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23/01/2020 | FRANCE | N°18/04375

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 23 janvier 2020, 18/04375


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 JANVIER 2020



N° RG 18/04375



N° Portalis DBV3-V-B7C-SXCP



AFFAIRE :



SARL SOCIETE DE PROTECTION ET DE GARDIENNAGE



C/



U.R.S.S.A.F - [Localité 1] -









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de

VERSAILLES

N° RG : 17-01883





Copies exécutoires délivrées à :



Me Stéphanie ARENA



U.R.S.S.A.F - [Localité 1] -



Copies certifiées conformes délivrées à :



SARL SOCIETE DE PROTECTION ET DE GARDIENNAGE











le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAIS...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88G

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 JANVIER 2020

N° RG 18/04375

N° Portalis DBV3-V-B7C-SXCP

AFFAIRE :

SARL SOCIETE DE PROTECTION ET DE GARDIENNAGE

C/

U.R.S.S.A.F - [Localité 1] -

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES

N° RG : 17-01883

Copies exécutoires délivrées à :

Me Stéphanie ARENA

U.R.S.S.A.F - [Localité 1] -

Copies certifiées conformes délivrées à :

SARL SOCIETE DE PROTECTION ET DE GARDIENNAGE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SARL SOCIETE DE PROTECTION ET DE GARDIENNAGE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Stéphanie ARENA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 637

APPELANTE

****************

U.R.S.S.A.F - [Localité 1] -

Division Recours Amiables et Judiciaires

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par M. [E] [H] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Décembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Marie-José BOU, Présidente,

En présence de Mme Isolina DA SILVA, adjoint administratif faisant fonction de greffier ;

A la suite d'une commission rogatoire délivrée le 6 septembre 2007 par un juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire, un contrôle a été effectué le 17 mars 2008 par des services de police et des inspecteurs de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations [Localité 1], ci-après l'URSSAF, au sein de la société de Protection et de gardiennage, ci-après la société SPG. Un procès-verbal de travail dissimulé a été établi.

L'URSSAF a procédé à la vérification de l'application de la législation de la sécurité sociale concernant les infractions aux interdictions mentionnées aux articles L. 8221-1 et L. 8221-2 du code du travail pour la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Elle a adressé à la société SPG une lettre d'observations en date du 30 août 2010 faisant état d'un redressement de 1 087 972 euros par suite du constat de travail dissimulé par dissimulation partielle d'activité, outre la somme de 90 000 euros au titre de l'annulation des réductions Fillon.

Par lettre du 27 septembre 2010, le conseil de la société SPG a contesté les redressements envisagés en leur totalité. Le 5 juillet 2011, l'URSSAF a répondu maintenir ses constatations puis, par lettre du 21 juillet 2011, a notifié à la société SPG une mise en demeure de payer la somme de 1 177 972 euros outre la somme de 337 423 euros à titre de majorations de retard.

La société SPG a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF, ci-après la CRA, le 27 juillet 2011, laquelle, en sa séance du 21 novembre 2011, a rejeté le recours.

Par requête du 3 février 2012, enregistrée sous le n° 12-00226/V, la société SPG a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines, ci-après le TASS, en contestation du redressement.

Par ordonnance notifiée le 30 mai 2012, le président du TASS a ordonné la radiation de la procédure.

Par lettre du 13 mars 2017, la société SPG a de nouveau saisi la CRA aux fins d'obtenir le remboursement des cotisations versées par elle pour le montant de 1 177 972 euros en contestant le redressement, se prévalant notamment d'un jugement correctionnel rendu le 30 juin 2016 par le tribunal de grande instance de Versailles qui aurait relaxé son dirigeant de l'infraction de travail dissimulé courant 2003 à 2007, et la remise gracieuse des majorations de retard.

La CRA ayant, en sa séance du 25 septembre 2017, rejeté le recours portant sur le remboursement des cotisations acquitées, la société SPG a, par requête du 23 novembre 2017, enregistrée sous le numéro 17-01883/V, saisi le TASS d'un recours contre cette décision de la CRA.

La CRA ayant en outre également rejeté la demande de remise des majorations et pénalités selon décision notifiée le 9 novembre 2017, la société SPG a, par requête du 5 décembre 2017, enregistrée sous le numéro 17-01940/V, saisi le TASS d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 26 septembre 2018, le TASS a :

- ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numeros 17-01883 et 17-01940 ;

statuant sous le seul numéro 17-01883 ;

- déclaré recevables les contestations des décisions de la CRA en date des 25 septembre 2017 et 6 décembre 2017 ;

- rejeté l'action en répétition de l'indu ;

- rejeté la demande de remise des majorations de retard ;

- rejeté la demande de dommages-intérêts ;

- condamné la société SPG à payer à l'URSSAF la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par lettre recommandée du 10 octobre 2018, la société a relevé appel du jugement qui lui a été notifié par lettre du 26 septembre 2018.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 6 décembre 2019.

Aux termes de ses conclusions transmises le 13 novembre 2019, soutenues oralement à l'audience, la société SPG demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondée la société SPG en ses conclusions d'appel ;

- confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a ordonné la jonction des instances enregistrées sous les numéros 17-01883 et 17-0940 ;

statuant sous le seul numéro 17-01883,

- déclarer recevables les contestations des décisions de la CRA en date des 25 septembre 2017 et 6 septembre 2017 ;

- infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté l'action en répétition de l'indu et la demande de remise des majorations de retard ainsi que la demande de dommages et intérêts ;

- condamner l'URSSAF à payer à la société SPG la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- dire nul et de nul effet le redressement opéré par l'URSSAF par mise en demeure du 21 juillet  2011 du fait de l'absence d'infraction de travail dissimulé ;

vu l'article 1235 du code civil sur la répétition de l'indu,

- condamner l'URSSAF à rembourser à la société SPG la somme de 1 177 972 euros outre intérêts de retard au taux légal à compter du versement des sommes par la société SPG à l'URSSAF ;

- remettre la totalité des majorations de retard (436 805 euros au 9 novembre 2017) afférentes au redressement principal ;

subsidiairement

- condamner l'URSSAF à payer à la société SPG les sommes en principal de 1 177 972 euros outre intérêts de retard au taux légal à compter du versement des sommes par la société SPG à l'URSSAF ainsi qu'aux majorations de retard, soit la somme de 436 805 euros arrêtée au 9 novembre 2017 ;

- condamner l'URSSAF à payer à la société SPG une somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait du préjudice subi lié à l'empêchement du développement de l'entreprise ;

- condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'URSSAF conclut à la péremption de l'instance et au caractère définitif du redressement. Sous cette réserve, elle sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de la société SPG à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la recevabilité de la contestation du redressement

La société SPG estime être en droit de contester le redressement opéré par l'URSSAF. Elle s'oppose à la prétendue péremption de l'instance relative à la contestation du redressement soulevée par l'URSSAF au motif principal qu'en matière de sécurité sociale, seule la décision imposant une diligence à un plaideur fait courir le délai de péremption. Elle fait valoir que contrairement à ce qu'a retenu le TASS, sa saisine faite en novembre 2017 tenait lieu de reprise de l'instance radiée puisque portant sur des moyens similaires.

L'URSSAF soutient que le redressement est devenu définitif en raison de la péremption de l'instance en contestation du redressement, faute pour la société SPG de l'avoir réintroduite dans les deux ans de la notification de l'ordonnance de radiation, intervenue le 30 mai 2012, dès lors que le TASS n'a été saisi en contestation du redressement que le 23 novembre 2017.

Sur ce,

Il résulte de l'article 386 du code de procédure civile et de l'article R. 142-22 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur que l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir pendant un délai de deux ans les diligences expressément mises à leur charge par la juridiction.

En l'espèce, l'ordonnance notifiée le 30 mai 2012 dans la procédure n°12-00226/V se borne à ordonner la radiation de l'affaire sans fixer de diligence à la charge des parties. En conséquence, le délai de deux ans n'a pas couru et l'instance en contestation du redressement ne s'est pas trouvée éteinte par l'effet de la péremption.

En outre, contrairement à ce qu'a retenu le TASS, il apparaît que la saisine de cette juridiction par la société SPG faite le 23 novembre 2017 visait à contester le redressement opéré, comme le reconnaît d'ailleurs l'URSSAF, et constituait ce faisant une reprise de l'instance radiée.

Il s'ensuit que la société SPG est recevable en sa contestation du redressement.

Sur la demande d'annulation du redressement

Au soutien de cette demande, la société SPG invoque l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Elle prétend que par jugement du 30 juin 2016, le tribunal de grande instance de Versailles a définitivement relaxé son gérant, M. [W], pour la totalité des faits de travail dissimulé commis courant 2003 à 2007 qui lui étaient reprochés. Elle soutient que l'autorité de la chose jugée attachée à ce jugement s'étend à elle, personne morale, puisque sa responsabilité pénale peut être engagée en cas d'infraction commise pour son compte par son gérant. Elle fait également valoir que le numéro du procès-verbal du contrôle effectué le 17 mars 2008 ne lui a jamais été transmis par l'URSSAF, non plus que ce procès-verbal pour conclure à la nullité du redressement. Elle se fonde à cet effet sur l'article R. 243-59 III 2° du code de la sécurité sociale, le non-respect du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, invoquant aussi le manque de détails sur les motivations du redressement dans la lettre d'observations.

L'URSSAF s'oppose à la demande. Elle soutient le bien fondé du redressement qui résulte d'une minoration de la masse salariale, la société SPG ayant bénéficié d'emplois fournis par des sous-traitants sans en assumer les charges financières alors qu'elle gérait les embauches, agréments, plannings et disciplines de ces agents. Elle prétend que la relaxe de M. [W] ne concerne que son statut d'employeur de la société Ampro échafaudages et l'exercice d'une activité de gardiennage sans agrément pour cette même société et qu'il n'a pas été relaxé pour des faits de travail dissimulé s'agissant de la société SPG. Elle estime que le redressement est parfaitement justifié, au regard notamment des énonciations du jugement pénal. Elle fait valoir que si les officiers et agents de police judiciaire peuvent lui communiquer les procès-verbaux de travail dissimulé qu'ils ont établis, les membres de la CRA ne sauraient, en application de l'article 11 du code de procédure pénale, donner copie de tels procès-verbaux.

Sur ce,

Il résulte de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qu'entrent dans l'assiette de cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion de leur travail, notamment les salaires ou gains, les avantages en nature et les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

En application de l'article L. 311-2 du même code, sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat.

L'existence d'un contrat de travail suppose la réalisation d'un travail moyennant rémunération sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements.

En l'espèce, la lettre d'observations de l'URSSAF rappelle le contrôle effectué le 17 mars 2008 au siège de la société SPG dans le cadre d'une commission rogatoire délivrée par un juge d'instruction ayant permis le constat de travail dissimulé par dissimulation partielle d'activité. Elle indique que selon l'enquête, le gérant de la société SPG a organisé le travail dissimulé en ayant recours en qualité de donneur d'ordre à des contrats de sous-traitance, ce qui a conduit à l'établissement d'un procès-verbal de travail dissimulé (minoration des masses de salaires soumises à cotisations par les sous-traitants). Elle précise que compte tenu de la facturation renseignant sur le nombre d'heures sous-traitées, un rapprochement a été effectué avec la masse salariale déclarée par les sous-traitants, les sociétés sous-traitantes concernées étant nommément désignées et le détail des calculs figurant dans un document annexé à la lettre d'observations. A la suite du rejet des contestations émises par le conseil de la société SPG, l'URSSAF a notifié à celle-ci une mise en demeure formalisant la décision de redressement.

Pour contester celle-ci, la société SPG se prévaut de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 30 juin 2016 qui aurait relaxé son gérant des faits de travail dissimulé. Mais il résulte de cette décision que si M. [D] [W], gérant de la société SPG, a été poursuivi pour diverses infractions et s'il a été relaxé de l'infraction de travail dissimulé commis courant 2003 à 2007 pour laquelle il a été cité devant ce tribunal, cette infraction ne le visait pas en sa qualité de gérant de la société SPG mais comme employeur au travers de la société Ampro échafaudages. Il lui était en effet reproché d'avoir en cette qualité omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche d'une partie des salariés de cette société et de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué, ce dont il a été relaxé au motif qu'il n'était pas le gérant de droit ou de fait de la société Ampro échaufaudages. Comme le relève l'URSSAF, le jugement en cause n'a pas relaxé M. [W] pour des faits de travail dissimulé concernant la société SPG. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil est inopérant.

L'article R. 243-59 III 2° du code de la sécurité sociale invoqué par la société SPG n'était pas en vigueur lors du contrôle effectué par l'URSSAF. L'article R. 243-59 dudit code alors applicable, dans sa version issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, ne prévoit pas l'indication dans la lettre d'observations de la référence, soit du numéro de procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé. En outre, l'URSSAF n'est en tout état de cause pas tenue de communiquer au cotisant le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé dès lors en outre qu'en l'espèce, la lettre d'observations mentionne l'objet du contrôle, les motifs du redressement, soit la minoration des heures de travail en ayant recours à de la sous-traitance, et les bases de redressement. Au demeurant, il résulte de la lettre du 27 septembre 2010 du conseil de la société SPG, qui répond précisément sur ces motifs du redressement, que la lettre d'observations a permis à celle-ci de connaître les causes des redressements envisagés. La société SPG n'est donc pas fondée à se plaindre du non-respect du principe de la contradiction ou de l'équité.

Il ressort par ailleurs du jugement du 30 juin 2016, reprenant l'enquête réalisée dans le cadre de l'information judiciaire et les débats à l'audience devant la juridiction répressive, résumés dans le jugement, que :

- il existait une société principale, la société SPG, avec des sociétés sous-traitantes dont certaines étaient totalement dépendantes de SPG, leur seul client, les différentes structures sociales créées ou utilisées permettant de créer des flux financiers illicites et d'embaucher des salariés ;

- l'exploitation des comptes bancaires de la société SPG a confirmé qu'elle avait un chiffre d'affaires très important et qu'elle sous-traitait une grande partie de son activité en ayant recours à plusieurs sociétés ;

- la mise sous surveillance de la ligne de fax attribuée à SPG et l'exploitation des documents saisis a démontré que la société SPG gérait les embauches, les agréments, les plannings, la discipline, les sociétés sous-traitantes n'étant parfois que des coquilles vides ; il a été retrouvé des fax adressés par SPG aux sociétés sous-traitantes avec la mention suivante sur le bordereau d'envoi : 'nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint les plannings de vos agents pour le mois de ...' ;

- à l'audience, M. [W], dirigeant de la société SPG, a admis avoir eu recours sciemment au travail dissimulé, souhaitant notamment garder une certaine maîtrise sur les salariés intervenants et reconnaissant demander les agréments au nom de SPG pour l'ensemble des salariés, afin d'éviter de révéler la sous-traitance à ses clients ;

- Mme [U], assistante de direction de M. [W], a reconnu qu'elle était au courant du travail dissimulé et a admis avoir rédigé, sur instructions, des courriers d'avertissement à en-tête des sous-traitants de SPG ;

- M. [F] [S], directeur d'exploitation au sein de la société SPG, a confirmé que des salariés de la société SPG souhaitant faire des heures supplémentaires étaient réorientés vers d'autres sociétés comme Mest gardiennage ou Hot sécurité ;

- M. [G] a indiqué avoir travaillé pour la société SPG dans un premier temps puis pour la société Tari avant d'être transféré à la société Hot sécurité alors qu'il travaillait toujours pour la société SPG ;

- M. [W] a expliqué que la société SPG ne payait pratiquement pas d'heures supplémentaires, les agents qui voulaient en faire partant chez un sous-traitant ; il a confirmé que figuraient sur les fiches de renseignements des salariés la rémunération horaire déclarée et celle correspondant au 'black' et reconnu que les cahiers Exacompta saisis correspondaient à des sommes versées en espèces lorsque figurait la mention 'M à M' (main à la main) ; il a reconnu recevoir les candidats désirant travailler pour les sociétés sous-traitantes, gérer les congés des salariés des sociétés sous-traitantes et leur planning ; lors de la perquisation, les originaux des dossiers des employés, notamment de Mest gardiennage et Hot sécurité, se trouvaient dans le bureau des secrétaires de SPG ;

- Mme [T], secrétaire, a indiqué que 'pour les employés de Mest gardiennage et de Hot sécurité, je fais comme pour les autres employés de SPG'.

Ces éléments justifient de faits de travail dissimulé commis par la société SPG, notamment de l'existence d'un lien de subordination avec des salariés prétendument employés par des sociétés sous-traitantes. La société SPG ne fournit d'ailleurs aucune pièce de nature à contredire ces éléments.

La société SPG sera déboutée de sa demande d'annulation du redressement.

Sur la demande en répétition de l'indu

La société SPG sollicite le remboursement des cotisations qu'elle a versées par suite de l'annulation du redressement qu'elle soutient. Or, cette demande ayant été rejetée, il convient de rejeter également la demande en répétition de l'indu, le jugement étant confirmé de ce chef.

Sur la demande de remise des majorations de retard

La société SPG sollicite cette remise au motif de l'autorité de la chose jugée au pénal et en relevant que l'URSSAF lui a d'ailleurs proposé une telle remise en 2012. Elle justifie également sa demande par l'absence de motivation de la décision de la CRA et par son absence de signature.

L'URSSAF ne développe pas de moyen sur ce point sauf à solliciter la confirmation du jugement.

Sur ce,

Il a d'ores et déjà été retenu que le moyen tiré de l'autorité de chose jugée au pénal était inopérant.

En outre, il résulte de l'article R. 243-20 II du code de la sécurité sociale qu'il ne peut y avoir de remise des majorations de retard au titre du montant des cotisations et contributions afférentes aux rémunérations réintégrées à la suite du constat de l'infraction de travail dissimulé, peu important que l'URSSAF ait indiqué dans une lettre du 10 février 2012 portant sur un échelonnement du passif de la société SPG que 'les majorations de retard ne peuvent faire l'objet d'une demande de remise gracieuse qu'une fois le plan apuré'.

L'obligation de motivation des décisions de la CRA en matière de demande gracieuse de remise des majorations est prévue par l'article R. 243-20 I du code de la sécurité sociale, non par l'article R. 243-20 II excluant cette remise au titre du montant des cotisations et contributions afférentes aux rémunérations réintégrées à la suite du constat de l'infraction de travail dissimulé. La société SPG n'est dès lors pas fondée à se plaindre que la CRA ait rejeté sa demande de remise des majorations et pénalités par la formule selon laquelle 'cette décision prend en compte la situation particulière de votre dossier'.

Enfin, aucune disposition n'oblige à ce que la lettre de notification de la CRA à la suite de la demande de remise soit signée alors qu'en l'espèce, rien ne permet de suspecter que la décision ainsi notifiée n'ait pas été approuvée par ses membres.

La demande de remise des majorations de retard sera rejetée, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts

Au soutien de cette demande, la société SPG reproche à l'URSSAF d'avoir maintenu son redressement alors qu'aucune condamnation de l'entreprise ou de son dirigeant n'était intervenue et en conditionnant la délivrance d'attestations de versement des cotisations au retrait de la procédure engagée devant le TASS. Elle se plaint aussi du non-respect du principe du contradictoire durant la procédure d'observations, du fait qu'elle ait été induite en erreur par les termes de la lettre de l'URSSAF laissant entendre la possibilité d'une remise des majorations de retard et du défaut de motivation de la décision de la CRA concernant sa demande de remise des majorations. Elle prétend que les erreurs et errances de l'URSSAF lui ont causé un préjudice considérable.

L'URSSAF conteste toute faute. Elle fait en particulier valoir que la société SPG ayant fait l'objet d'une verbalisation pour travail dissimulé, elle a à bon droit, le 15 novembre 2011, indiqué ne pas délivrer d'attestation à la société SPG. Elle expose avoir néanmoins, par souci de bienveillance, accepté d'établir une attestation en contrepartie d'un désistement de la société SPG et d'un moratoire.

Sur ce,

La mise en cause de la responsabilité de l'URSSAF suppose la preuve d'une faute commise par cet organisme, d'un préjudice subi par la société SPG et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Il résulte de l'article L. 243-15 du code de la sécurité sociale que l'attestation justifiant que le cotisant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.

En l'espèce, la société SPG ayant fait l'objet d'une telle verbalisation, c'est à juste titre que l'URSSAF a, par lettre du 15 novembre 2011, rappelé à la société les termes de cette disposition en lui indiquant qu'elle ne pouvait procéder à la délivrance de l'attestation. En outre, dès lors que l'URSSAF n'était pas tenue d'établir une telle attestation en raison de la verbalisation pour travail dissimulé, il ne saurait lui être reproché d'avoir, dans ce même courrier, envisagé la délivrance d'attestations si la société SPG se désistait de son recours, règlait la part salariale des cotisations dues et offrait un apurement des cotisations patronales sur une durée circonscrite, une telle proposition destinée à faciliter la poursuite de l'activité de la société SPG dans l'intérêt de celle-ci ne pouvant être considérée comme fautive à l'égard de la société SPG. En tout état de cause, cette dernière ne justifie pas de la réalité du préjudice qu'elle aurait subi du fait de la faute invoquée puisque la proposition en cause de l'URSSAF qui aurait conduit à la décision de radiation ne l'a pas privée de la possibilité de contester le redressement plusieurs années après la radiation et qu'en définitive, les sommes acquittées par la société SPG apparaissent bien dues, le redressement n'étant pas jugé nul.

Pour les mêmes raisons, la société SPG ne justifie pas en quoi les termes de la lettre de l'URSSAF du 10 février 2012 évoquant la possibilité d'une remise des majorations de retard en cas d'apurement du plan sont à l'origine d'un préjudice subi par elle, étant ajouté que le prétendu empêchement du développement de l'entreprise est allégué sans être prouvé, ni même expliqué.

Par ailleurs, l'URSSAF était fondée à maintenir son redressement dès lors que, d'une part, comme indiqué supra, il n'existe pas de décision pénale de relaxe ayant autorité de chose jugée au regard du redressement litigieux pour travail dissimulé et que, d'autre part, ce redressement est fondé quand bien même la société SPG et/ou son dirigeant n'ont pas fait l'objet de condamnations pénales au titre de ce délit.

Il s'évince enfin de ce qui précède que les autres fautes invoquées à l'encontre de l'URSSAF ne sont pas davantage caractérisées.

La demande de dommages et intérêts sera rejetée, le jugement étant aussi confirmé de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société SPG, qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel, déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, le jugement étant confirmé sur ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, contradictoirement :

Déclare la société de Protection et de gardiennage recevable en sa contestation du redressement ayant fait l'objet de la mise en demeure du 21 juillet 2011 ;

La déboute de sa demande d'annulation du redressement ;

Confirme le jugement rendu le 26 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines en toutes ses dispositions (n° 17-01883) ;

Condamne la société de Protection et de gardiennage à payer à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations d'[Localité 1] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Rejette toute autre demande ;

Condamne la société de Protection et de gardiennage aux dépens d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président, et par Madame Florence PURTAS, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04375
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/04375 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;18.04375 ?
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