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19/12/2019 | FRANCE | N°18/00993

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 19 décembre 2019, 18/00993


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 DÉCEMBRE 2019



N° RG 18/00993 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFKQ



AFFAIRE :



[J] [O] [H]





C/

SAS FINASTRA FRANCE dénommée MISYS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 1

3/00271



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



la SELARL R & R



Me Alexandra VOIRIN







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/00993 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SFKQ

AFFAIRE :

[J] [O] [H]

C/

SAS FINASTRA FRANCE dénommée MISYS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 13/00271

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

la SELARL R & R

Me Alexandra VOIRIN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [O] [H]

né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Pierre ROBIN de la SELARL R & R, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0622 - N° du dossier 160303

APPELANT

****************

SAS FINASTRA FRANCE

N° SIRET : 428 813 083

[Adresse 4] -

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Alexandra VOIRIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E2042 - N° du dossier 160303

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 Novembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Bérangère MEURANT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 31 juillet 2011, M. [J] [H] était embauché par la SAS Finastra, anciennement dénommée Misys, en qualité de chef de projet-lead financial engineer par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention Syntec

Le 3 janvier 2013, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement.Le 14 janvier 2013, il lui notifiait son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le 31 janvier 2013, M. [J] [H] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre.

Vu le jugement du 18 décembre 2017 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- débouté M. [J] [H] de l'intégralité de ses demandes,

- débouté la SAS Finastra de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [J] [H] aux entiers dépens.

Vu la notification de ce jugement le 16 janvier 2018.

Vu l'appel régulièrement interjeté par M. [J] [H] le 12 février 2018.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [J] [H], notifiées le 8 octobre 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 18 décembre 2017 ;

En conséquence, à titre principal :

- dire que le licenciement notifié par la société Misys à [J] [H] revêt un caractère disciplinaire ;

En conséquence :

- dire prescrits les faits invoqués par la société Misys au soutien du licenciement du salarié ;

À titre subsidiaire :

- dire qu'il n'existe aucune insuffisance professionnelle au soutien de la rupture du contrat de travail du salarié ;

En conséquence,

- condamner la société Misys Turaz Global au paiement d'une somme d'un montant de 74 250 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

- condamner la société Misys Turaz Global au paiement à [J] [H] d'une somme d'un montant de 16 184 euros au titre des heures supplémentaires outre 1 618 euros à titre de congés payés sur heures supplémentaires ;

- condamner la société Misys Turaz Global au paiement à [J] [H] d'une somme d'un montant de 24 750 euros pour dissimulation d'emploi salarié ;

- condamner la société Misys Turaz Global au paiement à [J] [H] d'une somme d'un montant de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 ainsi qu'en tous les dépens.

Vu les écritures de l'intimée, la SAS Finastra, notifiées le 11 octobre 2019, soutenues à l'audience par son avocat, auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé et par lesquelles il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement entrepris, en toutes ses dispositions.

En conséquence,

- débouter M. [H] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement abusif;

- débouter M. [H] de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et congés payés afférents;

Débouter M. [H] de sa demande en paiement d'indemnité pour travail dissimulé.

A titre reconventionnel,

- condamner M. [H] à verser à la Société Finastra la somme de 2 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- laisser à sa charge les éventuels dépens.

Vu l'ordonnance de clôture du 4 novembre 2019.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

M. [H] soulève la nullité de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis en raison notamment de l'absence de mention des modalités par lesquelles l'employeur veille à l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle. Il réclame un rappel de salaire de 16 184 euros au titre de 476 heures supplémentaires accomplies, outre les congés payés afférents, soit 1 618 euros, ainsi que 24 750 euros au titre du travail dissimulé qu'il estime caractérisé au regard des nombreuses anomalies affectant la convention de forfait en jours.

L'employeur répond que M. [H] bénéficiait de points individuels réguliers au cours desquels il échangeait sur son travail. Il ajoute que la charge de travail du salarié était raisonnable, qu'il ne justifie pas des heures supplémentaires accomplies qui ne lui ont pas été demandées et qu'elles seraient en tout état de cause dues à son insuffisance professionnelle. Il estime que la preuve du caractère intentionnel du délit de travail dissimulé n'est pas rapportée.

L'article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 applicable au litige dispose que : « La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. »

L'article L 3121-40 du même code précise que : « La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit ».

L'article L 3121-45 ajoute que : « Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. Le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé par l'accord prévu à l'article L. 3121-39. A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours.

Le nombre maximal annuel de jours travaillés doit être compatible avec les dispositions du titre III relatives au repos quotidien, au repos hebdomadaire et aux jours fériés chômés dans l'entreprise, et du titre IV relatives aux congés payés.

Un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur détermine le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire, sans qu'il puisse être inférieur à 10 % ».

Enfin, il ressort de l'article L 3121-46 que « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ».

Il ressort de l'article 6 du contrat de travail conclu par les parties que M. [H] était soumis à un forfait de 218 jours par an.

Le contrat de travail se contente de renvoyer aux dispositions conventionnelles, au demeurant non conformes aux exigences ci-dessus rappelées, sans fournir la moindre précision concernant les modalités de suivi de la charge de travail et la garantie de l'équilibre entre la vie professionnelle et vie personnelle et familiale du salarié.

Si l'employeur invoque un accord d'entreprise du 19 avril 2000, cet accord n'est pas annexé, ni même visé, au contrat de travail.

L'existence de réunions régulières organisées dans le cadre du plan d'action mis en place par l'employeur ne suffit pas à assurer le respect des dispositions précitées et ce, même si le salarié a bénéficié de nombreux jours de congés comme le soutient l'intimée.

Dans ces conditions, la convention de forfait en jours doit être déclarée nulle et donc inopposable à M. [H]. Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

La durée légale du travail effectif prévue à l'article L 3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, la preuve des horaires de travail effectués n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande. 

 

Pour étayer ses dires,M. [H] produit notamment :

- un relevé informatique de la durée quotidienne de travail, dénommé Timesheet Report,

- un tableau détaillant un nombre d'heures travaillées et des heures supplémentaires du lundi au dimanche, ou du samedi au vendredi.

Néanmoins, il ressort du Timesheet Report, formulé en anglais sans communication à la cour d'une version traduite en français, que certaines pages comportent des déduction d'heures dont le volume total important excède les 479 heures supplémentaires invoquées, sans que le salarié ne s'explique sur ce point.

De plus, la cour rappelle que les heures supplémentaire se décomptent par semaine civile en application de l'article L 3121-20 du code du travail, de sorte que les heures supplémentaires revendiquées au titre des semaines au cours desquelles la durée hebdomadaire du travail n'a pas atteint 35 heures ne peuvent ouvrir droit à rappel de salaire.

Le salarié ne produit pas ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

Dans ces conditions, M. [H] sera débouté de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [H] considère que son licenciement revêt un caractère disciplinaire, puisqu'il lui est reproché de ne pas avoir respecté sciemment diverses instructions, d'avoir eu un comportement irresponsable et d'être à l'origine de dysfonctionnements inacceptables. Il soulève la prescription des faits reprochés au regard du délai de 2 mois de l'article L 1332-4 du code du travail.

Subsidiairement, le salarié conteste son insuffisance professionnelle, qu'il estime non démontrée. Il souligne l'absence d'observation entre le 5 septembre 2011 et le 9 juillet 2012 et considère que le plan de mise à l'épreuve élaboré par sa supérieure Mme [N] relève d'une stratégie de préparation de son licenciement, alors la décision de l'employeur était prise depuis l'entretien informel du 9 juillet 2012. Il affirme avoir découvert le plan d'action modifié dont se prévaut l'employeur, quelques jours avant la notification du licenciement.

Il rappelle avoir donné satisfaction durant sa période d'essai et les 4 premiers mois de l'année 2012 et s'être vu accorder une augmentation de salaire par courrier du 19 avril 2012. Il indique n'avoir bénéficié d'aucune formation, malgré le caractère hautement technique des prestations. Il soutient avoir été surchargé de travail et conteste tout retard lui étant imputable dans l'exécution de son travail. Il affirme que le véritable motifs de son licenciement est économique.

Il réclame 74 250 euros de dommages et intérêts correspondant à 18 mois de salaire.

L'employeur répond que la lettre de licenciement établit qu'il n'a pas souhaité se placer sur le terrain disciplinaire en visant les carences professionnelles du salarié, son incapacité à exercer de manière satisfaisante ses fonctions. Il conteste en conséquence l'application de la prescription invoquée.

Il estime que l'insuffisance professionnelle est caractérisée par :

- le retard pris dans l'exécution des prestations, dont le salarié n'informait pas la hiérarchie,

- de nombreux oublis,

- une absence de saisie des dysfonctionnements informatiques et des informations documentées dans l'outil de gestion interne, privant l'entreprise de la visibilité en temps réel des anomalies techniques,

- des tests insuffisamment exploités conduisant à des retards de livraison,

- une absence d'écoute et de communication avec les différents intervenants.

L'employeur précise avoir mis en place un plan d'action, dont le salarié a été informé, et un accompagnement, malgré lesquels les manquements ont perduré. Il affirme avoir assuré une formation sur le produit KTP lors de l'embauche de M. [H] qui n'a jamais formulé la moindre remarque concernant un manque de formation. Il ajoute que l'augmentation de salaire est antérieure à la période au cours de laquelle l'insuffisance professionnelle du salarié s'est révélée.

- Sur la qualification du licenciement

L'article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Le motif réel est à la fois un motif existant, exact et objectif.

Il ressort de la lettre de licenciement que l'employeur a rappelé en préambule : « Par courrier avec accusé de réception en date du 3 janvier 2013, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour insuffisance professionnelle le 10 janvier 2013».

Il reproche ensuite au salarié « un certain nombre de dysfonctionnements jugés inacceptables eu égard à votre niveau d'expérience » et évoque, à titre d'exemples les manquements suivants :

« - Des tâches essentielles qui ne sont tout simplement pas traitées et ce sans sérieuses justifications de votre part.

Le 20 juin, un mail de votre responsable signalait des points à corriger sur la spécification des accumulateurs dont tout un chapitre sur la description de l'annulation du traitement qui a purement été omise et pour lequel vous n'avez pas donné de justification quant à cette omission ou demandé d'explications si ce point n'était pas clair pour vous.

- Un comportement irresponsable qui se manifeste par l'absence d'alerte auprès de votre hiérarchie pour l'informer des prévisions de retard et des conséquences prévisibles. En mai 2012, le développeur en charge des ZBA vous a questionné pour commencer le développement. Les réponses ne lui sont parvenues qu'après vos vacances soit avec 3 semaines d'attente. C'est le développeur qui a donné l'alerte à votre responsable. La rédaction de spécifications techniques de qualité médiocre générant l'intervention systématique de votre manager pour pallier votre insuffisance.

La spécification des ZBA a nécessité de trop nombreux échanges pour que la spécification soit exploitable par le développement. Dans un premier temps ses échanges ont été oraux, mais constatant qu'il y avait de trop nombreux oublis, votre responsable vous les rédigeait pour avoir une garantie que chaque point soit bien pris en compte. Malgré ces écrits, les oublis ont persisté.

- L'absence répétée de saisie des bugs et d'informations documentées dans notre outil de gestion qui nous empêchent d'avoir la visibilité en temps réel des anomalies techniques Le bug KTP-34 ne contient qu'un descriptif flou qui ne permet de traiter avec fiabilité l'anomalie.

- Des tests insuffisamment exploités conduisant à des retards de livraison Pour les tests sur les « accumulators » le Project Delivery Manager a dû prendre en charge une bonne partie des tests et a trouvé un nombre de bugs non négligeable sur des scenarii simples car seuls les cas basiques avaient été traités.

- L'absence d'écoute et de discussions ouvertes et constructives avec les différents intervenants qui participent à l'évolution du produit

Lors des validations de spécifications, vous n'interveniez pas suffisamment pour indiquer les points que vous ne compreniez pas et vous n'écoutiez pas les remarques faites. Vous passiez directement sur le point suivant à la surprise des intervenants qui étaient obligés de vous faire revenir sur les points à éclaircir ».

Les manquements décrits relèvement manifestement de l'insuffisance professionnelle. Au surplus, l'employeur poursuit en rappelant que pour remédier à ces manquements : «  nous vous avons proposé (...) de mettre en place un plan d'actions visant à vous remettre en capacité de réaliser vos missions conformément aux exigences du poste pour lequel vous avez été embauché ». Il déplore toutefois : « Malgré l'investissement de votre manager qui n'a pas ménagé son temps pour vous aider à reprendre pleinement et en toute autonomie votre rôle d'Ingénieur Financier, nous sommes au regret de constater que les progrès sont très largement insuffisants que ce soit en terme de qualité du travail fourni, d'autonomie et de relations professionnelles comme en atteste le plan d'actions ci-joint qui met en évidence l'écart entre les résultats attendus et le travail rendu ».

Cette motivation relève explicitement de l'insuffisance professionnelle, de sorte que le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté M. [H] de sa demande de requalification de son licenciement.

- Sur le bien-fondé du licenciement

Pour justifier l'insuffisance professionnelle du salarié, l'employeur verse aux débats un courriel du 9 juillet 2012 par lequel Mme [F] alerte M. [H] sur les difficultés relatives à son travail. Elle y fait état du défaut de traitement de certaines tâches, même après des relances, de l'absence de réponse aux questions du « dev », de l'absence d'alerte lorsqu'un travail ne pourra pas être rendu à la date attendue, de la médiocrité de la qualité des spécifications, de l'absence de saisie immédiate des « bugs » dans l'outil dédié, de la documentation insuffisante des « bugs », de méthodes de travail discutables, notamment l'enregistrement des réunions pour les réécouter, l'absence d'intervention lors des réunions, le manque d'organisation ... Elle décrit ensuite un certain nombre de tâches qu'elle demande au salarié d'exécuter : « Saisir les bugs dans Jira aussitôt que tu détectes une anomalie. Ces bugs doivent être parfaitement documentés ' A chaque mise à jour de bug, tu notifieras les personnes directement concernées ...En ce qui concerne les tests, établir un plan de test conforme au template utilisé par KTP. Ce plan de teste doit décrire les scenarios/points à tester avant de commencer la validation ...Etablir un plan de spécification avant de la rédiger et le faire valider par [D]. Définir au préalable le besoin fonctionnel ' Définir tout les les notions clairement ' Mettre à jour la documentation post-dev dans délai et en informer les différents intervenants ' Fais toi un planning, classe des mails, fais des répertoires par sujet ' Pose des questions quand tu ne comprends pas quelque chose. Il n'y a pas de question stupide. Nous ne pourrons pas t'aider si nous ignorons tes difficultés ' Tiens tes engagements. Fais toutes les tâches qu'on te demande et si tu ne peux pas, informe [D] sans attendre qu'elle te demande si c'est fait ' Sois pro-actif. Informe [D] régulièrement de ton avancement, de tes difficultés. Lève l'alerte en cas de retard ' Nous mettons en place un plan d'action détaillé pour les 3 prochains mois pour t'aider à comprendre ce que nous attendons de toi '. ».

Est annexé à ce mail, un planning très détaillé des tâches à exécuter et du temps à y consacrer pour les 3 semaines à venir.

M. [H] ne justifie d'aucune contestation, ni de la moindre remarque concernant tant les termes du courriel qui décrit explicitement les manquements constatés par l'employeur, que le planning proposé. Il en va de même des plannings qui lui sont ensuite adressés toutes les 3 semaines.

Pourtant, par de très nombreux courriels versés aux débats, notamment les mails des 12, 23, 27 juillet, 16, 20, 21, 29 août, 1er octobre, 15, 23 novembre, 6, 18 décembre 2012, l'employeur a constaté la persistance des manquements :

-  « Il y a encore de nombreux points que je t'avais signalés par mail du 23 juillet qui n'ont pas été pris en compte »,

- « la fiche KTP-4609 est encore au statut Corrected. Ce n'est pas normal ' La fiche KTP-4571 sera faite après la livraison du HF21. [C] [B] en accord avec [U] t'avait prévenu sur ce point. C'est en appelant [C] que j'ai eu l'info, pourquoi ne me l'as tu pas dit ' Il y a encore des oublis de procédure et d'information, sois vigilant ... »,

- « Tes principaux problèmes :

- rester bloqué 1,5 jours sur une saisie et ne pas avoir demandé de l'aide,

- refaire les tests en 6 alors que ceux attendus sont en 7,

- ne pas alerter pour le retard pris ... »,

- « [J], Je viens de relire la spec et pour moi elle n'est pas présentable. Il serait souhaitable de décaler la réunion à la semaine prochaine ... »

- « [J], je m' inquiète un peu de la charge dépensée sur cette spec (on est à 10 jours au lieu des 4 prévus). Je compte sur toi pour que la prochaine revue soit la bonne car compte tenu des priorités, on ne peut pas se permettre de dépasser autant sur ce sujet là ».

outre de nombreux messages signalant des points non pris en compte par le salarié et de multiples erreurs.

Tous ces messages, qui n'ont jamais été contestés par M. [H], corroborent les manquements persistants décrits par l'employeur dans la lettre de licenciement.

Ils sont également confortés par le témoignage de M. [X], chef de produit, qui indique : « Lors des réunions de revue de ces spécification, j'ai pu constater personnellement que M. [H] ne maîtrisait pas son sujet. En particulier sur le sujet des ZBA il était évident que M. [H] ne comprenait pas l'enchaînement des tâches à spécifier, ni les différents aspects fonctionnels et concepts à décrire. J'ai le souvenir d'une réunion qui a dû être écourtée du fait de la non maîtrise du sujet par M. [H]. J'ai d'ailleurs après cette réunion fait part de mes inquiétudes quant à la livraison de cette fonctionnalité à la hiérarchie de M. [H] (mail daté du 23/11/2012). Malgré le support de ses collègues de travail et la tenue de plusieurs réunions, M. [H] ne fournissait pas un travail à la hauteur des enjeux. La fonctionnalité ZBA a finalement été spécifiée en retard ».

Si M. [H] affirme n'avoir reçu que des félicitations à l'issue de sa période d'essai, la pièce n°33 qu'il produit au soutien de ses dires ne les conforte pas puisqu'il s'agit d'un courriel par lequel Mme [E] indique à M. [H] et Mme [F] qu'elle souhaite les rencontrer pour faire le point sur les premiers mois d'activité du salarié.

De même l'allégation suivant laquelle le salarié a découvert le tableau relatant le plan d'action annexé à la lettre de licenciement après l'entretien préalable n'est justifiée par aucun élément probant.

Les différents échanges de courriels produits par l'appelant ne sont pas de nature à remettre en cause les manquements constatés, dès lors que la plupart d'entre eux concernent des événements postérieurs ou sans lien avec les faits reprochés par l'employeur, étant rappelé que M. [H] n'a jamais émis la moindre contestation après réception des nombreux courriels précités. Il en va de même du seul courriel de satisfaction adressé par M. [T] à Mme [B] et M. [H] le 19 juillet 2012.

Les pièces n°34 et 35 produites par l'appelant n'apportent aucun élément utile au litige dès lors d'une part, qu'il n'est pas démontré que M. [H] en est l'auteur et d'autre part, qu'au regard de leur technicité, elles ne permettent pas à la cour d'en tirer la moindre conclusion quant aux compétences professionnelles du salarié.

S'agissant de l'absence de formation, l'employeur établit, par les attestations circonstanciées de Mmes [F] et [N], que le salarié a reçu, dès son arrivée, une formation complète sur le produit KTP, étant relevé qu'il le connaissait en tant qu'utilisateur avant son embauche. Mme [U] [R] témoigne par ailleurs de l'accompagnement dont a bénéficié M. [H] de la part de Mme [N]. Enfin, la cour relève que le salarié ne justifie pas avoir fait part d'une quelconque difficulté quant à un manque de formation durant la période d'emploi.

Le bonus reçu pour l'année 2011 n'apparaît pas contradictoire avec les insuffisances relevées à partir de 2012.

Enfin, la mise en 'uvre d'un PSE en 2013 au sein de l'entreprise n'est pas de nature à remettre en cause les manquements avérés du salarié dans l'exécution de ses fonctions.

En conséquence, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et débouté le salarié de l'intégralité de ses demandes.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [J] [H].

La demande formée par la SAS Finastra au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Confirme le jugement entrepris ;

Condamne M. [J] [H] aux dépens d'appel ;

Condamne M. [J] [H] à payer à la SAS Finastra la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et M Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00993
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°18/00993 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;18.00993 ?
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