COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 DECEMBRE 2019
N° RG 18/03714 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SNBB
AFFAIRE :
[H] [X]
C/
[L] [A]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Avril 2018 par le Tribunal de Grande Instance de Versailles
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/00303
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Isabelle TOUSSAINT
Me Emmanuel MOREAU
Me Alexandre OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ DECEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [H] [X]
né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 11] (Maroc)
de nationalité Marocaine
[Adresse 2]
[Localité 8]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/04066 (Fond)
Représentant : Me Isabelle TOUSSAINT, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 249
Représentant : Me Gérard FERREIRA, Plaidant, avocat au barreau de COMPIEGNE -
APPELANT
****************
Monsieur [L] [A]
né le [Date naissance 5] 1975 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 7]
[Localité 9]
Autre(s) qualité(s) : Intimé dans 18/04066 (Fond)
Représentant : Me Emmanuel MOREAU de la SCP MOREAU E. & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 147 - N° du dossier 20188229 - Représentant : Me François GERBER de la SELARL CABINET GERBER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0297
Monsieur [O] [Y]
né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 10]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 9]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 18/04066 (Fond)
Représentant : Me Alexandre OPSOMER de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 - N° du dossier 306/18
Représentant : Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0198 -
SCI SA
N° SIRET : 453 59 6 2 23
[Adresse 6]
[Localité 9]
Autre(s) qualité(s) : Appelant dans 18/04066 (Fond)
Représentant : Me Alexandre OPSOMER de la SCP GUEILHERS & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 269 - N° du dossier 306/18
Représentant : Me Georges SITBON de la SCP PEREZ SITBON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0198 -
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Octobre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 25 novembre 2003, M. [L] [A] et M.[H] [X] ont constitué une société civile immobilière dénommée SA, ayant pour objet l'acquisition de tous immeubles. Le capital social de 900 euros, réparti en 100 parts de 9 euros, a été réparti par moitié entre les deux associés et M. [X] a été désigné gérant statutaire.
Par acte du 14 juin 2005, la société SA a acquis un local commercial situé à Mantes La Jolie (78) pour un prix, versé comptant, de 100.000 euros. Elle a donné à bail commercial ses locaux à la société Boucherie de l'Etoile, gérée par M.[A], qui a exploité les lieux jusqu'à sa liquidation judiciaire en 2007.
Voulant céder ses parts sociales, M. [A] s'est rapproché de M. [X] qui lui a répondu, par courrier de son conseil du 17 décembre 2013, que celles-ci avaient déjà été cédées le 9 janvier 2006 à M. [Y], et lui a communiqué l'acte de cession.
M.[A] a alors saisi le juge des référés en soutenant que l'acte de cession était un faux, mais ses prétentions ont été rejetées par ordonnance du 9 octobre 2014
Il a également déposé le 2 décembre 2014 une plainte pénale pour faux et escroquerie, qui s'est terminée par une ordonnance de non lieu le 23 juillet 2019.
C'est dans ce contexte que contestant l'authenticité de l'acte de cession, M. [A] a fait assigner le 26 décembre 2014 la société SA, ainsi que Messieurs [X] et [Y] en nullité de l'acte de cession de parts du 9 janvier 2006 et des actes subséquents, et en paiement de diverses sommes.
Par jugement du 10 avril 2018, le tribunal de grande instance de Versailles a :
- déclaré l'action recevable comme n'étant pas prescrite,
- déclaré nul et de nul effet l'acte de cession de parts du 9 janvier 2006,
- condamné in solidum Messieurs [X] et [Y] à payer à M. [A] les sommes suivantes :
- 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- 3.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Le 28 mai 2018, M. [X] a interjeté appel de la décision.
Le 8 juin 2018 la société SA et M.[Y] ont également interjeté appel.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance de jonction en date du 21 février 2019.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 6 septembre 2019, M.[X] [H] demande à la cour de:
- Le recevoir en ses conclusions et l'y dire bien fondé,
-Infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau,
Débouter M. [L] [A] de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions comme étant tant irrecevables au regard de la prescription que mal fondées,
- Condamner M. [L] [A] au paiement d'une somme de 10.000 euros à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
- Le condamner au paiement d'une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- A titre subsidiaire, ordonner une expertise judiciaire aux fins de comparaison d'écritures englobant l'ensemble des documents susceptibles d'être communiqués par les parties et impliquant que M. [L] [A] se rende chez l'expert afin d'examen graphologique,
- Dans tous les cas, le condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 2 septembre 2019, M.[O] [Y] et la SCI SA sollicitent de la cour de :
- Les recevoir en leur appel.
- Retenir l'exception de prescription des articles 1844-14 et 2219 et suivants du code civil soulevée in limine litis, et déclarer l'action de M. [L] [A] irrecevable comme prescrite,
- En tout état de cause,
- Ordonner à M. [L] [A] en application de l'article 648 du code de procédure civile d'indiquer sa véritable adresse et d'en justifier par un bail d'habitation, ou un titre de propriété, la production de sa taxe d'habitation.
- Déclarer en conséquence M. [L] [A] irrecevable et mal fondé en son action,
Subsidiairement
- Constater que la preuve du caractère fallacieux de l'acte contesté n'est pas apportée,
- Débouter M. [L] [A] de toutes ses prétentions et demandes principales et accessoires,
- Le condamner à leur verser à chacun, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 1240 du code civil , ainsi que la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Le condamner aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 23 septembre 2019, M.[A] sollicite de la cour de :
- Confirmer la décision entreprise et le déclarer recevable en son action,
- Déclarer nuls et de nul effet :
o la cession de parts sociales en date du 9 janvier 2006,
o le procès-verbal d'assemblée générale en date du 14 mars 2006,
o les statuts modifiés en date du 14 mars 2006 ;
Constatant que l'annulation de ces actes rétablit Monsieur [A] dans ses droits
-Dire la décision opposable à la société civile immobilière S.A. et ordonner la publication du jugement à intervenir dans les journaux le Courrier de Mantes et le Parisien des Yvelines aux frais de Messieurs [X] et [Y],
- Confirmer la décision entreprise et y ajoutant :
- Condamner solidairement Messieurs [Y] et [X] à compenser le préjudice économique qu'il a subi cours de cette période en les condamnant solidairement au paiement de la somme de 113.333 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamner M. [X] à lui verser une somme de 40.000 euros au titre du préjudice moral.
- Débouter M. [X] et M. [Y] de leur demande au titre de la procédure abusive,
Statuant sur l'appel incident,
- Condamner solidairement Messieurs [Y] et [X] à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et statuer ce que de droit sur l'amende civile
- Ordonner la communication des pièces suivantes sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir :
- la copie du bail commercial existant ;
- le montant et la périodicité des loyers versés depuis le 14 janvier 2006 ;
- les bilans ou liasses fiscales.
- Condamner Messieurs [Y] et [X] à lui verser chacun la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner en tous les dépens d'appel.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux conclusions des parties conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 octobre 2019.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prescription de l'action en nullité de l'acte de cession de M.[A]':
M.[X] critique le jugement entrepris qui s'est fondé sur l'article 2234 du code civil pour rejeter la prescription de l'action en nullité de la cession des droits sociaux initiée par M.[A] alors que la modification des statuts de la société SA a été publiée dès la signature de l'acte de cession de janvier 2006. Il estime que la prescription de l'article 1844-14 du code civil est opposable à M.[A] même si ce dernier se prévaut d'une fraude à ses droits.
M.[Y] demande également à la cour de retenir l'exception de prescription soulevée, faisant valoir que les dispositions de l'article 1844-14 du code civil à s'appliquent à toutes les actions en nullité, qu'elles résultent d'une simple omission ou d'une fraude.
M.[A] fait valoir que ce n'est pas la prescription triennale de l'article 1844-14 du code civil qui doit s'appliquer mais la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil puisque son action en annulation de la cession est fondée sur un vice intrinsèque qui affecte l'acte, à savoir la falsification de sa signature. Il ajoute n'avoir su que par un courrier reçu par Maître [N] en décembre 2013 qu'il avait été dépossédé de ses parts et que son action ayant été initiée le 26 décembre 2014 est recevable.
L'article 1844-14 du code civil dispose que les actions en nullité de la société ou d'actes et délibérations postérieurs à sa constitution se prescrivent par trois ans à compter du jour où la nullité est encourue.
En application de cet article, il est constant que l'action en annulation des droits sociaux est soumise à la prescription triennale que dans la mesure où cette action repose sur une irrégularité tirée des statuts qui touche la décision sociale, peu important alors que l'irrégularité résulte d'une simple omission ou de la fraude.
Or en l'espèce l'action en nullité de M.[A] est fondée sur une irrégularité tenant à l'acte de vente lui-même et non sur une irrégularité affectant la décision sociale qui l'a autorisé.
Par conséquent, l'action en nullité de la cession des parts sociales n'est pas soumise à la prescription triennale de l'article 1844-14 susvisé mais relève de la prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil.
Le fait générateur étant l'acte de cession querellé du 9 janvier 2006 était soumis à la prescription trentenaire. L'instance ayant été introduite en 2014, la durée de la nouvelle prescription s'applique aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi de 2008, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Aux termes de l'article 2224 du code civil de la loi du 17 juin 2008, «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer».
Par conséquent, l'action portant sur la nullité de l'acte de cession du 9 janvier 2006 ne pouvait donc être introduite après le 17 juin 2013.
Cependant, M.[A] prétend qu'il a été dans l'impossibilité d'agir, étant dans l'ignorance de la conclusion de cet acte.
Il soutient en effet que son action initiée le 26 décembre 2014 n'est pas prescrite car il n'a eu connaissance de la cession incriminée que par le courrier adressé à son avocat en décembre 2013, n'ayant pas été convoqué à l'assemblée générale extraordinaire d'agrément pourtant obligatoire selon l'article 10.3 des statuts, n'ayant pas non plus reçu notification du projet de cession avec la demande d'agrément par courrier avec avis de réception et ne pouvant pas dès lors savoir qu'il n'était plus détenteur de ses parts sociales dans la société SA.
Aux termes de l'article 2234 du code civil, « la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure».
La prescription ne court pas contre celui qui a été dans l'impossibilité d'agir. Pour déterminer si l'action de M.[A] est prescrite ou non, il convient donc au préalable de déterminer l'existence ou non d'un empêchement constitué par un vice affectant l'authenticité de la cession de parts sociales du 9 janvier 2006 l'ayant empêché d'agir.
Sur l'authenticité de la signature de M.[A] sur l'acte de cession du 9 janvier 2006':
M.[X] soutient que la preuve du prétendu faux n'est pas rapportée, estimant que l'expertise produite par M.[A] n'est pas probante au regard de la date du seul document de comparaison (2013) et alors que les signatures évoluent avec le temps. Subsidiairement, il sollicite la mise en 'uvre d'une expertise judiciaire.
M.[Y] expose qu'il est le principal apporteur des fonds de la SCI alors qu'il n'apparaît pas dans la société, que l'acte de cession en cause n'a fait que régulariser la situation, que M.[X] devait également lui céder ses parts, ce qu'il n'a pas fait, que le renouvellement du bail commercial a été ensuite signé par lui en qualité de bailleur sans que M.[A] ne le conteste. Il fait valoir que l''étude non contradictoire produite par M.[A] n'est pas suffisante pour remettre en cause l'authenticité de sa signature sur l'acte de cession.
Aux termes de l'article 287 alinéa 1 du code de procédure civile, «'si l'une des parties dénie l'écriture qui lui est attribuée ou déclare ne pas reconnaître celle qui est attribuée à son auteur, le juge vérifie l'écrit contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte. Si l'écrit contesté n'est relatif qu'à certains chefs de la demande, il peut être statué sur les autres'».
L'article 288 du même code stipule qu' «il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture au vu des éléments dont il dispose après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tous documents à lui comparer et fait composer, sous sa dictée, des échantillons d'écriture. Dans la détermination des pièces de comparaison, le juge peut retenir tous documents utiles provenant de l'une des parties, qu'ils aient été émis ou non à l'occasion de l'acte litigieux'».
M.[A] dénie sa signature sur l'acte de cession du 9 janvier 2006 par lequel il cède les 50 parts qu'il détient au sein de la société SA à M.[Y], en se fondant principalement sur le rapport de comparaison d'écritures de Mme [V], expert en écritures, réalisé le 5 avril 2016.
Mme [V] a comparé la signature de M.[A] et les paraphes figurant sur la copie de l'acte de cession querellé du 9 janvier 2006 et sur la copie des statuts mis à jour en date du 14 mars 2006 avec la copie des statuts de la société SA du 25 novembre 2003, de l'acte de vente du 14 juin 2005, l'original d'un dossier communal d'informations signé par M.[A] le 25 janvier 2006, la copie d'un de ses chèques du 16 juin 2006, de son passeport du 30 juin 2011, de la dernière page de son contrat de travail du 1er août 2010 et de son avenant du 1er septembre 2012, et avec la copie d'un acte de vente du 10 janvier 2013 et actes postérieurs de 2013 et 2014.
Elle en déduit que M.[A] n'a vraisemblablement pas signé l'acte de cession du 9 janvier 2006 s'agissant d'une imitation lointaine de sa signature, n'a vraisemblablement pas rédigé les paraphes qui figurent sur cet acte s'agissant d'imitations «'à main libre'» c'est à dire réalisés avec un modèle sous les yeux, que M.[A] n'a certainement pas tracé les deux signatures qui figurent sur les statuts mis à jour le 14 mars 2006 , lesquelles sont des signatures «'imaginaires'» c'est à dire sans modèle.
Il convient de constater que, contrairement aux dires de M.[X], Mme [V] a comparé la signature de M.[A] avec des pièces de comparaison de la même période et non uniquement avec la copie d'un acte de vente de 2013.
En tout état de cause, il résulte des articles 287 et 288 du code de procédure civile que lorsque l'écriture et la signature d'un acte sous seing privé sont déniées ou méconnues, il appartient au juge de vérifier l'acte contesté à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte.
Pour appuyer ses dires sur l'authenticité de la signature de M.[A] sur l'acte de cession querellé, M.[X] produit aux débats des documents signés par M.[A]':
- une convention de stage signé le 23 mars 2006,
- une copie d'un document bancaire du 31 décembre 2003,
- une copie d'un avis de paiement d'un arrêt maladie du 26 novembre 2004,
- une copie d'un bon de commande du 18 mars 2004,
- une copie d'un contrat de travail du 11 février 2004,
- une copie d'un courrier du 29 novembre 2005 de M.[A], gérant de la Boucherie de l'Étoile,
- une copie d'un contrat de services du 26 janvier 2004,
- une copie de déclaration d'incident bancaire du 20 mai 2005,
- l'original d'un prêt non daté mais avec date de première échéance du 2 mai 2005 (raturée avec du stick blanc).
La cour relève tout d'abord que M.[X] est mal venu de contester le rapport de comparaison en ce qu'il s'appuie sur des copies, estimant qu'elles ont susceptibles de montage, alors que lui-même produit quasiment toutes ses pièces, sauf deux, en copie.
Quoi qu'il en soit, les documents produits par M.[X], à part l'original de la convention de stage sur laquelle figure une signature en lettres capitales (en bâton) cependant pas terminée ( seuls apparaissent les lettres SAINT AMA) et d'un graphisme différent de celui de l'acte contesté, montrent que M.[A] ne signe pas en lettres capitales ( [A]). Ces documents reproduisent le même graphisme de signature que ceux soumis à l'expert en écritures.
Si certes comme le font valoir M.[X] et M.[Y], les signatures peuvent évoluer avec le temps, il n'en demeure pas moins que les signatures de M.[A] apparaissant sur les documents produits par M.[X] sont écrites en lettres cursives avec les lettres SD reliées, qu'elles sont difficilement lisibles, présentent entre elle des similitudes évidentes et qu'elles sont très sensiblement différentes de la signature figurant sur l'acte de cession du 9 janvier 2006, laquelle est constituée à la fois d'une lettre avec un trait et du nom de [A] écrit en lettres capitales.
La cour relève en outre que les signatures apparaissant sur les pièces de M.[X] sont semblables à celles figurant tant sur les statuts de la société du 25 novembre 2003 que sur l'acte d'acquisition des locaux par la société SA en date du 14 juin 2015, lesquelles diffèrent totalement de celle de l'acte de cession querellé.
Il s'ensuit de ces éléments qui ressortent tant du rapport de comparaison des écritures produits que des propres constatations faites par la cour au vu des pièces produites par M.[X] et des comparaisons qu'elle a pu faire avec les actes non contestés des 25 novembre 2003 et 14 juin 2005 que la signature de M.[A] qui figure sur l'acte de cession est apocryphe.
ll n'y a pas lieu dans ces conditions de faire droit à la demande subsidiaire de M.[X] aux fins d'organiser une expertise judiciaire, alors que cette demande n'a pas été faite en cours d'instruction du dossier et qu'il n'appartient pas à la cour de suppléer à la carence des parties.
Il est en outre inopérant pour M.[X] de faire valoir que la signature de M.[A] apparaît sur l'acte de renouvellement du bail commercial non daté mais prenant effet au 8 février 2006 puisque cet acte a été signé par M.[Y] et que la signature de M.[A] y figurant correspond à celle de l'acte du 9 janvier 2006.
Enfin, la cour ne peut que constater que ni M.[Y] ni M.[X] n'apportent d'élément attestant du versement à M.[A] de la somme de 450 euros correspondant au prix des 50 parts qui auraient été cédés.
Il résulte de ces développements que la signature apparaissant sur l'acte de cession du 9 janvier 2006 n'étant pas identifiée comme étant celle de M.[A], ce dernier n'a pas pu avoir connaissance d'un acte qu'il n'a signé, d'autant que M.[X], en tant que gérant de la société SA ne justifie ni de la tenue d'assemblées générales ni des comptes sociaux, ou de la participation de M.[A] à la vie de la société.
M.[A] a été mis dans l'impossibilité d'agir en nullité de cet acte de cession du 9 janvier 2006 jusqu'à ce que son conseil ne reçoive un courrier du conseil de M.[X] du 17 décembre 2013 l'informant de l'existence de l'acte de cession du 9 janvier 2006 qu'il lui remet alors.
Le délai de prescription ayant été suspendu jusqu'au 17 décembre 2013, l'action initiée par M.[A] le 26 décembre 2014 à l'encontre de M.[X], M.[Y] et la société SA n'est pas prescrite et sera déclarée recevable.
Dès lors, au regard des développements précédents sur le caractère apocryphe de la signature de M.[A] portée sur l'acte de cession de parts du 9 janvier 2006, il convient de déclarer nul et de nul effet cet acte de cession et dès lors de confirmer le jugement entrepris sur ce point.
Par voie de conséquence, seront déclarés nuls le procès-verbal de l'assemblée générale du 14 mars 2006 et les statuts modifiés du 14 mars 2006 qui ont suivi ledit acte de cession du 9 janvier 2006 .
Il n'y a pas lieu de dire la présente décision opposable à la société SA, qui est partie au litige.
Il ne sera pas fait droit à la demande de publication de la décision dans un quotidien.
Sur les demandes de M.[A] de dommages et intérêts :
* sur le préjudice économique:
M.[A] fait valoir qu'il doit être rétabli dans l'ensemble de ses droits, et il sollicite, outre la confirmation du jugement qui lui a octroyé la somme de 100 000 euros au titre de son préjudice matériel, le paiement de la somme de 113 333 euros, ce que contestent M.[X] et M.[Y], ce dernier estimant que rien ne démontre qu'il aurait participé à la falsification de la cession.
M.[A] se fonde pour solliciter ce montant de 213 333 euros sur le fait que la SCI a supporté des engagements financiers sur 7 ans c'est à dire jusqu'en mai 2011 mais que depuis mai 2011 la société Val Boucherie en tant qu'actuelle locataire des locaux paie un loyer annuel de 40 000 euros à la société SA et qu'il aurait dû percevoir la moité de la somme en tant que détenteur de la moitié des parts de cette société.
Le préjudice de M.[A] induit par la cession illégale de ses parts porte sur la valeur de ses 50 parts au sein de la société SA ,qui est constituée par les loyers perçus par la SCI SA.
C'est à juste titre que le premier juge s'est fondé sur le prix d'achat du local commercial de 100 000 euros ainsi que sur le bail commercial qui a été consenti à la société Boucherie de l'Etoile à compter du 8 février 2006 moyennant un loyer de 25 200 euros HT, pour en déduire que le revenu foncier brut s'élève sur 8 ans de 2011 à juin 2017 à la somme de 201 600 euros soit 100 000 euros pour M.[A].
La cour relève que M.[A] ne produit aucun élément pour justifier d'un loyer annuel de 40 000 euros pour le local commercial acheté par la SCI SA, et sa demande plus ample d'indemnisation n'est fondée sur aucun élément probant.
Force est par ailleurs de constater que M.[X], qui conteste ce montant, ne produit pas les comptes sociaux ni les assemblées générales de la société SA, ce qui a été d'ailleurs relevé dans l'ordonnance d'incident du 19 septembre 2019, qu'il ne produit dès lors pas les charges de fonctionnement de la société, qu'il indique seulement déclarer les revenus fonciers que lui et M.[Y] ont perçu mais que la société SA n'a pour sa part établi aucune déclaration.
Dès lors, le jugement qui a condamné in solidum M.[X] et M.[R], lesquels ont participé tous deux à la falsification opérée de l'acte de cession du 9 janvier 2006, au paiement de cette somme à M.[A] sera confirmé.
* sur le préjudice moral:
M.[A] sollicite outre la confirmation du jugement sur ce point la condamnation supplémentaire de M.[X] au paiement de la somme de 40 000 euros, indiquant qu'il lui faisait totalement confiance.
Le premier juge a retenu à juste titre la mauvaise foi de M.[X], qui a évincé son associé de la société qu'ils avaient créée ensemble et l'a condamné justement à payer à M.[A] la somme de 10 000 euros. M.[A] sera débouté du surplus de sa demande.
* sur la procédure abusive:
L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas d'intention de nuire, ce que ne démontre pas M.[A], qui sera dès lors débouté de toute demande de ce chef.
Sur la demande de communication de pièces de M.[A]':
M.[A] s'est vu débouter de cette demande de communication de pièces par le conseiller de la mise en état, qui a relevé que les documents n'ont pas été établis par le gérant de la SCI SA. Pour les mêmes raisons, la présente demande ne peut aboutir pour la copie du bail commercial et pour les liasses fiscales.
En ce qui concerne sa demande de produire le montant et la périodicité des loyers depuis 2006, M.[A] n'explicite pas l'objet précis de sa demande voire son intérêt , alors même que son préjudice a été reconnu comme portant sur les loyers dont il n'a pas bénéficié depuis l'acte de cession. Dans ces conditions, il sera débouté de sa demande à ce titre qui n'est pas justifiée.
Sur la demande de dommages et intérêts de M.[X]' et de M.[Y] :
Au regard des développements précédents, ni M.[X] ni M.[Y] ni la SCI SA ne justifient du caractère abusif de la procédure initiée par M.[A], et ils seront déboutés de leur demande à ce titre.
Sur la demande de M.[Y] concernant l'adresse de M.[A]':
M.[Y] ne justifie pas du fondement de sa demande portant sur l'adresse de M.[A] et n'explique pas la conséquence qu'il tire des éventuelles adresses inexactes données par ce dernier lors d'actes antérieurs.
Il sera relevé qu'en tout état de cause M.[A] produit un procès-verbal de constat d'huissier du 4 juin 2019 justifiant de son adresse actuelle à [Localité 12].
Sur les autres demandes':
Le premier juge a exactement statué sur le sort des dépens et les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dont il a fait une équitable application.
En cause d'appel, il y a lieu de condamner M.[X] et M.[Y] in solidum à verser à M.[A] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'.
Les dépens d'appel seront à la charge in solidum de M.[X] et de M.[Y].
PAR CES MOTIFS LA COUR
Statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 10 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Versailles,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare nuls et de nul effet le procès-verbal de l'assemblée générale de la SCI SA du 14 mars 2006 et les statuts de la SCI SA modifiés du 14 mars 2006,
Déboute M.[A] de sa demande de communication de pièces,
Condamne in solidum M.[X] et M.[Y] à payer à M.[A] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne in solidum M.[X] et M.[Y] aux dépens d'appel et dit que ceux-ci pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,