COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59B
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 FEVRIER 2020
N° RG 17/03805 - N° Portalis DBV3-V-B7B-RRWG
AFFAIRE :
SAS TSR INTERNATIONAL TECHNOLOGIES POUR LA SECURITE ROUTIERE
C/
SAS MASTERNAUT
Décision déférée à la cour : Arrêt rendu le 19 Novembre 2013 par le Cour d'Appel de VERSAILLES
N° chambre : 12
N° Section :
N° RG :
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Claire RICARD
Me Patricia MINAULT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT FEVRIER DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS TSR INTERNATIONAL TECHNOLOGIES POUR LA SECURITE ROUTIERE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 - N° du dossier 2012332
Représentant : Me Benoît RAMBERT de l'AARPI 2BA Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0308 -
APPELANTE
****************
SAS MASTERNAUT
N° SIRET : 419 47 6 5 93
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentant : Me Patricia MINAULT de la SELARL MINAULT PATRICIA, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619 - N° du dossier 20150096
Représentant : Me Marion BARBIER de l'AARPI BIRD & BIRD AARPI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R255 -
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2019, Madame Véronique MULLER, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE
EXPOSE DU LITIGE
La société Masternaut, spécialisée dans le développement et la fourniture de solutions télématiques embarquées dans les véhicules, assure la conception et la distribution de boîtiers électroniques dénommés « MCU » ' ou packs ' installés sur les véhicules, qui lui permettent la collecte de données pour la localisation de ces derniers, ainsi que l'analyse des parcours et des conduites.
La sociétéTechnologies pour la sécurité routière internationale (ci-après, la société TSR) développe et commercialise des instruments de mesure d'éco-conduite destinés à former les conducteurs à une conduite « économique et rationnelle » . Elle a écrit à cette fin un programme informatique (firmware) appelé « BusCan ».
Après conclusion, le 24 octobre 2006, d'un accord de recherche et développement pour l'intégration du programme « BusCan » dans un boîtier « MCU2 », les deux sociétés ont conclu, le 2 octobre 2007, un protocole d'accord de commercialisation autorisant pour chacune d'elles, la commercialisation de boîtiers « MCU2 » intégrant le firmware « BusCan », et ont convenu, d'une part, que lorsque la société Masternaut « commercialise en direct (...) elle paie à la société TSR International une redevance de 300 euros hors taxes par véhicule pour la licence d'utilisation du logiciel BusCan. Pour les grands comptes dont le potentiel est supérieur à 200 véhicules, la tarification sera vue au cas par cas ». L'annexe 1 précise l'application du tarif de 160 euros pour les transports frigorifiques européens, ajoutant : « dès la vente d'un pack, Masternaut dénommera le client à TSR International afin de permettre à celle-ci de poursuivre la vente de prestations de formation (matériels et services) uniquement ». Il était en outre prévu la mise à disposition mensuelle du relevé intégral des installations par la société Masternaut à la société TSR.
Après avoir réglé les factures émises par la société TSR d'avril à septembre 2008 pour un montant total de 189.809 euros, la société Masternaut a cessé de régler les redevances appelées.
Pendant l'année 2009, les sociétés Masternaut et TSR se sont opposées, d'une part, sur le montant des redevances dues pour l'Europe continentale pour la commercialisation des boîtiers MCU2 équipés du logiciel BusCan, et d'autre part, sur les factures de redevances émises par la société TSR à destination de la société Masternaut UK pour les boîtiers intégrant le logiciel BusCan.
La société TSR a alors obtenu, d'abord du tribunal de commerce de Nanterre, le 15 décembre 2009, la nomination en référé d'un expert avec pour mission « de se faire remettre toutes les pièces comptables permettant d'établir le nombre d'installation et de packs vendus sur le territoire d'intervention de Masternaut, à savoir France et pays limitrophes, et au Royaume Uni, directement, ou du fait de Masternaut UK, et en identifier les clients », et ensuite du président du tribunal de grande instance d'Evreux, le 1er juillet 2011, une mesure d'instruction complémentaire dans les locaux de la société Masternaut à Louviers en vue de « rechercher tous éléments (...) permettant notamment de connaître le nombre de boîtiers MCU2 incorporant le logiciel CanBus commercialisés et/ou livrés entre le 2 octobre 2007 et la date d'exécution de l'ordonnance ».
A la suite du rapport d'expertise déposé le 14 juin 2010 et du constat d'huissier dressé le 21 juillet 2011, la société TSR a assigné, le 8 novembre 2011, la société Masternaut devant le tribunal de commerce de Nanterre en vue de la voir condamnée au paiement de redevances et dommages et intérêts pour avoir exécuté le contrat de commercialisation de mauvaise foi.
Par jugement du 15 juin 2012, le tribunal de commerce de Nanterre :
- S'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Nanterre concernant les demandes de TSR suivantes : la demande de paiement de 10 millions d'euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice attaché à la déloyauté dans l'exécution du contrat commercial et la demande de paiement de 5 millions d'euros à titre provisionnel au titre de la déloyauté dans l'exécution de l'accord de recherche et de développement et la demande d'expertise complémentaire associée ;
- A condamné la société Masternaut à payer à la société TSR la somme de 584.327,28 euros hors taxes au titre du règlement des factures émises de septembre 2008 à juillet 2011, déboutant pour le surplus ;
- Débouté la société TSR de sa demande de paiement visant la société Masternaut au titre des factures concernant Masternaut UK ;
- Condamné la société Masternaut à payer à la société TSR la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens comprenant les frais d'expertise ;
Par arrêt du 19 novembre 2013, la cour d'appel de Versailles a :
- Confirmé le jugement en ses dispositions relatives à l'incompétence du tribunal de commerce de Nanterre au profit du tribunal de grande instance de Nanterre pour statuer sur la demande en « paiement de la somme de cinq millions d'euros à titre provisionnel au titre de la déloyauté dans l'exécution de l'accord de recherche et de développement et la demande d'expertise complémentaire associée », en ce qu'il a débouté la société TSR de sa demande en paiement relative aux factures concernant la société Masternaut UK et en ses dispositions relatives aux factures concernant la société Masternaut UK et en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens;
- L'a infirmé pour le surplus ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
- Dit le tribunal de commerce de Nanterre compétent pour statuer sur la demande de la société TSR International en paiement de la somme de dix millions d'euros à titre de dommages et intérêts « pour le préjudice attaché à la déloyauté dans l'exécution du contrat commercial » ;
- Dit n'avoir lieu à évocation ;
- Rejeté en tant que de besoin la demande d'expertise relative aux faits de « contrefaçon ou à tout le moins d'agissements parasitaires » et de violation des règles de confidentialité reprochés à la société Masternaut dans le cadre du développement du boîtier MCU3 ;
- Condamné la société Masternaut à payer à la société TSR International la somme de 919.227,28 euros hors taxes au titre des redevances restant dues à la date du 30 septembre 2011 ;
- Condamné la société Masternaut à payer à la société TSR International la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée de sa demande à ce titre ;
- Condamné la société Masternaut aux dépens comprenant le coût de l'expertise et des mesures d'instruction par huissiers.
Le 11 juin 2014, la société TSR a obtenu du président du tribunal de grande instance de Nanterre, l'autorisation de saisie-contrefaçon des logiciels intégrés dans les systèmes MCU2 et MCU3, pratiquée au siège de la société Masternaut à Suresnes et dans son établissement à Louviers, puis après que la mainlevée des saisies ait été ordonnée par la juridiction le 6 novembre 2014, la société TSR a obtenu du président du tribunal de grande instance de Nanterre, le 11 décembre 2014, les mêmes autorisations de saisies auxquelles il a été procédé, le 17 décembre 2014 à Suresnes et le 18 décembre 2014, à Louviers.
Les demandes de mainlevée des saisies-contrefaçon présentées par la société Masternaut ont été rejetées, par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 juillet 2016.
Par acte extrajudiciaire du 17 février 2015, la société TSR a assigné la société Masternaut en révision de l'arrêt rendu le 19 novembre 2013, au motif que celle-ci aurait dissimulé lors de l'instance, des éléments essentiels relatifs à la quantité de logiciels dupliqués.
Par arrêt du 8 novembre 2016, la cour d'appel de Versailles a :
- Déclaré recevable le recours de la société TSR en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 19 novembre 2013 en ce qu'il a limité à 919.227,28 euros hors taxes la condamnation de la société Masternaut au paiement des redevances restant dues et réclamées jusqu'au mois d'octobre 2013 inclus ;
- Ordonné le sursis à statuer dans l'attente de l'exploitation par les parties des saisies-contrefaçons ;
- Ordonné la radiation de l'affaire du rôle des affaires de la cour ;
- Dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de transmettre à la cour les conclusions en vue du rétablissement de l'affaire ;
- Condamné la société Masternaut à verser à la société TSR la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société Masternaut aux dépens de la présente instance.
Par conclusions d'incident aux fins de communication de pièces et de provision ad litem, du 18 mai 2017, la société TSR a sollicité la remise au rôle de l'affaire.
Par ordonnance du 18 juillet 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise comptable sur le montant des redevances et désigné Mme [X] [I] en qualité d'expert.
Saisie d'un incident sur la conduite de l'expertise en vue de la désignation d'un nouvel expert, la cour d'appel de Versailles a, par arrêt du 3 mai 2018, ordonné une médiation et désigné M. [N] [G] en qualité de médiateur, aux fins de trouver une solution amiable à tous les litiges opposant les parties.
Par courrier reçu le 24 août 2018, M. [G] a informé la cour qu'aucune solution amiable n'a été trouvée au litige.
Par ordonnance d'incident du 18 décembre 2018, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de remplacement de l'expert présentée par la société TSR, et a suspendu les opérations d'expertise.
Le 5 juillet 2019, Mme [I] a déposé en l'état son rapport de fin de mission.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 octobre 2019, la société TSR International demande à la cour de :
- Condamner la société Masternaut à payer à la société TSR, à titre de redevances contractuelles de logiciel, la somme de 34.981.200 euros hors taxes, outre TVA, subsidiairement la somme de 26.095.760 euros hors taxes, outre TVA, subsidiairement aussi celle de 24.865.200 euros hors taxes, outre TVA, ses droits à former sa demande au titre de duplications de son logiciel sur des boîtiers MCU3 demeurant réservés.
- Condamner la société Masternaut à payer à la société TSR la somme de 200.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, incluant le montant des sommes versées à Madame [I], expert judiciaire.
Par dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2019, la société Masternaut demande à la cour de :
A titre principal :
- Juger qu'il n'y a pas lieu au fond à révision.
- En conséquence, rejeter le recours en révision formé par la société TSR comme étant mal fondé et débouter la société TSR de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire :
- juger que le montant de la condamnation de Masternaut ne saurait excéder 1012 licences, dont 356 à STEF-TFE, pour un prix unitaire de 168 euros, soit 262.608 euros hors taxes et que la créance de restitution de Masternaut s'élève à 818.292 euros.
- Condamner en conséquence la société TSR au paiement à Masternaut de 818.292 euros à titre de restitution.
En tout état de cause,
- Condamner la société TSR au paiement à Masternaut d'une somme de 200.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société TSR en tous les dépens de l'instance, dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2019.
Le Ministère Public a communiqué son avis le 18 novembre 2019.
Par conclusions de procédure du 20 novembre 2019, la société Masternaut a conclu au rejet des dernières pièces communiquées par la société TSR (pièces numéro 34, 51 bis et 59) le 13 novembre 2019, soit la veille de la clôture.
Par conclusions en réponse notifiées le 25 novembre 2019, la société TSR s'oppose au rejet de ces pièces.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1 - sur la demande de rejet de certaines pièces
Au terme de ses dernières conclusions de procédure du 20 novembre 2019, la société Masternaut conclut au rejet des dernières pièces (portant les numéros 34, 51 bis et 59) communiquées par la société TSR le 13 novembre 2019, veille de la clôture. Elle fait valoir que le court moment entre la communication et la clôture n'a pas permis de respecter le caractère contradictoire de la procédure.
La société TSR s'oppose au rejet de ces pièces. S'agissant des pièces portant les numéros 34 et 51 bis, elle fait valoir qu'il ne s'agit que des nouvelles versions de pièces portant le même numéro communiquées en mai et octobre 2019, auxquelles elle s'est contentée d'ajouter des titres en tête de chaque tableau, les notes explicatives jointes étant la recopie de ses conclusions (pages 51 à 53). S'agissant de la pièce portant le numéro 59, elle soutient n'avoir pu l'établir plus tôt que le 12 novembre, puisqu'elle se fonde sur une pièce de la société Masternaut qu'elle n'a obtenu que le 30 octobre 2019.
****
S'agissant des pièces 34 et 51 bis, la comparaison de leurs versions successives montre que ces dernières sont effectivement identiques, à ceci près que des titres ont été rajoutés pour expliciter les tableaux, S'agissant des notes explicatives qui ne font qu'une seule page, les nouvelles notes sont légèrement plus détaillées que les précédentes, sans toutefois apporter d'éléments nouveaux. Les différences entre les versions successives des pièces litigieuses étant particulièrement ténues, il n'y a pas lieu de rejeter les nouvelles pièces 34 et 51 bis communiquées par la société TSR le 13 novembre 2019.
S'agissant de la pièce numéro 59 relative au 'nombre réel de boîtiers MCU2 vendus par la société Masternaut France à la société Masternaut UK' (omission de 2.960 boîtiers dans le chiffrage de l'expert judiciaire), s'il est exact que la société Masternaut n'a elle même communiqué la pièce qui en est le support (annexe 9 et 10 du rapport Sorgem) que le 5 novembre 2019 (et non pas le 30 octobre 2019), il n'en reste pas moins que la communication de cette nouvelle pièce 59 - contenant un chiffrage complexe du nombre de boîtiers MCU2 - la veille de l'ordonnance de clôture ne permettait pas à la société Masternaut UK d'en prendre connaissance et d'y répondre en temps utile, dans le respect du principe contradictoire, de sorte que cette pièce sera écartée des débats.
2 - Sur la remise en cause de l'arrêt du 8 novembre 2016 déclarant recevable le recours en révision
Il résulte de l'article 595 du code de procédure civile que le recours en révision n'est ouvert que pour l'une des causes suivantes : 1. S'il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue ; 2. Si, depuis le jugement, il a été recouvré des pièces décisives qui avaient été retenues par le fait d'une autre partie (...).
Dans son premier arrêt du 19 novembre 2013, la cour d'appel a notamment condamné la société Masternaut à payer à la société TSR la somme de 919.227,28 euros HT au titre des redevances restant dues à la date du 30 septembre 2011.
Dans son second arrêt du 8 novembre 2016 rendu sur le recours en révision formé par la société TSR, la cour a statué ainsi qu'il suit :
- déclare recevable le recours de la société TSR en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (...) en ce qu'il a limité à 919.227,28 euros HT la condamnation de la société Masternaut au paiement des redevances restant dues à la société TSR, et réclamées jusqu'au mois d'octobre 2013 inclus,
- ordonne le sursis à statuer dans l'attente de l'exploitation par les parties des saisies-contrefaçons,
- ordonne la radiation de l'affaire du rôle des affaires de la cour,
- dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de transmettre à la cour les conclusions en vue du rétablissement de l'affaire.
La société Masternaut critique l'arrêt du 8 novembre 2016, reprochant à cette cour de n'y avoir mentionné à aucun moment, ni l'existence d'une fraude, ni l'existence d'une ou plusieurs pièces décisives susceptibles de justifier le recours en révision. Tout en soutenant que les conditions de 'recevabilité' du recours en révision ne sont pas remplies, la société Masternaut demande en fait à la cour de dire qu'il n'y a pas lieu à révision 'au fond' de l'arrêt du 8 novembre 2016.
La société TSR soutient pour sa part que la demande de rejet du recours en révision est irrecevable dès lors que l'arrêt du 8 novembre 2016 a autorité de chose jugée sur ce point, en ce qu'il 'prononce la révision'.
*****
Il résulte de l'article 601 du code de procédure civile que, si le juge déclare le recours en révision recevable, il statue par le même jugement sur le fond du litige, sauf s'il y a lieu à complément d'instruction.
Au terme du dispositif de l'arrêt du 8 novembre 2016, la cour d'appel a déclaré recevable le recours en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (...) en ce qu'il a limité à 919.227,28 euros HT la condamnation de la société Masternaut au paiement des redevances restant dues à la société TSR.
La cour d'appel a ainsi admis que le recours en révision remplissait les conditions de l'article 595 du code de procédure civile, de sorte qu'il était recevable. La cour n'a toutefois pas statué sur le fond du litige dès lors qu'il y avait lieu à complément d'instruction en ce que les documents issus de la saisie contrefaçon n'étaient pas exploitables en l'état.
Il est ainsi établi que la question de la recevabilité du recours en révision a été tranchée par le précédent arrêt de novembre 2016. Il n'est bien évidemment pas possible de remettre en cause cette décision devant la même juridiction qui n'est pas juridiction de recours de ses propres décisions, de sorte que la société Masternaut n'est pas recevable à remettre en cause la recevabilité du recours en révision.
3 - sur le fond du litige, et les demandes en paiement de redevances formées par la société TSR
La société TSR sollicite paiement des redevances relatives à la vente de son logiciel Bus Can à hauteur de la somme globale de 34.981.200 euros, dont 33.320.400 euros pour les ventes réalisées au profit de la société Masternaut UK, et 1.660.800 euros pour les ventes réalisées en Europe continentale (après déduction pour ces dernières redevances des sommes déjà allouées par l'arrêt du 19 novembre 2013 à hauteur de 919.227,28 euros).
La société Masternaut conteste devoir ces sommes, remettant en cause, d'une part la portée de l'arrêt de révision en soutenant qu'il englobe la question du fait générateur des redevances tel que décidé par l'arrêt de novembre 2013 ce qui doit aboutir à une minoration de la condamnation prononcée à son encontre à ce titre, d'autre part l'interprétation faite par la société TSR des déclarations des salariés de la société Masternaut au cours des saisies-contrefaçons.
3-1- sur la portée de la révision telle qu'ordonnée par l'arrêt de cette cour du 8 novembre 2016
Il résulte de l'article 593 du code de procédure civile que le recours en révision tend à faire rétracter un jugement passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Il résulte en outre de l'article 601 du code de procédure civile que si le juge déclare le recours recevable, il statue par le même jugement sur le fond du litige, sauf s'il y a lieu à complément d'instruction.
Il résulte enfin de l'article 602 du code de procédure civile que si la révision n'est justifiée que contre un chef du jugement, ce chef est seul révisé à moins que les autres n'en dépendent.
Il est constant que la recevabilité du recours en révision entraîne automatiquement la rétractation de la décision - ou du chef de la décision en cas de rétractation partielle - ayant force de chose jugée. Une fois la recevabilité du recours en révision tranchée, comme c'est le cas en l'espèce, la juridiction doit statuer par une nouvelle décision remplaçant l'ancienne, se prononçant alors sur le bien ou mal fondé du recours.
En l'espèce, les parties s'opposent sur la portée de l'arrêt de révision et donc de la rétractation.
Dans son premier arrêt du 19 novembre 2013, la cour a statué sur la demande en paiement des redevances en suivant un raisonnement en deux temps, cherchant en premier lieu à savoir quel était le fait générateur du paiement de la redevance au profit de la société TSR, puis en second lieu à connaître le nombre de faits générateurs permettant d'établir le quantum des sommes dues. Le dispositif de cet arrêt ne comporte toutefois que le résultat de ce raisonnement, à savoir que la cour : ' condamne la société Masternaut à payer à la société TSR la somme de 919.227,28 euros HT au titre des redevances restant dues à la date du 30 septembre 2011".
Dans son arrêt de révision du 8 novembre 2016, la cour a statué ainsi qu'il suit:
' déclare recevable le recours de la société TSR en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (...) en ce qu'il a limité à 919.227,28 euros HT la condamnation de la société Masternaut au paiement des redevances restant dues à la société TSR, et réclamées jusqu'au mois d'octobre 2013 inclus.'
Ce dispositif se comprend à la lecture des motifs de la décision, au terme desquels la cour a constaté la découverte 'd'une pièce décisive sur l'existence d'un flux de cessions du firmware Bus Can de la société TSR par la société Masternaut à la société Masternaut UK'.
La société Masternaut soutient que c'est le chef de décision par lequel la cour d'appel l'a condamnée en 2013 à payer la somme de 919.227,28 euros à la société TSR qui est rétracté, de sorte qu'il doit être à nouveau statué en fait et en droit sur l'ensemble de ce chef de décision, y compris sur la question du fait générateur (premier temps du raisonnement de la cour en 2013), et sans qu'il y ait lieu de tenir compte de la limite posée par la cour en 2016 sur la condamnation à la somme de 919.227,28 euros HT, de sorte qu'elle sollicite en tout état de cause la réduction de cette somme.
La société TSR soutient pour sa part que seule la condamnation à la somme de 919.227,28 euros est rétractée (dans son quantum), de sorte que la question du fait générateur n'est pas remise en cause, ajoutant que la rétractation induit une limite en dessous de laquelle il n'est plus possible de descendre.
La pièce décisive découverte après l'arrêt de novembre 2013 est relative au 'flux de cessions' du firmware, ce qui renvoie bien au nombre de cessions ou de faits générateurs, et non pas à la définition même du fait générateur.
En déclarant recevable le recours de la société TSR en révision de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles (...) en ce qu'il a limité à 919.227,28 euros HT la condamnation de la société Masternaut, la cour a ainsi rétracté l'arrêt précédent passé en force de chose jugée pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit, mais uniquement sur la question du nombre de cessions ou de faits générateurs (à savoir ' le flux de cessions'), sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur la définition du fait générateur.
La limitation introduite dans le dispositif de l'arrêt de révision du 8 novembre 2016 visait précisément à exclure une révision trop large, notamment en ce que l'on aurait pu considérer que la question de la définition du fait générateur pouvait être considérée comme un 'chef de décision dépendant du chef révisé' au sens de l'article 602 précité.
En introduisant la limitation rappelée plus avant, la cour a précisément entendu limiter la révision de l'arrêt à la seule question du nombre de cessions ou de faits générateurs.
Il n'y a pas lieu dès lors de statuer à nouveau sur la définition du fait générateur qui reste ainsi celle retenue par la cour dans son arrêt du 19 novembre 2013, à savoir la simple vente d'un boîtier équipé d'un logiciel TSR, sans qu'il y ait lieu de tenir compte d'une éventuelle activation du logiciel.
La cour constate en outre que la révision a été ordonnée au motif de la découverte 'd'une pièce décisive sur l'existence d'un flux de cessions du firmware Bus Can de la société TSR par la société Masternaut à la société Masternaut UK'. En limitant la révision ainsi que rappelé plus avant, la cour a réduit le champ de la révision aux seules cessions intervenues entre les sociétés Masternaut d'une part et Masternaut UK d'autre part, sans qu'il y ait lieu de revenir sur les cessions entre la société Masternaut et ses autres clients en Europe Continentale, ces dernières n'étant nullement concernées par la découverte de la pièce décisive rappelée plus avant.
Il apparaît ainsi que l'arrêt du 8 novembre 2016 prononçant la recevabilité de la révision limite celle-ci, d'une part à la seule question du nombre de cessions ou de faits générateurs, à l'exclusion de la définition du fait générateur, d'autre part aux seules cessions opérées avec le Royaume Uni, à l'exclusion des cessions opérées en Europe Continentale.
Les demandes en paiement des sociétés TSR et Masternaut, l'une au titre d'un complément, l'autre au titre d'une réduction, des redevances relatives aux ventes réalisées en Europe Continentale sont dès lors exclues de la saisine de la cour.
Si la cour, dans son arrêt de novembre 2016, a prononcé la rétractation de la condamnation à hauteur de 919.227,28 euros (qui concernait des redevances pour l'Europe Continentale uniquement), ce n'est donc pas au motif que ce chiffrage était lui-même sujet à révision, ce qui n'est pas le cas dès lors qu'aucune pièce décisive n'a été retrouvée à propos des redevances en Europe Continentale, mais uniquement en ce qu'il constituait un plafond global de redevances, omettant d'inclure les redevances dues pour le Royaume Uni.
Le chiffrage des redevances pour l'Europe Continentale, qui constitue en fait le plancher à hauteur de 919.227,28 euros, n'a pas lieu d'être remis en cause, sauf en ce qu'il pouvait être compris comme plafond de redevances. Il s'en déduit que la condamnation de la société Masternaut au paiement de la somme de 919.227,28 euros HT au titre des redevances pour l'Europe continentale - rétractée par l'arrêt du 8 novembre 2016 - sera à nouveau retenue par la cour comme il sera précisé plus avant, la seule question restant soumise à cette révision étant celle de savoir s'il convient d'aller au-delà de ce plancher, et s'il convient de faire droit à la demande en paiement de redevances pour les ventes réalisées au profit de la société Masternaut UK.
3 -2 - sur les demandes en paiement de redevances au titre des ventes réalisées au profit de la société Masternaut UK
A l'appui de sa demande de révision de la décision de novembre 2013 limitant à 919.227,28 euros HT la condamnation de la société Masternaut, la société TSR fait valoir qu'il est désormais établi - ainsi que cela ressort des déclarations des représentants de la société Masternaut à l'huissier chargé de procéder à la saisie-contrefaçon - que la société Masternaut a systématiquement chargé le logiciel TSR sur tous les boîtiers vendus à la société Masternaut UK. Elle procède ensuite, à partir des listes de boîtiers MCU2 produites par la société Masternaut, au calcul des redevances contractuelles qui lui sont dues qu'elle chiffre à plus de 33 millions d'euros.
La société Masternaut soutient qu'il n'y a pas lieu à révision de l'arrêt de novembre 2013 sur le fond, dans la mesure d'une part où la société TSR détourne de leur usage normal les procès-verbaux issus des saisies-contrefaçon, d'autre part où elle interprète les déclarations issues de ces procès-verbaux de manière erronée. Elle fait notamment valoir que les déclarations des parties recueillies par l'huissier n'ont valeur que de simples renseignements et font foi jusqu'à preuve contraire qui peut être rapportée par tous moyens, et notamment au travers des attestations qu'elle produit.
* sur l'usage prétendument détourné des procès-verbaux issus des saisies-contrefaçon
La société Masternaut rappelle que la société TSR a abandonné l'action en contrefaçon qu'elle avait engagée à son encontre, ainsi que cela ressort du jugement définitif du tribunal de grande instance de Nanterre du 11 juillet 2019, précisant en outre que la société TSR a restitué l'intégralité des documents saisis à l'occasion des opérations de saisie-contrefaçon. Elle fait dès lors valoir que la description contenue dans les procès-verbaux de saisie-contrefaçon - et notamment dans le procès-verbal du 17 décembre 2014 - ne peut être exploitée à d'autres fins que celle d'apporter la preuve de la saisie-contrefaçon, sauf à aboutir à un détournement de procédure.
Force est toutefois de constater que la société Masternaut se contente 'd'évoquer' la question du détournement des procès-verbaux, sans en solliciter le retrait, sauf à conclure qu'il n'y a pas lieu à révision. En outre et surtout, aucune disposition du code de la propriété intellectuelle ou du code de procédure civile ne limite l'utilisation du procès-verbal de saisie, de sorte que rien ne s'oppose à ce que la société TSR en fasse usage dans le cadre du présent litige.
* sur l'interprétation des déclarations issues des procès-verbaux de saisie-contrefaçon
Dans son procès-verbal de saisie-contrefaçon du 17 décembre 2014, l'huissier relate de manière détaillée ses opérations, et indique notamment que :
' il m'est précisé que Masternaut UK a sa propre plate-forme de services. Ils ont cloné la plate-forme de service de Masternaut sur laquelle sont connectés tous leurs boîtiers (MCU2). Masternaut UK ne faisant pas de commandes de boîtiers auprès des fabricants, tout passe par Masternaut. Masternaut assure la vente du boîtier à Masternaut UK qui a son libre arbitre sur le déploiement au Royaume-Uni des versions firmware.(...). Pour Masternaut UK, il n'y a qu'une facture pour le boîtier, puisqu'il gère ses propres abonnements de service. Je demande si au moment de la vente du boîtier, il y a une mention du firmware et de la version intégrée dans le boîtier. Il m'est répondu que les factures ne font jamais mention du firmware.(...). M. [P] m'explique que quand il y a une vente, on vend un service (et me cite en exemple le pack Geoloc), mais le client ne connaît pas le détail technique et ne connaît pas la version de firmware installée dans le boîtier vendu.(....).A 12 h09, je vérifie si dans les éléments copiés sur la GED (gestion électronique de documents), les certificats de conformité sont présents. J'interroge sur la version V 1.23.4 et demande à quoi correspond le '.4". Monsieur [P] et M. [R] confirment que la terminaison '.4" correspond toujours à une version pour Masternaut UK et qu'elle est utilisée par d'autres distributeurs. Je demande si à chaque fois qu'un MCU2 est produit, vendu et facturé à Masternaut UK comme on a pu le voir sur les factures extraites la veille, il contient un firmware avec une version se terminant par '.4". Il m'est répondu par la positive. Je note que, dans le certificat de conformité de version 1.23 et se terminant par '.4", il y a l'option 'Buscan'.
La société TSR se fonde sur ces déclarations, aux termes desquelles chaque MCU2 vendu à Masternaut contient un firmware avec une version se terminant par '4" (contenant l'option Buscan de TSR) pour dire que la société Masternaut a systématiquement chargé le logiciel TSR sur tous les boîtiers vendus à la société Masternaut UK.
La société Masternaut produit pour sa part les attestations de Messieurs [P] et [Y] qui tendent à démontrer que la version de firmware installée dans le boîtier est sans importance, qu'elle n'est pas connue et ne figure pas sur les bons de livraison ni factures, dès lors que seule la version activée à distance fait l'objet de la facturation au client.
La cour observe en premier lieu que les déclarations contenues dans le procès-verbal de contrefaçon ne sont pas si claires que le soutient la société TSR. En effet, Si M. [P] a déclaré que chaque MCU2 vendu à Masternaut contient un firmware avec une version contenant l'option Buscan de TSR, il a également déclaré que Masternaut UK 'a son libre arbitre sur le déploiement au Royaume-Uni des versions firmware', ce qui tend ainsi à démontrer que tous les MCU2 ne contiennent pas forcément la version en .4 contenant l'option Buscan.(...).
M. [P], interrogé par l'huissier en 2014, indique en outre dans une attestation du 6 octobre 2017, postérieurement à son départ de la société Masternaut : 'c'est vrai que nous nous sommes toujours heurtés systématiquement dans ce dossier à une incompréhension de nos interlocuteurs sur le fait qu'en pratique, à partir du moment où la version du logiciel utilisée par chaque véhicule de nos clients sera toujours celle qui est téléchargée à distance lors de la première connexion à notre plate-forme, nous n'accordons aucune importance à la version de firmware installée dans le boîtier qui est vendu/livré au client. Il n'y a donc jamais d'indication à cet égard (à savoir quelle version de firmware se trouve dans un boîtier MCU donné), ni sur les documents commerciaux ou financiers, ni d'historique que ce soit d'un point de vue technique (...) puisque cette information étant indifférente, n'est pas du tout connue (...). En revanche, avec son logiciel de CRM, Masternaut peut savoir quels sont les services et donc les options utilisées par ses clients puisque c'est ce qui permet à Masternaut de les facturer.'
Au regard de ces éléments, la cour retiendra que les seules déclarations de Messieurs [P] et [R] à l'huissier ne sont d'une part pas suffisamment claires, d'autre part contredites par l'attestation ultérieure du même M. [P], de sorte qu'elles sont insuffisantes pour établir que l'ensemble des boîtiers MCU2 vendus au Royaume Uni étaient équipés du logiciel Bus Can.
La société TSR soutient encore que le chargement systématique du logiciel Bus Can sur tous les boîtiers vendus à Masternaut UK résulterait d'une logique de duplication du logiciel différente pour l'Europe Continentale et pour le Royaume Uni, faisant valoir qu'en Europe Continentale, il est possible d'avoir une seule version par défaut éventuellement remplacée par téléchargement par une autre version contenant le Bus Can, ce qui n'est pas possible pour le Royaume Uni dès lors que la société Masternaut UK, à la différence de Masternaut France, ne dispose pas des droits permettant le téléchargement.
Le seul fait que la société Masternaut UK ne dispose pas des droits permettant le téléchargement du logiciel Bus Can est cependant insuffisant à démontrer que tous les boîtiers MCU2 livrés à la société Masternaut UK disposaient du logiciel Bus Can.
Contrairement à ce que soutient la société TSR, il n'est donc pas démontré que la totalité des boîtiers MCU2 livrés à la société Masternaut UK disposaient du logiciel Bus Can, ce qui conduit à s'interroger sur la quantité le boîtiers MCU2 effectivement équipés de ce logiciel.
Il convient ainsi de rechercher, en premier lieu la quantité de boîtiers vendus à la société Masternaut UK, et en second lieu, parmi ces boîtiers ceux contenant le logiciel Bus Can.
S'agissant de la quantité de boîtiers vendus à la société Masternaut UK, l'expert judiciaire a retenu des livraisons à hauteur de 77.081 boîtiers sur la période de 2007 à 2013. L'expert indique que les données fournies pour la période postérieure sont inexploitables.
La société TSR soutient pour sa part qu'il convient de retenir des ventes à hauteur de 111.068 boîtiers a minima (pièce n°34), critiquant l'expertise en ce qu'elle ne couvre pas l'ensemble des années et ne fournit pas de détail.
Force est ici de constater que le processus de dénombrement des boîtiers vendus est particulièrement complexe, notamment en raison des 'codes matériels' utilisés par la société Masternaut dont l'expert judiciaire indique qu'ils sont 'difficilement compréhensibles'. Force est également de constater que la synthèse opérée par la société TSR ne comporte aucun boîtier postérieurement à 2013, de sorte qu'elle couvre en fait les mêmes années que celles visées par l'expertise. Au regard de ces éléments, la cour retiendra le chiffre énoncé par l'expert, à savoir la livraison de 77.081 boîtiers, étant observé que la société Masternaut se fonde elle-même à titre subsidiaire, dans le rapport qu'elle a fait établir par la société Sorgem sur ce chiffre qui est ainsi admis, tant par l'expert judiciaire que par la société Masternaut. La cour observe pour le surplus que l'argumentation principale du rapport Sorgem ne peut être retenue dès lors qu'elle repose sur une définition du fait générateur qui a été écartée.
Il convient ensuite de rechercher parmi ces 77.081 boîtiers ceux qui contiennent le logiciel Bus Can édité par la société TSR, pouvant ainsi donner lieu à paiement de la redevance.
Sur ce point, le rapport Sorgem, établi à la demande de la société Masternaut, a retenu un pourcentage de 6,46% de boîtiers équipés du logiciel Bus Can, qui aboutirait à 4.980 boîtiers équipés (77.081 x 6,46%), soit des redevances dues à hauteur de la somme de 1.494.000 euros.
La société TSR critique le pourcentage de 6,46% ainsi retenu, en ce que la société Sorgem a appliqué le même pourcentage que celui retenu pour l'Europe Continentale, soutenant qu'au Royaume Uni le pourcentage de boîtiers équipés d'un logiciel d'éco conduite est nettement plus élevé que dans le reste de l'Europe, avoisinant selon elle les 70%, ce qui aboutirait à un montant de redevances de 23 millions d'euros.
La société TSR prétend que le chiffre de 70% de boîtiers équipés résulterait d'éléments communiqués par la société Masternaut elle-même sans toutefois en justifier, étant en outre observé que le tableau qu'elle produit à ce titre concerne un autre boîtier MCU3 non concerné par la présente instance.
La cour retiendra dès lors le pourcentage proposé par la société Sorgem à hauteur de 6,46%, fixant ainsi le montant des redevances dues par la société Masternaut pour les ventes au Royaume Uni à la somme de 1.494.000 euros HT, outre TVA, la société TSR étant déboutée du surplus de sa demande.
Compte tenu de la recevabilité de l'action en révision, il convient de constater la rétractation de la condamnation de la société Masternaut prononcée par l'arrêt du 19 novembre 2013 au paiement de la somme de 919.227,28 euros. Statuant à nouveau, il convient de condamner la société Masternaut à payer à la société TSR les sommes de 919.227,28 euros HT au titre des redevances dues pour l'Europe Continentale au 30 septembre 2012 (et non 30 septembre 2011 comme mentionné par erreur au dispositif de l'arrêt du 19 novembre 2013), ainsi que la somme de 1.494.000 euros HT outre TVA au titre des redevances dues pour le Royaume Uni au 31 décembre 2013.
4 - sur les réserves émises par la société TSR au titre des boîtiers MCU3
La société TSR demande à la cour de réserver ses droits à chiffrer ultérieurement sa demande en paiement de redevances pour les logiciels intégrés au boîtier MCU3 de la société Masternaut pour la période ayant débuté en 2009.
Force est toutefois de constater que cette demande ne rentre nullement dans le périmètre de l'arrêt du 8 novembre 2016 ayant déclaré recevable la demande en révision, étant rappelé que celle-ci ne portait que sur les boîtiers MCU2.
La société TSR sera donc déboutée de sa demande à ce titre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société Masternaut qui succombe sera condamnée aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Il est équitable d'allouer à la société TSR une indemnité de procédure de 30.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Dit n'y avoir lieu à rejeter les pièces 34 et 51 bis communiquées par la société TSR le 13 novembre 2019,
Dit que la pièce numéro 59 communiquée par la société TSR la veille de l'ordonnance de clôture doit être écartée des débats,
Constate que l'arrêt du 8 novembre 2016 prononçant la recevabilité de la révision limite celle-ci, d'une part à la seule question du nombre de cessions ou de faits générateurs ouvrant droit au paiement de la redevance en faveur de la société TSR International, à l'exclusion de la définition même du fait générateur, d'autre part aux seules cessions opérées avec le Royaume Uni, à l'exclusion des cessions opérées en Europe Continentale,
Dit en conséquence que la cour n'est pas saisie des demandes des sociétés TSR International et Masternaut tendant au paiement, pour l'une d'un complément, pour l'autre d'une réduction, des redevances relatives aux ventes réalisées en Europe Continentale,
Constate la rétractation de la condamnation de la société Masternaut prononcée par l'arrêt de cette cour du 19 novembre 2013 au paiement de la somme de 919.227,28 euros HT au titre des redevances restant dues à la date du 30 septembre 2011,
Statuant à nouveau,
Condamne la société Masternaut à payer à la société TSR International les sommes de :
- 919.227,28 euros HT outre TVA au titre des redevances dues pour l'Europe continentale au 30 septembre 2012,
- 1.494.000 euros HT outre TVA au titre des redevances dues pour le Royaume Uni au 31 décembre 2013,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Masternaut à payer à la société TSR International la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Masternaut aux dépens de la présente instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur Alexandre GAVACHE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,