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12/12/2019 | FRANCE | N°18/01147

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 12 décembre 2019, 18/01147


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A



5e Chambre







ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 DÉCEMBRE 2019



N° RG 18/01147



N° Portalis DBV3-V-B7C-SF7R



AFFAIRE :



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATION FAMILIALE [Localité 1]



C/



SA COSSON



Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CER

GY PONTOISE

N° RG : 14-00465/P



Copies exécutoires délivrées à :



Me Romain RAPHAEL



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATION FAMILIALE [Localité 1]



Copies certifiées conformes d...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 DÉCEMBRE 2019

N° RG 18/01147

N° Portalis DBV3-V-B7C-SF7R

AFFAIRE :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATION FAMILIALE [Localité 1]

C/

SA COSSON

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 14-00465/P

Copies exécutoires délivrées à :

Me Romain RAPHAEL

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATION FAMILIALE [Localité 1]

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA COSSON,

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 28 novembre 2019 puis prorogé au 12 décembre 2019 , les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATION FAMILIALE [Localité 1]

Division des Recours Amiables et Judiciaires

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [N] [J] (Inspecteur contentieux) en vertu d'un pouvoir général

APPELANTE

****************

SA COSSON

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Romain RAPHAEL, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701 substitué par Me Martin PERRINEL de la SCP CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 1701

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie José BOU, Présidente suppléante,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

La société Cosson SARL (ci-après, la 'Société') exerce son activité dans les travaux de terrassement spécialisés ou de grande masse. Elle fait partie du groupe Colas.

L'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 1] (ci-après, ' l'Urssaf') a effectué un contrôle au sein de la Société, dans le cadre de l'application des législations de sécurité sociale, pour la période comprise entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2012.

A l'issue des opérations de contrôle, une lettre d'observations a été adressée, avec ses annexes, à la Société le 2 octobre 2013, aux termes de laquelle l'Urssaf indiquait envisager de procéder, au titre de 19 chefs de redressement, à un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et d'AGS, pour un montant total de 230 082 euros.

A l'issue de la procédure d'échanges contradictoires, l'Urssaf a maintenu les redressements selon courrier du 22 novembre 2013.

L'Urssaf a adressé à la Société une mise en demeure en date du 17 décembre 2013, pour un montant total de 258 171 euros, dont 32 393 euros de majorations de retard.

La Société a saisi la commission de recours amiable ('CRA') de l'Urssaf selon courrier du 16 janvier 2014.

Le 24 octobre 2016, la commission de recours amiable a rendu une décision de rejet, notifiée à la Société par courrier du 15 novembre 2016.

La Société a finalement saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après, le 'TASS') en annulation du contrôle et en contestation des chefs de redressement suivants :

- chef 1 : indemnité de fractionnement

- chef 4 : déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels

- chef 12 : indemnités de repas versées hors situation de déplacement

- chef 16 : indemnités kilométriques

- chef 17 : repas avec invités non identifiés

- chef 18 : invitations salariés de l'établissement

- chef 19 : avantage nature véhicule

Selon jugement rendu le 22 décembre 2017, le TASS a :

- rejeté l'exception de nullité soulevée par la société Cosson ;

- infirmé partiellement la décision de rejet implicite et explicite prise par la commission de recours amiable le 24 octobre 2016 pour les chefs de redressement suivants :

- le chef de redressement 1 : indemnité de fractionnement

- le chef de redressement 4 : CSG-CRDS, déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels

- le chef de redressement 19 : avantage en nature véhicule.

- confirmé la décision de rejet implicite et explicite prise par la commission de recours amiable le 24 octobre 2016 pour le surplus des chefs de redressement ;

- condamné la société Cosson à payer à l'Urssaf la somme de 152 341 euros au titre des cotisations redressées et après déduction du versement de 39 712 euros effectué par la société ;

- dit que l'Urssaf devra procéder à un nouveau calcul des majorations de retard ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'audience de plaidoirie initialement fixée au 23 mai 2019 a été renvoyée au 3 octobre 2019.

Selon conclusions communiquées le 26 juillet 2019 et déposées à l'audience, l'Urssaf sollicite de la cour qu'elle :

- la reçoive en son appel ;

Y faisant droit et statuant à nouveau,

- déboute la société Cosson de l'ensemble de ses demandes ;

- confirme le jugement rendu par le TASS le 22 décembre 2017 en ce qu'il rejette le moyen de nullité soulevée par la Société ;

- infirme le jugement rendu par le TASS le 22 décembre 2017 en ce qu'il annule les chefs de redressement 1, 4 et 19 notifiés par lettre d'observations du 2 octobre 2013 ;

- confirme le jugement rendu par le TASS le 22 décembre 2017 en ce qu'il valide les autres chefs de redressement notifiés par lettre d'observation du 2 octobre 2013 et condamne la Société au paiement de la somme de 152 341 euros au titre des cotisations, déduction faite d'un versement de 39 712 euros ;

Par conséquence,

- dise et juge bien fondé le redressement notifié le 2 octobre 2013 ;

- confirme la décision de la CRA du 24 octobre 2016 ;

- condamne la Société au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 au paiement de la somme totale de 218 459 euros, dont 186 066 euros de cotisations et 32 393 euros de majorations de retard.

Par conclusions déposées à l'audience, la société Cosson demande à la cour de :

- la dire et juger recevable en sa contestation ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

rejeté l'exception de nullité soulevée par elle ;

validé les chefs de redressement 12 (indemnités de repas versées hors situation de déplacement), 16 (frais professionnels non justifiés - frais kilométriques), 17 (frais d'entreprise : repas avec invités non identifiés) et 18 (invitations salariés de l'établissement) ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les chefs de redressement 1 (indemnité de fractionnement), 4 (CSG/CRDS déduction forfaitaire pour frais professionnels) et 19 (avantages en nature véhicule) ;

Et statuant à nouveau,

- constater l'irrégularité de l'avis de contrôle en date du 5 février 2013 ;

- prononcer la nullité du contrôle et du redressement opérés par l'Urssaf ;

- condamner l'Urssaf à lui rembourser le règlement partiel intervenu le 15 janvier 2014 d'un montant de 39 712 euros ;

- condamner l'URssaf à lui payer les intérêts légaux à compter du règlement partiel et en ordonner la capitalisation ;

A titre subsidiaire,

- annuler la décision implicite de rejet de la CRA suite à la réclamation adressée le 15 avril 2014 ainsi que la décision explicite de rejet en date du 24 octobre 2016et notifiée par un courrier en date du 15 novembre 2016 ; la mise en demeure adressée le 17 décembre 2013 et, plus généralement, le redressement entrepris ;

- annuler les chefs de redressement 12 (indemnités de repas versées hors situation de déplacement), 16 (frais professionnels non justifiés - frais kilométriques), 17 (frais d'entreprise : repas avec invités non identifiés) et 18 (invitations salariés de l'établissement) ;

En tout état de cause,

- condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'Urssaf aux éventuels dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Il résulte du rappel des conclusions respectives des parties que sont en litige :

- la régularité de l'avis de contrôle, du contrôle et du redressement subséquent ;

- les chefs de redressement 1, 4, 12, 16, 17, 18 et 19.

Le débat devant la cour se pose ainsi dans les mêmes termes que devant le premier juge.

Sur la régularité de l'avis de contrôle, du contrôle et du redressement

La Société plaide l'irrégularité de l'avis de contrôle et, partant, du contrôle et du redressement opérés par l'Urssaf.

La Société soutient que l'avis de contrôle que lui a adressé l'Urssaf ne respecte pas les dispositions de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, puisqu'il ne comporte pas l'adresse administrative de l'inspecteur de l'Urssaf procédant au contrôle de la Société.

L'Urssaf réplique que l'avis de contrôle en date du 5 février 2013 comporte l'ensemble des éléments d'identification de l'agent chargé du contrôle et de précisions quant aux modalités de contrôle.

Sur ce  

Il convient tout d'abord d'observer que l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à l'espèce, en ce qu'il a été créé par l'ordonnance 2015-1341 du 23 octobre 2015.

Les dispositions correspondantes se lisent (article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration) :

Dans ses relations avec l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté.

Toute décision prise par l'une des autorités administratives mentionnées à l'article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (souligné par la cour)

Le texte spécial concernant les opérations de contrôle en matière de sécurité sociale est l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dont il résulte, notamment, que le contrôle d'une société doit être précédé d'un avis de contrôle, faisant état de la 'Charte du cotisant contrôlé' et précisant l'adresse électronique où ce document est consultable.

En l'espèce, l'avis de contrôle mentionne expressément, entre autres, le service intervenant, le nom de l'inspecteur du recouvrement en charge du contrôle, un numéro de téléphone portable, un numéro de télécopie, l'adresse électronique de l'inspecteur, la possibilité de se faire assister au cour d'un contrôle d'un conseil du choix de la Société, la liste des documents devant être mis à disposition, la remise, dès le début du contrôle, de la Charte du cotisant et l'adresse du site électronique sur lequel elle est consultable.

En tant que tel, cet avis se montre donc respectueux des principes régissant les relations entre les 'administrations' et le public comme des règles applicables du code de la sécurité sociale.

La Société n'est donc pas fondée à invoquer la nullité de l'avis de contrôle et, partant, celle du contrôle lui-même puis du redressement décidé par l'Urssaf et la cour confirmera le jugement entrepris sur ce point.

Sur les chefs de redressement

La cour estime utile de rappeler ici les dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ainsi que certaines dispositions de l'arrêté de 2002 auquel il a déjà été fait référence.

L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale dispose :

Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire. La compensation salariale d'une perte de rémunération induite par une mesure de réduction du temps de travail est également considérée comme une rémunération, qu'elle prenne la forme, notamment, d'un complément différentiel de salaire ou d'une hausse du taux de salaire horaire. (...) (souligné par la cour)

La cour rappelle que la définition des frais professionnels ainsi que les conditions de leur exonération sont fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les gains et les rémunérations versées à compter du 1er janvier 2003 lequel stipule :

article 1 : Les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions. Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 dudit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant.

article 2 : l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7, 8 et 9 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9. (...) (souligné par la cour)

Il résulte de ces textes que les indemnités ou remboursements de frais sont exonérés des cotisations de sécurité sociale à la double condition qu'ils aient pour objet de couvrir de véritables frais professionnels, c'est à dire des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions, et qu'ils correspondent à des frais réellement exposés.

La Société contrôlée doit ainsi justifier, par tout moyen :

- soit du montant des dépenses réellement engagées par les salariés,

- soit, lorsque l'indemnisation se fait sous forme d'allocations forfaitaires, du caractère professionnel des frais dans la limite du forfait fixé par l'arrêté (nourriture, hébergement...) et, pour les montants dépassant le forfait, sur production de justificatifs des dépenses.

Ces preuves ne peuvent résulter de considérations générales sur le fonctionnement de la Société ou l'emploi des salariés.

C'est à la lumière de ce qui précède que la cour va successivement examiner les chefs de redressement en litige.

Chef 1 : indemnité de fractionnement

Les montants du redressement sont de 1 362 euros pour 2010, 1 536 euros pour 2011 et 1 540 euros pour 2012.

La Société conteste cette réintégration estimant que le fractionnement est indispensable à la bonne marche de l'entreprise dont l'activité de revêtement routier est essentiellement concentrée sur les mois de mai à octobre.

Elle rappelle que les conventions collectives des travaux publics disposent qu'en cas de prise du congé annuel par fractions, le salarié bénéficie d'une indemnité forfaitaire de 8/100ème des appointements mensuels, ce qui constitue une charge inhérente à l'emploi.

La Société considère que l'indemnisation 'ne se limite pas aux seuls frais de transport du salarié et de sa famille', une telle limitation ne ressortant d'aucun texte, alors que le fractionnement entraîne d'autres frais comme des repas, des nuits d'hôtels ou autres.

Elle estime apporter la démonstration, par la production d'attestations sur l'honneur, que le fractionnement a occasionné aux salariés bénéficiaires de la prime, des charges supplémentaires ce qui correspond à des charges de caractère spécial inhérentes à leur emploi.

Elle sollicite le dégrèvement total de ce chef de redressement pour un montant de 4 438 euros, à tout le moins que soit dégrevé de la base de redressement 'le montant des justificatifs produits aux inspecteurs du recouvrement lors du contrôle', dont la Société dresse un tableau, précision étant faite que le 'montant des frais supplémentaires engagés étant au moins équivalent à celui des indemnités versées, (elle) demande donc le dégrèvement en totalité'.

L'Urssaf rétorque que les attestations des salariés ne démontrent pas l'existence de dépenses supplémentaires dues au fait qu'ils étaient tenus d'interrompre, à la demande de leur employeur, leurs vacances, dans l'intérêt du service ou de la bonne marche de l'entreprise. Dès lors, la Société ne démontre pas que le montant de l'indemnité versée à chacun d'eux correspond à des frais véritablement engagés par le bénéficiaire.

Sur ce,

En vertu des dispositions rappelées ci-dessus, il appartient à la Société de démontrer que les sommes en cause doivent être exonérées de cotisations sociales.

En l'espèce, il est acquis que la convention collective des entreprises de travaux publics permet à l'employeur qui le souhaite de faire bénéficier le salarié qui fractionne ses périodes de congés, pour les besoins du service, de deux jours ouvrables supplémentaires et d'une indemnité forfaitaire de 8/100e des appointements mensuels.

Il n'est pas davantage contestable que cette indemnité constitue une charge spéciale inhérente à l'emploi si elle a pour objet d'indemniser le salarié des dépenses supplémentaires qui résultent du fractionnement, imposé par l'employeur, de sa période de congés, ce fractionnement ayant pour conséquence, notamment, de lui imposer des trajets supplémentaires pour se rendre sur son lieu de vacances.

Mais, pour exonérer les primes de toutes cotisations sociales, la Société doit démontrer qu'elle est utilisée conformément à son objet, c'est-à-dire qu'elle doit être en mesure de :

- justifier que le salarié qui bénéficie de la prime a fractionné ses vacances pour des nécessités de service ou pour assurer la bonne marche de l'entreprise, et non pour convenances personnelles,

- produire les justificatifs des dépenses supplémentaires, de quelque nature qu'elles soient, (transport, hébergement, nourriture..) engagées par le salarié pour lui-même et/ou pour sa famille.

- et justifier que le montant cumulé de ces frais était au moins égal au montant de l'indemnité versée, à défaut de quoi la différence constatée peut être réintégrée dans l'assiette sociale.

Or, en l'espèce, la Société ne justifie pas avoir imposé aux salariés bénéficiaires de la prime qu'ils prennent leurs congés de manière fractionnée. Aucune note de service ou demande individuelle n'est versée en ce sens, la cour rappelant que lorsque le fractionnement est imposé par l'employeur, l'accord des salariés concernés est obligatoire. Aucun n'est produit aux débats.

En outre, l'employeur n'est en mesure de justifier ni que la prime attribuée n'a bénéficié qu'à des salariés dont la présence pendant la période mai-octobre était indispensable au fonctionnement de la Société, ni que la prime a été attribuée à des salariés ne bénéficiant pas par ailleurs d'une déduction forfaitaire de leurs frais professionnels.

Surtout, les 'attestations' signées par les différents salariés dont la Société a dressé la liste dans ses conclusions ne comportent aucune précision s'agissant de ce qui aurait été la période 'normale' de congés au regard du fractionnement qui aurait été imposé.

Le cas de Mme [P] [X] est particulièrement éclairant : sur la période de juillet 2011 à avril 2012, des périodes de fractionnement sont invoquées alors qu'elle a effectué un séjour de trois mois en Inde. D'autres salariés ont également mentionnées, dans leur 'attestation', des voyages à l'étranger (Turquie, Vietnam, États-Unis) ou à longue distance (Tahiti). Les dates indiquées par la plupart des autres salariés attestant ne permettent en aucune manière de vérifier un quelconque fractionnement mais correspondent bien davantage à un rythme de vacances ordinaire (voir en particulier la situation de M. [Z]).

Il résulte de ce qui précède que la Société échoue à démontrer que le fractionnement des vacances était imposé aux salariés et échoue donc à justifier que la prime dont ils ont bénéficié a servi à les indemniser des dépenses supplémentaires qu'ils ont réellement exposées en raison de ce fractionnement.

La cour considère donc que les primes ainsi versées ne présentent pas le caractère de frais professionnels et qu'elles doivent être réintégrées dans l'assiette de cotisations pour les montants retenus par l'Urssaf.

En conséquence, le redressement a lieu d'être maintenu.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Chef 4 : déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels

Les montants du redressement sont de 5 385 euros pour 2010, 5 337 euros pour 2011 et 5 386 euros pour 2012.

La Société verse des 'indemnités repas' à ses ouvriers travaillant sur les chantiers, à hauteur de 14,60 euros en 2010, 14,80 euros en 2011 et 15 euros en 2012 pour les repas pris au restaurant dans le cadre de leur travail.

Or, l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations la différence entre le montant de ces indemnités et les limites respectives d'exonération fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les allocations versées aux salariés qui ne sont pas contraints de prendre leur repas au restaurant.

La Société souligne que la Cour de cassation a jugé, d'une part, que les allocations forfaitaires pour frais professionnels sont exclues de plein droit de l'assiette des cotisations du moment qu'elles ne dépassent pas le chiffre limite prévu par arrêté et, d'autre part, que le caractère forfaitaire d'une prime de panier n'empêche pas qu'elle constitue un remboursement de frais et non un complément de salaire.

La Société rappelle également un arrêt de la Cour de cassation du 24 avril 1980 (n°78-13.384), aux termes duquel les circonstances de fait et les usages de la profession contraignaient les salariés de la SCREG, pendant la durée des chantiers itinérants, à prendre leurs repas aux restaurants. L'usage en question n'a pas été dénoncé.

L'Urssaf n'est ainsi pas fondée à redresser la Société de ce chef.

L'Urssaf relève qu'il a été constaté que l'employeur avait exonéré de CSG-CRDS les indemnités de panier versées à des salariés bénéficiant de la déduction forfaitaire spécifique alors que le montant alloué était supérieur aux limites fixées par arrêté. Dans ce cas, il appartient à l'employeur de prouver l'utilisation de l'allocation forfaitaire conformément à son objet, faute de quoi l'allocation versée est réintégrée dans l'assiette des cotisations dès le premier euro et la part excédentaire doit être incluse dans l'assiette CSG-CRDS.

Sur ce

Il n'est pas contestable que certains des salariés de la Société doivent réaliser leurs tâches sur des chantiers qui les éloignent du siège de l'entreprise et que, dans nombre d'hypothèses, ces chantiers sont susceptibles de rendre plus difficile la possibilité de se restaurer dans des conditions satisfaisantes.

Dans cette perspective, la Société est fondée à envisager que, le cas échéant, ses salariés travaillant sur chantier puissent prendre leurs repas au restaurant.

Pour autant, les 'primes de panier' ou 'indemnités repas' versées par l'employeur ne peuvent être réputées utilisées conformément à leur objet que pour autant qu'elles ne dépassent pas les montants déterminés par la réglementation et que cela ne concerne que les salariés non cadres.

En l'espèce, il est constant que les indemnités repas versées par l'entreprise sont supérieures au montant réglementaire tandis que la Société n'apporte en aucune mesure la démonstration qu'elles ne concernent que les salariés non cadres.

De fait, la Société n'apporte aucun élément d'aucune sorte, qui permettrait de s'assurer de l'utilisation de l'indemnité conformément à sa destination.

Il faut dès lors considérer que cette indemnité constitue une rémunération devant être soumise à cotisation.

Le redressement opéré par l'Urssaf sur ce point sera maintenu, le jugement étant infirmé à cet égard.

Chef 12 : indemnités de repas versées hors situation de déplacement

L'Urssaf a procédé au redressement de la Société de ce chef pour des sommes de 10 289 euros au titre de l'année 2010, 10 479 euros au titre de l'année 2011 et 9 818 euros au titre de l'année 2012.

La Société explique que les salariés concernés par ces 'indemnités de panier' sont Messieurs :

[Q] : magasinier

[I] : ingénieur matériel

[W] : ingénieur études

[K] : chef de bureau d'études

[O] : agent de planning

[A] : adjoint d'exploitation

[N] : chef d'atelier

[M] : directeur

[T] : chef de département carrières/matériaux

et [E] : agent de planning,

lesquels sont 'amenés à se déplacer régulièrement pour des rendez-vous professionnels et n'ont pas, dans une telle situation, la possibilité de rentrer à leur domicile pour prendre leur repas'.

La Société souligne qu'elle a fourni à l'Urssaf la copie des extraits des agendas professionnels de certains salariés concernés et la liste des lieux géographiques des déplacements professionnels.

Selon l'Urssaf, la Société ne rapporte pas la preuve des déplacements invoqués pour les dix salariés concernés et de l'impossibilité dans laquelle ils se sont trouvés de prendre leurs repas sur le lieu de travail ou à domicile.

L'Urssaf souligne, s'agissant du directeur, M. [M], qu'elle n'a maintenu le redressement que pour les frais de repas pour lesquels aucun déplacement n'était justifié.

Sur ce

La cour ne peut que constater que, sur les dix salariés concernés, la Société ne produit que des extraits, très sommaires, au demeurant, concernant deux salariés et la liste, détaillée, des kilomètres parcourus par M. [A] sur la période 2010-2012.

Compte tenu des temps de trajet en région parisienne, et alors que l'Urssaf ne conteste pas en elle-même cette liste, il est juste de considérer que M. [A] devait bénéficier d'indemnités repas. Le redressement, en ce qui le concerne, doit donc être annulé.

En revanche, faute d'éléments probants, il sera maintenu pour le surplus, la cour confirmant à cet égard le jugement entrepris et à plus forte raison compte tenu des justificatifs joints aux notes de frais discutées plus bas, qui démontrent que, le plus souvent, les repas étaient pris à proximité immédiate du siège de l'entreprise ou du lieu de travail habituel du salarié concerné (voir chef 17 ci-après).

Chef 16 : indemnités kilométriques

Les montants du redressement sont de 3 648 euros pour 2010, 3 813 euros pour 2011 et 217 euros pour 2012.

La Société précise que deux salariés, MM. [G] et [Y] étaient concernés, au motif qu'elle n'avait pas fourni la copie de la carte grise des véhicules utilisés. Elle affirme avoir adressé ces cartes grises à l'Urssaf, laquelle a d'ailleurs annulé la réintégration des sommes concernant M. [Y].

L'Urssaf souligne que, en première instance, contrairement à ce que la Société avançait dans ses écritures, elle n'avait pas produit la carte grise du véhicule de M. [G].

Sur ce

La cour note que la Société soumet la carte grise d'un véhicule Citroën Berlingot au nom de M. ou Mme [Y], qui montre qu'il a régulièrement subi le contrôle technique.

En revanche, la Société ne produit toujours aucun élément en ce qui concerne M. [G].

La cour confirmera le jugement qui a maintenu le redressement en ce qui concerne les indemnités kilométriques versées à l'intéressé.

Chef 17 : repas avec invités non identifiés

Les montants du redressement sont de 29 773 euros pour 2010, 27 069 euros pour 2011 et 28 572 euros pour 2012.

La Société observe que l'Urssaf a dressé la liste des salariés dont les notes de frais ont été acceptées mais qu'elle conteste intégralement le redressement, en ce que les 'frais engagés par les autres salariés de l'entreprise le sont également dans l'intérêt de l'entreprise'. Elle fait valoir qu'elle a adressé le détail des noms des personnes invitées par les salariés dont les notes ont été refusées, ainsi que l'entité professionnelle invitée.

La Société demande en conséquence le dégrèvement des montants correspondant aux invitations extérieures pour MM. [S], [B], [M], [P], [Z], [K] et [D].

L'Urssaf demande à la cour de confirmer le premier juge, qui a retenu que la Société produisait les factures de l'ensemble des repas mais que pour une grande par, la qualité précise des invité est inexistante ou partielle.

Sur ce

La cour note que, dans la lettre d'observations, l'inspecteur chargé du contrôle avait déjà relevé que, pour être exclus de l'assiette des cotisations, ces frais doivent à la fois : avoir un caractère exceptionnel, être engagés dans l'intérêt de l'entreprise et être exposés en dehors de l'exercice normal de l'activité professionnel.

La cour souligne que les dispositions réglementaires applicables ne permettent en aucune façon d'exclure les frais de repas exposés avec certains invités des frais d'entreprise.

Mais, outre que ces frais doivent désormais s'inscrire dans certaines limites (à cet égard, la cour observe que les montants des repas sont modiques, là n'est pas la question), ils doivent surtout pouvoir être justifiés.

Or, de ce point de vue, l'inspecteur du recouvrement avait déjà noté que non seulement, les noms et qualités des personnes invitées ne sont pas systématiquement mentionnés mais les salariés de la Société ne suivent pas la même pratique dans la présentation de leurs notes de frais.

C'est ainsi que, après examen, l'inspecteur du contrôle a considéré que devaient être acceptées seulement les notes présentées par les salariés [H], [R], [V], [L], [U], [W] [F], [C], [M], [T], [A], [S], [N] (mentionné deux fois dans la lettre), [J], [P], [Y], [Q] et [X].

L'analyse des notes de frais soumises par la Société à la cour est aussi malaisée que la lettre d'observations pouvait le laisser penser.

La première observation qui peut être faite est que la Société, dans ses propres écritures, contredit l'hypothèse selon laquelle la totalité du redressement devrait être invalidé. En effet, alors que le montant total du redressement pour les exercices 2010 à 2012 porte sur une somme de 85 414 euros, les montants correspondants à des invitations, selon la Société, s'élève au total à la somme de 69 935,10 euros. La différence de montant correspond donc nécessairement à un redressement justifié (15 478,90 euros).

De façon plus détaillée, il faut relever que les notes de frais / liste des justificatifs de ces notes, ne sont pas toujours remplies de la même manière par les salariés, même si elles portent, très souvent, des annotations manuscrites, dont rien ne permet de savoir à quelle date elles ont été apposées, précisant au regard de ce qui est vraisemblablement une société partenaire, le nom de la personne (même en cas de repas de plus de deux personnels, il est rare que le nom de tous les participants soit mentionné).

Certaines notes sont 'mixtes', qui font apparaître à la fois des repas 'invitations' et des 'paniers' (cas de la note 729941 de M. [E], par exemple) ou des repas invitations en même temps que des repas 'collaborateur' (ce qui prouve au demeurant que la distinction peut être faite d'emblée par le salarié établissant la note).

Les repas 'collaborateur' peuvent en outre être enregistrés comptablement sous diverses rubriques (RES : frais de mission - restauration personnelle ; DFP : dépenses en faveur du personnel).

La liste des notes de frais présentés par M. [M], en particulier (il est, avec M. [Z], celui dont le montant total des frais est le plus élevé, respectivement 32 977 euros et 24 636 euros), conduit à des interrogations quant au bien-fondé des frais exposés. Ainsi de plusieurs références 'rugby'/Burgeap (il semble s'agir d'un bureau d'études environnemental), qui correspondent aux montants les plus élevés, avec cette autre particularité qu'une même personne ('Alck' ou '[X]') apparaît soit en relation avec Burgeap soit en relation avec Sareas.

L'intitulé de certains justificatifs: copie de clefs, fournitures pour le café, fournitures de bureau etc... permet de les exclure du redressement en cause ici.

Bien plus, la comparaison de la liste des frais exposés par M. [M], par exemple, pour la période du 1er au 18 décembre 2009, fait état d'un montant total de 611,15 euros, quand la note de frais correspondante (sur laquelle apparaissent aussi des indemnités kilométriques et des frais de petit déplacement) présente deux rubriques 'REC' (frais de réception), pour un montant total de 986,25 euros. En outre, cette note, établie le 4 février 2010, remplace une note, rayée d'un grand trait manuscrit, établie le 18 décembre 2009, qui faisait notamment état de deux 'REC', pour un montant de 611,15 euros, en outre des frais de mission 'hébergement' pour un montant de 375,10 euros (on observera que le total de ces deux sommes est de 986,25 euros).

Certaines notes de frais paraissent surprenantes, comme la mention 'réception' sur la note 788393 de M. [P], dont les justificatifs correspondent manifestement à un barbecue, mais la note est du 03 juin quand les factures sont du 4 juin 2010. On peut aussi relever la note de frais 737516 de M. [Z], qui combine frais de réception, frais de mission, petits déplacements et entretien et réparation de véhicule (en fait, un lavage) ; ou la note 7853418, de M. [Z] également, qui comprend plusieurs rubriques 'frais de mission'/ 'transports' et permet de constater que les repas de M. [Z] en mission sont, en apparence, d'un prix nettement plus élevé que ceux qui correspondent à des 'réceptions', à ceci près que les factures produites ne correspondent pas nécessairement à une mission (repas pris à Roissy en France, par exemple) et concerne plusieurs personnes (quatre, à Roissy).

Il est également difficile de comprendre, par ailleurs, que figure dans une note de frais (775695, mai 2010) un montant de 278,29 euros pour un entretien de véhicule (problème de climatisation sur un véhicule Scénic) alors que la facture est adressée à la Société et qu'il n'appartenait donc pas à M. [Z] de la régler. Une autre facture, également adressée à la Société, concernera des barres de toit pour un véhicule Scénic, elle est datée du 30 juin 2010, soit juste avant les vacances d'été et alors qu'il est légitime de s'interroger sur la pertinence d'un tel achat pour la Société (voir ci-après, chef de redressement 19).

D'une manière générale, deux autres observations doivent être faites.

En premier lieu, nombre de mentions 'REC' (donc, repas 'invitations') sont d'un montant extrêmement modestes au regard du nombre de convives supposé (note 811923 : repas 'Bouygues', cinq convives, pour un montant de 85,10 euros - soit d'ailleurs un repas à 17,02 euros, ce qui surprend également) comme au regard du prix des repas 'Exploitation' (même note : 124,75 euros pour six couverts, soit un peu plus de 20 euros le repas).

En second lieu, dans le cas de M. [Z] tout particulièrement, si des noms de sociétés ou de communes sont mentionnés au regard des rubriques 'REC' des notes de frais, aucun nom de personne n'est jamais mentionné. C'est également le cas de M. [K], lequel prend au demeurant un grand nombre de repas avec des collaborateurs. (rubrique 'RES'). Dans le cas de M. [D], il n'est même rien mentionné, outre que les montants de ses 'paniers' sont toujours assez élevés, ainsi que ses 'dépenses en faveur du personnel', lesquelles ne sont au demeurant pas toujours justifiées, loin s'en faut.

Enfin, certaines copies de justificatifs sont illisibles (alors que les montants en seraient parfois élevés ; voir note de 423 euros de M. [M] le 29 janvier 2010).

Ainsi, des vérifications effectuées par la cour, sur la base des pièces soumises par la Société et qui ne sont pas autrement contestées par l'Urssaf, il résulte que :

- ne peuvent être considérés comme justifiés les montants de frais de repas professionnels de :

M. [U] [B], qui ne fournit que très peu de justificatifs et mentionne systématiquement les mêmes personnes comme invités, les mentionnant parfois au regard d'une même entreprise alors qu'ils ont été mentionnés pour des entités différentes, soit un total non justifié de 1 345,15 euros ;

M. [M], lorsque les éléments fournis conduisent à écarter qu'il s'agisse de frais de repas justifiables, à savoir les frais des : 19 mars 2010 (504 euros), 20 et 22 avril 2010 (124,15 euros + 464,80 euros), 15 septembre 2010 (203,50 euros), 27 novembre 2010 (216 euros), 5 février 2011 (468,73 euros), 19 mars 2011 (292 euros), 31 janvier 2012 (440 euros), 11 mars 2012 (292 euros) et 12 juin 2012 (513 euros), soit un montant total non justifié de 3 518,18 euros ;

M. [K], aucun nom de personnes n'étant indiqué au regard des frais engagés (soit un montant total non justifié de 1 367,74 euros) ;

M. [Z], pour la même raison (soit un montant total de 24 636 euros) ;

- peuvent être considérés comme justifiés les montants de frais de repas professionnels de :

M. [A] [S] pour un montant total de 8 159,59 euros (ce montant est très légèrement inférieur à celui retenu par la Société car la cour n'a pu retrouver deux justificatifs sur la période du 15 décembre 2010 au 2 février 2011 inclus) ;

M. [G] [P], pour un montant total de 1 191,29 euros ;

M. [D] [D], pour le montant indiqué par la Société de 132,18 euros.

Chef 18 : invitations salariés de l'établissement

Les montants du redressement sont de 12 195 euros pour 2010, 9 643 euros pour 2011 et 10 131 euros pour 2012.

Selon la Société, les 'repas pris entre collaborateurs se font dans le cadre de réunions de travail qui ne permettent pas aux collaborateurs de regagner leur domicile pour prendre leur repas' et les frais sont donc engagés dans l'intérêt de l'entreprise. Elle indique avoir communiqué à l'Urssaf quelques comptes-rendus de réunion, et en tout cas l'objet des réunions au cours desquelles un repas a été organisé, dont les notes n'ont pas été acceptées.

L'Urssaf relève que, comme retenu par le premier juge, pour une grande part des repas, la qualité précise des invités est inexistante ou partielle.

Sur ce

Les justificatifs joints aux notes de frais des personnes mentionnées dans le cadre du précédent chef de redressement montrent que les repas avec des collaborateurs sont fréquents.

Mais la Société ne fournit aucune explication sur leur éventuelle nécessité. Si la cour comprend, naturellement, que puissent être organisés de temps à autre des événements à caractère festif pour entretenir l'esprit d'équipe, ce qui pourrait justifier éventuellement les nombreux achats en hyper/supermarché qui pourraient correspondre à des opérations 'pique-nique' ou 'barbecue', la Société ne présente aucun exemple à cet égard. Elle ne soumet pas davantage de convocations à une réunion ou d'ordre du jour ou de compte-rendu de telles réunions, qui permettrait d'établir le bien-fondé de sa demande de dégrèvement.

Bien plus, nombre des justificatifs sont issus d'établissements situés à proximité immédiate du lieu de travail et la dépense ne se trouve ainsi aucunement justifiée.

La cour confirmera le jugement entrepris sur ce point.

Chef 19 : avantage en nature véhicule

Le montant du redressement porte sur des montants de 1 875 euros pour 2010, 4 346 euros pour 2011 et 6 958 euros pour 2012.

La Société considère que contrairement à ce qui a été retenu par l'inspecteur, elle ne met ni directement ni indirectement aucun véhicule à la disposition de ses salariés mais indemnise ces derniers des kilomètres qu'ils ont parcourus à titre professionnel, dans le respect du barème fiscal. Elle indique que seule l'Association des utilisateurs de véhicules (ci-après désignée 'l'Association' ou 'l'AUV') fournit les véhicules, dont elle assume la charge des frais d'entretien, la Société ne réglant que les frais professionnels. La Société conteste, en conséquence, la qualification retenue d'avantage en nature.

La Société relève que la Cour de cassation a 'déjà eu l'occasion de juger que la situation décrite dans la lettre d'observations ne caractérisait aucun avantage en nature à sept reprises dans des affaires concernant la société COLAS (à laquelle la société COSSON est affiliée), soit ses filiales' (en gras et encadré dans l'original des conclusions; souligné comme dans cet original).

La Société développe que : les salariés sont sociétaires de l'association des utilisateurs de véhicules ('AUV') et que leur situation est 'comparable à celle de personnes versant un loyer en contrepartie de la mise à disposition d'un véhicule (leasing)...' ; les sociétaires règlent leurs cotisations à l'AUV qui met à leur disposition un véhicule ; l'association émet des factures sur la Société pour se faire payer les kilomètres professionnels parcourus par les salariés sociétaires, factures qui identifient le salarié par ses nom et prénom et le véhicule par son immatriculation et mentionnent le nombre de kilomètres professionnels et le tarif TTC au kilomètre (selon des barèmes ne dépassant pas ceux publiés annuellement par l'administration fiscale). La Société prend donc 'en charge uniquement les kilomètres parcourus à titre professionnel par ses salariés', qui ne bénéficient pas d'un avantage résultant d'une prise en charge de l'usage privé des véhicules par la Société. La Société ajoute que le fait qu'elle s'acquitte du paiement de la taxe sur les véhicules de société (TVS) au titre des véhicules fournis aux salariés par l'AUV est indifférent, et résulte d'une 'transaction globale conclue entre la société mère de la société et l'administration fiscale en date du 14 décembre 2000'. La Société fournit, à titre d'exemple, la situation de M. [E] [W].

Subsidiairement, la Société conteste le calcul opéré par l'Urssaf pour évaluer l'avantage en nature, à savoir une évaluation forfaitaire sur la base de 12 % du coût d'achat des véhicules utilisés.

L'Urssaf rétorque que si de nombreux salariés de la Société bénéficient de la mise à disposition permanente de véhicules fournis par l'AUV pour effectuer leurs déplacements professionnels, ils les utilisent également à des fins personnelles, sans pour autant en assumer la charge. Il s'agit donc d'un avantage en nature dont la valeur doit être réintégrée dans l'assiette des cotisations.

L'Urssaf souligne d'ailleurs que la Société n'est en mesure ni de démontrer qu'elle ne prend en charge que l'usage professionnel des véhicules ni de justifier que les salariés prennent en charge la partie privée de cette utilisation. Les factures produites ne permettent pas d'évaluer l'avantage consenti au salarié ni sur la base des dépenses réellement engagées ni au forfait dans le cadre de la location des véhicules sur la base du coût annuel global comprenant la location, l'entretien et l'assurance des véhicules. Aucun élément ne prouve que les déplacements personnels, ou une partie, soient restés à la charge des salariés par le biais d'un paiement quelconque.

L'Urssaf ajoute que les frais professionnels doivent être avancés par le salarié et remboursés par l'employeur alors qu'en l'espèce, le salarié n'avance pas de frais et c'est l'Association qui paie sans aucun contrôle. Les avantages en nature, eux, 'ne font jamais l'objet d'une facturation par le salarié et encore moins d'un paiement par l'employeur'.

C'est donc à bon droit que l'inspecteur du recouvrement a décidé de réintégrer dans l'assiette des cotisations l'économie de frais réalisée par les salariés bénéficiant de la mise à disposition de façon permanente d'un véhicule fourni par l'AUV.

Sur ce

La cour rappelle ici que les conditions d'exonération des frais professionnels sont fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002 pour les gains et les rémunération versées à compter du 1er janvier 2003 lequel stipule notamment, en son article 3 :

(...) Lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

Les dépenses réellement engagées sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, elles comprennent l'amortissement de l'achat du véhicule sur cinq ans, l'assurance et les frais d'entretien et, le cas échéant, les frais de carburant. Si le véhicule a plus de cinq ans, l'amortissement de l'achat du véhicule est de 10 % ;

- en cas de location ou de location avec option d'achat, elles comprennent le coût global annuel de la location, l'entretien et l'assurance du véhicule et, le cas échéant, les frais de carburant.

Les dépenses sur la base d'un forfait sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, l'évaluation est effectuée sur la base de 9 % du coût d'achat et lorsque le véhicule a plus de cinq ans sur la base de 6 % du coût d'achat. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ces derniers pourcentages auxquels s'ajoute l'évaluation des dépenses du carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 12 % du coût d'achat du véhicule et de 9 % lorsque le véhicule a plus de cinq ans ;

- en cas de véhicule loué ou en location avec option d'achat, l'évaluation est effectuée sur la base de 30 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ce dernier pourcentage auquel s'ajoute l'évaluation des dépenses de carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 40 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien, l'assurance du véhicule et le carburant.

Il se déduit de ces textes qu'il y a avantage en nature dès lors que le salarié fait l'économie de dépenses qu'il aurait dû normalement supporter, par exemple, lorsqu'il utilise un véhicule automobile à des fins personnelles sans assumer les frais d'entretien, d'essence ou de location.

Il en résulte également que l'avantage existe, que les véhicules soient achetés, loués, ou loués avec option d'achat.

La Société utilise cette distinction pour souligner que, dès lors qu'elle n'est ni la propriétaire, ni la locataire (avec ou sans option d'achat) et que les salariés concernés ne sont pas les propriétaires des véhicules en cause, elle ne peut être considérée comme prodiguant à ces salariés un avantage en nature.

Cette présentation ne saurait abuser un juge normalement vigilant.

En effet, l'avantage en nature doit être pris en compte au titre de la rémunération, au sens des dispositions précitées, dès lors que cet octroi est fourni en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée. L'intervention d'un tiers dans la mise à disposition d'un véhicule au profit d'un salarié n'exclut pas, par elle-même, l'existence d'un avantage en nature conféré par l'employeur à son salarié. Il en est de même pour l'éventuelle participation du salarié, laquelle ne vient que minorer la valeur de l'avantage en nature du montant de sa participation.

Il appartient à la Société qui se prévaut d'une exonération de cotisations de rapporter la preuve qu'elle peut en bénéficier, cette exonération étant une exception au principe de l'assujettissement.

En l'espèce, il n'est pas contesté que certains salariés de la société Cosson ont bénéficié de la mise à disposition permanente de véhicules de tourisme pour effectuer leurs déplacements professionnels et privés. Ces véhicules étaient fournis par l'AUV, chacun des salariés réglant une cotisation dont le montant est fonction de la taille et de la puissance fiscale du véhicule.

La Société soutient qu'elle ne règle à l'Association que les indemnités kilométriques correspondant aux déplacements effectués par ses salariés à titre professionnel, lesquels s'acquittent, pour leur part, d'une cotisation annuelle dont le montant varie en fonction de la catégorie du véhicule mis à leur disposition.

Cette affirmation de la Société ne repose sur aucun élément. La Société affirme, en effet, qu' '(a)ucune convention n'a été signée entre (elle) et l'Association des Utilisateurs de Véhicules' (lettre du 16 septembre 2013 à l'inspecteur du recouvrement portant en objet : 'Association des utilisateurs de véhicules').

Et si tel était le cas, la Société n'aurait aucune raison de rembourser à cette association les frais correspondant aux kilomètres professionnels effectués par ses salariés, quand bien même ils seraient, ce qui n'est pas en cause ici, facturés sur la base du barème fiscal.

De plus, la Société est parfaitement informée, par l'AUV, du nombre de kilomètres personnels effectués par ses salariés, ne serait-ce que pour payer la TVS (cf. page 3 de la lettre précitée).

Or, s'agissant de cette taxe, la cour ne peut que relever qu'elle n'est pas réglée conformément au droit strict mais aux termes, selon l'expression même de la Société, d'une 'transaction' avec l'administration fiscale, laquelle ne saurait en aucune façon engager le juge social.

Certes, il est déplorable que ni la Société ni l'Urssaf n'aient cru bon de soumettre à la cour les statuts de l'AUV, ce qui aurait, peut-être, pu permettre une appréciation plus rapide dans un sens ou dans l'autre, de la situation.

Mais, en tout état de cause, outre ce qui a déjà été indiqué, il doit tout d'abord être relevé que les versements effectués par la Société à l'AUV ne sauraient recevoir la qualification de frais professionnels les faisant échapper, de fait, à l'assiette des cotisations, puisque les frais professionnels doivent être engagés par le salarié pour les besoins de son activité puis remboursés par l'employeur. Ce n'est en l'espèce pas le cas puisque la Société ne procède à aucun remboursement entre les mains de ses salariés.

L'absence de production des contrats liant l'Association et la société Colas ainsi que des contrats de mise à disposition des véhicules aux salariés, ne permet pas à la cour de savoir comment la comptabilisation des kilométrages est effectuée par les usagers ni comment s'effectue la répartition entre l'usage privé et l'usage professionnel.

La Société produit bien aux débats un listing mentionnant le nom des salariés adhérents de l'Association, la marque et l'immatriculation du véhicule automobile qui leur est attribué, le compteur du véhicule en début et fin de mois, les kilomètres remboursés et les kilomètres réalisés à titre privé.

Elle produit également un document intitulé « note de frais » émise par l'Association et dont le montant correspond au nombre de kilomètres remboursés mentionné dans le listing. Elle produit enfin un document sans titre, portant la mention 'AUV/COSSON', au nom de 16 salariés, sur lequel figure le montant de la cotisation annuelle qui leur est demandée en contrepartie de la mise à disposition permanente du véhicule automobile dont la marque le type et la puissance fiscale sont indiqués (pièce 28), pour l'année 2012.

Or, la cour ne peut que relever que, malgré la concordance apparente des éléments mentionnés dans les documents entre eux (voir par exemple le document sans titre, reprenant la situation mensuelle pour chacun des 16 salariés concernés - pièce 30), la réalité et la pertinence des mentions qu'ils comportent ne sont corroborées par aucun élément précis et probant.

Ainsi, le kilométrage mentionné comme étant effectué à titre strictement professionnel n'est justifié par aucun élément, la société Cosson ne justifiant pas, salarié par salarié, du détail des trajets professionnels qu'ils ont été contraints de réaliser pour les besoin de leur travail. Les factures qu'elle a acquittées à l'Association ne sont mises en relation avec aucun ordre de mission ou quelconque document qui détaillerait le lieu des chantiers (ou celui des clients à visiter et la distance parcourue entre le domicile du salarié (ou l'établissement) et l'endroit où la mission était exécutée, à de très rares exceptions près, qui ont d'ailleurs été produites à l'appui des frais de réception ou d'invitation de salariés et non d'utilisation de véhicule (pièces 20) . Aucun élément n'est d'ailleurs produit pour démontrer, a minima, que les salariés bénéficiant des remboursements de frais avaient besoin d'effectuer des déplacements (aucun contrat de travail ni profils de poste ne sont produits et leur fonction n'est pas précisée).

La réalité même du nombre de kilomètres parcourus n'est pas établie puisqu'il n'existe ni au sein de la Société ni au sein de l'Association, de procédure de contrôle de l'usage des véhicules. Ainsi, aucun carnet de bord n'est affecté au véhicule utilisé de sorte que le kilométrage n'est pas connu et n'est versée aucune facture d'entretien ou de révision sur laquelle figure habituellement cette information.

Le document intitulé « note de frais » que la Société indique être remis par le salarié à l'Association avant que celle-ci ne facture le kilométrage à l'employeur, n'est pas signé du salarié de sorte que la cour ne peut s'assurer si la personne qui l'a remplie est celle qui a effectivement parcouru les distances mentionnées. Au mieux, ces notes ont été établies par l'Association au regard des seules déclarations des salariés, à qui il n'a jamais été demandé aucun justificatif d'un usage strictement professionnel.

Il n'est d'ailleurs pas cohérent que, si seuls les kilomètres professionnels sont remboursés, cette note de frais soit dressé par le salarié, transmise par l'intermédiaire de ses supérieurs (le cas échéant) au sein de la Société et comporte en outre des dépenses qui seront additionnées sous la mention 'non remboursable', comme si l'AUV devait être informée de ce genre de dépenses et alors même qu'il s'agit de dépenses de carburant, d'entretien ou de réparations de véhicule.

Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, aucun élément ne permet de s'assurer que l'Association ne facture à la Société que les kilomètres parcourus pour les besoins professionnels des salariés ou, à défaut, que la Société, en procédant à des « remboursements de frais », se limite à rembourser l'usage strictement professionnel du véhicule par ses salariés.

A l'exception de M. [V] ou de M. [Y] [S], tous les kilométrages figurant sur les notes des frais sont des nombres ronds.

Les mêmes déplacement sont parfois comptabilisés de façon différente (le trajet [Localité 2]-[Localité 3] est le plus souvent compté pour 40 kilomètres quand un salarié le compte, à juste titre, pour 31 kilomètres).

De plus, si la Société produit de nombreuses listes portant les noms de salariés, des copies de chèques adressés par des salariés à l'AUV, des copies de remises de chèques de salariés effectuées par l'AUV, la présentation qui en est faite rend difficile, voire impossible, le rapprochement de ces données, ne serait-ce que parce que les bordereaux établis par l'AUV ne sont, pour la plupart, pas datés, alors qu'ils peuvent comprendre jusqu'à une centaine de noms. A titre d'exemple, les deux premiers chèques dont la copie est produite ont été émis, respectivement, par M. [V] pour un montant de 243,83 euros le 12 novembre 2012 et par M. [A], pour un montant de 119,18 euros, le 7 décembre 2012. Or, M. [A] n'apparaît pas sur les bordereaux attachés. La somme mentionnée pour M. [V] ne peut correspondre à aucun véhicule fourni par AUV puisqu'il résulte d'autres documents soumis à l'attention de la cour que le tarif annuel pour le véhicule utilisé par l'intéressé est de 485 euros et qu'à supposer qu'il n'ait été embauché qu'en mai 2012, le montant payé serait inférieur au montant proportionnellement dû, tandis que le tableau intitulé 'Détail des véhicules, utilisateurs, cotisations et périodes d'utilisation des véhicule - Exercice 2012' indique, le concernant, un début d'utilisation au 1er janvier 2012 et une cotisation de 244 euros (laquelle n'aurait donc été payée, au demeurant, qu'en fin d'exercice).

En tout état de cause, le montant de la cotisation annuelle payée par un salarié s'élève à la somme de 1 305 euros, pour un véhicule de type Peugeot 3008 'premium' ou de type Renault Grand Scénic 'expression'. Ce montant est dérisoire au regard du prix d'achat, de location ou de location-vente / en option d'achat de cette catégorie de véhicules.

Or, il permet au salarié de l'utiliser à des fins personnelles, quel que soit le nombre de kilomètres parcourus.

Les éléments produits par la Société indiquent également que les salariés (certains en tout cas) disposent d'un moyen permettant de payer le carburant, les péages, les parkings, dans le cadre de l'exercice professionnel au moins.

Certains salariés ont ainsi présenté des notes de frais parce qu'ils n'avaient pas pu utiliser ce moyen de paiement.

Comme indiqué plus haut, les notes de frais, produites par la Société, font apparaître le montant des frais d'essence, de réparation ou d'entretien du véhicule, en même temps qu'ils indiquent le nombre de kilomètres professionnels parcourus. Aucun justificatif n'est produit permettant de savoir qui a remboursé le salarié de ces frais et comment. Il n'est pas justifié que le salarié ou l'Association prend en charge les frais engendrés par un usage personnel du véhicule.

Une lecture attentive du listing produit permet de constater que L'AUV déclare et soumet à facturation un nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel assez régulier tout au long de l'année, quelle que soit la période, même celle des congés, pour une majorité de salariés. Il est pour le moins incohérent de constater, et alors même que la Société revendique le caractère particulier de ses activités pour justifier des indemnités de fractionnement, que l'examen des kilométrages ne permet pas de déterminer une ligne claire de séparation, d'autant moins que pour certains salariés, la période de juin à septembre est regroupée quand pour d'autres, elle continue d'être précisée mois par mois.

La jurisprudence de la Cour de cassation mentionnée par la Société qui ne retient pas la qualification d'avantage en nature, ne peut cependant pas être transposée au cas présent puisque pour ces affaires, elle constatait que les juges du fond avaient estimé que la société Colas avait produit les éléments permettant d'établir :

- soit qu'elle ne réglait à l'Association que le nombre des kilomètres effectués à titre professionnel ;

- soit que les déplacements personnels restaient à la charge des salariés, lesquels justifiaient, pour leur part, du financement de l'utilisation personnelle des véhicules mis à leur disposition en dehors du paiement de la cotisation versée à l'Association ;

- et que leurs cotisations étaient effectivement acquittées puisque prélevées sur leur salaire.

Pour d'autres litiges, les juges du fond avaient relevé que le caractère professionnel des kilomètres pris en charge par la Société n'était pas contesté pas plus qu'il n'était soutenu qu'elle prenait en charge des frais personnels (arrêts du 21 juin 2018 17-21652, du 20 septembre 2018 17-24320 et du 2 décembre 2018 17-24322 ).

A l'évidence, au regard des développements qui précèdent, pour le cas présent, la Société ne produit pas les mêmes éléments.

La présentation des faits par la Société dans ce dossier est d'ailleurs quelque peu surprenante puisqu'elle aboutirait à ce que ce soit elle qui bénéficie d'un avantage en nature, assez considérable, procuré par l'AUV : ses salariés, en tout cas, certains d'entre eux, se trouveraient pouvoir utiliser un véhicule à des fins professionnelles sans autre formalité que le paiement, par eux, d'une cotisation et alors que la Société ne démontre pas qu'elle expose les frais de carburant, seulement les indemnités kilométriques qu'elles verseraient (mais elle ne le prouve pas) à l'AUV.

Une telle situation ne pouvant exister, seule reste la situation dans laquelle, par l'intermédiaire de l'AUV, la Société fait bénéficier ses salariés d'un avantage en nature non négligeable (utilisation gratuite d'un véhicule y compris à des fins personnelles et pour une contribution dérisoire) alors que, pour qu'il n'y ait pas avantage en nature, il faut que la contribution versée par le salarié (et encore devrait-elle l'être à son employeur et non à un tiers) soit supérieure au montant réel ou forfaitaire de l'avantage.

La circonstance que la Société paie la TVS sur ces véhicules démontrent qu'ils sont assimilés à des véhicules de société, et assimilés à des véhicules dont elle est propriétaire ou qu'elle loue (location longue durée ou avec option d'achat).

Il résulte des explications mêmes de la Société (page 35 de ses conclusions) que la transaction passée avec l'administration fiscale (la cour rappelle ici que l'expression de transaction signifie bien que l'on est dans l'apparence et non pas dans la réalité de la loi), le 14 décembre 2000, vaut lorsque les véhicules 'sont utilisés de manière prépondérante (plus de 85%) à des fins professionnelles'.

Or, l'examen du document sans titre objet de la pièce 30 démontre que cette affirmation est fausse.

Pour prendre l'exemple de M. [V], il aurait effectué, en 2012, un total de 25 440 kilomètres. Il aurait donc dû en parcourir plus de 21 000 à titre professionnel. Le tableau le concernant indique '18 599' kilomètres. De même, M. [V] a effectué un total de 50 000 kilomètres mais seulement 29 300 à titre professionnel, au lieu de 42 500 selon le principe des '85%' rappelé ci-dessus. M. [C] a, pour sa part, effectué bien plus de kilomètres personnels que de kilomètres professionnels, de même que M. [Z]. Les mêmes constatations peuvent être, selon, effectuées pour tous les autres salariés figurant dans ce document.

En d'autres termes, la relation triangulaire Société - salarié de la Société - AUV est une pure fiction qui n'a que pour seul but d'éluder les prélèvements sociaux.

C'est donc à juste titre que l'Urssaf a considéré que la prise en charge des véhicules mis à la disposition de salariés de la société Cosson constituait, à leur bénéfice, un avantage en nature puisqu'elle leur permettait de faire l'économie de frais qu'ils auraient dû normalement supporter s'ils avaient été propriétaires ou directement locataires des véhicules.

Cette juste analyse des éléments qui lui étaient soumis ne pouvait que conduire l'Urssaf à réintégrer la valeur de cet avantage dans l'assiette des cotisations sociales.

Pour calculer l'avantage en nature, l'Urssaf ne pouvant procéder à une évaluation au réel, faute pour la Société de justifier de la réalité des kilomètres parcourus à titre professionnels, elle a justement, non pas appliqué la taxation forfaitaire prévue à l'article R. 242-5 du code de la sécurité sociale, comme l'indique la Société, mais procédé à une évaluation forfaitaire conformément à l'arrêté du 10 décembre 2002, réalisée sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule correspondant au modèle et à la puissance du véhicule déclaré comme étant utilisé par le salarié.

La cour constate que le pourcentage retenu par l'Urssaf, en l'occurrence 12 %, est le plus avantageux des taux applicables, les autres étant de 30 % du coût global annuel comprenant la location (dont il faut rappeler qu'elle n'est pas justifiée), l'entretien, l'assurance, toutes taxes comprises lorsque le salarié paie son carburant, ou 40 % lorsque ce dernier ne le paie pas.

L'Urssaf a en outre déduit de cette somme la contribution versée par chaque salarié à l'AUV de sorte que la réintégration dans l'assiette des cotisations n'a porté que sur le strict avantage dont ils ont bénéficié.

C'est donc à juste titre que l'Urssaf a fixé à la somme de 13 179 euros le montant du redressement.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile  

La Société, qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande de condamnation de l'URSSAF à lui payer une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine en date du 22 décembre 2017 (14-00465/P), sauf :

- en ce qu'il a infirmé la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 1], prise en sa séance du 24 octobre 2016, en ce qui concerne les chefs de redressement 1, 4 et 19 ;

- en ce qu'il a confirmé le redressement opéré, au titre du chef 12, en ce qui concerne M. [A] ;

- en ce qu'il a confirmé le redressement opéré, au titre du chef 17 (repas avec invités non identifiés), dans la limite de ce qui est dit aux motifs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Confirme la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 1], prise en sa séance du 24 octobre 2016, en ce qui concerne les chefs de redressement 1 (indemnités de fractionnement), 4 (déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels) et 19 (avantage en nature véhicule) ;

Infirme la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 1], prise en sa séance du 24 octobre 2016, en ce qui concerne le chef de redressement 12 (indemnités de repas versées hors situation de déplacement), en ce qui concerne la situation de M. [A] ;

Infirme la décision de la commission de recours amiable de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales [Localité 1], prise en sa séance du 24 octobre 2016, en ce qui concerne le chef de redressement 17, dans la limite de ce qui est dit aux motifs ;

Condamne la société Cosson aux dépens d'appel ;

Déboute la société Cosson de sa demande de voir condamner l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales [Localité 1] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01147
Date de la décision : 12/12/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/01147 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-12;18.01147 ?
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