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23/01/2020 | FRANCE | N°18/04856

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 23 janvier 2020, 18/04856


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 23 JANVIER 2020



N° RG 18/04856



- N° Portalis DBV3-V-B7C-SQEV



AFFAIRE :



[G] [Z] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs :

- [P] [Z] [L] né le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 10];

- [E] [Z] [L] née le [Date naissance 2] 2012 à [Localité 10] + INTIME

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C/

[W] [H]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 16/02649



Expéditions exécutoires

Expédit...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 23 JANVIER 2020

N° RG 18/04856

- N° Portalis DBV3-V-B7C-SQEV

AFFAIRE :

[G] [Z] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs :

- [P] [Z] [L] né le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 10];

- [E] [Z] [L] née le [Date naissance 2] 2012 à [Localité 10] + INTIME

...

C/

[W] [H]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Juin 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 16/02649

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Francis CAPDEVILA, avocat au barreau de VERSAILLES,

Me Alain FRICAUDET de la SCP FRICAUDET & LARROUMET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,

Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, avocat au barreau de PARIS -

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [G] [Z] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentant légal de ses deux enfants mineurs :

- [P] [Z] [L] né le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 10];

- [E] [Z] [L] née le [Date naissance 2] 2012 à [Localité 10] + INTIME

né le [Date naissance 5] 1979 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/05678 (Fond)

Représentant : Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074 -

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 18078078

Madame [O] [L] agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de ses deux enfants mineurs :

- [P] [Z] [L] né le [Date naissance 3] 2008 à [Localité 10];

- [E] [Z] [L] née le [Date naissance 2] 2012 à [Localité 10] + INTIMEE

née le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 11]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/05678 (Fond), Intimé dans 18/05678 (Fond)

Représentant : Me Gilles GODIGNON SANTONI de la SELARL DOLLA - VIAL & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0074 -

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 18078078

APPELANTS

****************

Monsieur [W] [H]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Francis CAPDEVILA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 1803411

SA AXA FRANCE IARD

N° SIRET : 722 05 7 4 60

[Adresse 6]

[Localité 6]

Représentant : Me Francis CAPDEVILA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 189 - N° du dossier 1803411

INTIMEE ASSIGNATION REMIS A PERSONNE MORALE le 05.09.2018

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 7]

énal, [Adresse 7]

[Localité 3]

Représentant : Me Alain FRICAUDET de la SCP FRICAUDET & LARROUMET, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 706 - N° du dossier 1176

INTIME

CAISSE NATIONALE MILITAIRE DE SÉCURITÉ SOCIALE

[Adresse 4]

[Localité 4]

INTIMEE ASSIGNATION REMIS A PERSONNE HABILITEE le 06.09.2018

MUTUELLE DES SAPEURS POMPIERS DE PARIS

[Adresse 3]

[Localité 8]

INTIMEE ASSIGNATION REMIS A PERSONNE MORALE le 06.09.2018

Groupement BRIGADE DES SAPEURS POMPIERS DE PARIS

[Adresse 5]

[Localité 5]

INTIMEE ASSIGNATION REMIS A PERSONNE MORALE le 06.09.2018

LE PREFET DE POLICE DE PARIS

[Adresse 8]

[Localité 2]

Représentant : Me Ali SAIDJI de la SCP SAIDJI & MOREAU, Postulant, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J076 -

Représentant : Me Sandra MORIN de la SCP SAIDJI ET MOREAU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCEDURE

Le 5 juillet 2010, vers 18 heures, à [Localité 12], M. [G] [Z], né le [Date naissance 4] 1979, qui circulait sur sa moto assurée auprès de la société GMF, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par M. [H] assuré auprès de la société Axa France Iard, lesquels contestent le droit à indemnisation.

M [Z] circulait [Adresse 10] sur la voie de gauche. M [H], au volant de sa Peugeot 207, circulait sur la même file, devant M.[Z]. Celui-ci a entrepris de dépasser M. [H] par la gauche au niveau de l'intersection alors que M. [H] souhaitait tourner à gauche. M [Z], éjecté de sa moto, a été projeté contre un poteau.

Par ordonnance en date du 24 septembre 2014, le juge des référés a désigné en qualité d'expert le docteur [M]. L'expert a rendu son rapport le 8 avril 2015.

Par actes du 11 février 2016, M [Z] et Mme [L] ont assigné M.[H], la société Axa France Iard, l'agent judiciaire de l'Etat, le préfet de préfet de police de Paris, la mutuelle des sapeurs pompiers de Paris et la caisse nationale militaire de sécurité sociale devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement réputé contradictoire du 21 juin 2018, le tribunal a :

- dit que le véhicule conduit par M. [H] et assuré par la société Axa France Iard est impliqué dans l'accident du 5 juillet 2010

- dit que la faute commise par M. [Z] exclut son droit à indemnisation

- débouté M [Z] de toutes ses demandes

- débouté l'agent judiciaire de l'Etat et le préfet de police de Paris de leurs demandes

- déclaré le jugement commun à la caisse nationale militaire de sécurité sociale

- condamné M [Z] aux dépens qui comprendront les frais d'expertise

- rejeté pour le surplus.

Par actes des 10 juillet et 3 août 2018 , M [Z] et Mme [L] puis le préfet de police de Paris ont interjeté appel de cette décision.

Les deux instances ont été jointes par ordonnance du 11 mars 2019.

M.[Z] et Mme [L] demandent à la cour, par dernières écritures du 26 février 2019, de :

- ordonner la jonction de la présente procédure avec celle pendante devant la 3ème chambre de la cour d'appel de Versailles sous le numéro de RG 18/05678,

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger que M [Z] bénéficie d'un droit à indemnisation de ses préjudices,

En conséquence :

- condamner in solidum Axa et M. [H] à verser à M [Z] :

frais d'assistance à tierce personne avant consolidation35 064,79 euros

indemnisation de sa perte de gains professionnels actuels, arrêtée après déduction de la créance des tiers payeurs 6 438,18 euros

perte de gains professionnels futurs 95 431,42 euros

incidence professionnelle 479 459,37 euros

déficit fonctionnel permanent 59 500 euros

déficit fonctionnel temporaire 20 739,80 euros

préjudice esthétique temporaire 5 000 euros

préjudice esthétique permanent 10 000 euros

souffrances endurées 25 000 euros

préjudice d'agrément 25 000 euros

frais d'adaptation du véhicule 18 020,40 euros

- condamner in solidum les mêmes à lui verser la somme de 19 479,88 euros au titre de l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs jusqu'en 2020,

- réserver l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs de M [Z] découlant le cas échéant du non renouvellement de son contrat à compter de 2020,

- condamner Axa à verser à Mme [L] une indemnité de :

15 000 euros en réparation de son préjudice moral

20 000 euros en réparation de ses troubles dans les conditions d'existence

2 898 euros au titre de son préjudice matériel

- condamner Axa à verser à Mme [L] et M [Z] en qualité de représentants légaux de leurs enfants [P] et [E] les sommes de 10 000 euros en réparation de leurs troubles dans les conditions d'existence et de 5 000 euros en réparation de leurs préjudices moraux respectifs,

En tout état de cause,

- condamner Axa à verser à M. [Z] et Mme [L] la somme de 5 000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- statuer ce que de droit s'agissant des demandes de l'agent judiciaire de l'Etat et du préfet de police de Paris;

- débouter Axa de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions à l'égard de

M. [Z] et Mme [L],

- condamner Axa aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières écritures du 22 février 2019, le préfet de police de Paris demande à la cour de :

- ordonner la jonction de la présente instance avec celle pendante devant la 3ème chambre de la cour d'appel de Versailles sous le numéro de RG 18/05678,

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

Statuant à nouveau,

- dire que M. [Z] a droit à l'indemnisation de l'intégralité des préjudices liés à l'accident dont il a été victime le 5 juillet 2010,

- condamner in solidum M. [H] et la société Axa France Iard à verser au préfet de police la somme de 140 611,86 euros au titre des prestations prises en charge du fait de l'accident de M. [Z],

- juger que cette somme devra porter intérêts de droit à compter de la première demande pour les prestations servies antérieurement à celle-ci et à partir de leur règlement pour les débours effectués postérieurement,

- réserver les droits du préfet de police quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement,

- condamner in solidum M. [H] et Axa à lui verser l'indemnité forfaitaire de gestion d'un montant de 1 047 euros en application de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale et de l'arrêté ministériel du 21 décembre 2015,

- condamner in solidum les mêmes à lui verser la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et celle de 2 000 euros au titre de la procédure d'appel.

- condamner in solidum les mêmes aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct

Par dernières écritures du 8 janvier 2019, M. [H] et Axa demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ces dispositions

- le confirmer en ce qu'il a débouté le préfet de police de Paris et l'agent judiciaire de l'Etat de toutes leurs demandes

- condamner le Préfet de police de Paris à payer à Axa la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- 'les' condamner aux dépens avec recouvrement direct

A titre très subsidiaire :

- juger que M. [Z] a commis une faute de nature à réduire de 80% son droit à indemnisation,

- évaluer le préjudice corporel de M [Z], après partage et déduction de la créance des tiers payeurs à la somme de :

assistance par tierce personne temporaire4 692 euros

incidence professionnelle

8 000 euros, avant imputation des créances des tiers payeurs

déficit fonctionnel permanent

7 980 euros, avant imputation des créances des tiers payeurs

déficit fonctionnel temporaire 3 466,70 euros

souffrances endurées3 200 euros

préjudice esthétique temporaire240 euros

préjudice esthétique permanent500 euros

préjudice d'agrément2 000 euros

frais de véhicule adapté1 588,71 euros

- évaluer le préjudice moral de Mme [L], après partage, à la somme de 1 000 euros,

- évaluer le préjudice matériel de Mme [L], avant réduction, à la somme de 579,60 euros,

- évaluer le préjudice moral de chacun des enfants, après partage, à la somme de 500 euros,

- juger que la société Axa ne pourra être condamnée à verser à l'agent judiciaire de l'Etat une somme supérieure à 15 639,47 euros,

- débouter M. [Z], Mme [L], l'agent judiciaire de l'Etat et M le préfet de police de Paris du surplus de leurs demandes,

- ramener à de plus justes proportions les sommes sollicitées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CNMSS, à la mutuelle des sapeurs-pompiers de Paris et à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris.

Par dernières écritures du 28 novembre 2018, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour de :

- le recevoir en son appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en qu'il a exclu M. [Z] du droit à indemnisation, et M. [H] et sa société d'assurance de l'obligation à réparation,

- recevoir l'agent judiciaire de l'Etat, représentant l'Etat, en son intervention, et son appel incident,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de toutes ses demandes, et, statuant à nouveau,

- condamner M. [H] et Axa in solidum, à régler à l'Etat, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, la somme de 150 780,75 euros imputables sur l'indemnisation des pertes de gains professionnels, celle de l'incidence professionnelle et celle du déficit fonctionnel permanent de M. [Z], avec intérêts au taux légal à compter de la signification, le 7 novembre 2016, de ses conclusions au fond n°1 devant le tribunal,

- condamner M. [H] et Axa in solidum, à verser à l'Etat, représenté par l'agent judiciaire de l'Etat, la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes in solidum, aux entiers dépens, avec recouvrement direct.

La Caisse nationale militaire de sécurité sociale, la Mutuelle des sapeurs pompiers de [Localité 3] et la Brigade des sapeurs pompiers de [Localité 3] n'ont pas constitué avocat. La déclaration d'appel leur a été signifiée par actes des 5 et 6 septembre 2018.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 octobre 2019.

SUR QUOI LA COUR

Le tribunal a jugé qu'en fonction des déclarations opposées des deux conducteurs sur le clignotant du véhicule de M. [H], il ne pouvait être reproché à M.[Z] d'avoir entrepris le dépassement de M. [H].

Il a pareillement écarté le reproche tiré d'une vitesse excessive, aucun élément objectif ne permettant de déterminer la vitesse à laquelle M.[Z] circulait.

Le tribunal a en revanche jugé qu'il ressortait du procès-verbal de police que le point de choc se situait sur la ligne continue de sorte que M.[Z] était en train de franchir cette ligne continue pour entreprendre le dépassement de M.[H], ce qui constituait une première faute.

Les premiers juges ont également retenu que M.[Z] effectuait un dépassement aux abords d'une intersection, ce qui est prohibé par l'article R414-11 du code de la route, et que, se trouvant sur une file qui permettait soit d'aller tout droit, soit de tourner à gauche, il aurait dû être particulièrement vigilant concernant le véhicule le précédant, ce qui constituait une seconde faute.

Le tribunal en a déduit que si M.[Z] n'avait pas franchi la ligne continue et n'avait pas doublé dans une intersection, l'accident ne se serait pas produit et que ces deux fautes, cause exclusive de l'accident, avaient pour effet d'exclure l'indemnisation des dommages.

Les appelants reprochent au tribunal d'avoir exclu le droit à indemnisation en se fondant sur le fait que les fautes qu'il retenait étaient la cause exclusive de l'accident

alors que seule la gravité de ces fautes doit être prise en compte.

Ils affirment que le tribunal n'a pas, à raison, retenu l'excès de vitesse et le défaut de maîtrise dont la société Axa faisait état, mais que c'est à tort qu'ont été imputées à M.[Z] deux fautes.

S'agissant du franchissement de la ligne continue, M.[Z] fait valoir que la reconstitution de l'accident par le Centre de recherche et de formation automobile pour les garages et les experts du secteur automobile ( le CESVI) démontre qu'il se trouvait sur sa voie de circulation, et en tout état de cause qu'il effectuait son déplacement bien après la zone de la ligne continue, laquelle se trouve bien avant le passage piéton. Il ajoute que la manoeuvre de M. [H] est illicite puisqu'il allait emprunter un sens interdit.

Quant au dépassement à l'approche d'une intersection, M.[Z] soutient que l'article R414-11 du code de la route n'interdit nullement le dépassement puisque les véhicules venant de la [Adresse 9] devaient s'arrêter au Stop. Il ajoute que c'est la manoeuvre intempestive et interdite de M. [H] qui l'a empêché de réagir en freinant ou en tentant toute manoeuvre d'évitement, et qui est par là même à l'origine de l'accident dont il a été victime.

Le préfet de police de Paris développe les mêmes observations que M.[Z] et Mme [L] quant au fait que les conditions permettant une réduction voire une exclusion du droit à indemnisation de la victime ne sont pas réunies. Il rappelle que lorsque les circonstances de l'accident ne sont pas clairement établies, ce qui est le cas en l'espèce, aucune faute ne peut être caractérisée à l'encontre du conducteur victime. Il ajoute que les prétendues fautes évoquées par Axa n'ont pas eu de rôle causal dans la survenance de l'accident, dans la mesure où celui-ci est survenu du seul fait du changement de direction de M. [H].

M. [H] et son assureur font valoir que si, comme le soulignent les appelants, le juge n'avait pas à rechercher si la faute du conducteur victime était la cause exclusive du dommage, le seul critère d'appréciation possible étant celui du degré de gravité de la faute du conducteur victime, il n'en demeure pas moins que la cour confirmera la décision entreprise dés lors que les fautes commises par la victime ont indiscutablement participé à la réalisation de son préjudice et sont, par leur gravité et leur conjonction, de nature à exclure son droit à indemnisation.

La société Axa et M. [H] affirment que la rue dans laquelle ce dernier allait s'engager n'était nullement en sens interdit à l'époque de l'accident. Ils soulignent que le véhicule étant à l'arrêt, au milieu du carrefour, M.[Z] aurait dû avoir son attention attirée sur la manoeuvre projetée par l'automobiliste et ne pas envisager un dépassement hasardeux par la gauche, alors qu'il avait tout le loisir de doubler le véhicule par la droite, comme l'y oblige dans cette circonstance l'article R.414-6-II du code de la route. Ils affirment par ailleurs que compte tenu de la configuration des lieux et de la position du véhicule de M. [H], arrêté sur le bord gauche de la voie de circulation, M.[Z] qui a reconnu doubler la voiture dans l'intersection, a nécessairement franchi la ligne continue. Enfin, ils soulignent que si la preuve d'un excès de vitesse n'est pas rapportée, celle d'une vitesse inappropriée est, quant à elle, parfaitement établie puisque la vitesse de 40 km /h, estimé par le CESVI est encore trop élevée aux abords d'un carrefour comportant plusieurs voies de circulation et des passages protégés.

* * *

Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice. Il appartient au juge d'apprécier si cette faute a pour effet de limiter l'indemnisation ou de l'exclure

La faute de la victime ayant contribué à la réalisation de son préjudice doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de l'autre conducteur du véhicule impliqué dans l'accident. Les juges du fond n'ont pas à rechercher, pour exclure son droit à indemnisation, si la faute du conducteur victime est la cause exclusive de l'accident mais doivent seulement examiner si cette faute a contribué à la réalisation de son préjudice et apprécier sa gravité afin de réduire ou exclure son droit à indemnisation.

Ainsi, si le tribunal ne pouvait pas, pour exclure le droit à indemnisation de M.[Z], se fonder sur le fait que les deux fautes qu'il retenait à son encontre avaient été la cause exclusive de l'accident, M. [H] et son assureur font observer à raison que la conclusion à laquelle le tribunal est parvenu pourrait être identique en se fondant non pas sur le lien de causalité mais sur la gravité des fautes commises, qu'il appartient donc à la cour d'apprécier .

A titre liminaire, la cour retient les éléments suivants, contenus dans les procès-verbaux établis par les services de police [1] et les rapports d'accidentologie versés aux débats :

- la rue dans laquelle M. [H] s'apprête à s'engager n'est à l'évidence pas en sens interdit à la date des faits

- l'accident s'est produit sur le trajet qu'emprunte M.[Z] de son lieu de travail à son domicile, ce qui permet de retenir qu'il connaît les particularités de la [Adresse 10], spécialement l'intersection à gauche avec la [Adresse 9] puis à droite avec deux autres rues, le marquage au sol d'une ligne continue et la présence d'un

passage protégé juste avant l'intersection avec la [Adresse 9]

- le scooter que pilote M.[Z] est un scooter de grosse cylindrée, un Honda Silver Swing 600, donc capable de fortes accélérations ( page 13 du rapport de M.[Q])

- aucune trace de freinage n'a été relevée au sol

- contrairement à ce qui est soutenu par le préfet de police de Paris, les circonstances de l'accident ne sont nullement indéterminées

La [Adresse 10] dans laquelle circulaient M. [H] et M.[Z] comporte trois voies de circulation :

- une en sens inverse allant vers [Localité 13],

- une allant vers le centre-ville de [Localité 12], sur le côté gauche, qui permet soit d'aller tout droit, soit de tourner à gauche, dans la [Adresse 9],

- une allant vers le centre-ville de [Localité 12] permettant, soit d'aller tout droit, soit d'aller à droite.

Le véhicule de M. [H] se trouvait devant celui de M.[Z]. M. [H] a souhaité, au niveau de l'intersection, tourner à gauche pour emprunter la [Adresse 9].

C'est à bon droit que le tribunal a jugé que du fait des déclarations contraires des deux conducteurs et en l'absence de témoin déclaré, on ignore si M. [H] avait actionné son clignotant pour indiquer qu'il allait tourner.

La vitesse maximale autorisée est de 50 km/h. Consulté par l'assureur de M. [H], l'accidentologue M. [Q] a estimé que la vitesse de M.[Z] était comprise entre 50 et 60 km/h. Le Cesvi l'a, pour sa part, évaluée entre 35 et 42 km/h.

Si le tribunal a jugé à raison qu'il ne disposait d'aucun élément objectif lui permettant de retenir que M.[Z] conduisait à une vitesse excédant celle autorisée, la cour rappelle toutefois qu'il appartient à tout conducteur d'adapter sa vitesse aux conditions de la circulation, et qu'au cas présent l'accident s'est produit en ville, un jour de semaine, vers 18 heures, M. [H] précisant dans son audition du 6 juillet 2010 que le trafic était assez dense.

Les photographies des lieux permettent de retenir qu'une ligne continue interdit aux conducteurs qui circulent dans la [Adresse 10] de se trouver sur la voie de ceux qui circulent en direction opposée. Cette ligne continue se prolonge jusqu'au passage protégé. Au delà de ce passage protégé, la ligne devient discontinue, pour permettre aux automobilistes qui le souhaitent de tourner à gauche, comme le faisait M. [H].

M.[Z] soutient qu'à l'endroit où le choc s'est produit, la ligne n'était plus continue. Pourtant, lorsqu'il entreprend le dépassement de M. [H], sa manoeuvre débute nécessairement en amont du point de choc, en se déportant sur la ligne continue qu'il ne peut pas ne pas avoir franchie.

Si on suit le raisonnement de M.[Z] et qu'on admet qu'au moment où il entreprend le dépassement de M. [H], la ligne a cessé d'être continue, il faut alors en déduire que son dépassement a débuté sur le passage protégé, ce qui est excessivement dangereux, et alors que le véhicule de M. [H] est soit arrêté ( ce que celui-ci soutient, précisant qu'il dû, avant de tourner, laisser passer un véhicule venant en sens opposé ) soit fortement ralenti avec son avant déjà orienté vers la gauche, de sorte que le dépasser à cet instant est également très dangereux.

M.[Z] ne peut valablement soutenir qu'il se trouvait sur une file qui ne permettait que d'aller tout droit, de sorte que la signalisation ne lui interdisait nullement

d'effectuer le dépassement du véhicule de M. [H] puisque la [Adresse 9] n'est pas en sens interdit.

Ainsi, M.[Z] a commis deux très graves fautes de conduite : le franchissement d'une ligne continue et un dépassement dangereux à hauteur d'une intersection et d'un passage protégé, ayant contribué à la réalisation de son préjudice.

La gravité de ces fautes et leur conjonction conduisent à exclure son droit à indemnisation.

Pour ce motif, se substituant à celui des premiers juges, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Le présent arrêt sera déclaré commun à la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, à la Mutuelle des sapeurs-pompiers de [Localité 3] et à la brigade des sapeurs-pompiers de [Localité 3].

Le préfet de police de Paris et les consorts [Z]-[L], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel avec recouvrement direct.

Le préfet de police de Paris versera à la société Axa la somme de 3000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt réputé contradictoire

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Y ajoutant

Condamne le préfet de police de Paris à payer à la société Axa France Iard la somme de

3000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne le préfet de police de Paris, M. [Z] et Mme [L] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise BAZET, Conseiller pour le Président empêché, et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Conseiller pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04856
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°18/04856 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;18.04856 ?
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