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28/11/2019 | FRANCE | N°18/05332

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 28 novembre 2019, 18/05332


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre









ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/05332



N° Portalis DBV3-V-B7C-S3X6



AFFAIRE :



CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE



C/



[P] [U]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 18-00604 et 18-00608





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL SELARL CAMUS GARDAREIN



CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[P] [U]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/05332

N° Portalis DBV3-V-B7C-S3X6

AFFAIRE :

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

C/

[P] [U]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Novembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CERGY PONTOISE

N° RG : 18-00604 et 18-00608

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL SELARL CAMUS GARDAREIN

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[P] [U]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Mme [N] [Q] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial

APPELANTE

****************

Monsieur [P] [U]

Chez Mr [U] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Philippe GARDAREIN de la SELARL SELARL CAMUS GARDAREIN, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 42

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Octobre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Marie José BOU, Présidente

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

M. [P] [U], né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 1], de nationalité tunisienne, est titulaire depuis le 1er octobre 2005 d'une retraite personnelle au titre de son inaptitude au travail, majoré du minimum contributif et assorti de la majoration pour enfants.

Depuis le 1er janvier 2011, il bénéficie également de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ci-après 'l'ASPA').

Le centre national des soins à l'étranger a émis un signalement et indiqué que M. [U] avait sollicité le remboursement de soins reçus à l'étranger du 6 avril 2016 au 23 septembre 2016.

La caisse nationale d'assurance vieillesse (ci-après la 'CNAV' ou la 'Caisse') a procédé à la suspension du versement de l'ASPA à effet du 1er février 2017, selon courrier notifié le 27 février 2017.

Parallèlement, les services administratifs ont diligenté une enquête afin de vérifier si la condition de résidence sur le territoire français exigée au titre du versement de l'ASPA était bien respectée par l'assuré.

Les rapport d'enquête établis les 17 et 21 mars 2017concluent à l'absence de domicile principal de l'assuré sur le territoire français depuis le mois de janvier 2011.

Par notification du 22 février 2018, les services administratifs de la CNAV ont procédé à la suppression de l'ASPA auprès de M. [U] à compter du 1er janvier 2011.

Par courrier du 27 février 2018, M. [U] a été informé de l'existence d'un trop perçu résultant de la suppression de l'ASPA à hauteur de 49 624 euros pour la période du 1er janvier 2011 au 31 janvier 2017.

Selon courrier du 20 mars 2017, M. [U] a contesté la décision de la CNAV et saisi la commission de recours amiable.

Par ailleurs, la CNAV ayant été destinataire d'un certain nombre de pièces mentionnant une résidence de M. [U] en Tunisie et une demande de domiciliation bancaire en Tunisie, les services administratifs ont sollicité la production par l'intéressé d'un justificatif d'existence. En l'absence de production de la pièce par M. [U], le versement de sa retraite a été suspendu à compter du 1er novembre 2017.

Selon courrier du 29 mars 2018, M. [U] a contesté la décision de la CNAV et saisi la commission de recours amiable.

Le 23 mai 2018, à défaut de réponse de la commission de recours amiable dans le délai d'un mois, M. [U] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (ci-après, le 'TASS') en vue de contester la suppression de l'ASPA et du trop-perçu en découlant (recours n°18-00604).

Le 18 juin 2018 , à défaut de réponse de la commission de recours amiable dans le délai d'un mois, M. [U] a saisi le TASS en vue de contester la suspension du paiement de sa retraite personnelle (recours n°18-00608).

Par jugement du 28 novembre 2018, le TASS a :

- ordonné la jonction des affaires n°18-00604/P et 18-00608/P ;

- dit le recours de M. [P] [U] recevable et bien fondé ;

- annulé la décision de la caisse nationale d'assurance vieillesse notifiée par courrier en date du 22 février 2018 ayant supprimé l'ASPA à compter du 1er janvier 2011 et suspendu les paiements de la pension de retraite ;

- débouté la Caisse de sa demande reconventionnelle de condamnation au paiement de l'indu d'ASPA notifié par courrier en date du 27 août 2018 ;

- débouté la Caisse de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

La CNAV a interjeté appel du jugement selon déclaration du 24 décembre 2018.

Selon conclusions communiquées le 21 mai 2019, la Caisse sollicite de la cour qu'elle :

A titre principal,

- infirme le jugement rendu par le TASS en ce qu'il a annulé la notification du 22 février 2018 laquelle supprimait l'ASPA à compter du 1er janvier 2011 ;

- infirme le jugement rendu par le TASS en ce qu'il a débouté la Caisse de sa demande reconventionnelle de condamnation de M. [U] au paiement de la somme de 49 624,36 euros correspondant aux arrérages servis à tort au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées entre le 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2017 ;

- confirme le bien fondé de la notification du 22 février 2018 en ce qu'elle a supprimé l'allocation de solidarité aux personnes âgées à compter du 1er janvier 2011 pour résidence hors de France ;

- condamne M. [U] au remboursement de la somme de 49 624,36 euros correspondant aux arrérages servis à tort au titre de l'allocation de solidarité aux personnes âgées entre le 1er janvier 2011 et le 31 janvier 2017 ;

- condamne M. [U] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire,

- dans l'hypothèse où la fraude ne serait pas considérée comme étant caractérisée, de condamner M. [U] au remboursement de la somme de 16 748 euros correspondant aux arrérages servis à tort au titre de l'ASPA entre le 1er février 2015 et le 31 janvier 2017.

Selon conclusions communiquées le 3 juin 2019, M. [P] [U] sollicite de la cour qu'elle :

- confirme le jugement du 28 novembre 2018 en toutes ses dispositions ;

- déboute la Caisse de l'intégralité de ses demandes ;

- condamne la Caisse à verser à M. [P] [U] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- statue ce que de droit quant aux dépens d'instance.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

La CNAV soutient, en particulier, que le litige devant la cour ne concerne que la suppression de l'ASPA et la demande de restitution d'indu relative à cette allocation (la remise en paiement de la retraite a été effectuée par virement bancaire du 11 septembre 2018, après que M. [U] avait rempli une attestation sur l'honneur rectificative).

Sur le fond, la Caisse conteste que l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, sur lequel le premier juge a expressément basé sa décision, constituent un fondement approprié. Il convient, selon elle, de se référer aux dispositions de l'article L. 211-7 de ce même code, spécifique aux organismes de sécurité sociale, qui n'indiquent pas que la motivation d'une décision individuelle doive être détaillée, explicitée et argumentée. Au demeurant, la Cour de cassation a considéré que 'le défaut ou le caractère insuffisant ou erroné de la motivation de la décision de la Caisse, à le supposer établi, permet seulement à son destinataire d'en contester le bien fondé devant le juge sans condition de délai'.

La notification fait expressément référence à la résidence hors de France de M. [U], qui ne 'pouvait en aucun cas méconnaître la motivation (de fait et de droit) de la Caisse attachée à la' suppression de l'ASPA.

En l'occurrence, M. [U] ne conteste pas ne pas avoir respecté la condition de résidence depuis 2011.

Il en résulte un trop perçu d'un montant total de 49 624,36 euros depuis le 1er janvier 2011jusqu'au 31 janvier 2017. Cette somme peut être récupérée puisqu'il y a eu fraude de la part de M. [U], en ne déclarant pas son transfert de résidence.

M. [U], faisant expressément référence aux article L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, fait notamment valoir, pour sa part, que la décision de la CNAV du 22 février 2018 ne comportait aucun fondement juridique et une motivation en fait elliptique. L'article L. 217-7 ne crée pas une distinction en faveur des organismes de sécurité sociale mais au contraire, entend faire bénéficier leurs usagers des mêmes garanties que celles qui leur sont données en matière de décisions prises par une personne morale de droit public d'État ou territorial.

Dès lors que la décision est irrégulière, la Caisse ne peut prétendre à une restitution d'indu.

Sur ce

La cour doit relever, en premier lieu, que la question que pose M. [U] n'est pas de savoir s'il remplissait ou non les conditions pour pouvoir bénéficier de l'ASPA mais si la décision prise par la Caisse de lui en supprimer le bénéficie depuis l'origine est régulière.

Cette 'décision', intitulée 'Notification de retraite', en date du 22 février 2018, se lit de la manière suivante :

'Monsieur,

Après étude de votre dossier, nous vous informons que :

' à compter du 01 janvier 2011 nous vous supprimons votre allocation de solidarité aux personnes âgées en raison de votre résidence hors de France.

Voici le détail de vos mensualités /

(Suivent deux tableaux présentant les éléments de retraite et leurs montants mensuels respectifs au fil des périodes)

Votre retraite n'est pas mise en paiement car vous n'avez pas répondu à nos différents courriers.

Si vous n'êtes pas d'accord avec les éléments retenus dans cette notification concernant votre retraite :

- adressez une simple lettre au Président de la Commission de Recours Amiable de notre caisse dans un délai de deux mois à compter de cette notification,

- pensez à indiquer votre numéro de sécurité sociale.

Nous vous adresserons une lettre explicative. Si elle ne vous satisfait pas, nous soumettrons votre réclamation initiale à notre Commission de Recours Amiable.

Recevez, Monsieur ....'.

Cette lettre est signée de l'agent comptable et du directeur de la Caisse.

Aux termes de l'article L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration, créé par l'ordonnance du 23 octobre 2015 :

Les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi doivent faire connaître les motifs des décisions individuelles par lesquelles ils refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir.
L'obligation de motivation s'étend aux décisions par lesquelles les organismes et institutions mentionnés à l'alinéa précédent refusent l'attribution d'aides ou de subventions dans le cadre de leur action sanitaire et sociale.

L'article L. 211-5 du même code stipule que la 'motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision'.

Contrairement à ce que soutient la Caisse, cette disposition, qui figure dans le même chapitre que la précédente, est donc directement applicable aux décisions prises par un organisme social.

Or, outre que l'intitulé de la décision est erroné, puisqu'il fait référence à une 'Notification de retraite' alors qu'il s'agit essentiellement d'un retrait d'ASPA, il n'est fait dans ce document aucune référence à un article de loi ou de règlement quelconque.

La circonstance que M. [U] n'ait pu ignorer les dispositions juridiques pertinentes, compte tenu des divers documents qu'il lui a été demandé de signer, est indifférente dès lors que c'est la décision modificatrice de droits elle-même qui doit énoncer les considérations de droit en constituant le fondement.

Si la cour ne considère pas que la motivation de la 'décision' en cause est elliptique d'un point de vue factuel, il demeure que c'est à juste titre que le premier juge a considéré que la notification faite à M. [U] le 22 février 2018 'ne peut donc être considérée comme étant régulièrement motivée au sens des textes visés'.

La décision étant irrégulière, aucun indu ne peut être réclamé ici à M. [U].

Même si pour des motifs un peu différents, le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile  

La Caisse, qui succombe à l'instance, supportera les dépens d'appel.

Elle sera déboutée de sa demande de condamnation de M. [U] à lui payer une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à M. [U] la charge des frais qu'il a dû exposer pour sa propre défense.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise en date du 28 novembre 2018 en toutes ses dispositions (18-00604/P) ;

Y ajoutant,

Condamne la caisse nationale d'assurance vieillesse aux dépens d'appel ;

Déboute la caisse nationale d'assurance vieillesse et M. [P] [U] de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 18/05332
Date de la décision : 28/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°18/05332 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-28;18.05332 ?
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