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06/02/2020 | FRANCE | N°19/03250

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 06 février 2020, 19/03250


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 083



CONTRADICTOIRE



DU 06 FÉVRIER 2020



N° RG 19/03250



N° Portalis : DBV3-V-B7D-TM2F







AFFAIRE :



SAS LES LABORATOIRES SERVIER



C/



[E] [U]









Sur l'appel compétence formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le conseil de prud'hommes - Formation de départage

de Nanterre

Section : Encadrement

N° RG : 14/01858







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 7 Février 2020 à :

- Me Christophe DEBRAY

- Me Laure CAPORICCIO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE SIX FÉVRIER DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 083

CONTRADICTOIRE

DU 06 FÉVRIER 2020

N° RG 19/03250

N° Portalis : DBV3-V-B7D-TM2F

AFFAIRE :

SAS LES LABORATOIRES SERVIER

C/

[E] [U]

Sur l'appel compétence formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 26 Juillet 2019 par le conseil de prud'hommes - Formation de départage de Nanterre

Section : Encadrement

N° RG : 14/01858

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 7 Février 2020 à :

- Me Christophe DEBRAY

- Me Laure CAPORICCIO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SIX FÉVRIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

La SAS LES LABORATOIRES SERVIER

N° SIRET : 085 480 796

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Adeline LARVARON, plaidant, avocat au barreau de PARIS ; et par Me Christophe DEBRAY, constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627

PARTIE DEMANDERESSE À L'APPEL COMPÉTENCE

****************

Monsieur [E] [U]

né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 3] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 1] (TUNISIE)

Représenté par Me Laure CAPORICCIO de la SELEURL Cabinet CAPORICCIO Avocat, constituée/plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : C428

PARTIE DÉFENDERESSE À L'APPEL COMPÉTENCE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Décembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle VENDRYES, Président, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Les Laboratoires Servier constitue un groupe pharmaceutique présent dans 140 pays et employant plus de 20 000 salariés dans le monde.

M. [E] [U], né le [Date naissance 1] 1957, a conclu avec la société Les Laboratoires Servier un contrat de mandat pour une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction le 28 février 2006, à la suite de sa démission en qualité de salarié de la société SIT, filiale de la société Les Laboratoires Servier.

Le 6 décembre 2013, la société Les Laboratoires Servier a mis fin à ce contrat.

Par requête en date du 27 juin 2014, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de requalification de la relation de travail et de demandes indemnitaires.

Par jugement contradictoire en date du 26 juillet 2019, le juge de départage a dit le conseil de prud'hommes de Nanterre compétent pour connaître du litige entre M. [U] et la société Les Laboratoires Servier et a renvoyé les parties à une audience devant le bureau de jugement le 16 février 2021.

La société Les Laboratoires Servier a interjeté appel de ce jugement le 12 août 2019.

Par conclusions adressées par voie électronique le 6 décembre 2019, la société Les Laboratoires Servier demande à la cour de :

A titre principal,

- annuler ou infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre, formation départage, rendu le 26 juillet 2019,

Statuant à nouveau,

- constater l'incompétence du conseil de prud'hommes de Nanterre pour connaître du litige lié au contrat de mandat de M. [U],

- déclarer compétent le tribunal de grande instance de Nanterre,

- refuser d'évoquer le fond de l'affaire lors de l'audience du 20 décembre 2019,

Subsidiairement, si la cour d'appel décidait d'évoquer le fond en application des dispositions des articles 88 et 89 du code de procédure civile,

- constater l'absence de lien de subordination juridique entre M. [U] et la société Les Laboratoires Servier,

En conséquence,

- rejeter la demande de requalification de M. [U] en contrat de travail à durée indéterminée,

- rejeter sa demande de reprise d'ancienneté au 27 février 1995,

- rejeter l'intégralité des demandes indemnitaires de M. [U],

- le condamner aux entiers dépens,

En tout état de cause,

- débouter M. [U] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [U] aux dépens, dont distraction au profit de Me Christophe Debray, avocat au barreau de Versailles, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions adressées par voie électronique le 12 novembre 2019, M. [U] demande à la cour de :

- confirmer le jugement de première instance en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour connaître du litige entre M. [U] et la société Les Laboratoires Servier en considérant que :

- M. [U] ne bénéficiait d'aucune indépendance dans l'exercice du mandat qui lui était confié et qu'il se trouvait placé pour l'accomplissement de son travail dans un état de subordination à l'égard de la société Les Laboratoires Servier,

- après la rupture de son contrat de travail, M. [U] a exercé ses fonctions dans les mêmes conditions matérielles tout en percevant une rémunération équivalente,

- un lien de subordination existait bien entre la société Les Laboratoires Servier et M. [U] caractérisant l'existence d'un contrat de travail du 27 février 1995 jusqu'au 6 décembre 2013,

- exercer son pouvoir d'évocation dans un souci de bonne justice en raison de la longueur de la procédure prud'homale (5 années) en raison de la complexité de l'affaire amenant les conseillers prud'homaux à se déclarer en partage de voix,

- dire et juger que la relation contractuelle doit être requalifiée en un contrat de travail avec une reprise de son ancienneté au 27 février 1995,

- dire et juger que la rupture du contrat de travail est directement imputable à l'employeur et doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de tout motif réel et sérieux,

- dire et juger que Les Laboratoires Servier ont intentionnellement commis des agissements de travail dissimulé alors qu'ils ne pouvaient ignorer que M. [U] exerçait ses fonctions sous la subordination juridique et permanente de son employeur,

- condamner la société Les Laboratoires Servier à verser à M. [U] les sommes suivantes :

- prime d'ancienneté prévue par l'article 22 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique : 17 485,96 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés y afférente : 1 748,59 euros,

- indemnité compensatrice de préavis de trois mois, en application de l'article 32 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique : 21 019,44 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés y afférente : 2 101,94 euros,

- indemnité de licenciement, en application de l'article 33 de la convention collective nationale de l'industrie pharmaceutique : 65 967,96 euros,

avec intérêts légaux dus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- indemnité pour licenciement dépourvu de tout motif réel et sérieux, en application de l'article L. 1253-3 du code du travail : 200 000 euros,

- indemnité forfaitaire pour travail dissimulé dans le cadre de la rupture d'un contrat de travail, en application de l'article L. 8223-1 du code du travail : 42 038,88 euros,

- dommages et intérêts pour préjudices spécifiques, en raison du non accomplissement des formalités liées à l'embauche, relatives à la déclaration préalable à l'embauche et à la délivrance d'un bulletin de salaire et de déclarations relatives aux salaires, aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement, en application de l'article L. 8221-5 du code du travail : 100 000 euros,

- indemnité due en application de l'article 700 du code de procédure civile : 10 000 euros,

- ordonner la remise des documents de fin de contrat à savoir le certificat de travail, l'attestation Pôle emploi, le reçu pour solde de tout compte ainsi que les bulletins de salaire pour toute la période d'emploi sous astreinte de 100 euros par jour de retard,

- condamner la société Les Laboratoires Servier aux entiers dépens.

Par ordonnance rendue le 5 septembre 2019, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence

La société Les Laboratoires Servier rappelle ici que le contrat de mandat consiste en un acte par lequel une personne physique ou morale donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom, qu'il est indépendant de tout lien de subordination et relève de la compétence du tribunal de grande instance.

Elle fait valoir que les seuls contrats de travail conclus par M. [U] l'ont été avec les sociétés SIT et la société Générale Pharmaceutique Services (GPS), que l'intéressé était lié à son égard par un contrat de mandat non exclusif afin de lui prodiguer des conseils sur la stratégie de promotion de spécialités pharmaceutiques à mettre en place sur le territoire algérien.

Elle relève que, dans ce cadre, M. [U] rendait compte de son mandat et percevait des honoraires sur la base de factures établies mensuellement après avoir renseigné un code fournisseur.

Elle retient qu'en conséquence, le tribunal matériellement compétent était le tribunal de grande instance, seul compétent pour connaître des conditions d'exécution d'un contrat de mandat.

Subsidiairement, elle fait valoir qu'aucun contrat de travail ne la liait à M. [U] compte tenu de l'indépendance et de l'autonomie de celui-ci dans l'exercice de ses fonctions de mandataire étant observé que l'intéressé n'avait pas d'adresse email interne à sa disposition contrairement à ses salariés, qu'il n'a jamais été intégré dans ses effectifs, qu'elle n'exerçait aucun pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction à son égard, que M. [U] s'est contenté d'exercer son mandat ce qui impliquait qu'il exécute sa prestation au regard de ses demandes et qu'il lui rende compte tandis qu'elle lui versait des honoraires.

M. [U] fait au contraire valoir qu'il ne bénéficiait d'aucune indépendance dans le contrat de mandat qui lui était confié et qu'il se trouvait en réalité placé pour l'accomplissement de son travail dans un état de subordination juridique et permanente vis-à-vis de la société Les Laboratoires Servier. Il fait observer qu'il a continué d'accomplir dans les mêmes conditions les fonctions qu'il exerçait lorsqu'il était salarié de la société Industrielle et Technique, filiale de la société Les Laboratoires Servier, du mois de février 1995 au mois de février 2006.

Il fait observer qu'il relevait du pouvoir hiérarchique de la société Les Laboratoires Servier, que celle-ci lui fournissait le matériel et les outils nécessaires à l'accomplissement de sa mission de directeur réseau, qu'il avait accès personnel au réseau interne LAN des Laboratoires Servier, bénéficiait d'une adresse mail Servier, qu'il apparaissait dans l'organigramme Servier du bureau d'Algérie en qualité de directeur des ventes. Il fait valoir qu'il recevait des directives et des instructions précises de sa hiérarchie constituée par M. [Z], directeur de réseau Algérie et M. [J], directeur secteur, qu'il leur rendait compte de son activité par le biais de rapports soumis à contrôle, qu'il devait déposer des demandes de congés signées et validées, suivre des formations organisées par l'intimée, justifier de ses absences et pouvait être sanctionné en cas de manquements à ses obligations professionnelles.

Il précise qu'il assurait, avec sa hiérarchie et ses superviseurs, la mise en place de réunions nationales et régionales pour le réseau.

Il énonce qu'afin de lui permettre de bénéficier d'un titre de séjour en Algérie l'autorisant à travailler, la société Les Laboratoires Servier a demandé à une société algérienne de le recruter en qualité de directeur logistique et approvisionnements à compter du 1er février 2011, que le 24 décembre 2012, la société Générale Pharmaceutique Services l'a ainsi engagé en qualité de responsable logistique & approvisionnements, que cependant, il a été exclusivement affecté aux laboratoires Servier, la société Générale Pharmaceutique Services lui délivrant d'ailleurs des bulletins de salaire stipulant cette affectation exclusive auprès de la société Les Laboratoires Servier.

Sur ce,

La détermination de la juridiction compétente pour connaître du litige opposant la société Les Laboratoires Servier à M. [U] implique d'examiner les conditions d'exercice de leur relation, la juridiction compétente étant le tribunal judiciaire en cas de relation fondée sur un mandat, et le conseil de prud'hommes en cas de relation fondée sur un contrat de travail.

La juridiction prud'homale est ainsi compétente pour examiner si les parties étaient liées par un contrat de travail étant rappelé qu'en vertu de l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions de ce code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu'ils emploient.

Cette compétence implique de sa part l'examen des conditions dans lesquelles a été exercée l'activité de M. [U] afin de déterminer si elle constitue une activité salariée.

A cet égard, il est rappelé que le contrat de travail est la convention par laquelle une personne s'engage à mettre son activité à la disposition d'une autre sous la subordination de laquelle elle se place, moyennant rémunération.

L'existence de cette relation de travail dépend des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur nonobstant la qualification donnée par les parties à leur relation.

Trois éléments cumulatifs caractérisent le contrat de travail : la fourniture d'un travail, le paiement d'une rémunération, l'existence d'un lien de subordination juridique.

Le lien de subordination, qui permet de distinguer précisément le travailleur dépendant du travailleur indépendant, est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l'espèce, il ressort des pièces produites aux débats que le contrat de travail de M. [U] du 27 février 1995 avec la société SIT a fait l'objet d'un avenant le 1er octobre 2002 aux termes duquel, en tant que superviseur Algérie, l'intéressé devait mettre en 'uvre la stratégie de promotion de la formation médicale des laboratoires Servier en Algérie, représenter ces laboratoires auprès des organismes institutionnels, encadrer, animer et coordonner les visiteurs médicaux en veillant notamment à maintenir un haut niveau de motivation et de qualification de l'équipe ainsi qu'une image valorisante des produits issus de la recherche Servier.

Ces mêmes pièces justifient que l'intimé, après avoir fait état par lettre du 21 février 2006, de l'arrêt de cette activité auprès de la société SIT, a conclu un contrat de mandat avec la société Les Laboratoires Servier (LLS) le 28 février 2006.

Or, la cour observe que les missions de M. [U], déclinées en annexe du contrat de mandat, visent également à le voir développer les ventes à partir de la stratégie mise en oeuvre dans le réseau de visite médicale Servier, l'appelant justifiant aux débats que la société SIT était pour sa part une filiale de la société Les Laboratoires Servier.

L'intéressé est donc fondé à opposer à la société Les Laboratoires Servier la continuité de ses fonctions effectuées en Algérie en tant que développeur de ventes depuis 2002 étant d'ailleurs observé que dans l'attestation de travail délivrée le 24 août 2010, M. [S], fondé de pouvoir des Laboratoires Servier, ne différencie pas les modalités d'exercice de son travail par M. [U] à son profit depuis le 22 janvier 2002.

Dans le cadre de la définition des fonctions de M. [U], l'annexe du contrat se réfère par ailleurs précisément à la place de l'intéressé dans une hiérarchie en retenant sa fonction de "directeur de zone Afrique/DTOM ou toute autre personne nommée par LLS".

Il y est ainsi mentionné, s'agissant des ventes, que M. [U], par l'analyse et la gestion permanente des performances du réseau, "doit veiller à l'atteinte des objectifs de ventes annuelles de Servier en Algérie", qu'il doit "proposer à sa hiérarchie les analyses et les propositions détaillées pour l'élaboration des objectifs de ventes nationales et régionales", "assurer une analyse constante et détaillée des ventes, résultats et performances, en attirant l'attention de sa hiérarchie le plus rapidement possible sur les éventuelles insuffisances potentielles".

Son encadrement hiérarchique est également explicité s'agissant de son activité réseau alors qu'aux termes de la même annexe, "il est garant de la mise en 'uvre par le réseau de la stratégie de ventes et marketing défini par la hiérarchie", qu'"avec l'accord de sa hiérarchie, il organise des réunions de travail avec les superviseurs pour maintenir un contrôle permanent et évaluer leurs progrès individuellement", qu'"en collaboration avec sa hiérarchie et le responsable des ressources humaines rattachées au pays, il anticipe et évalue les besoins en effectifs compatibles avec les budgets et participe aux sessions de recrutement", qu'"il gère les conflits et les départs sous la responsabilité de la hiérarchie".

La partie de l'annexe consacrée aux principes et normes retient pour sa part qu'il garantit la conformité des demandes de remboursement de frais de superviseurs et des AI chaque mois selon les directives maisons, qu'il doit porter à la connaissance de la hiérarchie les éventuelles déficiences des membres du réseau, qu'il rédige à l'attention de sa hiérarchie un rapport mensuel au plus tard le troisième jour du mois faisant état de l'activité du réseau, de l'effectif, les performances de vente et de l'activité du marché.

Dans le cadre des compétences attendues de lui et de ses responsabilités, il lui est fait part de certains attendus au regard de sa propre situation hiérarchique ("savoir être : (...) Faire preuve d'exemplarité (ponctualité, rigueur, respect des délais, implication)". Il est également visé que "le contractant devra, de sa propre initiative, mettre en 'uvre toutes les actions complémentaires susceptibles de permettre l'atteinte des objectifs fixés par sa hiérarchie".

L'encadrement hiérarchique dont il fait l'objet est enfin clairement identifié par la signature de cette annexe par les deux directeurs dont il dépend : le docteur [Z], directeur de zone Afrique/Dtom (remplacé ultérieurement par M. [N]) et M. [J], directeur secteur PMO/Afrique/Dtom.

S'agissant plus précisément des conditions de fait dans lesquelles a été exercée l'activité du travailleur, il se déduit des pièces produites par M. [U], sur lequel pèse la charge de la preuve de sa qualité de salarié, que, s'agissant des conditions matérielles d'exécution du travail, l'intéressé disposait d'une adresse de messagerie dans le réseau Lan Servier France, de cartes de visite et de badges visant son rattachement à la société Les Laboratoires Servier. Celle-ci lui fournissait les documents (aides visuelles et schémas) à diffuser aux attachés d'information (pièces 60 et 61).

Il suivait des formations et participait à des séminaires au même titre et dans les mêmes conditions que des salariés de la société Les Laboratoires Servier, dans l'organigramme de laquelle il figure par ailleurs.

M. [U] percevait des sommes d' un montant forfaitaire (3 758 euros de janvier 2008 à mars 2009, 4 096 euros à compter du 1er avril), qualifiées d'ailleurs de "salaire" dans les courriers de la société Les Laboratoires Servier en date du 16 janvier 2008, du 22 avril 2009 et du 21 avril 2010, l'intimé percevant par ailleurs un treizième mois chaque mois de septembre, ses frais professionnels lui étant remboursés.

Intéressé par la société Les Laboratoires Servier "à la réalisation des objectifs fixés", M. [U] se voyait fixer des objectifs sur la base desquels était calculé son bonus (ses pièces 27et 32), dans des conditions définies par les directeurs de zone et soumis à l'accord de l'intimé.

Un véhicule professionnel était mis à disposition en tant qu'"outil de travail" le 2 janvier 2009, l'intéressé signant à cet égard une charte véhicule professionnel aux termes de laquelle il est mentionné que sa "hiérarchie est habilitée à tout moment" à "vérifier le soin qu'il prend de son véhicule professionnel", à "s'assurer de son entretien régulier et contrôler les déclarations de kilométrage et de consommation de carburant".

Il ressort par ailleurs des pièces produites par l'intimé que celui-ci adressait à la société Les Laboratoires Servier des demandes de congés comprenant précisément ses "droits acquis", "ses congés déjà pris", le reste à prendre ainsi que les congés demandés, la fiche de demande mentionnant que "les congés payés sont calculés à raison de 2,5 jours par mois de travail" et étant signée par le demandeur, le directeur et un superviseur et visée, en outre, par un responsable administratif.

D'autres éléments établissent également le pouvoir de la société Les Laboratoires Servier de donner à l'intéressé des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et d'en sanctionner les manquements.

Il ressort ainsi du courriel du 19 avril 2006 de M. [W] (copie à M. [Z]) que l'intéressé doit, pour la semaine suivante, préparer des points relatifs à la sectorisation, au ciblage, à la répartition des produits par équipes, du courriel 2 décembre 2010 de Mme [A] que l'emploi du temps de M. [U] lors des visites de coordination internationale ne relevait pas de son initiative.

Il ressort également du courriel de M. [N] en date du 23 février 2011 qu'il était attendu de sa part une synthèse mensuelle pour faire partager à sa "hiérarchie" les informations reçues relativement notamment aux circuits de distribution particulièrement complexes en Algérie.

La société Les Laboratoires Servier était par ailleurs susceptible d'exercer à son encontre un pouvoir disciplinaire.

Ainsi, par courrier du 8 mars 2013 adressé à M. [U], M. [S], directeur général des opérations internationales Proche et Moyen-Orient, Afrique, Dtom fait observer à M. [U] qu'il a "effectué une communication écrite inappropriée concernant la gestion des périmés de la spécialité BiPreterax sans accord préalable de sa hiérarchie". Il retient que la communication envoyée par e-mail en date du 10 décembre 2012 à M. [D] [T] n'a pas été validée par le siège et engage la société Les Laboratoires Servier sur la prise en charge de boîtes de BiPreterax périmées dans un cadre extérieur au contrat la liant avec Atpharma.

Le directeur en déduit, dans des termes caractérisant un pouvoir disciplinaire, que le mail adressé par M. [U] représente une faute grave ce qui le conduit à lui délivrer un avertissement.

La cour observe enfin qu'il se déduit des pièces produites qu'au regard du défaut de permis régulier de travail de M. [U] en Algérie et sachant que ce dernier énonçait par courriel du 22 février 2011 avoir travaillé dans ce pays "dans l'illégalité totale", la société Les Laboratoires Servier a été amenée à "étudier ce qu'il est possible de faire" dans les termes d'un courriel du 23 février 2011 de M. [N].

Le contrat de travail conclu le 24 décembre 2012 avec la société Générale Pharmaceutique Services et les attestations de travail délivrées par celle-ci à l'intéressé le 28 septembre 2011 ont, dans ce contexte, eu pour unique objet de régulariser la situation de M. [U] vis-à-vis des autorités algériennes étant en tout état de cause observé qu'il y est mentionné que l'intéressé est "affecté aux Laboratoires Servier", les bulletins de paie délivrés par cette société mentionnant également l'affectation "Servier" de M. [U].

L'exercice de ses fonctions par M. [U] au profit de la société Les Laboratoires Servier est en outre justifié pour la période 2011-2013 par les échanges de courriels entre ce dernier et les directeurs de zone et de secteur de l'appelante susvisés.

Ces éléments, en ce qu'ils caractérisent l'existence d'une relation de travail de M. [U] avec la société Les Laboratoires Servier, à compter du 1er mars 2006, conduiront, par substitution de motifs, à confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre pour connaître du litige, le renvoi de l'affaire, par ailleurs ordonné, restant une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la garantie que représente pour chacune des parties, le principe du double degré de juridiction, la cour n'estime pas en l'espèce de bonne justice d'évoquer l'affaire.

Il sera statué sur les dépens et frais irrépétibles dans les termes du dispositif.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes de Nanterre pour connaître du litige entre M. [E] [U] et la société Les Laboratoires Servier ;

REJETTE la demande d'évocation ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Les Laboratoires Servier à payer à M. [E] [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Les Laboratoires Servier aux dépens jusqu'ici engagés ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 19/03250
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°19/03250 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;19.03250 ?
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