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19/12/2019 | FRANCE | N°18/02850

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 19 décembre 2019, 18/02850


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 78F



16e chambre



ARRÊT N°492



CONTRADICTOIRE



DU 19 DÉCEMBRE 2019



N° RG 18/02850 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SKYR



AFFAIRE :



Madame [H] [G]



Mademoiselle [O] [Z]



C/



[J] [E]





Madame [C] [D] épouse [E]



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2018 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 17/09307
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Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/12/2019

à :



Me Mélodie CHENAILLER, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES







RÉPUBLIQUE F...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 78F

16e chambre

ARRÊT N°492

CONTRADICTOIRE

DU 19 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/02850 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SKYR

AFFAIRE :

Madame [H] [G]

Mademoiselle [O] [Z]

C/

[J] [E]

Madame [C] [D] épouse [E]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Avril 2018 par le Juge de l'exécution de NANTERRE

N° RG : 17/09307

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 19/12/2019

à :

Me Mélodie CHENAILLER, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, avocat au barreau de VERSAILLES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [Z]

née le [Date naissance 1] 2000 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [O] [Z]

née le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Mélodie CHENAILLER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 125 - Représentant : Me Giany ABBE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: P0197

APPELANTES

****************

Monsieur [J] [E]

né le [Date naissance 3] 1951 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Madame [C] [D] épouse [E]

née le [Date naissance 4] 1956 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731 - N° du dossier 18078049

Représentant : Me Nicolas LIBERT VINCENT de la SELEURL LIBERT ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0719, substitué par Me Anne CADORET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0719

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline BONIFACE, Vice-Président placé, délégué dans les fonctions de conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Patricia GRASSO, Président,

Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller,

Madame Céline BONIFACE, Vice-Président placé, délégué dans les fonctions de conseiller,

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO,

EXPOSÉ DU LITIGE

Par jugement réputé contradictoire du 1er juillet 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre, saisi par [C] [Z], copropriétaire, a notamment condamné in solidum, avec exécution provisoire, M. [J] [E] et Mme [C] [D], son épouse, copropriétaires voisins, à supprimer des vues illicitement constituées depuis leur terrasse sur celle du demandeur en ces termes :

Condamne in solidum M. et Mme [E] à supprimer ces vues illicites par la mise en place des dispositifs prévus par l'expert [H] [M] en conclusion de son rapport établi le 23 novembre 2017 :

- en posant des écrans pare-vue fixes complétant la hauteur des garde-corps actuels (parallèles à la ligne divisoire) jusqu'à une hauteur de 190 cm mesurés à partir du plancher,

- en posant des écrans pare-vue fixes dépassant de 60 cm les garde-corps perpendiculaires à la ligne divisoire,

- en fixant de façon irréversible les vantaux coulissants de la véranda,

- cela dans le mois de la signification du présent jugement et passé ce délai sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Versailles du 15 novembre 2012.

Par décision du 8 avril 2014, le juge de l'exécution, saisi en liquidation de l'astreinte prononcée, a ordonné la radiation de l'affaire, M. [Z] étant décédé le [Date décès 1] 2013 en laissant pour lui succéder ses trois filles, [X], issue d'un premier lit, [O] et [K] [Z], chacune héritière ab intestat pour le tiers.

Par acte d'huissier du 31 mai 2017, Mme [H] [G], agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure [K] [Z], et Mme [O] [Z] ont assigné M. et Mme [E] devant le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nanterre en liquidation de l'astreinte.

Par jugement rendu le 10 avril 2018, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nanterre a :

rejeté les demandes de M. et Mme [E] tendant à la jonction et au constat de la péremption des instances RG 13/11638 et 17/09307, ainsi que leur demande subséquente en paiement des frais de l'instance RG 13/11638,

déclaré irrecevable car prescrite la demande de Mme [H] [G], agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mme [K] [Z], et de Mme [O] [Z],

rejeté la demande indemnitaire reconventionnelle de M. et Mme [E] au titre de la procédure abusive,

rejeté la demande de Mme [H] [G], agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mme [K] [Z], et de Mme [O] [Z] au titre des frais irrépétibles, 

condamné in solidum Mme [H] [G], agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mme [K] [Z], et de Mme [O] [Z] à payer à M. et Mme [E] la somme de 800 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum Mme [H] [G], agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure Mme [K] [Z], et de Mme [O] [Z], à supporter les entiers dépens de l'instance,

rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

Le 20 avril 2018, les consorts [Z] ont interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :

déclaré irrecevable comme prescrite la demande en liquidation de l'astreinte présentée,

rejeté leur demande au titre des frais irrépétibles,

les a condamnés au paiement des dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions notifiées le 7 octobre 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, les consorts [Z], appelantes, demandent à la cour de :

recevoir leurs demandes, fins et prétentions et les déclarer bien-fondées,

Sur l'incident,

dire et juger Mme [H] [G] agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Mme [K] [Z], devenue majeure, et Mme [O] [Z], recevables et bien-fondées en leurs demandes, fins et conclusions d'incident,

dire et juger irrecevables les conclusions d'incident notifiées par M. et Mme [E] le 20 novembre 2018,

débouter M. et Mme [E] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions d'incident,

déclarer leurs conclusions d'appelant n°2 notifiées le 23 octobre 2018 recevables,

À titre principal,

rejeter l'intégralité des demandes formées par M. et Mme [E] dans le cadre de leur appel incident,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de M. et Mme [E] tendant à la jonction et au constat de la péremption des instances RG 13/11638 et RG 17/09307 ainsi que leur demande en paiement des frais de l'instance RG 13/11638 et rejeté les demandes de M. et Mme [E] tendant à la réparation de leur préjudice compte tenu de la procédure abusive mise en oeuvre par elles,

infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

En conséquence,

liquider l'astreinte prononcée à l'encontre de M. et Mme [E] par le jugement en date du 1er juillet 2010 rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre et confirmé par l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 15 novembre 2012, à la somme de 296 300 euros arrêtée au 8 octobre 2018, à parfaire le cas échéant,

condamner M. et Mme [E] à leur verser le montant de l'astreinte liquidée, soit la somme de 296 300 euros à parfaire le cas échéant,

condamner M. et Mme [E] à leur payer la somme de 13 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. et Mme [E] aux entiers dépens.

Dans leurs conclusions comportant un appel incident, notifiées le 12 mars 2019, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [E], intimés, demandent à la cour de :

recevoir leurs conclusions d'intimés et d'appelants incidents et les déclarer bien-fondées,

Sur l'incident,

débouter les consorts [Z] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions sur incident,

déclarer irrecevables les conclusions signifiées par les consorts [Z] en date du 23 octobre 2018 en ce qu'elles répondent hors délai à leur appel incident contre le jugement entrepris,

Dès lors,

dire et juger irrecevables les demandes des consorts [Z] tendant à :

- rejeter l'intégralité des demandes formées par eux dans le cadre de leur appel incident,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes tendant à la jonction et au constat de la péremption des instances RG 13/11638 et RG 17/09307 ainsi que leur demande en paiement des frais de l'instance RG 13/11638 et rejeté leurs demandes tendant à la réparation de leur préjudice pour procédure abusive,

dire et juger que les consorts [Z] ne répliquent donc pas à leur appel incident à l'encontre du jugement entrepris,

À titre principal,

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite la demande des consorts [Z],

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté leurs demandes tendant à la jonction et au constat de la péremption des instances RG 13/11638 et 17/09307, ainsi que leur demande subséquente en paiement des frais de l'instance RG 13/11638 et rejeté leur demande indemnitaire reconventionnelle au titre de la procédure abusive,

En conséquence,

constater la péremption de l'instance enrôlée sous le numéro RG 13/11638,

ordonner le jonction des instances enrôlées sous les numéros RG 13/11638 et RG 17/09307,

dire et juger que les instances enrôlées sous les numéros RG 13/11638 et RG 17/09307 constituent une seule et même instance,

constater la péremption de l'instance enrôlée sous le numéro RG 17/09307,

condamner les consorts [Z], en qualités d'ayant-droits de [C] [Z], à leur verser la somme de 469,64 euros, assortie des intérêts au taux légal, au titre des frais engagés par eux dans le cadre de l'instance enrôlée sous le numéro RG 13/116 38,

En tout état de cause,

dire et juger qu'ils ont exécuté de bonne foi le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre en date du 1er juillet 2010,

dire et juger que les consorts [Z] ont abusé de leur droit d'ester en justice en introduisant une action en liquidation de l'astreinte dictée par leur seule intention de leur nuire,

En conséquence,

débouter les consorts [Z] de leur demande de liquidation de l'astreinte prononcée par le tribunal de grande instance de Nanterre en date du 1er juillet 2010,

débouter les consorts [Z] de toutes leurs demandes,

condamner les consorts [Z] à leur verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,

condamner les consorts [Z] à leur verser la somme de 13 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner les consorts [Z] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 8 octobre 2019.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 14 novembre 2019 et le délibéré au 19 décembre suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions d'incident notifiées le 20 novembre 2018 par les consorts [E]

Au terme de leurs écritures, les consorts [Z] sollicitent que les conclusions d'incident notifiées par les intimés le 20 novembre 2018, adressées au conseiller de la mise en état antérieurement à l'avis de fixation, soient déclarées irrecevables.

Néanmoins d'une part les motifs de leurs écritures ne contiennent aucun moyen ou fondement à cette demande et d'autre part le conseiller de la mise ayant, par l'effet de l'avis de fixation, perdu toute compétence, les conclusions n'étant d'ailleurs plus soutenues comme telles, il convient de rejeter la fin de non recevoir soulevée.

Sur la recevabilité des conclusions d'intimé incident notifiées le 23 octobre 2018

L'article 905 du code de procédure civile dispose que lorsque l'affaire semble présenter un caractère d'urgence ou être en état d'être jugée ou lorsque l'appel est relatif à une ordonnance de référé ou en la forme des référés ou à une des ordonnances du juge de la mise en état énumérées aux 1° à 4° de l'article 776, le président de la chambre saisie, d'office ou à la demande d'une partie, fixe les jours et heures auxquels l'affaire sera appelée à bref délai ; au jour indiqué, il est procédé selon les modalités prévues aux articles 760 à 762.

L'article 905-2 poursuit en indiquant qu'à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, l'appelant dispose d'un délai d'un mois à compter de la réception de l'avis de fixation de l'affaire à bref délai pour remettre ses conclusions au greffe.

L'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.

L'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office par ordonnance du président de la chambre saisie ou du magistrat désigné par le premier président, d'un délai d'un mois à compter de la notification de l'appel incident ou de l'appel provoqué à laquelle est jointe une copie de l'avis de fixation pour remettre ses conclusions au greffe.

Les époux [E] soutiennent que, dès lors que la procédure de l'article 905 est applicable de plein droit, par l'effet des dispositions de l'article R.121-20 du code des procédures civiles d'exécution, les délais prévus par l'article 905-2 s'appliquent indépendamment de l'envoi par la cour de l'avis de fixation.

Ils en déduisent que, leurs conclusions portant appel incident ayant été notifiées le 27 juillet 2018, les consorts [Z] disposaient d'un délai d'un mois, soit jusqu'au 27 août 2018, pour y répondre : leurs conclusions, notifiées que le 23 octobre 2018, soit postérieurement au délai d'un mois, seraient ainsi irrecevables.

Néanmoins les consorts [Z] objectent justement que les délais fixés par l'article 905-2 du code de procédure civile forment un ensemble indissociable dont le point de départ, quelle que soit la nature de l'instance, est fixé par l'avis de fixation adressé par la cour.

En l'espèce l'avis de fixation ayant été adressé le 12 mars 2019, l'ensemble des échanges antérieurs notifiés entre les parties ne relèvent pas des dispositions spécifiques de l'article 905-2, qui ne peut dès lors fonder aucune fin de non recevoir à leur encontre.

En conséquence la fin de non recevoir soulevée par les époux [E] à l'encontre des conclusions portant réponse à l'appel incident notifiées le 23 octobre 2018 est rejetée.

Sur les incidents d'instance devant le premier juge

L'article 367 du code de procédure civile dispose que le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

L'article 368 précise que les décisions de jonction ou disjonction d'instances sont des mesures d'administration judiciaire.

L'article 386 du code de procédure civile prévoit que l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

L'article 389 dispose enfin que la péremption n'éteint pas l'action ; elle emporte seulement extinction de l'instance sans qu'on puisse jamais opposer aucun des actes de la procédure périmée ou s'en prévaloir.

De manière liminaire et bien que ce point ne soit pas soulevé, il convient de souligner que le refus par le juge de l'exécution de procéder à une jonction d'instance constitue une mesure d'administration judiciaire, qui n'est pas susceptible d'appel.

Sur le fond les parties s'accordent pour considérer que la première instance, initiées par l'assignation délivrée par M. [C] [Z] aux époux [E] et radiée par ordonnance du juge de l'exécution le 8 avril 2014, est irrémédiablement frappée de péremption.

Néanmoins les époux [E] soutiennent que dès lors que cette instance et celle engagée par les ayant droit de [C] [E] présentent une identité de cause et d'objet -soit obtenir la liquidation de l'astreinte- le juge devait nécessairement ordonner la jonction de cette seconde instance avec la première et constater ensuite, par application de l'article 389 du code de procédure civile, qu'elle était, comme la première, frappée de péremption.

Toutefois, par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence, le premier juge a retenu que la péremption de l'instance n'éteint pas l'action, ce dont il doit être déduit que la loi autorise les parties à soumettre au juge une nouvelle instance, par la délivrance d'un acte introductif distinct, dont les mérites sont appréciés sans pouvoir prendre appui sur les actes issus de la première.

En conséquence c'est justement que le juge de l'exécution a écarté la demande de jonction qui lui était présentée, dès lors que la jonction ne peut intervenir qu'entre deux affaires également pendante devant la même juridiction, ce qui n'était plus le cas de celle introduite, ainsi que la demande visant à voir opposer la péremption à l'assignation introduite par Mme [Z]. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a rejeté ces demandes, ainsi que celles subséquentes en condamnation aux dépens et à payer des dommages-intérêts.

Sur la demande en liquidation de l'astreinte

Sur la recevabilité de la demande

L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2235 ajoute qu'elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle, sauf pour les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts des sommes prêtées et, généralement, les actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à des termes périodiques plus courts.

Les parties s'accordent pour affirmer que l'action en liquidation de l'astreinte, action personnelle, se prescrit par cinq ans et court à compter du jour où son bénéficiaire avait connaissance de son droit à agir.

Les époux [E] soutiennent que [C] [Z] avait connaissance de son droit dès l'écoulement du délai d'un mois après le prononcé du jugement, date à laquelle l'astreinte a commencé à courir, et affirment qu'aucune interruption ou suspension ne permet d'écarter la prescription de l'action introduite par voie d'assignation le 31 mai 2017.

Les consorts [Z] soutiennent en premier lieu que le délai de prescription a été suspendu durant leur minorité, soit concernant [O] [Z] jusqu'au 10 septembre 2012 et concernant [K] [Z] jusqu'au 8 avril 2018.

Si le premier juge a justement considéré que l'action exercée par les appelantes leur a été transmise par voie de succession et que le délai de prescription s'apprécie de manière unique à compter de la date à laquelle son titulaire initial était en mesure d'agir, il ne pouvait écarter le moyen tiré de suspension de ce délai par un fait propre à l'une des parties une fois celle-ci titulaire du droit.

[C] [Z] est décédé le [Date décès 1] 2013, date à laquelle il n'est pas contesté que la prescription quinquennale ne pouvait être acquise : ses ayants droit sont, à compter de cette date, devenue titulaires, par l'effet de la transmission successorale, du droit d'agir en liquidation de l'astreinte.

Or si à cette date [K] [Z] était majeure et pouvait donc exercer ses droits, tel n'était pas le cas de [O] [Z] : qu'à son égard, la prescription a ainsi été, de plein droit, suspendue et ce jusqu'à sa majorité atteinte postérieurement à l'introduction de la présente instance.

En conséquence, et dès lors qu'il n'est pas contesté que l'action en liquidation de l'astreinte est personnelle à chacun de ses bénéficiaires, aucune prescription ne pouvait être valablement opposée à Mme [O] [Z], le jugement devant être infirmé de ce chef.

Les consorts [Z] soutiennent en second lieu que l'action en liquidation de l'astreinte, qui tend à forcer l'exécution d'une obligation, est indivisible de l'action qui tend à voir reconnaître judiciairement cette obligation. Elles en déduisent que l'action en liquidation est virtuellement comprise dans l'action en reconnaissance de l'obligation qu'elle garantit, de sorte que l'appel incident interjeté par [C] [Z] à l'encontre du jugement du 1er juillet 2010 a nécessairement interrompu le délai pour agir, jusqu'à la signification de l'arrêt de la cour d'appel du 15 novembre 2012, intervenue le 4 décembre 2012, point de départ de la prescription après interruption.

Néanmoins, par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altéré la pertinence te que la cour adopte, le premier juge a retenu que l'action en liquidation de l'astreinte est distincte de celle tendant à son prononcé et ne peut être considérée comme virtuellement comprise dans la première. En ce sens, l'interruption de la prescription permet de protéger celui qui se trouvait dans l'incapacité d'agir : or le bénéfice de l'exécution provisoire accordé par le jugement du 1er juillet 2010 permettait à [C] [Z] d'introduire, sans attendre l'issue de la procédure d'appel, une action aux fins d'obtenir la liquidation de l'astreinte.

En conséquence le jugement doit être confirmé en ce qu'il a écarté toute interruption de la prescription fondée sur la procédure d'appel.

Au regard de l'ensemble, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Mme [O] [Z] irrecevable, de l'infirmer partiellement pour le surplus et de rejeter la fin de non recevoir soulevée à l'encontre de Mme [K] [Z].

Sur la demande en liquidation

L'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.

Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.

L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Le jugement du 1er juillet 2010, intégralement confirmé, a imposé aux époux [E], propriétaire d'un appartement avec terrasse surplombant celle propriété des consorts [Z], de supprimer les vues illicites en :

posant des écrans pare-vue fixes complétant la hauteur des garde-corps actuels (parallèles à la ligne divisoire) jusqu'à une hauteur de 190 cm mesurés à partir du plancher,

posant des écrans pare-vue fixes dépassant de 60 cm les garde-corps perpendiculaires à la ligne divisoire,

fixant de façon irréversible les vantaux coulissants de la véranda.

Pour solliciter la liquidation de l'astreinte Mme [K] [Z] fait valoir que les époux [E] ne justifient d'aucune démarche suffisante pour exécuter le jugement dès lors :

concernant les écrans pare-vue, le constat qu'ils ont eux-même diligenté le 24 octobre 2013 démontrent qu'ils n'étaient pas à 190cm mais à une hauteur moindre, soit entre 174 et 178 cm,

concernant les retours de 60cm en aplomb des gardes corps sur la ligne divisoire, ils n'étaient pas posés le 24 octobre 2013,

concernant la fixation des vantaux coulissants de la véranda n'était pas irréversible, mais uniquement assurée par un vissage de butées dans les rails pouvant être retirées.

Elle ajoute que si les travaux sur les pare-vues ont finalement été exécutés le 3 décembre 2013, la fixation irréversible des vantaux n'est toujours pas assurée à ce jour et que les éventuels futurs occupants du logement, non tenus par les termes du jugement, pourront les retirer aisément.

Elle considère qu'aucune cause étrangère ne peut être retenue dès lors d'une part que les époux [E] pouvaient aisément vérifier la bonne réalisation des travaux et d'autre part que M. [E], juriste et gérant de plusieurs SCI, avait une connaissance particulière de ses obligations et des risques encourus en cas d'inexécution.

Elle sollicite ainsi la liquidation de l'astreinte à taux plein sur la totalité de la période entre le 1er août 2010 et le 8 octobre 2018 (date des conclusions) soit sur 2 963 jours ou à tout le moins jusqu'au 3 décembre 2013, soit sur 1160 jours.

Les époux [E] s'opposent à cette demande au motif qu'ils ont, dès le mois de septembre 2010, mandaté une société afin d'effectuer les travaux dont la facture précise expressément l'installation de panneaux en hauteur de 1,90m linéaire, soit 4 panneaux de 1,80m de large et un panneau de 90cm de largeur.

Ils affirment que les constats établis à la requête de [C] [Z] ne sont pas probants dès lors que l'huissier a procédé plus par affirmation que par des vérifications matérielles qu'il ne pouvait réaliser sans accéder à leur propriété.

Ils indiquent toutefois ne pas contester que les pare-vues qu'ils ont fait poser pouvaient effectivement, par endroits, être inférieurs à 190cm mais soulignent leur bonne foi au regard de la facture des premiers travaux réalisés démontrant, selon eux, leur volonté de respecter les termes du jugement, sans pouvoir être tenus pour responsables des mal-façons de l'entreprise mandatée. Ils ajoutent qu'ils ont fait reprendre les pare-vue dès les conclusions du procès verbal de constat, l'action en liquidation de l'astreinte étant de ce fait devenue sans objet.

Concernant la fixation des vantaux ils soutiennent que l'expert n'a jamais exclu la fixation par vissage de butées, qui sont bien irréversibles au sens où elles ne peuvent être retirées aisément au quotidien, et ajoutent qu'en toute hypothèse, même une fixation par soudage ne serait pas définitive puisqu'il est toujours possible de désouder des éléments.

A titre liminaire il convient de rappeler que la charge de la preuve de l'exécution libératoire d'une obligation judiciairement fixée incombe à son débiteur : en ce sens, le risque probatoire pèse exclusivement sur les époux [E].

Concernant les pare-vue, il ressort du procès verbal de constat établi à la requête des époux [E] le 24 octobre 2013 que leur hauteur ne dépassait pas uniformément 190cm, le choix des intimés s'étant porté sur des pare-vue en forme de vague.

Ce seul constat permet de retenir qu'à cette date, les époux [E] ne s'étaient pas conformé strictement à l'injonction judiciaire qui leur avait été adressée, sans pouvoir se prévaloir d'aucune cause étrangère de nature à les exonérer.

En effet, le simple fait qu'ils aient mandaté une entreprise en vue de réaliser les travaux, ce qui est établi, pour la pose de pare-vue parallèles à la ligne divisoire, par la production de la facture, ne leur interdisait pas de procéder ou de faire procéder à la vérification de la conformité du dispositif, démarche aisée puisqu'elle consiste à mesure depuis le sol une hauteur minimale de 190 cm.

En outre il s'évince de ce constat qu'aucun pare-vue surplombant les gardes corps au perpendiculaire de la ligne divisoire n'avaient été installés.

A l'inverse, dans un délai très bref après ce premier constat, les époux [E] ont réalisé des travaux complémentaires et justifient, par le procès verbal du 3 décembre 2013, s'être intégralement conformés, pour la pose des pare-vue, à la décision.

Concernant la fixation irréversible des vantaux de la véranda construite sur l'une des terrasses agrémentant l'appartement des époux [E], l'expert retenait que la vue ne serait supprimée que par l'impossibilité matérielle de procéder à l'ouverture de ses vitres.

Les contestations émises par les époux [E] sur le sens du mot irréversible est sans effet, ce terme désignant communément un processus qui ne peut être inversé. Dès lors qu'il n'est pas contesté que la méthode retenue, soit le seul vissage de butées pouvant être retirées sans porter atteinte à la structure de la véranda, ne correspond pas à la définition d'irréversible, il leur appartenait de rapporter la preuve qu'aucune autre méthode n'était envisageable pour supprimer sans retour la possibilité de faire coulisser les vitres.

La charge de la preuve leur incombant, il doit être constaté que les époux [E] ne démontrent pas avoir respecter l'obligation judiciaire mise à leur charge.

Une astreinte unique ayant été prononcée pour garantir l'exécution des trois obligations distincte dont le sort diffère, au regard du comportement des époux [E] qui ont fait réaliser de premiers travaux immédiatement après le jugement, puis fait réaliser un procès verbal à réception de l'assignation en liquidation, et enfin dans le mois ayant suivi ce constat, fait réaliser des travaux complémentaires, il convient de diminuer le taux de l'astreinte qui sera liquidée comme suit :

au taux de 15 € par jour de retard du 1er août 2010 au 3 décembre 2013 (1160 jours), soit 17 400 €,

au taux de 5 € par jour de retard du 4 décembre 2013 au 8 octobre 2018 (1803 jours), soit 9 015 €.

En conséquence il convient d'infirmer le jugement et de condamner solidairement M. et Mme [E] à payer à Mme [K] [Z] la somme de 26 415 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010.

Sur la demande indemnitaire présentée par les consorts [E]

Au regard de ce qui précède, les époux [E] ne démontrent pas que l'action engagée par les consorts [Z] serait abusive et ils doivent être déboutés de leur demande indemnitaire de ce chef.

Sur les demandes accessoires

Au regard des circonstances de la cause et de la situation des parties, il convient :

de condamner Mme [O] [Z] à payer à M. et Mme [E] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

de condamner in solidum M. et Mme [E] à payer à Mme [K] [Z] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux [E], qui succombent au principal de leurs demandes, doivent être condamnés au paiement des entiers dépens.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par M. [J] [E] et Mme [C] [D] épouse [E] à l'encontre des conclusions d'appelant  notifiées le 23 octobre 2018 ;

REJETTE la fin de non recevoir soulevée par Mme [O] [Z] et Mme [K] [Z] à l'encontre des conclusions d'incident notifiées le 20 novembre 2018 ;

CONFIRME le jugement uniquement en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir ordonner la jonction des instances et constater leur péremption et déclarer Mme [O] [Z] irrecevable en sa demande, et l'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [K] [Z] et déclare celle-ci recevable en son action ;

CONDAMNE solidairement M. [J] [E] et Mme [C] [D] épouse [E] à payer à Mme [K] [Z] la somme de 26 415 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par jugement du 1er juillet 2010, pour la période du 1er août 2010 au 8 octobre 2018 ;

CONDAMNE Mme [O] [Z] à payer à M. [J] [E] et Mme [C] [D] épouse [E] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [J] [E] et Mme [C] [D] épouse [E] à payer à Mme [K] [Z] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toute autre demande ;

CONDAMNE in solidum M. [J] [E] et Mme [C] [D] épouse [E] au paiement des entiers dépens d'appel ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Patricia GRASSO, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 18/02850
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°18/02850 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;18.02850 ?
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