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22/01/2020 | FRANCE | N°17/01725

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 22 janvier 2020, 17/01725


COUR D'APPEL


DE


VERSAILLES








Code nac : 80A





19e chambre





ARRET N°





CONTRADICTOIRE





DU 22 JANVIER 2020





N° RG 17/01725 - N° Portalis DBV3-V-B7B-ROD7





AFFAIRE :





O... E...








C/


SASU IDVERDE














Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes

- Formation paritaire de NANTERRE


Section : A


N° RG : 16/00866





Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





SELEURL BOUHANA





AARPI MAMOUDY RAMALHO











le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE





AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT,


La cour d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JANVIER 2020

N° RG 17/01725 - N° Portalis DBV3-V-B7B-ROD7

AFFAIRE :

O... E...

C/

SASU IDVERDE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Mars 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : A

N° RG : 16/00866

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

SELEURL BOUHANA

AARPI MAMOUDY RAMALHO

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JANVIER DEUX MILLE VINGT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur O... E...

né le [...] à

[...]

[...]

Représentant : Me Judith BOUHANA de la SELEURL BOUHANA, Constitué/Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0656

APPELANT

****************

SASU IDVERDE

N° SIRET : 339 609 661

[...]

[...]

Représentant : Me Bernard MEURICE de la SCP MEURICE AVOCATS ET ASSOCIÉS, Plaidant, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me AURORE SELLIER-SUTY, avocat au barreau de LILLE - Représentant : Me Hélèna RAMALHO de l'AARPI MAMOUDY RAMALHO, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 430

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 29 Novembre 2019 devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Idverde se présente comme le leader français en matière de création, d'entretien et de réhabilitation des espaces paysagers.

Aux termes d'un contrat de travail à durée indéterminée verbal avec effet au 10 avril 1980, Monsieur O... E... a été engagé par la société Idverde en qualité d'ouvrier paysagiste.

A partir de 1988, il a été promu maître ouvrier paysagiste.

A partir de 1999, il a été promu au poste de chef de chantier.

Les relations de travail étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de paysage.

Le 14 août 2014, Monsieur E... a été placé en arrêt de travail pour «état anxio-dépressif réactionnel - burn out». Cet arrêt a été prolongé jusqu'au 5 janvier 2015.

A compter du 6 février 2015, Monsieur E... a été arrêté pour maladie en raison d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel. Cet arrêt a été prolongé jusqu'au deuxième semestre 2017, soit jusqu'à sa mise à la retraite.

Le 9 février 2015, le médecin traitant de Monsieur E... a établi une déclaration de maladie professionnelle pour «harcèlement moral caractérisé».

Le 31 mars 2016, Monsieur E... a saisi le Conseil des prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, la société Idverde. Il fonde sa demande de résiliation judiciaire sur des faits de harcèlement moral commis par son responsable, dont il aurait été victime, et qui seraient la cause de son arrêt maladie.

Par courrier en date du 22 décembre 2016, posté le 28 décembre 2016 et reçu par la société Idverde le 30 décembre 2016, Monsieur E... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur, motif pris du harcèlement moral dont il se prétendait victime et l'a informé de ce qu'il faisait valoir ses droits à la retraite, ce que le salarié contestera par la suite expliquant que ce n'est pas lui qui a écrit ce courrier mais sa fille.

Ce courrier a emporté rupture immédiate du contrat de travail de Monsieur E....

Des échanges sont intervenus entre les parties s'agissant de la réintégration de Monsieur E... dans les effectifs de la société suite à la contestation de la prise d'acte, mais ils n'ont pas abouti.

Par courrier en date du 10 juillet 2017, Monsieur E... a de nouveau adressé à la société Idverde une correspondance l'informant avoir fait valoir ses droits à la retraite au 9 mai 2017, en raison des manquements de son employeur ainsi que de sa mauvaise foi dans le refus de le réintégrer.

Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle brute de Monsieur E... s'élevait à la somme de 2.910, 47 euros et la société employait habituellement près de 3.000 collaborateurs sur le territoire français.

Par jugement du 2 mars 2017, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens soutenus devant eux, les premiers juges ont :

- dit qu'il n'y a lieu à résiliation judiciaire du contrat de travail liant Monsieur O... E... et la société Idverde.

- débouté Monsieur O... E... de l'ensemble de ses demandes.

- mis les dépens à la charge de Monsieur O... E....

Monsieur O... E... a relevé appel du jugement le 4 avril 2017.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 12 octobre 2018, Monsieur O... E... demande à la cour d'appel de:

- juger Monsieur O... E... recevable et bien fondé en son appel ;

- infirmer en son intégralité le jugement ;

Statuant à nouveau, de :

- constater le désaveu de signature de Monsieur O... E... sur le courrier adressé à la société Idverde le 22 décembre 2016 relatif à une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;

- constater que la signature de Monsieur O... E... a été imitée dans ce courrier du 22 décembre 2016 par Mademoiselle W... E... de l'aveu de cette dernière et que la lettre du 22 décembre 2016 ne vaut pas prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur O... E...;

- juger en conséquence que le contrat de travail de Monsieur O... E... n'a pas été rompu le 22 décembre 2016 et, ce faisant ;

- juger que Monsieur O... E... a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la société Idverde en partant à la retraite le 9 mai 2017 ;

- condamner en conséquence la société Idverde aux sommes suivantes :

12.514, 97 euros à titre de rappel de salaire du 31 décembre 2016 au 8 mai 2017 ;

1.251, 49 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire du 31 décembre 2016 au 8 mai 2017 ;

32.079, 84 euros à titre d'indemnité de licenciement (article 9 des dispositions particulières aux ATAM de la CCN applicable des Entreprises de paysage), pour 37 ans et 2 mois;

5.820, 94 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis égale à 2 mois (article 10 des dispositions propres aux ETAM de la CCN applicable des Entreprises de paysage et Cass. Soc. 28 avril 2011 n°09-40708) ;

582, 09 euros à titre de congés payés sur préavis ;

107.687, 39 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul (Cass. Soc. 20 février 2013 n°11-26560) ;

50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral (article L 1152-1 du code du travail) ;

50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral (article L 1152-4 du code du travail) ;

10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et rupture vexatoire (article 1240 du code civil) ;

10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour retard de paiement des salaires du 31 janvier 2016 au 31 mai 2017 et la remise des bulletins de salaire correspondant (articles L 3242-1, L 3243-2 du code du travail et 1231-1 et suivants du code civil) ;

- fixer le salaire mensuel brut de Monsieur O... E... à la somme de 2.910,47 euros ;

- ordonner à la société Idverde de communiquer :

les bulletins de salaires mois par mois conformes et rectifiés suivant l'arrêt à intervenir du 31 décembre 2016 au 8 mai 2017 ;

le solde de tout compte, certificat de travail et attestation Pôle emploi conformes à l'arrêt à intervenir ;

Avec prononcé d'une astreinte de 100 euros par jour de retard et par documents réclamés à compter de la notification de l'arrêt ;

- condamner la société Idverde à la somme de 6.636 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- prononcer l'intérêt au taux légal sur toutes les sommes fixées avec capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil ;

- condamner la société Idverde aux entiers dépens.

En réplique, aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 10 octobre 2018, la société Idverde demande à la cour la confirmation du jugement et statuant à nouveau de :

- dire et juger que Monsieur O... E... a valablement pris acte de la rupture de son contrat par lettre du 22 décembre 2016, cette rupture emportant les effets d'une démission ;

- en conséquence, débouter Monsieur O... E... de toutes demandes, fins et conclusions de ce chef ;

- dire et juger que la liquidation de ses droits à retraite par Monsieur O... E... à date du 9 mai 2017 est sans effet sur le sort du contrat ;

- subsidiairement, dire et juger que la lettre du 10 juillet 2017 qualifiée a posteriori de prise d'acte de rupture du contrat à date du 9 mai 2017 est sans effet sur le sort du contrat ;

- en conséquence, débouter Monsieur O... E... de toutes demandes, fins et conclusions de ce chef ;

En tout état de cause, de :

- dire et juger que Monsieur O... E... n'a subi aucun fait constitutif de harcèlement moral ;

- en conséquence, débouter Monsieur O... E... de toutes demandes, fins et conclusions de ce chef (dommages et intérêts pour licenciement nul, dommages et intérêts pour harcèlement moral et dommages et intérêts pour défaut de prévention du harcèlement moral) ;

- débouter Monsieur O... E... de ses demandes de :

rappel de salaire du 31.12.2016 au 08.05.2017 ;

dommages et intérêts pour retard de paiement des salaires et de remise des fiches de paie ;

dommages et intérêts pour préjudice moral et rupture vexatoire ;

- condamner Monsieur O... E... à tous les frais et dépens de première instance et d'appel en ce compris la sommes de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 octobre 2019.

L'affaire a été plaidée le 29 novembre 2019 et mise en délibéré au 22 janvier 2020.

MOTIFS :

Les demandes des parties tendant à voir «dire et juger» ou «constater» ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur le terme de la relation de travail:

La prise d'acte de la rupture par le salarié en raison de faits qu'il reproche à l'employeur entraîne la cessation immédiate du contrat de travail en sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire introduite auparavant.

Il appartient alors au juge de se prononcer sur la seule prise d'acte en examinant l'ensemble des manquements de l'employeur invoqués par le salarié tant à l'appui de la demande de résiliation judiciaire devenue sans objet qu'à l'appui de la prise d'acte.

En l'espèce, Monsieur E... a saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire le 31 mars 2016 s'estimant victime de faits de harcèlement moral commis par son supérieur hiérarchique.

Par courrier contesté par le salarié, il a adressé une prise d'acte à son employeur le 28 décembre 2016.

Il convient en premier lieu de se prononcer sur la régularité de cette prise d'acte contestée par Monsieur E..., avant d'envisager les différents griefs du salarié à l'encontre de son ancien employeur.

L'article 1361 du code civil dispose: « Il peut être supléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve».

Ces dispositions sont à compléter par avec celles de l'article 1373 du code civil qui dispose: « la partie à laquelle on l'oppose peut désavouer son écriture ou sa signature.(...) Dans ces cas, il y a lieu à vérification d'écriture».

Monsieur E... conteste être l'auteur du courrier de prise d'acte daté du 22 décembre 2016, posté le 28 décembre et reçu par la société Idverde le 30 décembre 2016. Il fait valoir que sa fille, a, à son insu, écrit à son employeur pour mettre un terme à son contrat de travail en raison des manquements répétés de ce dernier et des conséquences néfastes que cela entraînait sur sa santé.

Il a reçu son solde de tout compte le 9 janvier 2017 et affirme avoir appris à cette occasion que son contrat de travail avait pris fin.

Il a contesté la rupture et la prise d'acte par courrier recommandé avec accusé de réception du 13 janvier 2017.

Il sollicite de la cour qu'elle invalide la prise d'acte contestée suite au désaveu de signature qu'il formule, en application des article 1361 et 1373 du code civil; et qu'elle redonne ainsi tous ses effets à la demande de résiliation judiciaire initiale. Il produit au soutien de ses prétentions, des exemplaires d'écritures ainsi qu'un courrier de sa fille, Madame W... E... dans lequel cette dernière affirme être le seul auteur de la prise d'acte contestée.

La société conclut au débouté de Monsieur E... et à la confirmation de la décision attaquée. Elle fait valoir que la prise d'acte est bien régulière en ce que Monsieur E... échoue à démontrer qu'il n'en est pas l'auteur et ce alors que ce courrier a été adressé dans un contexte litigieux, une procédure de résiliation judiciaire étant en cours suite à la saisine du Conseil de prud'hommes par ce dernier.

La société fait valoir que Monsieur E... ne peut se repentir de sa prise d'acte, que cette possibilité ne lui ait pas reconnue.

La prise d'acte dactylographiée, est rédigée dans les termes suivants:

« Monsieur le Président,

J'ai saisi le 31 mars 2016 le Conseil de prud'hommes de Nanterre en raison du harcèlement moral dont j'ai été victime du fait de mon employeur, qui a provoqué la dégradation de mon état de santé et rend impossible mon maintien au sein de votre entreprise.

Je constate que la société IDVERDE n'a pris aucune mesure pour faire cesser ce harcèlement moral mais qu'au surplus elle conteste le harcèlement moral dont j'ai été victime.

C'est la raison pour laquelle je suis contraint de prendre acte de la rupture de mon contrat de travail aux torts de la société IDVERDE et que je fais valoir mes droits à la retraite».

Elle est signée du nom de Monsieur O... E....

Force est de constater à la lecture des pièces produites et notamment des exemplaires de signature de Monsieur E..., que l'écriture de ce dernier fluctue dans le temps, qu'elle ne présente pas toujours les mêmes caractéristiques. Ces éléments, confronté au courrier adressé par sa fille dans lequel elle indique être l'auteur de la prise d'acte litigieuse ne permettent pas de s'assurer que Monsieur E... n'est pas l'auteur du courrier litigieux.

Le salarié échoue à démontrer qu'il n'en est pas l'auteur.

Il convient en conséquence de relever que le courrier posté en lettre recommandée avec accusé de réception le 28 décembre 2016 et reçu par la société Idverde le 30 décembre 2016, signé par Monsieur O... E..., constitue une prise d'acte régulière. Le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur les griefs reprochés à l'employeur au soutien de la prise d'acte:

Aux termes des dispositions de l'article L.1231-1 du Code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative du salarié.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse , si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail, que le manquement invoqué par le salarié doit être d'une gravité telle qu'il rend impossible la poursuite du contrat de travail.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

1) Sur le harcèlement moral:

Sur la loi applicable, Monsieur E... fait valoir que ceux sont les dispositions issues de la loi du 8 août 2016 qui doivent s'appliquer aux faits de harcèlement moral qu'il dénonce.

La société Idverde quant à elle expose que contrairement aux dires de l'appelant, il convient de se placer sous le régime probatoire antérieur à la loi du 8 août 2016 en ce que les faits désignés comme étant constitutifs de harcèlement moral, se seraient produits entre janvier 2014 et le 14 août 2014, date du premier arrêt maladie de Monsieur E..., lequel ne reviendra que quelques semaines début 2015, avant d'être arrêté définitivement et de saisir le Conseil de prud'hommes aux fins de résiliation judiciaire le 31 mars 2016.

Il résulte de l'ensemble des pièces produites que les actes dénoncés par Monsieur E... se seraient produits antérieurement à la loi du 8 août 2016, dès lors c'est le régime probatoire antérieur à cette réforme qui doit s'appliquer.

Il résulte de l'article L.1152-1 du code du travail, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail dans leur version applicable au litige soit antérieurement au 8 août 2016, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Monsieur E... invoque avoir été victime d'un harcèlement moral de la part de son Directeur d'agence, Monsieur T... Q..., à compter de l'année 2014, qui s'est manifesté de la manière suivante:

- une réduction des effectifs de l'équipe supervisée par ses soins et un retrait de son matériel,

- une surcharge de travail se traduisant par 43 chantiers qui lui sont attribués sur les 85 détenus par l'entreprise en 2014,

- des critiques injustifiées sur son travail,

- une mise à l'écart.

Pour étayer ses affirmations, Monsieur E... produit notamment:

-ses arrêts de travail d'abord pour «état anxio-dépressif réctionnel ' burn out» à compter du 14 août 2014 jusqu'au 5 janvier 2015; puis pour «syndrome anxio-dépressif réactionnel» à compter du 6 février 2015 jusqu'à son départ en retraite le 9 mai 2017;

- les attestations de ses médecins traitants, le docteur D..., le docteur K..., psychiatre, le docteur B...;

-des ordonnances d'antidépresseurs,

-les fiches d'aptitude de la médecine du travail;

-le dossier de reconnaissance en maladie professionnelle;

-le refus de la MSA de reconnaître un caractère professionnel à la maladie en date des 16 février et 30 mars 2015, la saisine du TASS en date du 17 novembre 2015 aux fins de reconnaissance professionnelle de la maladie;

-un courrier qu'il a adressé à l'Inspection du travail le 21 novembre 2016 afin de signaler le harcèlement moral qu'il subissait,

-ses entretiens annuels d'évaluation 2006 et 2010,

-les attestations de Messieurs U... et J... selon lesquelles, du jour au lendemain, l'équipe de Monsieur E... s'est retrouvé divisée par deux pour effectuer les mêmes chantiers (passage de 2 collaborateurs à 1 seul), tout en réduisant le matériel mis à disposition, suite à l'arrivée du nouveau directeur d'agence Monsieur Q...; l'attestation de Monsieur Y... I... selon laquelle ces changements ont entraîné une surcharge de travail pour Monsieur E...;

-les mêmes salariés attestent de propos désobligeants qu'aurait tenu Monsieur Q..., tels que: « genre tu es faignant, tes chantiers sont sales et tu es toujours en retard»;

-les mêmes salariés attestent du refus de Monsieur Q... de serrer la main à Monsieur E..., au moins à l'occasion d'une réunion.

Force est de constater que les éléments médicaux produits par Monsieur E... reprennent uniquement les doléances du salarié, les médecins n'ayant pas constaté par eux-mêmes un quelconque lien entre l'état de santé du patient et ses conditions de travail. Il convient de relever que le médecin du travail a considéré Monsieur E... comme étant apte sans aucune réserve.

L'Inspection du travail n'a donné aucune suite au courrier de Monsieur E....

Les autres éléments communiqués tels que les attestations des collègues de travail de Monsieur E... sont très imprécises et générales, elles font état d'appréciations subjectives des collègues du salarié.

En l'état des explications et des pièces fournies, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral n'est pas démontrée. Les demandes relatives au harcèlement doivent par conséquent être rejetées.

2) Sur le défaut de prévention du harcèlement moral:

L'article L.1152-4 du code du travail dispose: « L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral».

Monsieur E... sollicite une indemnisation au visa de l'article L.1152-4 du code du travail, pour défaut de prévention du harcèlement moral. Il fait valoir que son employeur, bien qu'ayant connaissance de sa situation, n'a diligenté aucune enquête via le CHSCT, n'a pas entendu Monsieur Q... et ne justifie d'aucune action pour prévenir ce type d'agissement.

La société conclut au débouté et à la confirmation de la décision attaquée.

Il résulte de l'ensemble des pièces produites notamment des comptes-rendus du CHSCT et des bilans du CHSCT, que les organes en charge du contrôle et de la prévention des situations de harcèlement moral fonctionnent correctement au sein de la société Idverde; et ce d'autant plus qu'aucun agissement de harcèlement moral n'a été retenu à l'égard de Monsieur E....

Monsieur E... sera en conséquence débouté de ce chef de demande et le jugement attaqué sera confirmé.

* * *

Par conséquent, au vu des éléments produits par Monsieur E..., ne relevant pas d'un manquement imputable à la société Idverde, la prise d'acte de Monsieur E... produit les effets d'une démission à effet du 30 décembre 2016, date de la réception du courrier par la société Idverde. Il sera en conséquence débouté de l'intégralité des demandes salariales et indemnitaires formulées au titre de la rupture du contrat de travail; le jugement attaqué sera confirmé sur ces points;

De même , les demandes de Monsieur E... fondées sur une prise d'acte intervenue le 9 mai 2017, date de son départ à la retraite, sont infondées, la rupture du lien contractuel étant intervenue le 30 décembre 2016; toutes les demandes subséquentes seront rejetées et le jugement attaqué sera confirmé sur ce point.

Sur les dommages-intérêts sollicités pour rupture vexatoire:

Monsieur E... sollicite une indemnisation du fait des conditions vexatoires de la rupture.

Au regard des développements précédents, de la prise d'acte du 30 décembre 2016, de la seule responsabilité de Monsieur E... dans le terme de la relation contractuelle, il convient de le débouter de ce chef de demande et de confirmer le jugement attaqué.

Sur les demandes accessoires:

S'agissant des demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens, il y a lieu de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il statue sur ces deux points, met à la charge de Monsieur E... les dépens de première instance et déboute la société de sa demande reconventionnelle, la situation économique respective des parties justifiant que chacune conserve la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés.

S'agissant des dépens de la procédure d'appel, ils seront mis à la charge de Monsieur E..., partie perdante.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

Condamne Monsieur O... E... aux dépens de la procédure d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 17/01725
Date de la décision : 22/01/2020

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°17/01725 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-22;17.01725 ?
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