COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 23 JANVIER 2020
N° RG 17/04463 - N° Portalis DBV3-V-B7B-R2KY
AFFAIRE :
[K] [F]
C/
SAS ATOS INTEGRATION
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 01 Septembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARGENTEUIL
N° Chambre :
N° Section : AD
N° RG : f 17/00067
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me François AJE
la ASSOCIATION LECANET & LINGLART
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT TROIS JANVIER DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [K] [F]
né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 8] (ALGERIE)
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentant : Me François AJE, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413
APPELANT
****************
SAS ATOS INTEGRATION
N° SIRET : 408 024 719
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentant : Me Laurent LECANET de l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P554
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 Décembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Hélène PRUDHOMME, Président,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,
Le 1er novembre 1997, M. [K] [F] était embauché par la société Atos Worldline en qualité de technicien logistique par contrat à durée indéterminée.
M. [K] [F] exerçait les mandats de délégué du personnel de 2003 à 2013 et était élu au CHSCT de 2009 à 2013.
Le contrat de travail du salarié était transféré après autorisation de l'inspection du travail au sein de la société Atos Intégration en 2013.
Le transfert entraînait la perte de ses mandats.
A ce jour M. [K] [F] bénéficie de deux mandats en qualité de conseiller des salariés du département de [Localité 7] par arrêté préfectoral du 28 janvier 2016 et en qualité de délégué syndical par la confédération générale du travail FO par courrier du 21 mars 2016.
Il était affecté, jusqu'en mai 2014, dans une équipe DCM composée de 4 personnes.
En 2014 la société l'informait qu'elle n'avait d'autres choix que de le placer en visibilité compte tenu de l'activité en baisse et du fait qu'il était moins polyvalent que ses collègues.
La société recevait le 16 mai 2014 le salarié afin de lui faire part de sa volonté de lui trouver une nouvelle mission. Elle lui proposait une mission sur le projet Mistral consistant à faire des installations de serveurs informatiques dans des salles de développement sur le site de [Localité 6] avec des déplacements très courts en province pour aller installer des machines et des serveurs pour le projet. Le salarié refusait cette possibilité de mission.
Le 17 juin 2014 le médecin du travail déclarait temporairement inapte M. [K] [F]. Le certificat du médecin du travail du 21 juillet 2014 mentionnait une aptitude du salarié, avec aménagement de poste. Le 15 décembre 2014, M. [F] obtenait le statut de travailleur handicapé. A la suite de cette reconnaissance de travailleur handicapé M. [K] [F] ne pouvait plus prendre les transports en commun et devait se déplacer uniquement en voiture. Il lui était confié une mission portant sur la création d'une plate-forme de formation pour les collaborateurs issus des métiers de la production.
Le 29 février 2016, il saisissait le conseil d'[Localité 5] afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, aux motifs de discriminations liées à son âge, de discriminations liées à son activité syndicale, d'un harcèlement moral, et enfin au motif d'absence de fourniture de travail.
M. [F] bénéficiait dans les derniers temps d'exercice professionnel de deux mandats en qualité de conseiller des salariés du département de [Localité 7] par arrêté préfectoral du 28 janvier 2016 et en qualité de délégué syndical par la confédération générale du travail FO par courrier du 21 mars 2016.
Vu le jugement du 1er septembre 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes d'Argenteuil qui a :
- condamné la SAS Atos Intégration, prise en la personne de son représentant légal, à verser à M. [K] [F] 116,00 euros sur le rappel de la prime d'ancienneté pour les mois de janvier et février 2017 et 11,60 euros à titre de congés payés,
- ordonné la rectification d'un bulletin de salaire conforme à la décision à intervenir sous astreinte de 10 euros par jour à compter du trentième jour du prononcé du présent jugement,
- condamné la SAS Atos Intégration à payer 700,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté M. [K] [F] de toutes ses autres demandes,
- débouté la SAS Atos Intégration de ses demandes reconventionnelles,
- ordonné l'exécution provisoire au titre de l'article 515 du code de procédure civile,
- mis les dépens à la charge de la SAS Atos Intégration.
Vu la notification de ce jugement le 7 septembre 2017.
Vu l'appel interjeté par M. [K] [F] le 18 septembre 2017.
Vu les conclusions de l'appelant, M. [K] [F], notifiées le 30 avril 2018 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :
- dire M. [K] [F] recevable et bien fondé en ses demandes,
prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de la SAS Atos,
A titre principal,
- dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement nul,
- condamner la SAS Atos à la somme de 100 451,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,
A titre subsidiaire,
- dire que la résiliation judiciaire du contrat de travail produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamner la SAS Atos à la somme de 100 451,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
- condamner la SAS Atos Intégration à verser à M. [K] [F] les sommes suivantes :
- 10 045,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1 004,51 euros à titre de congés payés sur préavis,
- mémoire à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 33 483,80 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- 40 180,56 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de fourniture de travail,
- 40 180,56 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination liée à l'âge, à l'état de santé et à l'activité syndicale,
- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour privation des astreintes,
- condamner la SAS Atos Intégration à remettre à M. [K] [F] un certificat de travail, une attestation Pôle emploi, un reçu pour solde de tout compte et la fiche de paye afférente conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société aux sommes suivantes :
- 116 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté pour les mois de janvier et février 2017,
- 11,60 euros à titre de congés payés sur rappel de prime d'ancienneté,
- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- assortir la décision à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine du bureau de conciliation,
- prononcer la capitalisation des intérêts,
- condamner la SAS Atos Intégration à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SAS Atos Intégration aux entiers dépens de la procédure et de son exécution.
Vu les écritures de l'intimée, la SAS Atos Intégration, notifiées le 1er février 2018 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :
- recevoir la SAS Atos Intégration en ses écritures et l'y déclarer bien fondée,
En conséquence,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Atos Intégration à verser une somme au titre de la prime d'ancienneté, de congés payés sur ancienneté et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter M. [F] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [F] de toutes ses autres demandes,
A titre subsidiaire,
- ramener les demandes de M. [F] à de plus justes proportions,
En tout état de cause,
- condamner M. [F] à verser à la SAS Atos Intégration, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui sont recouvrés par maître Laurent Lecanet, avocat aux offres de droit.
Vu l'ordonnance de clôture du 4 novembre 2019.
SUR CE,
Sur la demande de résiliation judiciaire :
Un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement par ce dernier à ses obligations ; il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail et prononcer cette résiliation qui emporte les effets d'un licenciement, selon le cas, sans cause réelle et sérieuse ou abusif ;
En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;
En cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
M. [F] invoque sa situation professionnelle estimant que rien ne justifiait son placement soudain et précipité en inter-contrat et que sa nouvelle affectation résulte de considérations discriminatoires, en lien avec son âge, ses mandats syndicaux et représentatifs et sa situation de handicap et dénonce plus généralement la politique sociale de la société Atos Intégration qu'il estime discriminatoire ; il ajoute qu'il n'a reçu aucune proposition de mission correspondant à ses compétences depuis le 12 mai 2014 ;
La société Atos Intégration conteste l'ensemble des manquements reprochés ;
M. [F], qui est né en 1958 et qui a obtenu le statut de travailleur handicapé, rappelle qu'il a été dans l'entreprise affecté jusqu'en mai 2014 dans une cellule DCM, que son placement en inter-contrat est intervenu quelques mois seulement après l'expiration de la protection dont il bénéficiait au titre des mandats exercés avant le transfert de son activité et qu'il se trouve toujours en inter-contrat depuis le mois de mai 2014 ;
Il présente ainsi des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte liée à son âge ou à sa situation médicale ;
Il résulte des éléments versés aux débats que M. [F], qui était en effet affecté dans une équipe DCM composée de 4 personnes, la cellule DCM consistant en l'installation et le maintien en condition opérationnelle des équipements informatiques pour répondre à des services clients dans les data-centres, elle-même sous-partie du cluster SOL FS, s'est vu placé en visibilité le 7 mai 2014, l'employeur se référant à la situation difficile rencontrée par le cluster SOL FS et à une moindre polyvalence de M. [F] au sein de l'équipe parmi ses collègues ;
Selon les précisions que la société Atos Intégration a apportées à l'inspection du travail dans son courrier en réponse du 23 juillet 2014 : « Les principaux clients de ce cluster qui appartiennent au secteur bancaire et boursier réduisent leurs budgets d'investissements et/ou exigent de leur prestataires de réductions de coûts importants. Aussi, la direction du cluster SOL FS a été conduite à réduire le nombre de salariés travaillant sur ces projets et à les réaffecter sur d'autres projets au sein du cluster ou au sein d'autres entités opérationnelles d'ATOS. Dans ce contexte, une quarantaine de salarié de ce cluster ont été mis en visibilité depuis janvier 2014 et la plupart ont été réaffectés sur d'autres missions » ;
La circonstance de la reconduction d'un contrat évoquée ici par le salarié est insuffisante dès lors qu'il n'est pas allégué d'un arrêt de toute activité au sein de la cellule DCM ;
Si un courriel de M. [R] adressé à M. [F] en date du 29 mars 2016, indique qu'il a été très satisfait de son travail pendant le temps passé dans ses équipes et que trois collègues de travail font état de son professionnalisme, deux autres évoquent la passation de consignes avec lui suite à son départ de l'équipe, il ressort de l'évaluation professionnelle de M. [F] de l'année 2014 la non-réalisation par ce dernier de plusieurs objectifs, notamment « automisation DCM », « Move et cleanup des salles G14 et D1bis », « alimentation de la base CMDB rapport au processus GMS », « évolution infrastructure », « bandothèque » ou encore qu'il « doit progresser sur la partie infrastructure/installation/mise en place dans les Data Center » ;
Par courriel du 9 mai 2014, l'employeur faisait part à M. [F] de son intention de lui proposer d'autres missions et lui indiquait les démarches à suivre (préparation et mise à jour du CV, etc.) et les ressources prévues dans ce cadre ;
Il ressort du courriel interne de M. [B] du 2 juillet 2014 que M. [F] a été reçu le 16 mai 2014 et qu'il lui a alors été proposé une mission sur le projet Mistral consistant à faire des installations de serveurs informatiques dans des salles de développement sur le site de [Localité 6] avec des déplacements très courts en province pour aller installer des machines et des serveurs pour le projet, mission qu'il refusait cependant en invoquant des déplacements en province et la fatigue que ceci engendrait compte tenu de son âge ;
Le 23 mars 2015, le médecin du travail, tout en réitérant un avis d'aptitude du salarié, avec aménagement de poste, retenait une impossibilité pour le salarié de prendre les transports en commun ;
La recherche de repositionnement était poursuivie en tenant compte de ces restrictions, qui réduisaient les possibilités d'affectations sur des missions chez les clients ;
M. [F] était placé à compter de novembre 2014 au sein de la cellule Rebondir, laquelle consiste à « accompagner le retour en mission de collaborateurs qui peuvent, pour des raisons diverses, se trouver en situation d'éloignement durable des conditions d'une employabilité pérenne » et qui propose un suivi sous la forme d'un encadrement par un « Team leader » et repose sur une présence dans les locaux à proximité des collaborateurs ;
De fait, M. [F] a été en mesure de suivre 9 formations lui permettant de progresser professionnellement, entre fin 2013 et 2016 ; des tuteurs lui ont été effectivement désignés ;
Il était affecté en novembre 2014 sur un projet « New Voice », mais sa hiérarchie, à raison de sa faible implication décrite de manière précise dans le courriel du 28 novembre 2014 produit aux débats, mettait un terme à cette affectation deux jours plus tard ;
Comme le souligne aussi l'intimée, alors que l'efficacité du dispositif Rebondir reposait également sur une démarche volontaire et proactive des collaborateurs concernés et que les salariés en inter-contrat étaient tenus de consulter les offres en cours, M. [F] justifie seulement de l'envoi de quelques courriels à ce titre ;
S'agissant de la politique sociale de la société Atos Intégration, l'appelant se réfère en particulier à un rapport de l'inspection du travail du 29 avril 2014 et à de précédentes décisions rendues en matière prud'homale ; toutefois ces décisions se rapportent à des situations individuelles et particulières d'autres salariés et l'intimée, qui cite en sens contraire d'autres décisions, rappelle au surplus que le groupe Atos compte en France plus de 10 000 salariés ; l'intimée souligne aussi que le courrier de l'inspection du travail concernait des ruptures conventionnelles, intervenues avec des salariés de plus de 50 ans, et produit aussi la réponse précise qu'elle y a apporté, soulignant que les ruptures soumises avaient été autorisées et que son plan d'action en 2013 contenait des mesures pour favoriser et maintenir l'emploi des seniors et ajoute, sans être contredite, que l'inspection du travail n'a pris aucune meure à son encontre à la suite de la réponse apportée ;
Il est souligné que M. [F] n'exerçait plus d'activité syndicale au moment de sa mise en disponibilité, ses précédents mandats l'ayant été lorsqu'il était salarié de la société Atos Woldline, son activité syndicale n'ayant repris par la suite qu'en 2016 ;
De même, il n'a été reconnu travailleur handicapé que le 15 décembre 2014, sept mois après avoir été placé en situation d'inter-contrat ;
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société Atos Intégration établit que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
M. [F] n'établit pas de manquement grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ;
Il sera en conséquence débouté de ses demandes tendant au prononcé de la résiliation judiciaire emportant les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse ; le jugement sera confirmé de ces chefs ;
Sur les autres demandes indemnitaires :
Sur le harcèlement moral
Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Vu les articles L1152-1 et L1254-1 du code du travail,
Il résulte de ces textes que lorsque la salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
En l'espèce, M. [F] invoque le fait que Mme [U], sa tutrice, n'a pas fait preuve de bienveillance à son égard, qu'il a eu un niveau de stress élevé et a souffert d'un état dépressif réactionnel à une souffrance au travail ;
Pour étayer ses affirmations, il se réfère dans ses écritures relatives au harcèlement moral aux pièces suivantes :
- un courriel de Mme [J] lui proposant de revenir sous sa responsabilité,
- un résultat de test de stress, mis au point par la société Atos elle-même, relevant, le concernant que « vous semblez présenter un niveau de stress très élevé »,
- plusieurs certificats médicaux du docteur [O] lequel évoque notamment « des signes d'anxiété et de dépression réactionnelle suite à la situation connue au niveau professionnel », sans toutefois qu'il soit établi que le médecin généraliste ait connu la situation professionnelle évoquée au-delà des dires du patient et alors que, comme le relève la société Atos, le certificat du médecin du travail du 21 juillet 2014, y compris l'exemplaire produit par l'appelant, mentionne une aptitude du salarié à son poste de travail, avec aménagement, et les certificats médicaux postérieurs de la médecine du travail produits par l'intimée l'ont aussi déclaré apte ;
En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants pris dans leur ensemble laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée ; les demandes indemnitaires relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées ; le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur la discrimination et l'absence de fourniture de travail
Les motifs précités conduisent à rejeter les demandes indemnitaires formées à ce titre ; le jugement sera aussi confirmé sur ces points ;
Sur les astreintes et sur la prime d'ancienneté
L'appelant fait valoir que, sorti brutalement de l'équipe DCM, il a cessé de percevoir des rémunérations au titre des astreintes et ce, dans la ligne droite des agissements discriminatoires qu'il allègue ;
Il résulte des motifs précédents que la discrimination n'a pas été retenue ; au surplus, il n'est pas justifié par le salarié d'un droit acquis à l'exécution d'astreintes ; le rejet de la demande liée aux astreintes sera donc confirmé ;
S'agissant de la prime d'ancienneté, qui était d'un montant mensuel de 58 euros, M. [F] indique qu'il s'est vu priver, de façon inexpliquée, du versement de cette prime aux mois de janvier et février 2017 ;
La société Atos Intégration ne justifie pas de ces versements ;
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [F] la somme totale de 116 euros à ce titre et et 11,60 euros à titre de congés payés y afférents ;
Sur les autres demandes
Il y a lieu d'enjoindre à la SAS Atos Intégration de remettre à M. [F], dans le mois suivant la signification du présent arrêt, des bulletins de salaire rectifiés ;
Le prononcé d'une astreinte ne s'avère toutefois pas nécessaire, à défaut d'allégations le justifiant, le jugement étant infirmé seulement sur ce point de ce chef ;
Sur les intérêts
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.
Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil à compter de la date de la demande qui en été faite ;
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [F] ;
Au regard de la situation respective des parties, il apparaît équitable de laisser à la charge de la société les frais irrépétibles par elle exposés ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé une astreinte,
statuant du chef infirmé et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à astreinte
Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation,
Ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne M. [K] [F] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER Le PRESIDENT