisions, produira intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 31 août 2014, et jusqu'au jour de l'arrêt de cette cour devenu définitif.

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Au regard des sommes allouées par le premier juge puis par la cour, l'offre formée par les MMA dans leurs conclusions devant le tribunal du 17 mars 2017 ne peut être assimilée à une absence d'offre.

Il est exact que la sanction du doublement des intérêts a pour assiette la totalité de l'indemnité offerte à la victime à titre de dommages-intérêts, avant imputation de la créance des organismes sociaux. Mais au cas présent, il n'est imputé aucune créance de la CPAM. L'assureur fait observer à raison que la phrase ' avant imputation de la créance des tiers payeurs' ne vise qu'à reconstituer les postes qui ont été retenus puis minorés voire réduits à néant du fait de l'imputation de la créance de la Caisse et que tel n'est pas le cas en l'espèce.

Il y a lieu de juger en conséquence que les intérêts au double du taux de l'intérêt légal porteront sur le montant de l'offre adressée par les MMA dans leurs conclusions signifiées le 17 mars 2017, avant déduction des provisions versées, soit sur la somme de 34 301,30 euros du 31août 2014 au 17 mars 2017.

Le jugement sera précisé de ce chef.

- Sur les mesures accessoires

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à la capitalisation des intérêts, à l'indemnité de procédure et aux dépens.

Les MMA, qui succombent, seront condamnées aux dépens d'appel avec recouvrement direct et verseront une indemnité de procédure à M. [W] de 2000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire et au doublement des intérêts.

Statuant à nouveau des chefs infirmés.

Fixe à la somme de 1500 euros l'indemnisation du préjudice esthétique temporaire.

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [W] la somme de 1500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [W] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 34 301,30 euros du 31août 2014 au 17 mars 2017.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant,

Déclare le présent arrêt commun à la CPAM du Rhône.

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à M. [W] la somme de 2000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne in solidum les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 18/07263
Date de la décision : 12/03/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°18/07263 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-12;18.07263 ?
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