La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/02/2020 | FRANCE | N°18/03347

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 19 février 2020, 18/03347


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 83E





19e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 19 FEVRIER 2020





N° RG 18/03347 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SRZZ





AFFAIRE :





D... V...


...





C/


SA ORANO CYCLE anciennement AREVA NC














Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2018

par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE


Section : E


N° RG : 16/03187





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





SCP C R T D ET ASSOCIÉS





SCP MOREAU E. & ASSOCIÉS











le :








RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE DIX ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 FEVRIER 2020

N° RG 18/03347 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SRZZ

AFFAIRE :

D... V...

...

C/

SA ORANO CYCLE anciennement AREVA NC

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Juillet 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : 16/03187

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SCP C R T D ET ASSOCIÉS

SCP MOREAU E. & ASSOCIÉS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF FEVRIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur D... V...

né le [...] à FEZ (MAROC)

de nationalité Française

[...]

[...]

Représentant : Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIÉS, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - Représentant : Me Cyril CAMBON, Plaidant, avocat au barreau de NARBONNE

Syndicat NATIONAL DU NUCLÉAIRE & DES ACTIVITÉS CONNEXES (S.N.NUC.) CFE-CGC

[...]

[...]

Représentant : Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIÉS, Constitué, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - Représentant : Me Cyril CAMBON, Plaidant, avocat au barreau de NARBONNE

APPELANTS

****************

SA ORANO CYCLE anciennement AREVA NC

[...]

[...]

Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIÉS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - Représentant : Me Marc BORTEN de l'ASSOCIATION LEANDRI ET ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R271

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Décembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Luc LEBLANC, président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur D... V... a été engagé à compter du 4 janvier 1983 en qualité de cadre administratif par la société Cogema devenue Areva NC, aux droits de laquelle vient la société Orano Cycle.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la métallurgie.

Monsieur V... a été promu plusieurs fois et il occupait en dernier lieu les fonctions de chargé de mission au sein de l'établissement Melox à ..., sous le statut cadre, position P3C.

Parallèlement, il a exercé diverses responsabilités syndicales et fonctions représentatives au sein de l'entreprise depuis 2001.

Le 12 janvier 2016, Monsieur V... s'est porté candidat à un départ volontaire, dans le cadre de l'anticipation du plan de départ volontaire présenté par la société Areva NC, au titre du dispositif d'engagement solidaire senior (DESS).

La société Orano Cycle a accepté sa demande.

C'est dans ces conditions, eu égard aux mandats représentatifs de Monsieur V..., qu'après avis favorable du comité d'établissement, la société Areva NC a demandé l'autorisation de l'inspection du travail pour rompre son contrat de travail dans le cadre d'une rupture pour motif économique en application du plan de départ volontaire.

Par décision du 9 novembre 2016, l'inspection du travail a autorisé la rupture du contrat de travail d'un commun accord après avoir relevé l'absence de lien entre cette mesure et les fonctions représentatives exercées par le salarié.

Le 30 janvier 2017, une convention de rupture d'un commun accord a été régularisée entre Monsieur V... et son employeur.

Monsieur V..., qui pourra faire valoir ses droits à une retraite à taux plein dès le 1er janvier 2020, va ainsi percevoir, au titre de la cessation de sa collaboration dans le cadre du dispositif d'engagement solidaire senior les sommes suivantes :

une indemnité de départ en dispositif d'engagement solidaire senior de 168 009,87 euros, soit 20 mois de salaire,

une allocation mensuelle de congé reclassement pendant 28 mois pour un montant total estimé de 188 000 euros environ,

un compte épargne-temps équivalent à plus de 17 mois, soit 159 727,12 euros,

Monsieur V... a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour contester, sur le fondement d'une discrimination syndicale, l'évolution de sa carrière dont il déplore la stagnation depuis 2001, date de son engagement syndical.

Le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC est intervenu volontairement à l'action.

Par jugement du 26 juillet 2018, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- renvoyé Monsieur V... devant la formation de départage pour juger de sa demande concernant le rappel de salaire compte tenu de l'effet booster.

- débouté Monsieur V... de ses demandes sur le fondement de la discrimination syndicale.

- débouté le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC de l'ensemble de ses demandes.

- débouté la société Orano Cycle de sa demande reconventionnelle.

- condamné Monsieur V... aux éventuels dépens.

Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC ont relevé appel du jugement le 26 juillet 2018.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 23 octobre 2019, Monsieur V... demande à la cour d'appel de :

- accueillir l'appel ;

- réformer la décision entreprise ;

- par arrêt avant-dire droit, faire injonction à la société Orano Cycle de produire un listing faisant apparaître tous les cadres dans une situation comparable à la sienne :

embauchés de 1976 à 1990, classés à un moment de leur carrière au coefficient P3C de la convention collective de la métallurgie et ayant (ou ayant eu) 30 ans d'ancienneté Groupe, actifs ou non ;

situation à l'embauche et situation actuelle ou situation lors du départ en retraite en matière de salaire, qualification, classification;

Sur le fond, de :

- dire et juger qu'il a été victime de discrimination syndicale ;

- condamner société Orano Cycle à la somme de 360 466,91 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'incidence de la discrimination sur la rémunération et son incidence retraite ;

- condamner société Orano Cycle à la somme de 45 624,2 euros au titre du rappel d'indemnité de licenciement économique ;

Condamner la société Orano Cycle à la somme de 59 927,38 euros au titre du rappel de salaire sur compte épargne-temps ;

- condamner la société Orano Cycle à la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation des accords d'entreprise anti-discrimination ;

- condamner la société Orano Cycle aux entiers dépens ;

- condamner la société Orano Cycle à la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de conclusions transmises par voie électronique le 9 juillet 2019, le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC demande à la cour de :

- réformer le jugement,

- condamner la société Orano Cycle à lui verser les sommes suivantes:

- 25 000 € à titre de dommages-intérêts pour discrimination,

- 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour violation des accords d'entreprise anti- discrimination,

- 3 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Orano Cycle aux dépens,

- ordonner la publication de la décision à intervenir dans la presse quotidienne nationale.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 5 novembre 2019, la société Orano Cycle demande à la cour de :

- dire et juger Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC irrecevables et en tous cas mal fondés en leur appel et les en débouter ;

En conséquence, de :

- débouter Monsieur V... de sa demande avant dire droit ;

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC de l'ensemble de leurs demandes ;

- condamner in solidum Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner in solidum Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC aux entiers dépens ;

A titre infiniment subsidiaire, de :

- cantonner une éventuelle condamnation à titre de dommages et intérêts en réparation de l'incidence de la discrimination alléguée sur la rémunération et son incidence retraite à une somme qui ne pourra en toute hypothèse excéder 296 227,55 euros et ce, assorti des intérêts légaux à compter du prononcé de la décision à intervenir et non de l'introduction de la demande ;

- débouter en toute hypothèse Monsieur V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC du surplus de leurs demandes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 novembre 2019.

MOTIFS :

Vu les conclusions des parties,

Sur la demande préalable de communication de pièces avant-dire droit :

Considérant qu'au préalable, M. V... demande à la cour d'ordonner à la société Orano Cycle de lui communiquer un listing faisant apparaître tous les cadres se trouvant dans une situation comparable à la sienne, c'est-à-dire classés au coefficient P3C et ayant 30 ans d'ancienneté ;

Considérant qu'il fait en effet observer que la comparaison entre les carrières suivies par ces cadres et la sienne permettra d'établir la discrimination dont il est victime depuis son engagement syndical en 2001 ;

Considérant cependant que le salarié ne précise pas en quoi ce document serait nécessaire et permettrait à la cour de disposer de tous les éléments utiles pour apprécier sa situation ni pourquoi il a choisi les salariés nommément désignés dans ses conclusions de préférence aux autres ;

Considérant qu'il prétend avoir sélectionné les salariés embauchés à une date comprise entre 1976 et 1990 et bénéficiant de la même classification que la sienne mais ne justifie pas du respect de ces critères autrement que par ses allégations ;

Considérant toutefois que l'existence d'une discrimination n'implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés;

Considérant que le juge est libre d'apprécier l'opportunité des mesures d'instruction qu'il lui paraît nécessaire d'ordonner pour examiner en pleine connaissance de cause le différend dont il est saisi mais la mise en oeuvre de celles-ci ne saurait suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve ;

Considérant qu'en l'espèce, faute de précision sur l'intérêt et l'objectivité des pièces dont la communication est demandée par M. V..., il ne sera pas fait droit à sa demande ;

Que cette demande sera rejetée comme le conseil de prud'hommes avait refusé une demande similaire dans sa décision rendue par le bureau de conciliation et d'orientation le 2 février 2007 ;

Sur l'existence d'une discrimination syndicale :

Considérant qu'en application de l'article L.1134-1 du code du travail, il appartient au salarié qui se plaint d'être victime d'une discrimination directe ou indirecte au sens de l'article L.1132-1 du même code, de présenter des éléments de fait de nature à en laisser supposer l'existence et il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant qu'en l'espèce, M. V... prétend être victime d'une discrimination en raison de son appartenance et de ses activités syndicales en invoquant :

- une mise à l'écart, l'hostilité de la direction et les pressions psychologiques subies,

- l'arrêt de l'évolution salariale et les écarts de traitement en matière de rémunération,

- l'exclusion du processus officiel de déroulement de carrière Areva,

- l'absence de formation,

- la stagnation de sa carrière, le sous-emploi et l'exil professionnel ;

Considérant d'abord que M. V... soutient que peu après le début de son engagement syndical en 2001, son employeur lui a retiré la mission 'Management qualité totale' dont il s'occupait et qu'à compter de cette date, seules des missions subalternes lui ont été confiées ;

Considérant cependant qu'au vu des pièces fournies par la société Orano Cycle, ces changements sont liés à la nouvelle affectation du salarié qui a occupé à compter du mois de février 2001 le poste de chargé de missions dans l'établissement de ... ;

Considérant qu'il est en effet justifié du transfert progressif à cette époque des activités exploitées par la société Areva NC sur le site de Cadarache, où M. V... occupait les fonctions d'adjoint au directeur d'établissement, chargé des ressources humaines et de la gestion administrative, vers le site de ... où il a été confié au salarié d'autres fonctions, avec la même classification et la même position que précédemment ;

Considérant que l'employeur fait observer que cette mutation s'est faite avec le plein accord de l'intéressé qui a préféré rester dans le Gard, où il avait établi son domicile, plutôt que d'occuper un poste plus intéressant mais nécessitant une mobilité géographique ;

Considérant surtout qu'il est établi que la mutation de M. V... à l'établissement Melox de Bagnols-sur-Cèze a reçu l'avis favorable du comité d'établissement et l'accord de l'inspection du travail chargée de s'assurer que les fonctions représentatives de l'intéressé n'étaient pas affectées par ce changement ;

Considérant qu'aucun élément de fait ne permet d'établir, comme le prétend le salarié, qu'il a alors été sous-employé, qu'il subissait un exil professionnel et un appauvrissement de ses responsabilités ;

Considérant que la société Orano Cycle fait observer que non seulement M. V... ne s'est alors jamais plaint de sa situation professionnelle mais qu'il déclarait vouloir rester à son poste au cours de ses entretiens d'évaluation ;

Considérant qu'au demeurant, l'employeur souligne à juste titre qu'il n'a eu connaissance de l'engagement syndical de M. V... que le 19 novembre 2001, après sa mutation à [...] ;

Considérant que le retrait du véhicule de fonction qui avait été mis à la disposition du salarié lorsqu'il exerçait les fonctions d'adjoint au directeur d'établissement de Cadarache est la conséquence directe de l'abandon de cet emploi avec le consentement de l'intéressé ;

Considérant que de même, comme en justifie l'employeur, la suppression de la mention 'cadre dirigeant' qui figurait sur les bulletins de salaire de M. V... constitue une simple mise en conformité pour le décompte de son temps de travail dès lors que, selon le contrat conclu avec lui, il relevait de la catégorie des cadres au forfait jours et non de celle des cadres dirigeants ;

Considérant qu'enfin, les différentes pièces produites par le salarié au sujet de l'hostilité de la direction à son égard depuis 2001 et des pressions psychologiques subies ne révèlent en réalité aucune malveillance ou négligence de la part de son employeur qui ne l'a pas traité avec mépris ni fait subir un lot d'humiliations insidieuses et quasi-permanentes comme il l'écrit dans ses conclusions ;

Considérant que le seul document faisant état de propos désobligeants et insultants tenus à l'encontre de M. V... et de l'hostilité affirmée de façon constante de la part d'un supérieur hiérarchique est une lettre rédigée en novembre 2001 par le salarié lui-même, sans donner plus de précision sur la nature et les circonstances exactes des faits allégués et l'hostilité invoquée ne le concerne pas personnellement mais traduit seulement un désaccord sur la conduite d'un projet intitulé [...] ;

Considérant qu'il n'existe donc pas d'éléments caractérisant le climat hostile auquel aurait été confronté M. V... à compter de 2001 ; que la réalité des pressions ou des humiliations que le salarié prétend avoir constamment subi depuis cette date n'est pas non plus confirmée en dehors de ses allégations ;

Considérant que la mise à l'écart et l'hostilité de la direction invoquée par le salarié comme laissant supposer l'existence d'une discrimination ne sont donc pas matériellement établies ;

Considérant que de même, il ne ressort d'aucun des éléments de fait présentés par M. V... qu'il ait été exclu du circuit d'information de la direction ; que l'organigramme qu'il produit montre au contraire qu'il était placé dans le même cercle que les autres responsables de la business unit recyclage et le mail du 28 septembre 2006 lui confirme qu'il est bien 'inclus dans les listes de diffusion' ;

Considérant ensuite que la rémunération de M. V... à compter de 2001 a suivi l'évolution normale de la catégorie 'Professionals' à laquelle il appartenait en tant que chargé de mission ;

Considérant que l'employeur produit en effet l'étude 'Bande de carrière Professionnals' qui montre que sa rémunération mensuelle moyenne s'élevant à 6 696,67 € était égale voire supérieure au salaire des autres employés appartenant à la même catégorie avec un parcours professionnel et une ancienneté comparables ;

Considérant qu'il ne ressort d'aucun élément objectif qu'en raison de la nature de son travail, des conditions d'exercice de celui-ci, de la qualification des fonctions occupées ou d'autres facteurs, une rémunération supérieure aurait dû lui être versée ;

Considérant qu'il en va de même pour la part variable de sa rémunération ;

Considérant qu'en effet, les salariés nommément désignés auxquels il se compare n'ont pas eu du tout le même parcours professionnel que le sien, certains ayant occupé des fonctions de directeurs de société et d'autres ayant accédé aux plus hautes fonctions dirigeantes du groupe à Paris ou dans les principaux établissements de La Hague ou Tricastin;

Considérant qu'ayant atteint le coefficient le plus élevé de la convention collective, le salaire moyen de la catégorie P3C, laquelle est constituée de salariés occupant des fonctions très différentes avec des écarts de rémunération très importants, ne constitue pas une référence utile ;

Considérant qu'au surplus, comme le souligne à juste titre l'employeur, le salarié oublie dans sa comparaison qu'il effectuait un temps partiel de sorte que sa rémunération de base mensuelle était réduite à due concurrence ;

Considérant que la réalité d'une stagnation de la rémunération de l'intéressé en comparaison d'autres salariés placés dans une situation identique n'est donc pas davantage établie ;

Considérant également que, contrairement à ce qu'il prétend, le salarié n'a pas été écarté du dispositif d'évaluation des cadres puisque l'employeur verse aux débats les six entretiens annuels qui se sont tenus entre 2009 et 2015 et au cours desquels il n'a d'ailleurs exprimé aucun grief et a réitéré son souhait de rester au même poste, en limitant sa mobilité géographique éventuelle à un changement local et en affirmant vouloir continuer à contribuer au fonctionnement de son établissement;

Considérant qu'ainsi, un grand nombre de faits invoqués par le salarié à l'appui de ses demandes fondées sur la discrimination syndicale ne sont en réalité pas matériellement établis ;

Considérant qu'en revanche, appréciés dans leur ensemble, les autres faits rapportés par M. V... et d'ailleurs non contestés par l'employeur, notamment l'arrêt des formations et l'absence d'évolution de carrière sont de nature à laisser supposer l'existence d'une discrimination ;

Considérant toutefois qu'à ce sujet, la société Orano Cycle démontre qu'à partir du moment où le salarié a rejoint l'établissement de ... situé à proximité de son domicile, il n'a plus souhaité changer de situation ;

Considérant que cela ressort clairement de ses entretiens d'évaluation où à la question relative à son souhait d'évolution, il répond constamment qu'il veut rester à son poste ;

Considérant que M. V... se plaint de l'absence de 'grading' des postes occupés depuis 2001 et du fait que ses performances et perspectives de développement n'ont pas été appréciées dans le cadre de réunions appelées 'people review' ;

Considérant qu'il ne s'est pourtant jamais porté candidat aux postes de cadres disponibles au sein du groupe, à travers toute la France et ailleurs, dont il était informé dans les mêmes conditions que les autres salariés, se privant ainsi de toute possibilité d'évolution de carrière plus favorable que celle qui lui était offerte à ... ;

Considérant que le salarié estime aujourd'hui qu'il appartenait à son employeur de se rapprocher de lui pour lui proposer de nouvelles opportunités de carrière mais en agissant ainsi, la société n'aurait pas respecté son souhait de rester au même poste, dans sa région ;

Considérant qu'il existe donc une raison objective expliquant l'absence d'évolution de la carrière de M. V... depuis 2001 et sa volonté exprimée à plusieurs reprises de continuer à exercer les mêmes fonctions dans le même établissement est évidemment étrangère à toute discrimination ;

Considérant que de même, si l'employeur reconnaît l'absence de formations professionnelles à part les deux sessions organisées en 2010 et 2012 figurant sur l'historique de l'intéressé, il relève aussitôt que cela était dû au fait que M. V... ne lui avait demandé aucune formation particulière et que son maintien au même poste, sans aucune modification de ses fonctions, avec son expérience professionnelle ne justifiait pas que lui soit délivrée une nouvelle formation ;

Considérant qu'il apparaît aussi que si la formation Excel a été refusée au salarié en 2011, elle lui a été dispensée dès l'année suivante, comme l'atteste l'historique de formation produit par le salarié ;

Considérant que les compte-rendus d'entretien du salarié portent la mention RAS ou ne contiennent aucune réponse à la question demandant au collaborateur de choisir la formation pour laquelle il souhaite utiliser son DIF alors même que plusieurs formations lui étaient proposées ;

Considérant qu'il y a donc aussi une raison objective à l'absence de formation tenant au manque d'implication de M. V... en ce domaine;

Considérant qu'en réalité, le salarié n'avait manifestement aucune crainte à avoir sur ses capacités à occuper l'emploi qu'il ne souhaitait pas quitter et il ne lui paraissait pas utile d'utiliser ses droits à formation comme le lui proposait la société Areva NC ;

Considérant qu'ainsi, l'existence d'une discrimination syndicale n'est pas établie ;

Considérant qu'au demeurant, la société Orano Cycle souligne à juste titre qu'à supposer que les faits dénoncés par le salarié soient avérés, ils ne justifieraient pas une reconstitution de carrière sur la base d'un salaire théorique que l'intéressé n'aurait pu atteindre qu'en acceptant une mobilité géographique ou une évolution de carrière qui n'étaient pas conformes à ses voeux ;

Considérant que, dans ces conditions, les premiers juges ont décidé à bon droit qu'au cours de sa carrière, M. V... n'avait été victime d'aucune discrimination en raison de son appartenance ou de ses activités syndicales ;

Que le jugement sera confirmé en ce qu'il déboute le salarié de sa demande indemnitaire à ce titre et de ses prétentions visant à obtenir un complément de l'indemnité de départ et une majoration du compte d'épargne-temps déjà accordés dans le cadre de la rupture conventionnelle de son contrat de travail ;

Sur les autres demandes :

Considérant que de même, en l'absence de discrimination syndicale, M. V... n'est pas fondé à demander une indemnité au titre de la violation prétendue des accords d'entreprise anti-discrimination ;

Considérant que le jugement sera confirmé de chef ;

Considérant que pareillement, les prétentions du Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC fondées sur l'existence d'une discrimination et d'une violation de l'accord précité ainsi que la demande de publication dans la presse quotidienne nationale de la décision à intervenir ont été rejetées à juste titre par le conseil de prud'hommes ;

Considérant qu'enfin, il convient de condamner M. V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC à payer à la société Orano Cycle respectivement les sommes de 2 500 € et celle de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de les débouter de leurs propres demandes à ce titre ;

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire ;

- Rejette la demande préalable de communication de pièces ;

- Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- Condamne M. D... V... et le Syndicat National du Nucléaire & des Activités Connexes (S.N..NUC.) CFE-CGC à payer à la société Orano Cycle, anciennement Areva NC, respectivement les sommes de 2 500 € et de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les déboute de leurs propres demandes à ce titre ;

- Les condamne in solidum aux dépens ;

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/03347
Date de la décision : 19/02/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/03347 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-19;18.03347 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award