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27/11/2019 | FRANCE | N°18/00862

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 27 novembre 2019, 18/00862


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 27 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/00862 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SEXW



AFFAIRE :



[N] [T]





C/

SASU BVD FR









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : 18/007



Copies exécutoi

res et certifiées conformes délivrées à :



Me Claire SIRQUEL-BERNEZ



Me Franck LAFON







le :



Expédition numérique envoyée à Pôle emploi le 28/11/2019





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 27 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/00862 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SEXW

AFFAIRE :

[N] [T]

C/

SASU BVD FR

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : C

N° RG : 18/007

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Claire SIRQUEL-BERNEZ

Me Franck LAFON

le :

Expédition numérique envoyée à Pôle emploi le 28/11/2019

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [N] [T]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 1] ([Localité 2])

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentant : Me Claire SIRQUEL-BERNEZ, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 117

APPELANTE

****************

SASU BVD FR

N° SIRET : 379 398 456

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentant : Me Annabelle PAVON-GRANGIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0149 - Représentant : Me Franck LAFON, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure BOUBAS, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

La société BV BUROSTOC, créée en 1990, est spécialisée dans la distribution, en libre-service et sur de grandes surfaces de produits de papeterie, bureautique, fournitures et équipement de bureau informatique, ainsi que de la fourniture de services de photocopies, tampons, imprimerie, reliure, télécopie destinés tant aux professionnels qu'aux particuliers sous l'enseigne BUREAU VALLÉE.

La société BV BUROSTOC est aujourd'hui dénommée BVD FR.

Mme [N] [T] a été engagée le 03 mars 2014 par contrat à durée indéterminée écrit à temps complet au sein de la société BV BUROSTOC en qualité de chargée de formation, niveau V coefficient 220.

La convention applicable à la relation de travail est celle du commerce de détail, de papeterie, fourniture de bureau n°3252.

Conformément à son contrat de travail, Mme [T] a perçu une rémunération brute mensuelle d'un montant de 2.250 €.

Le 23 mars 2015, Mme [T] s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle fondée sur trois griefs principaux:

- des défaillances dans les formations,

- des difficultés dans l'organisation événementielle,

- le non-suivi des dossiers formation.

Contestant la réalité des motifs de la rupture de son contrat de travail intervenue selon elle dans un contexte de harcèlement moral commis par la directrice des ressources humaines, Madame [E], Madame [T] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Versailles pour solliciter à titre principal la nullité du licenciement et à titre subsidiaire la constatation de l'absence de cause réelle et sérieuse de celui-ci, estimant qu'aucune insuffisance professionnelle ne pouvait lui être reprochée.

Par jugement du 18 janvier 2018, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le Conseil de prud'hommes de VERSAILLES a débouté Madame [T] de l'ensemble de ses demandes.

Madame [T] a interjeté appel de cette décision le 5 février 2018.

Aux termes de ses conclusions soutenues à l'audience du 4 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Madame [T] demande à la cour de :

-Déclarer Mme [T] recevable et bien fondée dans l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Et en conséquence,

A titre principal :

-Infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Versailles en ce qu'il a débouté Madame [T] de ses demandes et constater la légitimité du licenciement entrepris.

-Ordonner la nullité du licenciement intervenu le 23 mars 2015 dans un contexte de harcèlement moral.

Et en conséquence,

Ordonner la condamnation de la société BV BUROSTOC à verser à Mme [T] [N] les sommes suivantes :

-30.600 € à titre de dommages et intérêts afférents à la nullité du licenciement.

-5.000 € pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité résultat.

-5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi.

A titre subsidiaire,

-30.600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

En tout état de cause,

-la rectification de l'attestation POLE EMPLOI.

-2000 € d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés en première instance et 1500 € en cause d'appel.

-Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

-Dire que les intérêts à taux légal s'appliqueront sur l'ensemble des demandes chiffrées à compter de la saisine de la présente juridiction.

-Condamner la société BV BUROSTOC aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société BV BUROSTOC devenue BVD FR demande à la cour de :

-Confirmer le jugement de la section du Commerce du Conseil de Prud'hommes de Versailles du 18 janvier 2018 en ce qu'il a jugé que le licenciement pour insuffisance professionnelle de Madame [T] par la société BVD FR est valable et fondé sur une cause réelle et sérieuse;

Et en conséquence l'a déboutée des demandes suivantes:

-De sa demande tendant à ce que soit ordonnée la nullité du licenciement intervenu le 23 mars 2015 dans un contexte de harcèlement moral.

-De ses demandes de condamnation de la société BVD FR au paiement des sommes suivantes:

- 30.600 € à titre de dommages et intérêts afférents à la nullité du licenciement.

- 5.000 € pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité résultat.

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du harcèlement moral subi.

A titre subsidiaire,

- 30.600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

En tout état de cause,

- la rectification de l'attestation POLE EMPLOI,

- la rectification du certificat de travail,

- la radiation effective de l'organisme de frais de santé et de prévoyance,

- 2000 € d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- Dire que les intérêts à taux légal s'appliqueront sur l'ensemble des demandes chiffrées à compter de la saisine de la présente juridiction.

-Condamner la société BVD FR aux entiers dépens.

- Condamné Madame [T] au paiement des entiers dépens,

- Débouté Madame [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions

Subsidiairement, si la cour infirme le jugement entrepris et considère que le licenciement de Madame [T] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse, la société BVD FR sollicite de la cour de :

- Débouter Madame [T] de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse faute de démonstration d'un préjudice indemnisable,

A titre infiniment subsidiaire, si la Cour a infirmé le jugement entrepris et considère que le licenciement de Madame [T] est nul, la société BVD FR sollicite de la cour de :

- Cantonner le montant des sommes à la charge de la société BVD FR à la somme de 15.300 euros,

-Débouter Madame [T] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

- Condamner Madame [T] à verser la somme de 2.000 € à la société BVD FR au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Franck LAFON, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.

Une ordonnance de clôture a été rendue le 11 septembre 2019.

L'affaire a été plaidée le 4 octobre 2019.

L'affaire a été mise en délibéré au 27 novembre 2019.

MOTIFS :

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur le harcèlement moral:

Il résulte de l'article L.1152-1 du code du travail, que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Madame [T] fait valoir que son licenciement est intervenu dans un contexte de harcèlement moral ce à quoi s'oppose la société.

S'il est exact que la lettre de licenciement fixe les limites du litige, il appartient néanmoins au juge de rechercher le motif réel du licenciement et de restituer aux faits leur exacte qualification.

En application des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

1- Sur la matérialité de faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral:

En l'espèce, Madame [T] invoque avoir été victime d'un harcèlement moral qui s'est manifesté de la manière suivante:

une surcharge de travail liée à l'affectation à des tâches supplémentaires notamment la tenue du standard téléphonique, être chargée du recrutement, la gestion des visites avec la médecine du travail;

une mise à l'écart par rapport aux autres salariés,

des critiques, des remontrances infondées,

des violences physiques telles que « tapes » sur la tête,

une dégradation corrélative de son état de santé.

Pour étayer ses affirmations, elle produit notamment:

- un échange de courriels avec Madame [E] en date du 22 mai 2014, dans lequel Madame [E] répond à la salariée qui sollicite un départ anticipé à 16h pour le lendemain: « Merci de ne pas m'envoyer ces messages polluant le nombre de mails par jour » et « non pas 16H mais 17H »;

- un échange de courriels avec Madame [M] [L] en date du 19 septembre 2014, relatifs à l'organisation de la visite médicale avec la médecine du travail d'une salariée de la société,

- un courriel relatif à l'organisation d'un événement avec buffet, adressé à la salariée le 12 septembre 2014 par Madame [N] [X];

-un courriel de Madame [E] en date du 15 janvier 2015, intitulé RECRUTEMENT, dans lequel la DRH demande à la salariée d'effectuer certaines missions dans le cadre du recrutement;

- l'attestation de Madame [N] [Z], en date du 9 juin 2015, laquelle explique avoir travaillé chez BUREAU VALLEE en même temps que [N] [T], sur la période du 1er décembre 2014 jusqu'au 5 février 2015. Elle relate une ambiance de travail tendue entre Madame [E] et Madame [T]; Madame [E] ne répondant pas aux demandes de Madame [T], l'interrompant systématiquement, lui faisant des remontrances non fondées. Elle explique que Madame [E] lui avait demandé de transférer le standard à Madame [T] dès qu'elle en avait besoin, mais également le plus souvent possible. Elle décrit également une scène où Madame [T] n'allait pas bien, et plus précisément en ces termes: « J'ai vu Mme [T] se renfermer sur elle en approchant du bureau de Mme [E], ses jambes tremblaient, son visage se fermait et je la retrouvais en pleurs aux toilettes. Plus le temps passait, plus je sentais Mme [T] à bout. Elle m'a dit qu'elle pleurait chez elle, qu'elle avait une boule au ventre en passant la porte de l'entreprise, qu'elle ne se sentait plus elle-même ».

- les attestations de Monsieur et Madame [Q], parents de la salariée, qui décrivent une dégradation de l'état de santé de leur fille et qui rapporte les dires de cette dernière quant aux difficultés qu'elle connaît à son travail et plus spécialement avec la DRH, Madame [E];

-une attestation établie par une amie de Madame [T], Madame [F] [J] laquelle raconte une dégradation de l'état de santé de Madame [T] et rapporte les difficultés professionnelles dont Madame [T] lui a parlé;

-une attestation établie par Madame [G] [N] en date du 16 novembre 2018, laquelle a travaillé à la centrale d'achats de BUREAU VALLEE et qui a rencontré Madame [T] en septembre 2014. Elle indique avoir vu Madame [T] qui pleurait, elle se disait perturbée suite à des remarques sèches et désobligeantes de Madame [E]. Elle ajoutait que selon elle Madame [T] était notamment affectée à l'accueil, elle avait géré sa visite médicale de reprise avec le médecin du travail;

-un arrêt de travail en date du 5 février 2015, prolongé, faisant état d'angoisse et de stress réactionnel, ainsi qu'une ordonnance prescrivant de l'atarax, un anxiolytique;

- un certificat en date du 4 avril 2016, rédigé par Madame [U] [P], psychologue clinicienne spécialisée, exerçant notamment à la maison « Souffrance et Travail 78 » qui indique suivre Madame [T] depuis mars 2015 dans le cadre d'une situation de souffrance au travail;

-un certificat médical du Docteur [R] en date du 17 mars 2016 lequel certifie avoir reçu en consultation Madame [T] à cinq reprises entre le 5 février 2015 et le 24 mars 2015 dans le cadre d'un contexte de souffrance au travail;

-un sms en date du 9 février 2015, 09h09, adressé par Madame [T] à Madame [E] indiquant: « Bonjour, je suis arrêtée. J'ai consulté la Maison Souffrance au Travail, ils m'ont trouvé très mal »;

- des échanges de sms entre Madame [T] et Madame [X] en date du 2 février 2015 dans lequel on peut lire que Madame [T] a écrit: « j'ai les jambes flageolantes depuis que je suis là. Et au bord des larmes tout le temps. Je ne contrôle pas », sa collègue proposait de l'aider, Madame [T] ajoutait: « elle ne m'a pas adressé la parole depuis ce matin même mon bonjour ne m'a pas été rendu » ;

-le compte-rendu de l'entretien préalable à licenciement du 6 mars 2015, au cours duquel Madame [T] était assistée de Monsieur [U], conseiller du salarié, relevant que Madame [E] coupe systématiquement la parole lors de l'évocation des différents griefs liés à l'insuffisance professionnelle reprochée à la salariée;

- un organigramme de la société comportant une photographie de Madame [T] à coté de la mention « accueil ».

Madame [T] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre.

2- Sur les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral:

La société BVD FR fait valoir que Madame [T] n'a été victime d'aucun agissement de harcèlement moral. Elle ajoute que ce grief a été porté à sa connaissance dans le cadre de l'instance prud'homale, près d'un an après la rupture de la relation contractuelle.

Elle produit les attestations suivantes:

celle de Madame [D] [I], la salariée a été employée par la société BVD FR de janvier à mars 2011, sous les ordres directs de Madame [E], elle décrit une personne à l'écoute. Elle est toujours employée au sein de l'entreprise, dans le Nord-Pas-de-Calais;

celle de Madame [A] [C], rédigée le 4 juillet 2016, elle occupe le poste polyvalent d'assistante administrative au sein de la société. Elle précise qu'au standard elle peut recevoir entre 20 et 30 appels jour. Elle décrit une bonne ambiance de travail au sein de la société;

celle de Monsieur [F], salarié de la société depuis le mois d'avril 2010, il décrit le fonctionnement du pool de véhicules de service,

celle de Madame [S] [G], salariée de la société au service comptabilité, qui en date du 15 septembre 2016, atteste d'une bonne ambiance de travail au sein de la société, et de ce que Madame [E] est à l'écoute;

celle de Monsieur [A], Responsable des services généraux, gestionnaire de la flotte de véhicules de la société, qui explique que les véhicules de société sont à la disposition du personnel, qu'ils sont équipés de GPS, que le personnel de Direction est prioritaire pour les utiliser;

celle de Madame [D], ancienne salariée de la société, qui explique dans son attestation rédigée le 27 juillet 2016, n'avoir jamais vu de gestes déplacés ni entendu quelqu'un se plaindre au sein de la société. Elle ajoute que tous les services doivent participer au service d'accueil dès lors que la personne en charge de ce poste doit s'absenter.

La lecture des attestations produites par l'employeur permet de relever que s'agissant de la plupart des attestants, il n'est pas précisé la période au cours de laquelle ils ont été employés par la société BVD FR, si leurs bureaux se trouvaient à proximité de ceux de Mesdames [T] et [E]; de même qu'ils relatent pour la plupart une bonne ambiance au sein de la société sans plus de précisions.

Force est de constater que l'employeur n'apporte aucun élément objectif qui permettrait d'écarter la présomption de harcèlement moral qui résulte de l'ensemble des faits et pièces produits par Madame [T]; et desquels il résulte qu'elle a été victime d'un comportement inapproprié de Madame [E], DRH de la société, tout au long de la relation contractuelle, ce qui s'est manifesté par des remarques ou un ton sec lors des échanges, ou pire encore par l'ignorance de la salariée. Ces agissements répétés tels qu'il résulte notamment des attestations de Mesdames [X], [N] et [Z], ont entraîné une dégradation de l'état de santé de la salariée.

L'employeur échoue ainsi à démontrer que les faits matériellement établis par Madame [T] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral est établi.

Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée, et des conséquences dommageables qu'il a eu pour Madame [T] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment des attestations de Mesdames [X], [N] et [Z], des documents médicaux, du certificat rédigé par Madame [P], psychologue spécialisée en souffrance au travail, le préjudice en résultant pour Madame [T] doit être réparé par l'allocation de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts; le jugement attaqué sera en conséquence infirmé sur ce point.

Madame [T] sollicite de la cour qu'elle annule le licenciement prononcé à son encontre considérant qu'il l'a été dans un contexte de harcèlement moral.

La société conclut au débouté de cette demande et indique que le fait qu'un salarié ait été victime d'un harcèlement moral, n'implique pas en soi qu'il a été licencié pour avoir subi ou refuser de subir de tels agissements.

En l'espèce, il n'est pas établi de lien direct entre l'insuffisance professionnelle reprochée qui pourrait trouver sa cause dans le harcèlement moral dont Madame [T] a été victime, et le licenciement prononcé. Dès lors, il convient d'examiner le caractère réel et sérieux du licenciement.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité:

L'article L. 4121-1 du code du travail dispose que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent:

1o Des actions de prévention des risques professionnels «et de la pénibilité au travail»;

2o Des actions d'information et de formation;

3o La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Ces mesures sont à combiner avec les dispositions de l'article L.4121-2 du code du travail dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, qui dispose: « L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs ».

Madame [T] sollicite une indemnisation à hauteur de 5.000 euros pour manquement de son employeur à son obligation de sécurité et notamment l'absence de prévention des faits de harcèlement moral qu'elle a subi.

La société conclut au debouté de cette demande et fait valoir que Madame [T] échoue à rapporter la preuve du manquement invoqué, tout comme elle ne démontre pas de préjudice distinct.

Il est constant que ne méconnaît pas l'obligation de sécurité qui s'impose à lui, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En l'espèce, l'employeur ne produit aucun élément permettant de s'assurer de la bonne prise en compte de la sécurité des salariés au sein de son entreprise et notamment au regard de la prévention du harcèlement moral.

Il n'est pas contesté que la salariée avait attiré l'attention de son employeur sur sa situation en adressant un sms à Madame [E], DRH, le 9 février 2015, 09h09, en ces termes: « Bonjour, je suis arrêtée. J'ai consulté la Maison Souffrance au Travail, ils m'ont trouvé très mal ».

Madame [T] justifie avoir averti, même succinctement sa hiérarchie, avec toute l'ambiguïté de la situation puisque la Directrice des ressources humaines était la personne qui harcelait Madame [T]; elle justifie de son préjudice par la biais des attestations de ses proches notamment mais également de son suivi psychologique et médical.

Dès lors, le jugement attaque sera infirmé sur ce point, et il sera alloué à Madame [T] la somme de 2.500 euros sur ce fondement.

Sur la cause réelle et sérieuse du licenciement:

Aux termes de l'article L1235-1 du Code du travail, le juge a pour mission d'apprécier la régularité de la procédure de licenciement et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige ; la cause du licenciement doit être objective et reposer sur des faits matériellement vérifiables ; les faits doivent être établis et constituer la véritable cause de licenciement ; enfin, les faits invoqués doivent être suffisamment pertinents pour justifier le licenciement. Il appartient au juge du fond, qui n'est pas lié par la qualification donnée au licenciement, de vérifier la réalité des faits invoqués et reprochés au salarié et de les qualifier puis de décider s'ils constituent une cause réelle et sérieuse au sens de l'article L.1232-1 du Code du travail à la date du licenciement, l'employeur devant fournir au juge les éléments permettant à celui-ci de constater les caractères réel et sérieux du licenciement.

Par courrier en date du 23 mars 2015, la société BVD FR a licencié Madame [T] pour insuffisance professionnelle pour les raisons suivantes :

« Madame,

Nous vous avons convoquée le 6 mars 2015 à 14 heures 30 par lettre remise recommandée avec accusé de réception en date du 27 février 2015, pour l'entretien préalable au licenciement que nous envisagions de prononcer à votre encontre et où vous vous êtes présentée assistée de Monsieur [I] [H], conseillé du salarié.

Cette convocation fait suite à plusieurs entretiens, au cours desquels nous avons eu l'occasion de vous faire part de notre insatisfaction quant au niveau de vos prestations et en raison de votre incapacité à faire face à vos fonctions de Chargée de Formation, niveau V, coefficient hiérarchique 220.

Nous nous voyons donc contraints de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle pour les raisons suivantes :

1. La formation

Alors que vous avez en charge le suivi budgétaire de la formation, vous vous contentez d'adresser à la comptabilité les tableaux d'intervention des prestataires externes sans vous préoccuper du suivi des factures.

Votre carence a pour conséquence de ne pas recevoir les dépenses occasionnées par les prestations de formation et donc de fragiliser les gains de l'entreprise et donc la mise en place l'année prochaine de mise à niveau des collaborateurs.

Vous ne vous occupez pas correctement de l'envoi des invitations pour les formations ni n'assurez le traitement des réponses ou des désistements.

Il s'ensuit des incertitudes quant au nombre de personnes présentes, incertitudes que votre supérieure hiérarchique est contrainte de lever personnellement en rappelant une à une les personnes afin de parer à votre carence et de trouver des solutions pour ne pas annuler des formations payées au prestataire car la date limite est dépassée et donc le règlement est obligatoire.

2. Sur les organisations évènementielles

Vous êtes montrée à plusieurs reprises défaillante dans l'organisation de manifestations par un manque d'implication dans le suivi des dossiers. Ainsi, au mois d'octobre 2014, pour le 26 novembre 2014, vous avez commandé un repas nécessitant un réchauffement au moyen de gaz, alors que le règlement interdisait l'utilisation de gaz dans l'enceinte de VIPARIS.

Il vous incombait de vérifier ce point alors qu'il s'agissait du seul repas dont l' organisation vous a été confiée.

Le 28 Janvier 2015, vous avez fait déplacer votre supérieure hiérarchique, ainsi que Madame [L], chef de gammes, pour visiter un emplacement sis à Charenton dont la surface ne correspondait pas aux critères qui vous avaient été donnés.

Ce faisant vous avez fait perdre à tous ces intervenants un temps précieux.

Vous ne prenez pas de notes, et commettez ainsi des erreurs sur des tâches élémentaires ce qui est source d'erreurs voire d'oublis.

Ainsi à titre d'exemple, vous avez réservé un vol pour [Localité 3] au lieu de [Localité 4]. Un autre exemple, vous envoyé un tableau pour le prix d'un séminaire faux pour 5 personnes dont l'erreur s'élevait à 500€ chacun, ceux qui a provoqué un mécontentement et une perte de crédibilité de nos services en charge de la facturation. Vous n'avez pas pris de note sur la procédure de ce règlement alors que le PDG insistait auprès de vous devant tous les chefs de service pour vous donner la règle et vous demandez de prendre des notes.

Vous ne prenez aucune initiative en matière de recherche de prestataires pour l'organisation d'évènements vous contentant de me demander à chaque fois de vous donner le nom de mes contacts sans faire aucune recherche personnelle ni même au moins conserver les coordonnées des prestataires que je vous avais précédemment communiquées.

Enfin, les annonces de recrutement ne sont pas mises à jour régulièrement.

3. Non-suivi des dossiers formation

Votre absence de suivi des dossiers formations qui ont été adressés incomplets à l'AGEFOS a entrainé le rejet de leur prise en charge par l'organisme.

Une première demande de régularisation vous a été adressée par l'organisme en date du 15 décembre 2014, demande que vous n'avez été en mesure de traiter que partiellement puisque l'AGEFOS vous a indiqué par courrier électronique en date du 4 février 2015 qu'elle se désengagerait des dossiers incomplets.

Cette situation cause un préjudice financier à l'entreprise puisque cela signifie que les frais avancés pour la formation resteront à sa charge.

Non seulement nous ne pouvons nous appuyer sur vous mais votre manque d'implication entraine un surcroît de travail puisque votre supérieur hiérarchique est contrainte de pallier à vos insuffisances en accomplissant les tâches qui sont les vôtres.

Plus généralement, et dans tous les domaines qui vous sont dévolus, nous devons déplorer un manque général d'autonomie incompatible avec la nature de vos fonctions et une absence totale d'initiative et de d'implication dans les projets en cours et à venir.

Ces insuffisances professionnelles qui causent un préjudice important à l'entreprise, ne nous permettent pas d'envisager de vous laisser occuper les fonctions de Chargée de Formation et d'envisager la poursuite de notre relation contractuelle.

Nous considérons que l'ensemble de ces faits constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement et nous vous notifions donc par la présente votre licenciement pour insuffisance professionnelle.

Votre licenciement sera donc effectif dès la première présentation de cette lettre et marquera le point de départ de votre préavis d'un mois.

En conséquence de ce qui précède nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Nous entendons vous dispenser de l'exécution de votre préavis, votre rémunération vous étant intégralement payée aux échéances habituelles.

Au terme de votre contrat nous tiendrons à votre disposition au siège de l'entreprise votre attestation Pôle emploi, votre certificat de travail et votre solde de tout compte.

Vous voudrez bien, à cette occasion, nous remettre la clé de la porte d'entrée du bureau. (...) ''

L'insuffisance professionnelle, qui se manifeste par la difficulté du salarié à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté, constitue un motif de licenciement dès lors qu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié. Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Pour justifier du bien-fondé du licenciement, la société BVD FR produit les éléments suivants:

-le contrat de travail qui précise en son article 2 les missions qui lui sont confiées en ces termes:

-« La mise en place de la production du programme de formation avec gestion de la rentabilité entre autre:

- Des formations pour les franchisés,

- Et formation interne,

- Elle s'occupera d'assurer la cohérence de la ligne de formation avec le concept Bureau Vallée,

-Mise en place du e learning,

-Mise à jour du contenu des formations avec animateurs et responsable formation,

-Du suivi du remboursement avec les différents OPCA,

-Du suivi budgétaire de la formation et des déclarations,

-De la mise en place chaque année deux fois par an de la formation ESCBV,

-Optimisation de cette école via internet,

-Communication vers l'extérieur via les supports presse et Internet,

-Mise à jour du suivi Intranet pour la formation,

-Conception d'outils d'évaluation des formations interne et externe,

-Suivi et mise en place des tableaux de bord suite aux évaluations et analyse des besoins et préconisations des réalisations,

-Coordinations et mise en place des formateurs régionaux en collaboration avec le développement et Responsable Formation,

-Organisation évènementiels (salon, forum, séminaire, convention nationale),

-Recrutement ''.

Le contrat de travail de Madame [T], toujours en son article 2, précise également que « les relations contractuelles étant évolutives, en cas de nécessité lié au bon fonctionnement de l'entreprise, la salariée pourra être affectée temporairement à d'autres tâches en relation avec ses compétences. ''

S'agissant du recrutement, il est expressément prévu dans le contrat de travail, sans plus de précision, mais la salariée ne peut s'en dédouaner. Les pièces produites démontrent qu'elle a reçu un courriel du Recrutement BV du 17 avril 2014 qui lui « transfère les documents dont elle aura besoin » ; un courriel de Madame [E] en date du 15 janvier 2015, intitulé RECRUTEMENT, dans lequel la DRH demande à la salariée d'effectuer certaines missions dans le cadre du recrutement; des échanges de courriels entre janvier et début février 2015 entre les deux intéressées relatifs à POLE EMPLOI concernant un recrutement.

S'agissant du suivi de la facturation des formations, sont produits par les deux parties des échanges de courriels adressés à la salariée par l'AGEFOS relatifs à des dossiers en souffrance, nécessitant une intervention rapide afin que la société puisse obtenir le remboursement des formations visées.

La société produit également des échanges de courriels relatifs à une erreur de Madame [T] quant à la réservation d'un vol et d'un hébergement à TOULON aux lieu et place de la ville de TOULOUSE, ainsi que des échanges relatifs au salon Porte de Champeret et de l'impossibilité d'utiliser le gaz pour réchauffer les plats, des échanges de courriels quant à des relances sur le nombre de participants à certaines formations.

Madame [T] fait valoir qu'on ne peut lui reprocher une insuffisance professionnelle dès lors qu'elle respectait les missions contractuellement fixées et que l'on n'avait de cesse de lui ajouter des tâches non prévues dans son contrat de travail. Elle produit les pièces suivantes:

- un échange de courriels avec Madame [M] [L] en date du 19 septembre 2014, relatifs à l'organisation de la visite médicale avec la médecine du travail d'une salariée de la société,

- un courriel relatif à l'organisation d'un événement avec buffet, adressé à la salariée le 12 septembre 2014 par Madame [N] [X];

-un courriel adressé à la salariée par Madame [E] en date du 3 février 2015, intitulé Point Sev, lui rapportant de manière détaillée et circonstanciée l'évolution de son travail;

-un échange de courriels pour l'organisation du salon HAVANE au Palais des congrès fixé au 8 et 9 avril 2015, précisant les prestations, avec une précision de Madame [T] à Madame [E] selon laquelle elle sera destinataire de l'ensemble des courriels relatifs à ce salon, en copie;

- des échanges similaires en octobre 2014 sur d'autres questions;

-des échanges de sms entre Madame [T] et Madame [E] quant à l'organisation de certaines prestations ou évènements tels que la Route du Rhum;

-une attestation établie par Madame [G] [N] en date du 16 novembre 2018, laquelle a travaillé à la centrale d'achats de BUREAU VALLEE et qui a rencontré Madame [T] en septembre 2014. Elle indique que selon elle Madame [T] était notamment affectée à l'accueil, elle avait géré sa visite médicale de reprise avec le médecin du travail, et elle ajoute qu'elle a été surprise d'apprendre que Madame [T] était chargée de formation;

-le compte-rendu de l'entretien préalable à licenciement du 6 mars 2015, au cours duquel Madame [T] était assistée de Monsieur [U], conseiller du salarié, relevant que Madame [E] a employé les termes suivants: « si vous la mettez sur d'autres tâches, bien sûr qu'elle ne peut pas faire son travail », ce qui n'est pas contesté;

- un organigramme de la société comportant une photographie de Madame [T] à côté de la mention « accueil ».

Dès lors, il apparaît que si certains griefs sont réels, ils ne sont pas suffisamment sérieux pour conduire à un licenciement et ce alors qu'il est manifeste que Madame [T] devait répondre à d'autres tâches que celles figurant dans ce contrat de travail, que sur une période de plusieurs mois, l'employeur justifie de l'insuffisance professionnelle reprochée en produisant quelques courriels dans lesquels les échanges sont parfois incomplets, et que Madame [T] n'a bénéficié d'aucun accompagnement.

Le licenciement de Madame [T] apparaît en conséquence abusif. Le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail, les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lesquelles il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement intervenant dans une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés. En cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Compte tenu notamment qu'à la date du licenciement Madame [T] percevait une rémunération mensuelle brute de 2.550 euros, qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de 13 mois au sein de l'entreprise, compte tenu de ce qu'elle a retrouvé un emploi dans les semaines qui ont suivi le licenciement, il convient d'évaluer à la somme de 15.300 euros le montant des dommages-intérêts alloués au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-5 du code du travail.

En application de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par la société à Pôle emploi des indemnités de chômage éventuellement versées à la salariée licenciée du jour de son licenciement à ce jour, dans la limite de deux mois d'indemnités de chômage.

Sur les demandes accessoires :

Les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation tandis que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme fixée par les juges, et de l'arrêt pour le surplus, conformément aux dispositions de l'article 1153-1 du Code civil.

La société BVD FR devra transmettre à Mme [T] dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision une attestation Pôle emploi conforme

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points, et de condamner la société BVD FR à payer la somme de 2.500 euros à Madame [N] [T] au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure suivie en 1ère instance et appel, ainsi que de la condamner aux dépens de 1ère instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris sur l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne la société BVD FR à payer à Madame [N] [T] la somme de 5.000 euros au titre du harcèlement moral subi;

Condamne la société BVD FR à payer à Madame [N] [T] la somme de 2.500 euros au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité;

Dit que le licenciement prononcé par la société BVD FR à l'égard de Madame [N] [T] est abusif;

Condamne la société BVD FR à payer à Madame [N] [T] la somme de 15.300 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif;

Rappelle que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, et que les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du jugement sur la somme fixée par les juges, et de l'arrêt pour le surplus,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Ordonne le remboursement par la société BVD FR aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à Madame [N] [T] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence de 2 mois dans les conditions prévues à l'article L.1235-4 du Code du travail;

Dit que la société BVD FR devra transmettre à Madame [N] [T] dans le délai d'un mois suivant la signification de la présente décision une attestation Pôle emploi conforme;

Condamne la société BVD FR à payer à Madame [N] [T] une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne la société BVD FR aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 18/00862
Date de la décision : 27/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°18/00862 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-27;18.00862 ?
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