COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 89B
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 16 JANVIER 2020
N° RG 18/03250
N° Portalis DBV3-V-B7C-SRL5
AFFAIRE :
SAS COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T
C/
[Z] [O]
SAS ADEQUAT
CPAM DES YVELINES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Avril 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de VERSAILLES
N° RG : 17-00275/V
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES
Me Yazid ABBES
Me Valéry ABDOU
Me BARRERE
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T
[Z] [O]
SAS ADEQUAT
CPAM DES YVELINES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS COMPAGNIE D'AFFRETEMENT ET DE TRANSPORT C.A.T
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Romain BOUVET de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503 substituée par Me Clara CIUBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0503
APPELANTE
****************
Madame [Z] [O]
[Adresse 2]
[Localité 5]
comparante en personne, assistée de Me Yazid ABBES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 260
SAS ADEQUAT
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de LYON substitué par Me Frédérique KUCHLY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 461
INTIMÉES
****************
CPAM DES YVELINES
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentée par Me Mylène BARRERE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R295
PARTIE INTERVENANTE
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Marie-José BOU, Présidente,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
en présence de Mme Isolina DA SILVA, adjoint administratif faisant fonction de greffier
Mme [Z] [O], salariée intérimaire au sein de société Adequat, entreprise de travail temporaire, a été mise à la disposition de la société Compagnie d'affrètement et de transport, ci-après la société CAT, entreprise utilisatrice, selon une série de contrats de mission.
Le 9 juin 2015, la société Adequat a rempli une déclaration d'accident du travail indiquant que le 8 juin 2015, alors que 'Mme [O] nettoyait l'intérieur du coffre d'un véhicule sur la chaîne', 'le véhicule précédant avance et cogne Mme [O] au niveau des genoux'.
Le certificat médical initial établi le 8 juin 2015 au centre hospitalier de Mantes-La-Jolie où Mme [O] a été transportée fait état de 'hématomes bilatéral genoux'. Le 11 juin 2015, après détection d'une fracture transversale du fémur, elle a été opérée et synthésée par plaque vissée.
La caisse primaire d'assurance maladie des Yvelines, ci-après la CPAM, a reconnu le caractére professionnel de l'accident le 12 juin 2015.
Par requête reçue le 7 février 2017, alors que son état n'était pas encore consolidé, Mme [O] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Versailles, ci-après le TASS, aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, en l'absence de conciliation dans le cadre de la phase amiable.
Par jugement du 26 avril 2018, le TASS a :
- dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [O] le 8 juin 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur la société Adequat Plaisir ;
- fixé au maximum la majoration de la rente allouée à Mme [O] dans les conditions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale sur la base du taux d'incapacité permanente partielle qui sera définitivement fixé après consolidation de son état de santé ;
- fait injonction à la CPAM d'engager dans les meilleurs délais les démarches nécessaires auprès de son service médical pour la fixation de la date de consolidation et du taux d'IPP ;
avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de Mme [O],
- ordonné une expertise médicale judiciaire ;
- désigné en qualité d'expert le docteur [V] ;
- dit que l'expert aura pour mission :
* d'examiner Mme [O], qui a la possibilité de se faire assister par tout médecin de son choix, étudier son entier dossier médical, décrire les lésions qu'il impute à l'accident en cause, indiquer après s'être fait communiquer tous les éléments relatifs aux examens soins et interventions dont il a fait l'objet, leur évolution et les traitements appliqués,
* de déterminer l'étendue des préjudices subis par Mme [O] en relation directe avec l'accident du travail du 8 juin 2015 prévus à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 :
. au titre des souffrances physiques et morales endurées, précisant distinctement celles endurées avant et après la consolidation ;
. au titre du préjudice d'agrément de manière globale, c'est à dire avant comme aprés consolidation et donner les éléments constitutifs retenus pour ce chef de préjudice ;
. au titre du préjudice esthétique de maniére globale ;
. au titre de la perte ou de la diminution de chance de promotion professionnelle ;
. au titre du déficit fonctionnel temporaire à savoir la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante rencontrée par Mme [O] avant la consolidation de son état ;
. au titre du préjudice sexuel de manière globale et dans ce cas en préciser la nature de l'atteinte et sa durée ;
* de dire si son état a nécessité, avant la consolidation de son état et dans ce cas jusqu'à quelle date, l'assistance constante ou occasionnelle d'une tierce personne et, dans l'affirmative, de préciser la nature de l'assistance et sa durée quotidienne .
* de dire si son état a nécessité ou nécessite encore à ce jour un aménagement du domicile ou du véhicule automobile ;
* de dire si Mme [O] a subi des préjudices provisoires ou permanents, exceptionnels, lesquels sont définis comme des préjudices atypiques directement liés aux séquelles de l'accident et dans l'affirmative de préciser lesquels et dans quelle importance ;
- dit que l'expert déposera au secrétariat du TASS son rapport en sept exemplaires dans le délai de quatre mois de sa saisine ;
- dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix ;
- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement par ordonnance du président du TASS, rendue sur requête ;
- rappelé que l'expertise ne peut avoir pour conséquence de modifier le taux d'incapacité permanente partielle, ni la date de consolidation qui seront définitivement fixés ;
- en conséquence, suspendu la mise en 'uvre de l'expertise judiciaire à la notification auprès du greffe du TASS de la date de consolidation et du taux d'IPP devant être définitivement fixés ;
- alloué à Mme [O] une provision d'un montant de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices ;
- dit que cette provision, comme la réparation des préjudices qui sera ultérieurement fixée, sera versée à Mme [O] directement par la CPAM qui en récupèrera le montant auprès de la société Adequat Plaisir ;
- condamné la société CAT à garantir la société Adequat Plaisir du capital représentatif de la majoration de la rente et du montant des indemnités allouées au titre des préjudices personnels de la victime après expertise et de la cotisation supplémentaire mise à sa charge visée par l'article R. 242-6-l du code de la sécurité sociale ;
- réservé les autres demandes des parties ;
- renvoyé l'affaire à l'audience du lundi 17 décembre 2018 en l'attente du dépôt du rapport.
Ayant reçu notification du jugement le 16 mai 2018, la société CAT en a relevé appel par lettre recommandée expédiée le 12 juin 2018 en ce qu'il a :
- dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [O] le 8 juin 2015 est dû à la faute inexcusable de son employeur la société Adequat Plaisir ;
- fixé au maximum la majoration de la rente allouée à Mme [O] dans les conditions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale sur la base du taux d'incapacité permanente partielle qui sera définitivement fixé après consolidation de son état de santé ;
- fait injonction à la CPAM d'engager dans les meilleurs délais les démarches nécessaires auprès de son service médical pour la fixation de la date de consolidation et du taux d'IPP ;
avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices de Mme [O],
- ordonné une expertise médicale judiciaire confiée au docteur [V] ;
- alloué à Mme [O] une provision d'un montant de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices ;
- dit que cette provision, comme la réparation des préjudices qui sera ultérieurement fixée, sera versée à Mme [O] directement par la CPAM qui en récupérera le montant auprès de la société Adequat Plaisir ;
- condamné la société CAT à garantir la société Adequat Plaisir du capital représentatif de la majoration de la rente et du montant des indemnités allouées au titre des préjudices personnels de la victime aprés expertise et de la cotisation supplémentaire mise à sa charge visée par l'article R. 242-6-l du code de la sécurité sociale.
Les parties ont été convoquées à l'audience du 8 novembre 2019.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la société CAT demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [O] est dû à la faute inexcusable de l'employeur ;
et statuant à nouveau :
- débouter Mme [O] de son recours en reconnaissance de faute inexcusable ;
à titre subsidiaire :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que le taux d'IPP qui devrait être fixé par la CPAM sera retenu pour le calcul de la majoration de la rente en ce qui concerne les conséquences pécuniaires de la faute inexcusable de l'employeur ;
et statuant à nouveau :
- dire et juger que le capital représentatif de la majoration de la rente mis à la charge de la société CAT devra être calculé sur la base du taux d'incapacité qui lui sera opposable dans ses rapports avec la CPAM ;
- limiter la mission de l'expert à l'évaluation des préjudices personnels énumérés par l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale et aux préjudices non couverts, en tout ou partie ou de manière restrictive par les dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale, à l'exclusion du poste de perte de possibilité de promotion professionnelle ;
- réduire, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise médicale, la somme sollicitée à titre de provision à de plus justes proportions ;
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CAT à garantir la société Adequat Plaisir de la cotisation supplémentaire mise à sa charge visée par l'article R. 242-6-1 du code de la sécurité sociale ;
et statuant à nouveau :
- dire et juger que le recours en garantie de la société Adequat Plaisir devrait être circonscrit aux seules conséquences de la faute inexcusable ;
- réduire la somme sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions.
Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience, la société Adequat demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont a été victime Mme [O] est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société Adequat Plaisir ;
à titre subsidiaire :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société CAT à garantir la société Adequat du capital représentatif de la majoration de la rente et du montant des indemnités allouées au titre des préjudices personnels de la victime après expertise.
Aux termes de ses conclusions n°2 déposées le 8 novembre 2019, soutenues oralement à l'audience, Mme [O] demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et de condamner solidairement les sociétés CAT et Adequat aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Oralement, la CPAM indique s'en rapporter à l'appréciation de la cour quant à la reconnaissance de la faute inexcusable et fait valoir qu'en cas de confirmation du jugement sur ce point, elle avancera les fonds pour en récupérer le montant auprès de la société Adequat.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la faute inexcusable
La société CAT soutient que les observations de l'inspecteur du travail ne caractérisent pas l'existence d'une faute inexcusable. Elle prétend que le risque d'un enclenchement fortuit d'une vitesse dû aux vibrations du tapis roulant ou à un geste malencontreux d'un salarié sur un véhicule doté d'une boîte automatique était imprévisible jusqu'à la survenue de l'accident litigieux, en l'absence de tout accident du même type antérieurement, raison pour laquelle il n'a pas été pris en compte dans le document unique de sécurité. Elle fait valoir que la prestation de nettoyage lui incombant impliquait de pouvoir monter ou descendre les vitres et que le déblocage des freins électriques était également nécessaire compte tenu du convoyeur entraînant les roues sur la chaîne, ce qui imposait de laisser tourner le moteur des véhicules, mais que le positionnement du levier sur 'neutre' assurait leur immobilisation, la position 'drive' indispensable à la mise en marche supposant une action humaine (pied sur le frein et appui sur le bouton du levier de vitesse) qu'elle interdisait. Elle prétend en outre que lors de l'accident, Mme [O] occupait effectivement le poste prévu à son contrat de travail de préparation de véhicules, qui n'était pas un poste à risque. Elle argue enfin de la présence d'un bouton d'arrêt d'urgence sous la forme d'un câble courant au dessus de la ligne.
La société Adequat fait valoir qu'elle ne pouvait matériellement interférer dans l'exécution de la prestation de travail confiée par la société utilisatrice à la salariée et indique faire siens les arguments de la société CAT.
Mme [O] réplique que l'affirmation de la nécessité que le moteur des véhicules tourne est mensongère puisque la société CAT a complété après l'accident le document unique de sécurité en interdisant les moteurs en marche sur la chaîne. Elle prétend qu'il était possible d'envisager qu'un geste humain ou même les vibrations du tapis roulant fassent basculer le levier de vitesse de la position 'neutre' à 'drive'. Elle en déduit que la société aurait dû avoir conscience du danger, faisant valoir que l'insuffisance du document unique à ce titre établit automatiquement la faute inexcusable. Elle soutient que selon son contrat de mission du 1er au 3 juin 2015 avec prolongation au 8 juin 2015, le poste qu'elle devait tenir était celui de chauffeur VL, soit un poste à risque nécessitant une sécurité renforcée, ne correspondant pas au poste de préparation de véhicules qu'elle occupait effectivement lors de l'accident mais qui nécessitait aussi une formation à la sécurité renforcée quant à la définition des gestes et postures fondamentaux et pour appréhender les techniques spécifiques à la préparation de véhicules.
La CPAM s'en rapporte à l'appréciation de la cour quant à l'existence de la faute inexcusable.
Sur ce,
En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance de l'accident du travail.
Selon l'article L. 412-6 du code de la sécurité sociale, l'entreprise utilisatrice est regardée comme substituée dans la direction au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale à l'entreprise de travail temporaire.
Sur la présomption de faute inexcusable
Il résulte des dispositions de l'article L. 4154-3 du code du travail que l'existence de la faute inexcusable de l'entreprise utilisatrice est présumée établie pour les salariés mis à la disposition de cette dernière par une entreprise de travail temporaire, victimes d'un accident du travail alors qu'affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité, ils n'ont pas bénéficié d'une formation à la sécurité renforcée prévue par l'article L. 4154-2 du même code.
Il s'agit d'une présomption simple que l'employeur ne peut renverser que par la preuve qu'il a dispensé au salarié la formation renforcée à la sécurité. Elle s'applique même lorsque les circonstances de l'accident sont indéterminées ou lorsque le salarié a fait preuve d'imprudence ou commis une faute grossière.
En l'espèce, les parties sont en désaccord sur le poste auquel Mme [O] devait être affectée.
La société CAT produit un contrat de mission du 8 au 12 juin 2015 mentionnant son affectation sur un poste de 'préparation de véhicules-conduite de véhicules' tandis que Mme [O] se fonde sur un contrat de mission du 1er au 3 juin 2015 inclus, avec souplesse du 1er au 8 juin 2015, prévoyant son affectation sur un poste de 'conduite de véhicule sur parc'.
L'absence de production du contrat du 8 au 12 juin 2015 devant le TASS ne suffit pas à en établir la fausseté. En toute hypothèse, il est constant que le 8 juin 2015, jour de l'accident, Mme [O] était effectivement occupée à de la préparation de véhicules et non à de la conduite de véhicule sur parc, soit à des tâches relevant du poste visé dans le contrat versé par la société CAT.
Selon le contrat produit par cette société, les risques dudit poste étaient identifiés comme suit : 'conduite de véhicules'. Le poste est mentionné sur le contrat comme ne figurant pas sur la liste de l'article L. 4154-2 du code du travail, liste des postes de travail présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité bénéficiant d'une formation renforcée à la sécurité ainsi que d'un accueil et d'une information adaptés dans l'entreprise. La circonstance que ce poste pouvait inclure de la conduite de véhicule, à l'instar de celui prévu dans le contrat produit par Mme [O] qui figurait quant à lui dans cette liste, ne suffit pas à en déduire que le poste de 'préparation de véhicules-conduite de véhicules' présentait des risques particuliers au sens de l'article L. 4154-2 susvisé dès lors que le poste de 'conduite de véhicule sur parc' était entièrement dédié à la conduite, sur parc, avec possibilité de chargement de barge ou de fer, et qu'il s'agissait donc d'un poste de conduite de véhicule aux caractéristiques différentes, générant des risques propres. Quant à la préparation de véhicules à laquelle Mme [O] était occupée le jour de l'accident, il ressort du rapport de l'inspection du travail que cette mission consistait à mettre en route la radio, faire le nettoyage intérieur, chercher le livret dans le coffre de la voiture pour le mettre dans la boîte à gants, installer les accessoires, insérer la carte SD dans l'autoradio et coller la vignette d'assurance, soit des tâches ne révélant pas de risque particulier.
Au demeurant, force est de constater que dans son rapport, l'inspection du travail n'a pas identifié le poste de Mme [O] comme devant être inscrit sur la liste prévue à l'article L. 4154-2 précité et n'a d'ailleurs mis en évidence aucun manquement en termes de formation à la sécurité.
Il n'est dès lors pas établi que Mme [O] était affectée à un poste de travail présentant un risque particulier pour la santé ou la sécurité. Elle n'est pas fondée en conséquence à se prévaloir de la présomption de faute inexcusable résultant des dispositions de l'article L. 4154-3 du code du travail.
Sur la conscience du danger et les mesures prises pour empêcher la réalisation du risque
A défaut d'application de la présomption susvisée et sauf exercice du droit d'alerte et de retrait, non invoqué en l'espèce, il incombe au salarié qui se prévaut de la faute inexcusable de rapporter la preuve que l'employeur avait ou devait avoir conscience du danger auquel il était exposé et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.
Il résulte des pièces versées aux débats et des explications des parties que l'accident est survenu sur la chaîne de préparation des véhicules de la manière suivante : alors que Mme [O] se trouvait à l'arrière d'un véhicule, penchée vers le coffre, le véhicule suivant, moteur en marche, frein desserré, doté d'une boîte automatique, a avancé subitement et l'a percutée. Il est constant que le levier de la boîte de vitesses de ce véhicule, qui aurait dû se trouver sur la position 'neutre' correspondant à l'immobilisation du véhicule, a été retrouvé en position 'drive', ce qui explique son embardée.
Dans son rapport du 19 décembre 2016, l'inspecteur du travail a relevé qu'à la suite de l'accident, la société CAT a interdit la mise en marche des moteurs sur la chaîne de préparation, mis à jour le document unique de sécurité en ce sens et également affiché des consignes dans le même sens. Il a estimé que le risque d'un enclenchement fortuit d'une vitesse dû aux vibrations du tapis roulant ou d'un geste malencontreux d'un salarié sur un véhicule équipé d'une boîte automatique n'avait pas été pris en compte.
Cependant, force est de constater que les circonstances précises de l'accident tenant à l'origine du passage du levier de vitesses sur la position 'drive', qui était interdit par la société CAT, ne sont pas déterminées avec certitude. En effet, l'inspecteur du travail évoque deux hypothèses possibles sans se prononcer lui-même sur ce qui est survenu. Il a seulement été envisagé par le CHSCT dans un arbre des causes de l'accident que la position 'neutre' aurait été mal enclenchée et qu'ajouté aux vibrations de la chaîne automatique, cela aurait permis le basculement du levier sur la position 'drive', sans que le document produit indique notamment si des tests ont été effectués afin de valider les causes indiquées.
Et à supposer que l'accident se soit produit ainsi, c'est à juste titre que la société CAT fait valoir qu'il était imprévisible. En effet, celle-ci relève, sans être démentie par des explications argumentées ou par les pièces versées aux débats, que le passage de la position 'neutre' sur la position 'drive' implique deux manoeuvres humaines, soit, d'une part, appuyer sur la pédale de frein et, d'autre part, appuyer sur le bouton de levier de vitesses, et que le positionnement du levier entre 'neutre' et 'drive' n'est pas une position d'équilibre. Compte tenu de la double manoeuvre humaine normalement nécessaire à l'enclenchement de la position 'drive' supposant une action du pied et une autre distincte de la main portant sur des endroits différents et du fait, non contredit par des éléments objectifs, que l'entreprise n'avait jamais été confrontée antérieurement à un démarrage intempestif d'un véhicule sur la chaîne de préparation, il n'est pas établi que la société CAT aurait dû avoir conscience du danger auquel Mme [O] était exposée.
La prohibition par la société CAT de la mise en marche des moteurs des véhicules sur la chaîne à la suite de l'accident litigieux et le fait que cette mise en marche n'était donc pas impérativement nécessaire à la réalisation de la prestation incombant à la société CAT sont par ailleurs indifférents à la caractérisation de la faute inexcusable, laquelle suppose de démontrer que l'employeur a ou aurait dû avoir conscience du danger avant l'accident.
Enfin, l'absence de système d'arrêt d'urgence relevé par le TASS, outre qu'il est contredit par les photographies produites par la société CAT établissant l'existence d'un câble d'arrêt d'urgence qui court au dessut de la chaîne, apparaît en tout état de cause sans rapport avec la survenue de l'accident dès lors qu'un tel système, s'il entraîne l'arrêt de la chaîne, ne permet pas d'empêcher l'avancée d'un véhicule dont la position 'drive' s'est enclenchée.
En conséquence, Mme [O] doit être déboutée de sa demande visant à la reconnaissance de la faute inexcusable à l'origine de son accident du travail et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [O], qui succombe en son recours, sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par décision contradictoire,
Infirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 26 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Yvelines (n°17-275/V) ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Déboute Mme [O] de toutes ses demandes ;
La condamne aux dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier FOURMY, Président, et par Madame Florence PURTAS, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,