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04/03/2020 | FRANCE | N°17/03767

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 04 mars 2020, 17/03767


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 MARS 2020



N° RG 17/03767

N° Portalis DBV3-V-B7B-RW4Q



AFFAIRE :



[D] [U]





C/



SAS SOGERES

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F15/01531




Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Nicolas MENARD



Me Philippe CHATEAUNEUF



Me Patricia MINAULT



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versaille...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 MARS 2020

N° RG 17/03767

N° Portalis DBV3-V-B7B-RW4Q

AFFAIRE :

[D] [U]

C/

SAS SOGERES

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT

N° Section : C

N° RG : F15/01531

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Nicolas MENARD

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Patricia MINAULT

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE MARS DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [D] [U]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 10] MAROC (99)

de nationalité française

[Adresse 6]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représentant : Me Nicolas MENARD de l'AARPI KATZ MENARD BERRIER AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1423

APPELANT

****************

SAS SOGERES

N° SIRET : 572 10 2 1 76

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Philippe CHATEAUNEUF, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 et par Me Nicolas SERRE de la SELARL OX, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0966

SAS ELRES anciennement dénommée Avenance Enseignement et Santé

N° SIRET : 662 025 196

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par: Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 et par Me Franck BLIN de la SELARL ACTANCE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 janvier 2020 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,

Madame Evelyne SIRE-MARIN, Présidente,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffière, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK,

Par jugement du 21 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt (section commerce) a :

- débouté M. [D] [U] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Sogeres de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Elres de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens éventuels à la charge de M. [U]

Par déclaration adressée au greffe le 20 juillet 2017, M. [U] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 19 novembre 2019.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 13 octobre 2017, M. [U] demande à la cour de :

- le recevoir en son appel, fins et conclusions,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

à titre principal,

- constater que sa demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts partagés des sociétés Sogeres et Elior, ou, à tout le moins, aux torts exclusifs de la société Sogeres, est fondée,

- dire que le bien-fondé de sa demande initiale de résiliation judiciaire du contrat de travail emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner solidairement les sociétés Sogeres et Elior à lui payer les sommes suivantes :

. 4 250,82 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er septembre au 16 novembre 2015,

. 425,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

. 3 355,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis,

. 335,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 1 375,40 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 25 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et à son devoir de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

. 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire, sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal,

- condamner solidairement les sociétés Sogeres et Elres aux dépens,

à titre subsidiaire,

- dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la société Sogeres à lui payer les sommes suivantes :

. 4 250,82 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er septembre au 16 novembre 2015,

. 425,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

. 3 355,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis,

. 335,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 1 375,40 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 25 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 5 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et à son devoir de bonne foi dans l'exécution du contrat de travail, sur le fondement de l'article 1222-1 du code du travail,

. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner l'exécution provisoire, sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal,

- condamner la société Sogeres aux dépens,

en toute hypothèse,

- ordonner à la société Sogeres de lui délivrer les documents conformes à l'arrêt à intervenir : un bulletin de paie rectifié portant mention du solde de tout compte, un certificat de travail rectifié, une attestation Pôle emploi rectifiée, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, sous huitaine à compter de la notification de l'arrêt, avec réserve expresse de liquidation par la cour d'appel.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 12 décembre 2017, la société Sogeres demande à la cour de:

- déclarer M. [U] mal fondé en son appel et l'en débouter intégralement,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 21 juin 2017 en ce qu'il a rejeté la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [U] et débouté M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt du 21 juin 2017 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Sogeres,

en tout état de cause,

- débouter M. [U] de toutes ses demandes,

- ramener à titre subsidiaire le préjudice de M. [U] à de plus justes proportions,

- condamner M. [U] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par dernières conclusions déposées au greffe le 11 décembre 2017, la société Elres, anciennement dénommée Avenance Enseignement et Santé, demande à la cour de :

à titre principal,

- constater que sur la période du 27 juillet 2011 au 16 novembre 2015, l'employeur de M. [U] a toujours été la société Sogeres,

- constater que le contrat de travail de M. [U] n'a jamais été transféré au sein de ses effectifs,

en conséquence,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il l'a mise hors de cause,

à titre subsidiaire,

- constater l'absence de tout fondement justifiant sa condamnation solidaire avec la société Sogeres aux sommes dont le versement est demandé par M. [U],

en conséquence,

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il l'a mise hors de cause et débouté M. [U] de ses demandes de condamnation in solidum avec la société Sogeres,

en tout état de cause,

- condamner M. [U] au paiement de 1 500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [U] aux entiers dépens.

LA COUR,

M. [D] [U] a été engagé par la société Sogeres en qualité de chauffeur livreur, par contrat à durée indéterminée à temps complet en date du 27 juillet 2011.

En dernier lieu, il était affecté à l'UCP de [Localité 9] et percevait un salaire brut de base mensuel d'un montant de 1 600,53 euros.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective de la restauration collective.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 3 juillet 2015, la société Sogeres, rappelant différents échanges avec le salarié, a confirmé à M. [U] sa nouvelle affectation à compter du 1er août 2015 sur le site UCP [Localité 8].

Par courrier du 22 juillet 2015, M. [U] a répondu que sa prestation de travail s'exécutait exclusivement dans le cadre d'un contrat commercial conclu avec la commune de Meudon qui arrivait à son terme le 31 juillet 2015 et était repris par ma société Elior et qu'il se demandait pourquoi son contrat de travail n'avait pas été repris par cette société.

Le 31 juillet 2015, le contrat de prestation de services de restauration collective passé entre la société Sogeres et la commune de Meudon a pris fin. A compter du 1er août 2015, la société Elres a repris ce contrat de prestation de services.

Par lettre en date du 20 août 2015, la société Sogeres a demandé à M. [U] de justifier de son absence du site de [Localité 8].

Par courrier du 31 août 2015, M. [U] a indiqué que la mutation proposée était constitutive d'une modification de son contrat de travail qui ne pouvait lui être imposée et a précisé que plusieurs postes étaient occupés à [Localité 9] par des intérimaires.

Par requête du 4 septembre 2015, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs des sociétés Sogeres et Elres et le paiement de diverses sommes.

Par lettre du 30 octobre 2015, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 10 novembre 2015.

Il été licencié pour faute grave par lettre du 16 novembre 2015 ainsi libellée :

« [...] Par courrier en date du 3 juillet 2015, nous vous avons notifié votre nouvelle affectation sur la cuisine centrale de [Localité 8] à compter du 1er août 2015.

Par courriers des 10 et 22 juillet 2015 ainsi que du 31 août 2015, vous nous informiez implicitement, ne pas avoir l'intention de vous rendre sur votre nouvelle affectation, évoquant notamment des questionnements sur le bien fondée de cette nouvelle affectation.

En réponse à vos courriers, nous vous avons alors confirmé, par courrier du 4 août 2015, votre nouvelle affectation sur le site de l'UCP [Localité 8], affectation réalisée dans le cadre du pouvoir d'organisation de l'employeur et sur la base de la mobilité inhérente à la relation de travail vous liant à l'entreprise.

Ayant constaté vos absences continues et injustifiées sur votre nouvelle affectation de l'UCP [Localité 8] depuis le 1er septembre 2015, date prévue de votre retour de congés payés, nous vous avons sollicité par courrier du 12 octobre 2015 afin de connaître les motifs de celles-ci.

Sans réponse de votre part, nous vous avons mis en demeure, par courrier du 16 octobre 2015, de reprendre immédiatement votre emploi ou de nous faire connaître les motifs légitimes qui s'opposaient à cette reprise.

En l'absence de toute suite positive de votre part, nous avons été contraints d'envisager la rupture de votre contrat de travail et à cet effet, nous vous avons convoqué par courrier recommandé du 30 octobre 2015 à un entretien préalable fixé le 10 novembre 2015.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.

Aucun élément nouveau n'étant ressorti depuis cette date et vos absences injustifiées se poursuivant sans discontinuer depuis le 1er août 2015, sans qu'aucune justification valable ne nous soit parvenue, nous vous indiquons par la présente notre décision de prononcer votre licenciement pour faute grave, sans préavis ni indemnité.

Cette mesure est effective immédiatement, soit le 16 novembre 2015, date à laquelle vous ne faites plus partie de nos effectifs [...] »

A titre liminaire, il convient de constater que le salarié désigne la société entrante, la société Elres, par son nom commercial société Elior.

Dans le présent arrêt la cour la nommera par sa dénomination sociale, société Elres.

Sur la rupture du contrat de travail :

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement , le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée ; si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement.

Au soutien de sa demande de résiliation judiciaire, M. [U] reproche à la société Elres, société entrante, de ne pas avoir repris son contrat de travail dans le cadre de l'application de la garantie d'emploi conventionnelle en cas de changement de prestataire dans la branche de la restauration de collectivités, aux deux sociétés Sogeres et Elres de ne pas l'avoir informé des dispositions conventionnelles et à la société Sogeres, société sortante, de ne pas avoir exécuté son contrat de travail de bonne foi au mépris du droit conventionnel et du droit de la modification contractuelle.

M. [U] affirme qu'il était exclusivement affecté, en qualité d'employé niveau IV, au marché de la commune de [Localité 7] car il effectuait des livraisons uniquement pour le compte de la commune de [Localité 7], peu important que ce soit au départ de la cuisine centrale située à [Localité 9].

Il soutient que c'est aux sociétés de démontrer que les dispositions conventionnelles ne devaient pas lui être appliquées.

La société Sogeres réplique que l'activité de M. [U] consistait à se présenter le matin à la cuisine de [Localité 9] pour prendre son poste, à récupérer l'ensemble des plateaux-repas, à assurer le transport et la livraison des plats à domicile, sur le lieu de tournée affecté et de ramener le véhicule et le matériel à la cuisine centrale de [Localité 9] avant de quitter son poste.

Elle fait valoir que M. [U] n'était pas affecté à la commune de [Localité 7] mais à la cuisine centrale de [Localité 9] et ne pouvait donc bénéficier du transfert conventionnel de son contrat de travail.

La société Elres expose que M. [U] procédait à des livraisons notamment sur la commune de [Localité 7] mais que son lieu de travail était situé à la cuisine centrale de [Localité 9] et qu'il ne pouvait donc bénéficier du transfert de contrat de travail conventionnel.

L'article 3 de l'avenant n°3 du 26 février 1986 de la convention collective nationale du personnel des entreprises de restauration de collectivités, relatif au changement de prestataires de service prévoit :

a) Une entreprise entrant dans le champ d'application du présent avenant qui se voit attribuer un marché précédemment confié à une autre entreprise entrant également dans le champ d'application du présent avenant est tenue de poursuivre les contrats de travail des salariés de niveau I, II, III,IV et V, employés par le prédécesseur pour l'exécution exclusive du marché concerné, dans les mêmes conditions fondamentales d'exécution.

En l'espèce, la question posée est celle de savoir si M. [U] , chauffeur livreur entre la cuisine centrale de [Localité 9] et la commune de [Localité 7], doit être considéré comme étant employé par la société Sogeres pour l'exécution exclusive du marché de la commune de [Localité 7].

Il n'incombe pas au salarié affecté à un marché repris et que l'entreprise entrante refuse de conserver à son service d'établir qu'il remplit les conditions prévues par l'article 3 l'avenant n°3 du 26 février 1986 relatif au changement de prestataires de service.

S'agissant de la perte d'un contrat de fourniture de repas à domicile, il ne peut qu'être souligné que la livraison en constitue un élément essentiel.

En l'espèce, la société Sogeres se prévaut de ce que le lieu d'affectation du salarié était la cuisine centrale de [Localité 9] et non la commune de [Localité 7]. Elle précise que M. [U] confond ses zones de livraison, qui comprenaient la commune de [Localité 7], avec son lieu d'affectation, la cuisine de [Localité 9]. La société Elres soutient que M. [U] livrait, notamment, la commune de [Localité 7].

Cependant, la société Sogeres ne donne aucune précision ni aucun élément sur les autres zones qu'aurait livrées M. [U].

Au surplus, la circonstance qu'après la perte du contrat de fourniture de repas à domicile de la commune de [Localité 7] une mutation sur une autre cuisine centrale lui ait été imposée confirme que M. [U] travaillait exclusivement pour ce marché.

Il est donc bien fondé à soutenir qu'il aurait dû faire partie des salariés transférés.

Ce manquement est donc établi mais uniquement de la part de la société Sogeres, celle-ci ne prétendant pas avoir informé la société Elres de la situation de M. [U], elle ne pouvait donc être tenue à son égard d'aucune obligation notamment d'information sur le transfert conventionnel.

Le manquement de la société Sogeres qui a été suivi d'une mutation imposée au salarié à la cuisine centrale de [Localité 8] est d'un gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il convient donc, infirmant le jugement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Sogeres et de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

Sur les conséquences du licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse :

M. [U] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement.

Au regard de son âge au moment du licenciement, 41 ans, de son ancienneté d'environ 4 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de la justification de ce qu'il a perçu l'allocation d'aide au retour à l'emploi jusqu'au mois de novembre 2016, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 12 000 euros nets.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Il lui sera également alloué les indemnités de rupture dont il a été abusivement privé et dont les montants ne sont pas discutés.

Sur le rappel de salaire du 1er septembre au 16 novembre 2015 :

Dès lors que sa mutation lui avait été imposée abusivement, le salarié était en droit de ne pas prendre son nouveau poste.

Il convient donc de faire droit à sa demande de rappel de salaire dont le montant n'est pas discuté.

Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :

Le manquement de la société Sogeres à ses obligations relatives au transfert conventionnel du contrat de travail, l'absence d'explication donnée au salarié et sa volonté réitérée d'imposer au salarié une mutation sur un autre site suivie d'un licenciement pour abandon de poste ont causé à M. [U] , qui a été privé de salaire pendant deux mois et demi, un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi qui sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros nets.

Sur la condamnation in solidum de la société Sogeres et de la société Elres :

Dès lors qu'aucun manquement, notamment l'existence d'une collusion avec la société Sogeres, n'est démontré à l'encontre de la société Elres, M. [U] sera débouté de sa demande de ce chef et le jugement confirmé.

Sur la remise des documents de rupture :

Sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte il convient d'ordonner à la société Sogeres de remettre à M. [U] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :

Il est inéquitable de laisser à la charge de M. [U] les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 1 500 euros, somme qui sera mise à la charge de la société Sogeres qui succombe.

La société Sogeres et la société Elres seront déboutées de leurs demandes de ce chef.

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Sogeres,

CONDAMNE la société Sogeres à payer à M. [D] [U] les sommes suivantes :

. 12 000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 2 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 3 355,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis,

. 335,94 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

. 1 375,40 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 4 250,82 euros bruts à titre de rappel de salaire du 1er septembre au 16 novembre 2015,

. 425,08 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du 16 novembre 2015,

ORDONNE d'office le remboursement par l'employeur, la société Sogeres, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

ORDONNE à la société Sogeres de remettre à M. [U] une attestation Pôle emploi, un bulletin de salaire récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt,

CONFIRME pour le surplus le jugement,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société Sogeres à payer à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

DÉBOUTE la société Sogeres et la société Elres de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Sogeres aux dépens.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

                                                                                                             

La greffière La présidente

Dorothée Marcinek Clotilde Maugendre


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03767
Date de la décision : 04/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-04;17.03767 ?
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