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03/12/2019 | FRANCE | N°18/007771

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13, 03 décembre 2019, 18/007771


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 53A

13e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 03 DÉCEMBRE 2019

No RG 18/00777 - No Portalis DBV3-V-B7C-SEYZ

AFFAIRE :

SA DEXIA CRÉDIT LOCAL

C/

SA PROMOCIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 4
No Section :
No RG : 2015F02240

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/12/2019

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Richard NAHMA

NY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire en...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

Code nac : 53A

13e chambre

ARRÊT No

CONTRADICTOIRE

DU 03 DÉCEMBRE 2019

No RG 18/00777 - No Portalis DBV3-V-B7C-SEYZ

AFFAIRE :

SA DEXIA CRÉDIT LOCAL

C/

SA PROMOCIL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2017 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No chambre : 4
No Section :
No RG : 2015F02240

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 03/12/2019

à :

Me Mélina PEDROLETTI

Me Richard NAHMANY

TC NANTERRE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS DÉCEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

LA SA DEXIA CRÉDIT LOCAL inscrite au RCS de NANTERRE sous le no 351 804 042, agissant aux poursuites et diligences de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 4]

Représentée par Maître Mélina PEDROLETTI avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 et par Maître Dominique LEFORT avocat plaidant au barreau de PARIS.

APPELANTE
****************

LA SA PROMOCIL Société Anonyme d'Habitation à Loyer Modéré
No SIRET : 445 520 398
[Adresse 3]
[Localité 2]

Représentée par Maître Richard NAHMANY avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485 et par Maître Stéphanie BARRE-HOUDART avocat plaidant au barreau de PARIS.

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Octobre 2019, Madame Delphine BONNET, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN

La société anonyme Dexia crédit local (la société Dexia) est un établissement de crédit spécialisé dans les prêts au secteur public.

Par acte du 15 mai 2006, elle a régularisé avec la société anonyme d'HLM Promocil un contrat de prêt no MPH983698EUR portant sur un montant de 14 514 357,39 euros conclu pour une durée de trente-deux ans et six mois et destiné à refinancer un contrat de prêt antérieur. Le montant des taux d'intérêt applicables suivait trois phases : une première phase à taux fixe, suivie d'une deuxième phase s'étendant de 2007 à 2027 durant laquelle s'appliquait un taux d'intérêt structuré dont le calcul variait selon l'évolution de la différence entre le cours CMS EUR 30 ans et le cours CMS EUR 2 ans, puis une dernière phase à taux fixe jusqu'au 1er décembre 2038, date d'échéance du prêt.

Le 6 juillet 2007 les parties ont conclu un contrat de prêt no MPH985376EUR destiné à refinancer le prêt du 15 mai 2006 pour un montant égal au capital restant dû, soit la somme de 13 954 936,65 euros, et ce pour un durée de trente-et-un ans et sept mois s'achevant le 1er décembre 2038. Le taux d'intérêt applicable au remboursement de ce prêt suivait également trois phases :

- une première phase à un taux fixe annuel de 1,89 % , du 1er décembre 2007 au 1er décembre 2010,
- une deuxième phase à taux variable en fonction de l'évolution de la parité Euro-Franc suisse par rapport à la parité Euro-Dollar américain selon les modalités suivantes :
- si le cours Euro-Franc suisse est supérieur ou égal au cours Euro-Dollar américain, le taux d'intérêt est de 3,38%,
- si le cours Euro-Franc suisse est strictement inférieur au cours Euro-Dollar américain, le taux d'intérêt est de 4,38% majoré de 30 % fois la différence entre les deux cours,
- une troisième phase à taux fixe de 3,38%, du 1er décembre 2027 au 1er décembre 2038.

La hausse substantielle du Franc suisse fin 2009 a entraîné l'inversion entre les cours de change Euro/Franc suisse et EUR/USD, risquant ainsi le déclenchement de l'application du taux d'intérêt applicable à 3,68 % +30 % du delta entre ces cours.

Lors d'une réunion du 12 avril 2011, alors que le taux d'intérêt contractuel anticipé était de 9,09 % la société Dexia a présenté à la société Promocil deux propositions de refinancement du prêt du 6 juillet 2007 :

- soit la souscription d'un nouveau prêt d'un montant de 11 647 415,94 euros à taux fixe ;
- soit un réaménagement du prêt par la stipulation d'un passage temporaire, pour les échéances 2011, 2012, 2013 et 2014, à un taux fixe de 4,85% avant de revenir à la formule d'indexation stipulée au contrat du 6 juillet 2007, puis l'application lors de la troisième phase de remboursement du taux Euribor 12 mois, avec en outre une modification du mode d'amortissement, qui de ligne à ligne deviendrait progressif à 5 %.

Le 8 juin 2011, le conseil d'administration de la société Promocil a donné son accord sur un refinancement du prêt, indiquant que « la finalité de ce refinancement serait de passer temporairement à taux fixe les trois prochaines échéances. »

Par courrier du 6 septembre 2011, la société Dexia a adressé à la société Promocil une offre indicative de refinancement, qui prévoyait l'application d'un taux fixe de 5,50 % aux échéances de 2011, 2012 et 2013 au lieu du taux d'intérêt structuré stipulé au contrat du 6 juillet 2007, ainsi que l'application du taux Euribor 12 mois lors de la troisième phase en lieu et place du taux fixe de 3,38 %, outre la modification du mode d'amortissement.

Le 19 septembre 2011, à la suite d'une conversation téléphonique avec la société Promocil, la société Dexia a communiqué une télécopie de confirmation décrivant les caractéristiques essentielles du nouveau prêt de refinancement et sur laquelle le client a donné son accord écrit.

Le 24 novembre 2011, la société Promocil a signé le contrat de prêt noMPH276404EUR établi le 3 octobre 2011 par la société Dexia. Ce contrat prévoit, conformément à la télécopie du 19 septembre, l'application du taux d'intérêt selon les modalités suivantes :

- une première phase à taux fixe de 4,90 %, du 1er décembre 2011 au 1er décembre 2013 exclu,
- une deuxième phase à taux variable en fonction de l'évolution de la parité Euro-Franc suisse par rapport à la parité Euro-Dollar américain, avec un taux de 3,38 % si le cours Euro-Franc suisse est supérieur ou égal au cours Euro-Dollar américain, ou un taux de 3,38 % + 29,50 % du delta si le cours Euro-Franc suisse est inférieur au cours Euro-Dollar américain, du 1er décembre 2013 au 1er décembre 2027 exclu,
- une troisième phase à taux fixe égal à l'Euribor 12 mois.

L'article 12 du contrat comporte en outre une clause relative au taux effectif global calculé à la date d'émission du contrat, soit 6,05 % l'an.

Les 21 mai et 3 juin 2013, la société Dexia a adressé de nouvelles propositions de financement à la société Promocil, qui les a déclinées.

Les 9 février et 4 mai 2015, la société Dexia a adressé à sa co-contractante deux documents présentant l'évolution attendue à ces dates du taux d'intérêt.

Par assignation du 24 novembre 2015, la société Promocil a saisi le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt et conséquemment la substitution du taux légal au taux d'intérêt prévu au contrat MPH 276404EUR pour défaut d'indication du TEG dans l'acte constatant le contrat de prêt au moment de l'échange des consentements des parties ainsi que le remboursement des intérêts trop perçus.

Par jugement contradictoire du 15 décembre 2017, le tribunal de commerce de Nanterre a :

- dit que la télécopie du 19 septembre 2011 constitue un contrat de prêt,
- dit que la stipulation de l'intérêt conventionnel figurant sur la télécopie du 19 septembre 2011 est nulle et que le taux d'intérêt légal doit lui être substitué depuis le 19 septembre 2011,
- débouté la société Dexia de sa demande relative à la confirmation de la télécopie du 19 septembre 2011,
- débouté la société Dexia de sa demande relative à la réfection de la télécopie du 19 septembre 201l et à la régularisation du taux d'intérêt contractuel,
- débouté la société Dexia de sa demande relative à la prescription,
- condamné la société Dexia à rembourser à la société Promocil la somme de 2 180 964,65 euros, somme à parfaire au regard des intérêts excédentaires ultérieurement éventuellement versés après le 2 décembre 2016, majorée des intérêts de droit avec capitalisation des intérêts,
- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société Dexia à payer à la société Promocil la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Dexia à supporter les dépens.

La société Dexia a interjeté appel de cette décision le 5 février 2018.

Par ordonnance d'incident du18 avril 2019, le conseiller de la mise en état a débouté la société Dexia de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la publication de l'ordonnance mentionnée à l'article 55-I al. 1-2o de la loi du 10 août 2018.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 11 septembre 2019, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

I] sur la demande en nullité du taux d'intérêt contractuel, infirmer le jugement et rejeter la demande nouvelle fondée sur un TEG erroné,

1) sur le grief tiré de l'absence de TEG dans la télécopie :

- à titre principal, rejeter la demande en raison de ce que la télécopie du 19 septembre 2011 n'est pas un « écrit constatant un contrat de prêt »,
- à titre de premier subsidiaire, déclarer la demande irrecevable comme prescrite,
- à titre de second subsidiaire, rejeter la demande en raison de la confirmation,
- à titre de troisième subsidiaire, rejeter la demande en raison de la réfection,

2) sur le grief tiré du TEG erroné :

- à titre principal, déclarer la demande irrecevable comme prescrite,
- à titre de premier subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que le « contrat de prêt » de 2011 n'est pas un « écrit constatant un contrat de prêt »,
- à titre de second subsidiaire, rejeter la demande en raison de la confirmation,
- à titre de troisième subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que le taux effectif global mentionné dans le « contrat de prêt » de 2011 n'est pas erroné,

3) sur les deux griefs :

- à titre infiniment subsidiaire, rejeter la demande en raison de ce que la sanction d'une absence de TEG ou d'un TEG erroné n'est pas la nullité du taux d'intérêt contractuel,
- au cas où la nullité du taux d'intérêt contractuel serait prononcée, dire qu'elle a pour conséquence :
- de rendre applicable le taux d'intérêt structuré contractuel pour les échéances annuelles à compter du 1er décembre 2011 (inclus et jusqu'à l'échéance du 1er décembre 2026 incluse) dans sa formule du contrat de prêt de 2007, à l'exclusion de toute application du taux légal,
- de rendre applicable le taux d'intérêt fixe de 3,38 % pour les échéances du 1er décembre 2027 (incluse) au 1er décembre 2038, à l'exclusion de toute application du taux légal,

II] condamner la société Promocil à 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel avec distraction au profit de maître Pedroletti, selon l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions, déposées au greffe et notifiées par RPVA le 3 septembre 2019, la société Promocil demande à la cour de :

- déclarer recevable mais mal fondé l'appel principal interjeté par la société Dexia,
- la déclarer recevable et bien fondée en ses conclusions,
y faisant droit,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels pour le contrat MPH276404EUR en raison du défaut de mention du taux effectif global dans l'écrit constatant le contrat de prêt, à savoir la télécopie du 19 septembre 2011 et/ou l'erreur affectant le taux effectif global,
- dire que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt prévu au contrat MPH276404EUR depuis sa conclusion, soit le 19 septembre 2011,
- condamner la société Dexia à la restitution, à son bénéfice, du trop-perçu estimé pour les années 2012 à 2018 à la somme de 2 717 848,50 euros, somme à parfaire au regard des versements excédentaires qui pourraient intervenir ultérieurement,
- dire que pour le temps d'exécution restant à courir du contrat MPH276404EUR, le calcul des intérêts produits sera fait par application du taux légal en lieu et place du taux conventionnel,
- dire et juger que la restitution du trop-perçu portera intérêts au taux légal,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- débouter la société Dexia de l'ensemble de ses demandes, prétentions et moyens comme infondés,
- condamner la société Dexia à lui verser la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Dexia aux entiers dépens avec distraction au profit de la Selarl Houdart et associés, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 septembre 2019.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

Aucun moyen n'étant soulevé ou susceptible d'être relevé d'office, il convient de déclarer l'appel de la société Dexia recevable.

1) sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt en raison du défaut de mention du taux effectif global dans la télécopie du 19 septembre 2011

La société Dexia fait valoir que la demande de nullité du taux d'intérêt contractuel doit être rejetée par infirmation du jugement quant à l'absence de TEG au motif, à titre principal, que la télécopie ne peut être qualifiée de contrat de prêt compte tenu de l'objet limité du consentement des parties en 2011 et, à titre subsidiaire, en ce que d'une part elle est prescrite, d'autre part en raison de la confirmation et enfin en raison de la réfection réalisée par le contrat de prêt de 2011.

- sur la nature de la télécopie du 19 septembre 2011

La société Dexia soutient que le "contrat de prêt de 2011" n'est qu'un simple réaménagement du contrat de prêt de 2007 et non un nouveau contrat de prêt, nonobstant sa dénomination et son article 1er, soulignant qu'il y a une totale continuité entre le contrat de prêt de 2007 et le "contrat de prêt" de 2011 puisqu'il n'y a eu aucun nouvel accord des parties, ni sur le montant du capital, ni sur la durée du prêt, ni sur les dates d'échéance, ni sur les modalités de remboursement anticipé, qui ont fait l'objet d'un accord en 2007 et non en 2011, et qu'il n'y a eu de nouvel accord, en dehors du passage temporaire à taux fixe pour trois échéances, que sur le mode d'amortissement, mais celui-ci n'a pas d'influence sur le montant du taux d'intérêt et ne concerne donc pas le TEG, sur un taux d'intérêt classique pour une phase lointaine (2027-2038, taux Euribor 12 mois au lieu du taux fixe de 3,38%) et sur une modification accessoire et exclusivement favorable à Promocil de la formule du taux structuré en cas d'activation de l'indexation.

Elle affirme que la seule cause du « contrat de prêt » de 2011 n'est pas de conclure un nouveau contrat de prêt mais seulement de conclure un avenant de passage temporaire à taux fixe, comme cela a été voté par le conseil d'administration de la société Promocil le 8 juin 2011, les autres modifications n'étant qu'accessoires.

Après avoir décrit la procédure de conclusion du contrat de prêt, la société Promocil soutient que la commune intention des parties a été de procéder à une opération de refinancement par la conclusion d'un nouveau contrat de prêt tel que cela ressort des propositions indicatives de refinancement de la société Dexia du 12 avril 2011, de la délibération de son conseil d'administration du 8 juin 2011, de l'offre de refinancement du 6 septembre 2011, de la télécopie de confirmation du 19 septembre 2011 et du contrat émis le 3 octobre 2011 qu'elle a signé le 24 novembre suivant. Elle souligne qu'il y a remboursement anticipé du prêt au moyen d'un nouveau prêt et non pas simplement modification de ses conditions financières.

Elle prétend qu'en conséquence la télécopie de confirmation du 19 septembre 2011 est un acte constatant un contrat de prêt, relevant que ce document expose les conditions du remboursement du prêt quitté et ses caractéristiques financières puis les caractéristiques principales du prêt mis en place et qu'il y est précisé que la signature vaut accord sur cette opération lequel constitue un engagement irrévocable de l'emprunteur. Elle affirme que la conclusion du contrat de prêt s'opère au moyen, et au moment de cet échange de télécopie, et que donc une fois l'échange réalisé le prêt est conclu définitivement, le contrat de prêt formel signé par la suite n'étant qu'une simple mise en forme juridique des conditions de cette opération de prêt structuré.

L'article 1er (montant et objet) du contrat de prêt émis le 3 octobre 2011 et signé le 24 novembre 2011stipule très clairement, comme les précédents prêts du 15 mai 2006 et du 6 juillet 2007, qu'il a pour objet de "refinancer en date du 01/12/2011 à hauteur de 11 647 415,94 euros le contrat de prêt no MPH258823EUR" et énonce que le prêt nouveau est «autonome du contrat de prêt refinancé et est exclusivement régi par les dispositions du présent contrat » et que « par la souscription du présent contrat les sommes refinancées sont réputées remboursées au prêteur à la date du refinancement ».

L'opération de refinancement du prêt existant par un prêt nouveau comporte en effet deux opérations juridiques simultanées et indissociables : le remboursement anticipé du prêt «refinancé» et le versement des fonds correspondant au montant du nouveau prêt dit de «refinancement», les deux flux se compensant l'un avec l'autre.

Il s'agit donc bien d'un nouveau contrat de prêt et non pas d'un simple avenant ou d'un réaménagement.

Le tribunal s'est également livré à une analyse complète des éléments produits par la société Promocil, à savoir les propositions indicatives de refinancement de la société Dexia du 12 avril 2011, la délibération du conseil d'administration du 8 juin 2011, l'offre de refinancement du 6 septembre 2011 et la télécopie elle-même du 19 septembre 2011 et, par des motifs pertinents que la cour adopte, après avoir écarté la qualification d'avenant au contrat de 2007, a jugé que la télécopie 2011 constituait un écrit constatant un contrat de prêt, au sens de l'article L. 314-5 ancien du code de la consommation et de l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, en sorte que le TEG devait être mentionné sur la télécopie du 19 septembre 2011.

La décision est confirmée de ce chef.

- sur la prescription de la demande

La société Dexia soutient que la demande en nullité du taux d'intérêt contractuel pour absence de TEG doit être déclarée irrecevable comme prescrite au motif que le taux d'intérêt structuré litigieux a été consenti par le contrat de prêt du 6 juillet 2007 et que le délai de prescription quinquennale de l'action en nullité du taux d'intérêt contractuel doit courir au plus tard à compter de cette date en sorte que le délai a expiré le 6 juillet 2012 alors que l'assignation date du 24 novembre 2015, répétant que le "contrat de prêt" de 2011 n'a pour seul objet que de stipuler un passage temporaire à taux fixe.

La société Promocil répond que la prescription ne peut pas lui être opposée, l'assignation ayant été délivrée le 24 novembre 2015 dans le délai de cinq ans prévu à l'article 1304 du code civil tandis que la télécopie date du 19 septembre 2011.

L'action en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel exercée par l'emprunteur qui a obtenu un concours financier pour les besoins de son activité professionnelle court, s'agissant d'un prêt, de la date de la convention.

Contrairement à ce que soutient la société Dexia, en présence non pas d'un réaménagement du contrat de 2007 mais d'un nouveau contrat de prêt, l'action de la société Promocil en nullité de la stipulation d'intérêts a commencé à courir à compter de la télécopie du 19 septembre 2011 date à laquelle l'emprunteur a pu constater l'absence de TEG dès la réception de ce document.

Cette action introduite le 24 novembre 2015, dans le délai de prescription quinquennale, est donc recevable.

- sur la confirmation

La société Dexia fait valoir pour l'essentiel que la demande de nullité de la stipulation des intérêts contractuels doit être rejetée lorsque comme en l'espèce il y a eu confirmation, laquelle résulte du paiement des intérêts sans réserve par la société Promocil et de la signature du "contrat de prêt" par celle-ci le 24 novembre 2011. Elle relève que la connaissance de l'absence de mention du TEG dans la télécopie relève de sa simple lecture et qu'ainsi la société Promocil en payant sans réserves les intérêts contractuels antérieurement à l'assignation et en signant l'acte mentionnant le TEG a entendu réparer ce vice.

La société Promocil soutient que le paiement par un emprunteur d'intérêts conventionnels en méconnaissance de l'omission ou de l'erreur commise par son prêteur ne peut valoir régularisation et confirmation sauf à interdire aux emprunteurs d'agir en nullité de la clause d'intérêts conventionnelle dès lors qu'ils auraient versé les intérêts de leur prêt en sorte qu'aucune sanction de la méconnaissance de la réglementation du TEG ne serait alors possible. Elle ajoute que la société Dexia n'apporte pas la démonstration qu'en versant les intérêts à partir du 1er décembre 2011 et a fortiori en signant le contrat de prêt formalisé, elle était consciente du vice résultant de l'absence de la mention du TEG dans la télécopie et avait l'intention de le couvrir.

La confirmation d'un acte entaché d'une nullité relative peut être effectuée. En application de l'article 1338, devenu 1182, du code civil, elle suppose à la fois la connaissance du vice affectant l'acte et l'intention de le réparer.

En l'espèce, la société Promocil, qui ne pouvait pas ignorer que la télécopie ne comportait pas la mention du nouveau taux effectif global, connaissait le vice l'affectant et a néanmoins par la suite signé le 24 novembre 2011 le contrat de prêt mentionnant ce taux puis payé les échéances à partir du 1er décembre 2011 démontrant ainsi sa volonté de renoncer à se prévaloir de l'omission antérieure et de valider l'acte.

Le jugement doit donc être infirmé de ce chef et le moyen tiré de l'omission du taux effectif global dans la télécopie du 19 novembre 2011 sera donc écarté, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par les parties sur cette question.

2) sur la nullité de la stipulation conventionnelle d'intérêt en raison de l'erreur affectant le taux effectif global

A titre principal, la société Dexia conclut à l'irrecevabilité de la demande en raison de la prescription. A titre subsidiaire, elle conclut au rejet de la demande d'une part au motif que le contrat de 2011 n'est pas un écrit constatant un contrat de prêt, reprenant les arguments développés sur l'absence de qualification de la télécopie du 19 novembre 2011, d'autre part en raison de la confirmation de l'acte par le paiement des intérêts sans réserves, et ensuite en raison de l'absence de TEG erroné.

Il a déjà été répondu à la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Dexia ci-dessus. Pour les mêmes motifs que précédemment développés la demande de la société Promocil n'est pas prescrite et est recevable.

De même, il a été dit que la télécopie du 19 septembre 2011 est un écrit constatant un contrat de prêt et que les dispositions des articles L. 314-5 ancien du code de la consommation et L. 313-4 du code monétaire et financier sont applicables au nouveau contrat de prêt conclu entre les parties en 2011.

- sur l'erreur de TEG

La société Dexia fait observer que la société Promocil dans son assignation du 24 novembre 2015 jusqu'à ses conclusions du 25 janvier 2019 n'avait soulevé que le moyen tiré de l'absence de TEG dans la télécopie et n'a soulevé ce second moyen tiré du caractère erroné du TEG qu'à la suite de l'arrêt de la cour de céans du 27 novembre 2018 qui a admis à tort le caractère erroné du TEG en raison de sa date de calcul au motif que le « contrat de prêt » faisant suite à la télécopie n'était qu'un instrumentum en sorte que le TEG devait être calculé à la date de la télécopie.

Elle fait valoir que l'article R. 313-1 1 ancien du code de la consommation invoqué par la société Promocil n'est pas applicable au TEG du contrat litigieux dès lors qu'il n'y aucune adaptation du taux d'intérêt qui est fixé dès la conclusion du contrat de prêt.
Elle soutient qu'elle s'est conformée à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui a été méconnue par l'arrêt précité du 27 novembre 2018, applicable aux prêts à taux variable, lui permettant de choisir un seul exemple pour calculer le TEG, pourvu qu'il soit significatif, sans avoir à se référer à une date précise. Elle estime que la référence aux dernières parités de change connues à la date d'émission du contrat de prêt (3 octobre 2011) est un exemple significatif, ce d'autant que, dans les deux cas, 19 septembre et 3 octobre 2011 la différence entre les parités EUR/CHF et EUR/USD était négative, ce qui confirmait le déclenchement de l'indexation du taux structuré, et donc le bien-fondé de la décision de Promocil de conclure un passage temporaire à taux fixe. Elle estime qu'il est contraire à tout bon sens de prononcer la nullité du taux d'intérêt contractuel en raison des variations aléatoires du TEG, alors que ces variations auraient pu conduire au résultat inverse et ainsi exclure la nullité, sans pour autant ni remettre en cause la seule information qui pouvait intéresser Promocil, ni donner à celle-ci une information sur le coût réel du prêt.

La société Promocil soutient que le contrat de prêt n'étant qu'un simple instrumentum ne révélant pas un nouvel accord des parties, n'emportant ni confirmation, ni réfection, le TEG ajouté dans cet acte aurait dû être calculé à la date de la télécopie constatant l'accord des parties sur le contrat de prêt soit le 19 septembre 2011 et non à la date d'émission du contrat formalisé, le 3 octobre 2011, en sorte que le TEG qui y est mentionné est erroné puisqu'il ressortissait à 6,90 % et non pas à 6,05 % comme mentionné dans l'acte. Elle fait valoir, en réponse à l'argumentation de la société Dexia et se référant à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en septembre 2011, que pour les prêts à taux variable l'article qui n'évoque pas "d'exemple" impose que le TEG soit calculé en partant de l'hypothèse que le taux d'intérêt et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s'appliqueront jusqu'au terme du contrat de crédit et soutient ainsi que le "niveau initial " ne peut être que le niveau du taux variable tel qu'il est à la date de l'accord des parties, et non à une date postérieure en sorte que le TEG du refinancement de 2011 devait être calculé en appliquant les données disponibles au 19 septembre 2011 et non pas celles disponibles à la date d'édition de l'instrumentum de 2011, soit le 3 octobre 2011, et ce d'autant plus que cette date d'édition est totalement déconnectée de la date de signature par l'emprunteur qui est bien postérieure. Elle rappelle enfin que de jurisprudence constante, la Cour de cassation assimile la mention d'un taux effectif global erroné à l'absence de mention du taux effectif global.

Le taux effectif global figurant dans le contrat de prêt émis le 3 octobre 2011 est de 6,05 %. Il n'est pas contesté par la société Dexia que le TEG calculé au 19 septembre 2011, date de la télécopie scellant l'accord des parties, ressort à 6,90 %, selon l'analyse du cabinet financier Orféor, au demeurant non produite aux débats ni en première instance ni en appel par l'intimée, soit un taux supérieur de 0,85 % au TEG indiqué.
Contrairement à ce que soutient la banque Dexia le contrat de prêt daté du 3 octobre 2011 n'est pas un negotium mais un simple instrumentum en ce qu'il a seulement mis en forme l'accord auquel les parties étaient parvenues antérieurement en y ajoutant le taux effectif global omis dans la télécopie antérieure, lequel aurait donc dû être calculé à la date de la télécopie et non, comme l'a fait Dexia, à la date de ce contrat.

La société Dexia ne peut sérieusement soutenir qu'il n'y a pas lieu à se référer à une date précise pour calculer le TEG puisque celui-ci doit être calculé à la date de conclusion du prêt, et ce nonobstant le fait que la variation du TEG entre la date de la télécopie et la date d'émission du contrat de prêt est due à la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD, qui était aléatoire.

La société Promocil est donc fondée à prétendre que le taux effectif global indiqué dans cet acte, 6,05 %, est erroné.

- sur la confirmation

La société Dexia prétend qu'en payant les intérêts sans réserves lors des échéances des 1er décembre 2011, 2012, 2013 (taux fixe de 4,90 %) et du 1er décembre 2014 alors que l'indexation du taux structuré était déclenchée, la société Promocil a manifesté la volonté de réparer le vice tiré du TEG prétendument erroné.

Elle soutient que le mémorandum d'Orféor montre que la société Promocil avait nécessairement connaissance de la prétendue erreur du TEG lors du paiement des intérêts sans réserves puisque la variation du TEG entre le 19 septembre 2011 et le 3 octobre 2011 est due aux variations des parités EUR/CHF et EUR/USD, parités parfaitement connues de la société Promocil qui a pu suivre quotidiennement la variation de ces parités afin d'estimer la variation du taux structuré et le risque de réalisation de la condition suspensive déclenchant l'indexation, à savoir une différence arithmétiquement négative entre les parités EUR/CHF et EUR/USD.

Elle fait également état de la totale indifférence de la société Promocil au TEG figurant dans le contrat de prêt de 2011 (comme pour l'absence de TEG dans la télécopie) puisque ce contrat n'est pas celui qui a stipulé le taux d'intérêt structuré en vigueur, que Promocil ne se préoccupait lors de la conclusion de ce contrat de prêt que du montant du taux fixe des échéances de 2011 à 2013, et non de comparer une offre de Dexia à l'offre d'autres banques ni de vérifier l'incidence de ce taux fixe sur toute la durée du prêt.

La société Promocil soutient, comme pour l'absence de mention du TEG dans la télécopie du 19 septembre 2011, que le paiement des intérêts ne vaut que confirmation du consentement de l'emprunteur à payer des intérêts au titre du prêt mais ne vaut pas confirmation du consentement à payer les intérêts du prêt tels qu'ils ont été irrégulièrement stipulés au regard de l'article 1907 du code civil et de la législation sur le taux effectif global.

Elle ajoute que les conditions de la confirmation ne sont pas réunies dès lors que la société Dexia n'apporte pas la démonstration qu'en versant les intérêts à compter du 1er décembre 2011 elle était consciente du vice et avait l'intention de le couvrir.

La confirmation d'un acte nul exige à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.

Si curieusement la société Promocil n'a pas produit l'analyse du cabinet Orféor, et s'il ne fait pas de doute que cette société d'HLM suivait attentivement la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD, la connaissance par celle-ci de l'erreur de TEG affectant le contrat de 2011 n'est toutefois pas démontrée par la société Dexia en sorte que la confirmation de l'acte ne saurait être déduite du paiement sans réserves des intérêts les 1er décembre 2011, 2012, 2013 et le 1er décembre 2014 alors que l'indexation du taux structuré était déclenché.

Ce moyen sera écarté.

3) sur la sanction du TEG erroné

Après avoir rappelé que la sanction de la nullité du taux intérêt contractuel par sa substitution par le taux légal résulte uniquement de la jurisprudence de la Cour de cassation, la société Dexia fait état de la remise en cause de cette jurisprudence par des juges du fond puis par le législateur. Elle soutient que la jurisprudence de la Cour de cassation est désavouée par la réforme de 2018-2019 soulignant que l'ordonnance du 17 juillet 2019 instaure la sanction de la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice de l'emprunteur. Elle souligne que la loi du 10 août 2018 et l'ordonnance du 17 juillet 2019 ont mis en plein jour l'absence de tout fondement textuel de la jurisprudence de la Cour de cassation et l'absence de tout caractère proportionnel de la sanction de la nullité du taux d'intérêt. Puis, elle se réfère à une jurisprudence de la CJUE et soutient que si cette juridiction avait à statuer sur le TEG dans les prêts structurés (ce qui ne saurait être le cas faute de tout texte de droit de l'UE en matière de prêts à des professionnels et de TEG), elle déciderait certainement que la sanction de la nullité du taux d'intérêt retenu par la Cour de cassation ne serait pas proportionnée. Elle soutient qu'il est impossible de maintenir l'actuelle jurisprudence de la Cour de cassation sur la nullité du taux d'intérêt, laquelle ne peut plus ni se fonder sur l'article 1907 alinéa 2 du code civil ni prétendre que sa jurisprudence conduit à une sanction proportionnée en sorte qu'elle doit nécessairement procéder à un revirement inéluctable de sa jurisprudence. La société Dexia invite la cour à anticiper ce revirement, soutenant que cette anticipation du revirement de jurisprudence par les juges du fond est d'autant plus impérieuse que leurs décisions appliquant l'actuelle jurisprudence de la Cour de cassation encourent le risque d'être cassées, en ce que la loi du 10 août 2018 et l'ordonnance précitée ont ôté toute base légale à la jurisprudence fondée sur l'article 1907 code civil. Elle ajoute qu'il n'y a aucun droit acquis à la nullité du taux d'intérêt chez les emprunteurs. Elle demande donc à la cour de céans d'écarter la sanction de la nullité du taux d'intérêt qui est dénuée de caractère proportionnel en ce que le TEG n'était d'aucune utilité pour l'information de la société Promocil, et en ce que le préjudice subi par la société Promocil est inexistant puisque le TEG ne donne aucune indication sur le montant du taux d'intérêt structuré.

La société Promocil rappelle qu'il est de jurisprudence constante que la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel entraîne la substitution du taux légal au taux conventionnel à l'ouverture du crédit.

Elle soutient en premier lieu que les modifications des dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier issues de l'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 sont sans effet sur le cas d'espèce précisant qu'en l'absence de ratification par le Parlement, l'ordonnance en cause n'a que le caractère d'un acte administratif en sorte que la réforme mise en oeuvre par le gouvernement n'est pas acquise, en second lieu que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif, et enfin que le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation auquel la société Dexia invite la cour d'appel à participer n'a pas ce caractère d'évidence que l'appelante s'emploie à imposer.

Elle affirme qu'en l'état actuel du droit positif la Cour de cassation ne peut décider autre chose que ce qu'elle a décidé jusqu'à présent et elle demande en conséquence la substitution du taux légal au taux d'intérêt stipulé au contrat de 2011 et la restitution des intérêts trop perçus.

L'article 55 de la loi no 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance a autorisé le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi visant à modifier les dispositions du code de la consommation et du code monétaire et financier relatives au taux effectif global et à prévoir les mesures de coordination et d'adaptation découlant de ces modifications en vue de clarifier et d'harmoniser le régime des sanctions civiles applicables en cas d'erreur ou de défaut de ce taux, en veillant en particulier, conformément aux exigences énoncées par la directive 2008/48/CE concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE et par la directive 2014/17/UE sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les directives 2008/48/CE et 2013/36/UE et le règlement (UE) no 1093/2010, au caractère proportionné de ces sanctions civiles au regard des préjudices effectivement subis par les emprunteurs.

L'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 relative aux sanctions civiles applicables en cas de défaut ou d'erreur du taux effectif global retient une sanction civile unique posée par le premier alinéa du nouvel article L. 341-48-1 du code de la consommation : « En cas de défaut de mention ou de mention erronée du taux annuel effectif global (?), le prêteur peut être déchu du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur ».

Le rapport au Président de la République relatif à cette ordonnance précise que "l'habilitation ne prévoyant pas que le nouveau régime de sanction doit s'appliquer aux actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance, celle-ci ne comprend pas de disposition sur ce point. Il revient donc aux juges civils d'apprécier, selon les cas, si la nouvelle sanction harmonisée présente un caractère de sévérité moindre que les sanctions actuellement en vigueur et, dans cette hypothèse, d'en faire une application immédiate dans le cadre d'actions en justice introduites avant la publication de l'ordonnance."

Si l'ordonnance no 2019-740 du 17 juillet 2019 n'a pas encore été ratifiée, le projet de loi la ratifiant a été déposé à l'assemblée nationale le 2 octobre 2019, soit dans le délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance prévu à l'article 55 de la loi d'habilitation du 10 août 2018, en sorte que l'ordonnance du 17 juillet 2019 est entrée en vigueur au jour de sa publication.

Contrairement à ce que soutient la société Promocil, l'emprunteur n'a pas de droits acquis à obtenir l'application de la sanction prétorienne de la substitution du taux légal au taux contractuel dès lors que celle-ci n'est prévue par aucun texte législatif.

L'évolution du droit positif résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019, et qui a pu auparavant inspirer le législateur dans la rédaction de la loi no 204-844 du 29 juillet 2014 relative à la sécurisation des contrats de prêts structurés souscrits par les personnes morales de droit public, conduit à apprécier différemment la sanction applicable en cas d'absence ou d'erreur de TEG résultant de la jurisprudence constante de la Cour de cassation pour mettre fin à l'automacité de la sanction et de l'effet d'aubaine qu'elle représente pour certains emprunteurs cherchant à obtenir la substitution du taux conventionnel par le taux légal particulièrement bas actuellement en sorte qu'elle n'est souvent pas proportionnée au manquement constaté.

Il convient de rappeler que le TEG a pour l'emprunteur une fonction essentiellement informative.

En l'espèce, dès lors que les objectifs de la société Promocil lors des négociations ayant abouti au nouveau contrat de prêt de 2011 étaient de garantir le passage temporaire à taux fixe des échéances de 2011 à 2014 et d'agir en fonction des opportunités du marché pour se prononcer en parfaite connaissance de cause sur la proposition de refinancement "taux optionnel indexé sur l'écart des cours de change EUR/CHF et EUR/USD", la mention d'un TEG exact au jour de la télécopie n'était d'aucune utilité pour son information ni sur le coût réel du prêt, ni sur les conséquences du passage temporaire à taux fixe étant relevé d'une part que la variation du TEG entre la date de la télécopie (19 septembre 2011) et la date d'émission du contrat de prêt (3 octobre 2011) est due à la variation des parités EUR/CHF et EUR/USD qui était aléatoire et qui aurait pu conduire à la situation inverse, celle où le TEG calculé à la date de la télécopie aurait été inférieur au TEG calculé à la date d'émission du contrat de prêt (au lieu d'être supérieur) et d'autre part que le contrat de prêt précisait que "du fait des caractéristiques du prêt, le taux effectif global ne peut être fourni qu'à titre indicatif. Ainsi, à titre d'information, le taux effectif global, calculé conformément à la loi susvisée et sur la base des derniers index et cours de change publiés à la date d'émission du contrat, est à ce jour de 6,05 % l'an, soit un taux de période de 6,05 % pour une durée de période de 12 mois. Ce taux effectif global indicatif ne saurait être opposable à Dexia Crédit Local dans des hypothèses différentes."

Il convient en conséquence, compte tenu de la sévérité que présente pour la société Dexia la sanction de la substitution du taux légal au taux contractuel et de l'absence de préjudice démontré pour la société Promocil résultant du caractère erroné du TEG mentionné dans le contrat de prêt du 3 octobre 2011, d'écarter la sanction prétorienne qui n'est manifestement pas proportionnée compte tenu du taux légal actuellement en vigueur et, infirmant le jugement, de débouter la société Promocil de toutes ses demandes.

PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,

Déclare l'appel de la société Dexia crédit local recevable,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a dit que la télécopie du 19 septembre 2011 constitue un contrat de prêt et rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande de la société Promocil,

Statuant à nouveau sur les autres chefs,

Dit que la mention du taux annuel effectif global dans le contrat de prêt émis par la société Dexia crédit local le 3 octobre 2011 est erronée,

Dit qu'il n'en est résulté aucun préjudice pour la société d'HLM Promocil,

Déboute la société d'HLM Promocil de ses demandes,

Condamne la société d'HLM Promocil aux dépens de première instance et d'appel et dit que ces derniers pourront être recouvrés directement par maître Pedroletti conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Sophie VALAY-BRIERE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 13
Numéro d'arrêt : 18/007771
Date de la décision : 03/12/2019
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Analyses

Arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la 13ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 18/00777 Droit du crédit, financement du crédit, coût du crédit, taux d'intérêt du crédit, taux effectif global du crédit erroné, sanction, substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel (non), motifs, sanction manifestement disproportionnée compte tenu du taux légal en vigueur, absence de préjudice démontré pour l’emprunteur. Arguant que le contrat de prêt litigieux mentionne un TEG erroné, l’emprunteur sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a dit et jugé que la stipulation de l’intérêt conventionnel figurant au contrat de prêt est nulle et que le taux d’intérêt légal doit lui être substitué conformément à une jurisprudence établie de la Cour de cassation. La Cour infirme la décision des premiers juges en tenant compte de l'évolution du droit positif résultant de l'ordonnance du 17 juillet 2019 qui conduit à apprécier différemment la sanction applicable en cas d’absence ou d’erreur de TEG résultant de la jurisprudence constante de la Cour de cassation. La Cour considère que, compte tenu de la sévérité que présente pour la banque la sanction de la substitution du taux légal au taux contractuel et de l’absence de préjudice démontré pour l’emprunteur résultant du caractère erroné du TEG mentionné dans le contrat de prêt, il convient d’écarter la sanction prétorienne qui n’est manifestement pas proportionnée compte tenu du taux légal actuellement en vigueur, l’emprunteur n’ayant pas de droits acquis à obtenir son application dès lors que celle-ci n’est prévue par aucun texte législatif.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2019-12-03;18.007771 ?
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