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23/01/2020 | FRANCE | N°18/04631

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 23 janvier 2020, 18/04631


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50G



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 JANVIER 2020



N° RG 18/04631



- N° Portalis DBV3-V-B7C-SPSJ



AFFAIRE :



[N] [E] [P] épouse [N]

...



C/

[V] [X] épouse [S]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2



N° RG : 1

4/11164



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES







Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES





RÉPUBLIQUE FRANÇA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 JANVIER 2020

N° RG 18/04631

- N° Portalis DBV3-V-B7C-SPSJ

AFFAIRE :

[N] [E] [P] épouse [N]

...

C/

[V] [X] épouse [S]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 14/11164

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Anne-laure DUMEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [E] [P] épouse [N]

née le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 1] (Brésil)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019969 -

Représentant : Me Sabine LIPOVETSKY de la SELARL HARLAY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0449

Monsieur [M] [J] [X] [N]

né le [Date naissance 2] 1944 à [Localité 3] (Maroc)

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Isabelle DELORME-MUNIGLIA de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 - N° du dossier 019969 -

Représentant : Me Sabine LIPOVETSKY de la SELARL HARLAY AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0449

APPELANTS

****************

Madame [V] [X] épouse [S]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentant : Me Johanne ZAKINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0145 -

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42396

Monsieur [A] [O] [S]

[Adresse 2]

[Adresse 3]

Représentant : Me Johanne ZAKINE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0145 -

Représentant : Me Anne-laure DUMEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 628 - N° du dossier 42396

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Madame Françoise BAZET, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

FAITS ET PROCEDURE

M. et Mme [S] sont propriétaires d'un bien composé de plusieurs lots, composant une maison d'habitation sur un terrain, située au [Adresse 4].

Par mandat exclusif du 20 juillet 2013, ils ont confié la vente de ce bien à l'agence Emile Garcin pour un prix de 3 300 000 euros, dont 3 274 000 euros revenant aux vendeurs.

Mme [O], agent immobilier de l'agence Domus, a souhaité faire visiter ce bien à des personnes intéressées, et est entrée en relation dans ce but à compter du 8 octobre 2013 avec l'agence Emile Garcin. Une première visite a eu lieu le 10 octobre 2013 avec M. et Mme [N].

M. et Mme [N] sont alors entrés en pourparlers avec M. et Mme [S].

A l'issue des négociations, l'offre établie le 31 janvier suivant par M. et Mme [N] a été acceptée par M. et Mme [S], soit 2 700 000 euros, frais d'agence inclus.

Le 5 février 2014, un projet de promesse unilatérale de vente notariée était adressé par Maître [L], le notaire des vendeurs, au notaire des acquéreurs, Maître [E].

En dépit d'une difficulté survenue portant sur l'insertion d'une clause de renonciation à la condition suspensive d'obtention d'un prêt, M. et Mme [N] et M. et Mme [S] ont signé la promesse de vente le 14 février 2014.

Le 3 juillet suivant, M. et Mme [N] ont informé les vendeurs du refus des banques de leur accorder le prêt sollicité et ont sollicité une prorogation du délai de réalisation de la promesse. Celle-ci leur a été accordée, par avenant du 23 juillet 2014 jusqu'au 29 août 2014.

Le 2 août suivant, M. et Mme [N] ont renoncé à l'acquisition en l'absence d'acceptation par une banque de financer le prêt sollicité pour la réalisation de leur projet immobilier.

Ils ont sollicité en conséquence la restitution de l'indemnité d'immobilisation par courrier du même jour, à laquelle se sont opposés M. et Mme [S].

Par acte d'huissier du 26 septembre 2014, M.et Mme [N] ont assigné M. et Mme [S] devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement du 12 avril 2018, le tribunal a :

- dit que la promesse de vente signée le 14 février 2014 n'est pas entachée de nullité pour vice de consentement,

- dit que la faculté de renonciation a été régulièrement stipulée à l'offre conformément aux dispositions légales et sans fraude à la loi,

- ordonné en conséquence la libération de la somme de 129 600 euros détenue à titre d'indemnité d'immobilisation, entre les mains de Maître [E], notaire, ou tout notaire désigné comme séquestre de cette somme, au profit de M. et Mme [S], dans les 15 jours de la signification du jugement,

- condamné M. et Mme [N] à payer à M. et Mme [S] la somme de

129 600 euros dû au titre du solde de l'indemnité d'immobilisation, outre intérêts au taux légal à compter du jugement,

- débouté M.et Mme [S] de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires,

- condamné M. et Mme [N] à payer à M. et Mme [S] la somme de

7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

- rejeté pour le surplus,

- rejeté la demande d'exécution provisoire.

Par acte du 2 juillet 2018, M. et Mme [N] ont interjeté appel et demandent à la cour, par dernières écritures du 25 mars 2019 de :

A titre principal

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris

- constater que M.et Mme [S] avaient connaissance lors de la signature de la

promesse unilatérale de vente de leur volonté de recourir à un prêt pour financer l'achat de la maison située au [Adresse 4]

- juger que la promesse de vente est nulle en raison du vice de consentement de M.et Mme [N]

Par conséquent

- ordonner à M.et Mme [S] de restituer le montant de l'indemnité d'immobilisation déjà versé de 129 600 euros

A titre subsidiaire

Dans le cas où la cour ne retiendrait pas la nullité de la promesse unilatérale de vente:

- constater que des demandes de prêts ont été déposées diligemment pendant la durée de promesse unilatérale de vente,

- juger que les dispositions de l'article L. 312-15 du code de la consommation n'ont

pas été respectées et que la promesse doit être considérée comme conclue sous

condition suspensive

- juger, en toutes hypothèses, que ladite promesse doit être considérée comme conclue sous la condition suspensive d'obtention d'un prêt en raison d'une fraude à la loi tendant à écarter les dispositions protectrices relatives au crédit immobilier

- juger que dès lors qu'ils n'ont pas obtenu de prêt, la condition suspensive de

l'obtention d'un prêt est défaillie et ladite promesse caduque,

- juger que l'indemnité d'immobilisation doit leur être intégralement restituée et qu'elle est productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié.

Par conséquent

- ordonner à M.et Mme [S] de restituer l'indemnité d'immobilisation déjà versée de 129 600 euros augmentée des intérêts légaux majorés de moitié conformément à l'article L. 312-16 al. 2 du code de la consommation échus depuis le 17 août 2014 jusqu'au parfait paiement sous huit jours à compter du prononcé de la décision à intervenir.

En tout état de cause :

- débouter M.et Mme [S] de toutes leurs demandes formulées à titre d'appel incident

- condamner M.et Mme [S] à leur payer la somme de 15 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Par dernières écritures du 29 août 2019, M. et Mme [S] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la promesse de vente conclue le 14 février 2014 n'est pas entachée de nullité pour vice du consentement et que la faculté de renonciation a été régulièrement stipulée à l'offre conformément aux dispositions légales et sans fraude à la loi.

Subsidiairement, dans l'hypothèse où la clause serait jugée nulle et que la promesse serait réputée conclue sous la condition suspensive d'un prêt :

- juger que la condition suspensive de prêt est réputée accomplie, les bénéficiaires, en ayant empêché l'accomplissement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la libération de la somme de 129 600 euros détenue à titre d'indemnité d'immobilisation au profit de M et Mme [S], dans les 15 jours de la signification de l'arrêt

- condamner M.et Mme [N] à leur payer la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

- débouter, en toutes hypothèses, M. et Mme [N], de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

Y ajoutant,

- déclarer M et Mme [S] recevables et bien fondés en leur appel incident,

En conséquence,

- condamner M. et Mme [N] à payer les intérêts légaux majorés sur la somme de 259 200 euros suivant l'article L313-2 du code monétaire et financier, et les arrêtés pris en application de ce texte, à compter du 17 août 2014 jusqu'au parfait paiement,

- condamner M.et Mme [N] au paiement d'une indemnité complémentaire de 30 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'exécution déloyale de la promesse de vente et de la perte de chance d'avoir pu vendre le bien immobilier à un prix équivalent à un autre acquéreur,

- condamner M. et Mme [N] au paiement d'une indemnité de

10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel avec recouvrement direct.

Postérieurement à l'ordonnance de clôture et par écritures du 13 novembre 2019, M et Mme [S] ont demandé à la cour de :

- rejeter des débats les conclusions signifiées par les appelants le 25 septembre 2019 et les pièces signifiées et communiquées tardivement,

Subsidiairement, renvoyer l'affaire à la mise en état pour fixation d'une date de clôture et de plaidoiries.

Par écritures du 20 novembre 2019, M et Mme [N] demandent de débouter purement et simplement M et Mme [S] de leur demande de rejet des écritures et pièces signifiées le 25 septembre 2019.

L'incident a été joint au fond.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2019.

SUR QUOI LA COUR

Sur la demande de rejet des écritures de l'appelante

Aux termes de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du même code prévoit que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Le calendrier de la procédure a été établi par le magistrat de la mise en état le 9 avril 2019, fixant la date de clôture au 26 septembre 2019. M.et Mme [S] ont conclu pour la dernière fois le 29 août 2019.

M.et Mme [N] ont signifié leurs conclusions le 25 septembre 2019.

Il est certain que M.et Mme [S] ne pouvaient en prendre utilement connaissance et encore moins y répondre avant le 26 septembre.

En conséquence, en application des dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile, il convient de rejeter des débats les conclusions signifiées par M.et Mme [N] le 25 septembre 2019 et la pièce n°65 communiquée avec ces conclusions.

La cour statuera donc sur les conclusions de M.et Mme [N] du 25 mars 2019.

Au fond

Après avoir rappelé et examiné par le détail les nombreux échanges entre les parties, leurs notaires et Mme [O] détentrice d'un 'inter mandat' consenti par l'agence Emile Garçin, observant que si M.et Mme [N] font état de plusieurs griefs à l'égard de cette dernière ils avaient fait le choix de ne pas l'attraire dans la cause, le tribunal a jugé qu'il n'était nullement démontré de manoeuvres et de pressions de la part de M.et Mme [S] qui auraient pu conduire M.et Mme [N] à consentir à la promesse de vente telle que rédigée. Le tribunal en a déduit que le consentement de M.et Mme [N] n'avait pas été vicié.

C'est à bon droit et à la faveur de motifs pertinents méritant adoption par la cour que les premiers juges ont conclu à l'absence d'atteinte au consentement de M.et Mme [N], dont il convient de rappeler qu'ainsi que l'illustrent les nombreuses pièces versées aux débats par les intimés, tous deux sont des architectes de renommée internationale, offrant peu de prise à des tentatives de pression.

Les moyens développés par les appelants quant à l'atteinte à leur consentement ne font que réitérer ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts que la cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

A M.et Mme [N] qui soutenaient que les dispositions de la promesse étaient contraires à la loi puisque ne précisant pas les moyens financiers utilisés pour procéder à l'achat du bien, le tribunal a répondu que dés lors qu'ils faisaient le choix de ne pas recourir à un prêt, la loi ne leur faisait pas obligation de préciser les moyens utilisés au financement de leur acquisition et qu'en renonçant au bénéfice de la condition suspensive, ils faisaient part de leur capacité à payer le prix sans recours à un emprunt bancaire.

Les appelants font observer que si l'acquéreur entend renoncer au bénéfice de la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, l'article L312-17 du code de la consommation exige une mention manuscrite de la main des acquéreurs pour écarter les dispositions protectrices d'ordre public des articles L312-15 et L312-16 du même code. Ils font valoir qu'au cas présent, la mention de leur renonciation à la condition suspensive est dactylographiée, de sorte que la promesse doit être tenue comme conclue sous la condition suspensive de l'octroi d'un prêt.

M.et Mme [S] ne développent pas d'observation sur la pertinence de ce moyen.

La promesse unilatérale de vente porte la mention dactylographiée aux termes de laquelle 'le bénéficiaire déclare renoncer à la condition suspensive de la loi Scrivener, disposant des moyens financiers nécessaires pour le paiement du prix. Si contrairement à cette déclaration, il avait néanmoins recours à un tel prêt, il reconnaît avoir été informé qu'il ne pourrait, en aucun cas, se prévaloir des dispositions de ladite loi et notamment de la condition suspensive prévue aux articles L312-1 à L312-36 susvisés'.

Aux termes de l'article L312-15 du code de la consommation, l'acte écrit, y compris la promesse unilatérale de vente acceptée, ayant pour objet de constater l'une des opérations mentionnées à l'article L. 312-2, doit indiquer si le prix sera payé directement ou indirectement, même en partie, avec ou sans l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les sections 1 à 3 du chapitre II consacré au crédit immobilier.

L'article L 312-17 du même code, dans sa rédaction applicable à la promesse du 14 février 2014, dispose que 'lorsque l'acte mentionné à l'article L 312-15 indique que le prix sera payé sans l'aide d'un ou plusieurs prêts, cet acte doit porter, de la main de l'acquéreur, une mention par laquelle celui-ci reconnaît avoir été informé que s'il recourt néanmoins à un prêt il ne pourra se prévaloir du bénéfice des dispositions du présent chapitre. En l'absence de l'indication prescrite à l'article L 312-15 ou si la mention exigée au premier alinéa du présent article manque ou n'est pas de la main de l'acquéreur

( souligné par la cour) et si un prêt est néanmoins demandé, le contrat est considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un ou plusieurs prêts'.

Il convient de constater au cas présent que la mention prévue à l'article L312-17 du code de la consommation dans le cas où l'acquéreur d'un immeuble indique financer son acquisition sans avoir recours à un prêt, n'a pas été apposée de la main des acquéreurs sur la promesse de vente signée par les parties le 14 février 2014.

Il y a lieu de rappeler que les dispositions précitées relèvent de l'ordre public de protection et qu'il ne peut y être dérogé. Il importe peu que la promesse de vente ait été conclue par un acte notarié, les textes précités ne faisant aucune distinction suivant la nature de l'acte. Il appartenait au notaire de laisser aux acquéreurs rédiger de leur propre main la mention exigée.

Il en découle que l'acte doit être considéré comme conclu sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt et, faute de toute indication sur la durée de cette condition suspensive, celle-ci est réputée avoir la même durée que la promesse elle-même, soit jusqu'au 29 août 2014, du fait de la prorogation accordée par l'avenant du 23 juillet 2014.

En l'absence de toute précision portée à la promesse quant au montant emprunté, à la durée du prêt et à son taux, il appartient à M.et Mme [N], pour pouvoir invoquer la défaillance de la condition suspensive, de justifier qu'ils ont sollicité un prêt pour le financement de leur acquisition avant le 29 août 2014 et ne l'ont pas obtenu.

Dés la conclusion de la promesse de vente, et alors qu'ils avaient déjà consulté des établissements bancaires avant celle-ci, M.et Mme [N] ont entrepris des démarches en vue d'obtenir un prêt relais, comptant vendre le bien qu'ils possèdent situé à [Adresse 5]. Ce bien avait été estimé entre 3 800 000 et 4 000 000 euros en février 2013. Ils ont relancé à cette fin les banques HSBC et Maurel en février 2014. Ils ont obtenu un rendez-vous le 12 février 2014 avec la banque HSBC, qui envisageait, au vu de l'estimation, de constituer un dossier pour l'obtention d'un prêt relais de 2 700 000 euros sur une période de 12 mois. La banque HSBC a indiqué pour sa part, dans un courrier du 19 mai 2015, avoir reçu un dossier complet mais que du fait de la nouvelle évaluation de leur bien qui devait servir de garantie, la demande de M.et Mme [N] n'avait pu aboutir. Le représentant de la Banque Maurel a relaté un parcours identique dans un courrier du 16 juin 2015 ( pièces 24 et 9).

M.et Mme [N] justifient en effet qu'en 2013 et 2014, la valeur des biens immobiliers de luxe a connu une chute importante. Le 24 juin 2014, l'agence Vanneau, qui avait estimé en 2013 le bien avenue de Suffren entre 3 800 000 et 4 000 000 euros, les informait qu'en l'état du marché immobilier haut de gamme parisien, la valeur de leur bien se situait désormais en dessous de 2 500 000 euros.

M.et Mme [N] ont alors demandé à la Banque Maurel d'étudier un montage mixte, avec un crédit relais de 1 5000 000 euros avec la garantie de leur bien et un prêt immobilier complémentaire de 1 200 000 euros garanti par le bien d'[Localité 4] (pièce n°30) qui n'a pas eu de suite positive. Saisie d'une demande semblable, la société HSBC l'a rejetée le 11 juillet 2014 ( pièce n°35).

Le 10 juillet 2014, M.et Mme [N] ont également saisi la Banque Palatine d'une demande identique ( pièce n°34) qui a été rejetée le 29 juillet 2014.

Il est donc amplement justifié par les appelants que ceux-ci ont sollicité plusieurs prêts - alors qu'ils n'étaient tenus que d'en solliciter un seul - et ne les ont pas obtenus.

Les nombreux échanges entre les parties montrent qu'à l'évidence M.et Mme [N] - qui aux termes mêmes des conclusions des intimés avaient fait 'visiter à plusieurs reprises la maison à des membres de leur famille, des amis et à différentes entreprises en prévision de leurs travaux d'aménagement' - étaient très désireux d'acquérir le bien. M.et Mme [S] ne peuvent dont être suivis lorsqu'ils les accusent d'avoir sciemment sous évalué leur patrimoine immobilier et d'avoir fait preuve de déloyauté.

Il y a donc lieu de juger en conséquence que la condition suspensive de l'obtention d'un prêt est défaillie et que la promesse est caduque. Les appelants sont dés lors fondés à demander la restitution de l'indemnité d'immobilisation, soit la somme de 129 600 euros, au paiement de laquelle seront condamnés M.et Mme [S].

L'article L312-16 du code de la consommation disposait qu'à compter du quinzième jour suivant la demande de remboursement,l'indemnité était productive d'intérêts au taux légal majoré de moitié. Toutefois ces dispositions ont été abrogées à compter du 1er juillet 2016. Il y a donc lieu de dire que la somme de 129 600 euros produira intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 12 octobre 2014, soit 15 jours après la délivrance de l'assignation du 26 septembre 2014, puis au taux légal à compter du 1er juillet 2016.

Le jugement sera en conséquence infirmé en toutes ses dispositions.

M.et Mme [S], qui succombent, seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel.

Il n'y a pas lieu en équité de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M.et Mme [N].

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par arrêt contradictoire

Ecarte des débats les conclusions signifiées par M.et Mme [N] le 25 septembre 2019 ainsi que leur pièce n°65.

Infirme le jugement en toutes ses dispositions.

Statuant à nouveau

Condamne M.et Mme [S] à restituer à M.et Mme [N] la somme de 129 600 euros.

Dit que cette somme produira intérêts au taux légal majoré de moitié à compter du 12 octobre 2014 puis au taux légal à compter du 1er juillet 2016.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne in solidum M.et Mme [S] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Françoise BAZET, Conseiller pour le Président empêché, et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Conseiller pour le Président empêché,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04631
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°18/04631 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;18.04631 ?
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