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21/11/2019 | FRANCE | N°18/04775

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 21 novembre 2019, 18/04775


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 60A



3e chambre



ARRET N°



REPUTEE

CONTRADICTOIRE



DU 21 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/04775



N° Portalis DBV3-V-B7C-SP5M



AFFAIRE :



SA AXA FRANCE IARD



C/



[T] [Y] épouse [G], assistée de Madame [D] [Y] agissant en qualité de curateur

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Mai 2018 par le Tribunal de Grande Inst

ance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/08284



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :



à :



Me Jérôme CHARPENTIER



Me Christophe DEBRAY



Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 60A

3e chambre

ARRET N°

REPUTEE

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/04775

N° Portalis DBV3-V-B7C-SP5M

AFFAIRE :

SA AXA FRANCE IARD

C/

[T] [Y] épouse [G], assistée de Madame [D] [Y] agissant en qualité de curateur

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/08284

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Jérôme CHARPENTIER

Me Christophe DEBRAY

Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA AXA FRANCE IARD

[Adresse 5]

[Adresse 5]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Jérôme CHARPENTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1216 - N° du dossier 15038

APPELANTE

****************

1) Madame [T] [Y] épouse [G] assistée de Madame [D] [Y] agissant en qualité de curateur

née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 11] (14)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

2) Madame [D], [S] [Y] ès qualité de curatrice de Madame [Y] épouse [G], désignée par jugement du tribunal d'instance de Vire du 26 janvier 2015

née le [Date naissance 1] 1956 à [Localité 11] (14)

[Adresse 12]

[Adresse 12]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 18332 -

Représentant : Me Alice DUPONT-BARRELLIER, Plaidant, avocat au barreau de CAEN

INTIMEES

3/ SA AIG EUROPE, société de droit étranger, dont le siège [Adresse 6] et dont l'établissement en France est :

RCS Nanterre 838 136 463

[Adresse 16]

[Adresse 16]

[Adresse 16]

venant aux droits de la SA AIG EUROPE LIMITED, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A0002 - N° du dossier D14199

INTIMEE

4/ CPAM DU CALVADOS

[Adresse 3]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - ASSIGNATION le 07.09.2018 à PERSONNE HABILITEE

5/ SA PACIFICA

N° SIRET : 352 358 865

[Adresse 7]

[Adresse 7]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - ASSIGNATION le 05.09.2018 à PERSONNE HABILITEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Octobre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport et Madame Véronique BOISSELET, Président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

--------

FAITS ET PROCÉDURE

Le 20 mars 2014 à 17h45 sur l'autoroute A62, Mme [T] [G], dont le véhicule est assuré auprès de la société Axa France Iard (Axa) et qui circulait en provenance de [Localité 15] et en direction de [Localité 10] sur la commune de [Localité 13] (47), en a perdu le contrôle et a percuté la glissière de sécurité à droite de la chaussée. Son véhicule s'est immobilisé et elle en est descendue seule.

Elle a ensuite traversé les voies de circulation vers [Localité 10], le terre-plein central de l'autoroute puis les voies de circulation vers [Localité 15]. Alors qu'elle se situait sur la bande d'arrêt d'urgence des voies de circulation vers [Localité 15], elle a été percutée par le véhicule conduit par M [O], assuré auprès de la société AIG.

Gravement blessée notamment à la tête et à la face, au thorax et à la jambe gauche, Mme [G], âgée de 30 ans, a été transportée au centre hospitalier universitaire de [Localité 10] où elle est restée hospitalisée jusqu'au 30 juin suivant. Elle a ensuite été transférée au centre de rééducation fonctionnelle d'[Localité 9] où elle est restée jusqu'au 19 décembre 2014.

Elle a été placée sous curatelle renforcée, confiée à sa mère, compte tenu de ses troubles neurologiques, par jugement du tribunal d'instance de Vire du 26 janvier 2015.

Mme [G] s'est adressée à AIG Europe aux fins d'obtenir une provision et l'instauration d'une expertise médicale mais l'assureur a contesté son droit à indemnisation. De même, l'intéressée, qui avait souscrit une garantie individuelle du conducteur auprès de la société Axa France Iard, a sollicité le bénéfice de cette garantie mais cet assureur a estimé que son assurée était piéton lors du second accident et a donc estimé que sa garantie ne pouvait trouver application.

Par actes des 27 et 29 mai 2015 MM [T] [Y] épouse [G] et [D] [S] [Y] sa mère ont assigné la société Axa France Iard, la société AIG Europe France, la société Pacifica et la CPAM du Calvados devant le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de voir les sociétés Axa et AIG condamnées à indemniser Mme [G] des préjudices corporels qu'elle dit avoir subis du fait des deux accidents, à leur verser des provisions et de voir ordonner avant dire droit une expertise médicale pour évaluer ses préjudices corporels.

Par jugement du 24 mai 2018, la juridiction a :

dit que l'accident de la circulation dont a été victime Mme [G] le 20 mars 2014 est un accident unique complexe et que de ce fait, elle a gardé sa qualité de conducteur lors des deux chocs subis,

dit que les fautes de conduite commises Mme [G] justifient la réduction de son droit à indemnisation de 70 %,

condamné les sociétés Axa France Iard et AIG Europe Limited in solidum à indemniser Mme [G] de son préjudice corporel né de cet accident, à hauteur de 30% s'agissant de la société AIG Europe Limited,

dit que la garantie sécurité du conducteur due par la société Axa France Iard s'applique dans la limite du plafond du contrat souscrit le 13 avril 2010 par Mme [G],

ordonné une mesure d'expertise afin d'évaluer les préjudices subis par Mme [G] confiée au docteur [H],

fixé à la somme de 1500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société AIG ou la société Axa France Iard ou à défaut par toute partie y ayant intérêt,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [G] la somme de 30 000 euros à titre provisionnel à valoir sur sa créance,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 euros à titre provisionnel à valoir sur sa créance,

prononcé l'exécution provisoire,

renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 25 septembre 2018 pour retrait du rôle dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise sauf observation contraire des parties,

rejeté la demande de provision ad litem,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum aux dépens,

déclaré le jugement commun à la société Pacifica et à la CPAM du Calvados,

rejeté le surplus des demandes.

La société Axa France Iard, le 5 juillet 2018, et Mme [G] le 31 juillet 2018 ont interjeté appel de cette décision. Les instances ont été jointes.

Aux termes de conclusions du 21 décembre 2018, Axa demande à la cour de :

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande au titre de son action subrogatoire dans les droits de Mme [G] à l'encontre de la société AIG Europe Limited,

dire qu'elle est bien fondée à exercer son action subrogatoire dans les droits de Mme [G], après préférence à la victime, à l'encontre de la société AIG Europe Limited au titre des prestations et des indemnités qu'elle lui versera au vu de la garantie 'sécurité du conducteur' et dans la limite de l'indemnité mise à la charge de la société AIG Europe Limited en droit commun et après application de la réduction de 70 % du droit à indemnisation de Mme [G],

condamner la société AIG Europe à lui rembourser la somme de 19 000 euros qu'elle a versée en exécution de la décision de première instance,

infirmer la décision en ce qu'elle a mis à sa charge, in solidum avec la société AIG Europe Limited la provision de 5 000 euros devant revenir à Mme [Y],

confirmer le jugement en ses autres dispositions,

condamner la société AIG Europe Limited au versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par dernières écritures du 09 août 2019, Mmes [G] et [Y] demandent à la cour de :

juger non établies l'existence de fautes de conduite commises par Mme [G] ou subsidiairement, juger que les fautes de conduite ne sont pas de nature à réduire son droit à indemnisation,

en conséquence :

juger entier le droit à indemnisation de Mme [G],

condamner AIG, en sa qualité d'assureur du véhicule conduit par M [O] à indemniser intégralement Mme [G] de son préjudice,

dire entier le recours subrogatoire d'Axa sur le montant des provisions versées à Mme [G] en exécution du contrat d'assurance de personne,

confirmer la décision pour le surplus,

subsidiairement en cas de partage :

dire que la faute de conduite de Mme [G] est de nature à réduire d'un quart son droit à indemnisation,

dire n'y avoir lieu à déduire de la dette indemnitaire d'AIG, l'indemnité d'assurance de personne versée par Axa,

confirmer le jugement sur le surplus,

en tout état de cause :

déclarer l'arrêt commun à la CPAM du Calvados, à la société Pacifica,

condamner AIG à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 5 000 euros à Mme [G],

condamner AIG aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Aux termes de conclusions du 30 août 2019, la société AIG Europe Limited demande à la cour de :

la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident,

en conséquence :

Sur le droit à indemnisation de Mme [G] :

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit et jugé que les faits du 20 mars 2014 constituent un accident complexe unique,

infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le droit à indemnisation de Mme [G] devait être réduit de 70 % uniquement,

statuant à nouveau :

juger que Mme [G] a commis des fautes de conduite de nature à exclure totalement son droit à indemnisation,

en conséquence, débouter Mme [G] et Mme [Y] de l'ensemble de leurs demandes,

débouter la société Axa France Iard de l'ensemble de ses réclamations,

condamner Mme [G] à lui restituer la somme totale de 17 250 euros,

condamner Mme [Y] à lui restituer la somme de 2 500 euros.

Sur les demandes de la Société Axa France Iard :

débouter la société Axa France Iard de son recours subrogatoire en l'absence de preuve de la prise en charge du préjudice de Mme [G] en exécution de la garantie protection du conducteur,

débouter la société Axa France Iard de sa demande de condamnation de la société AIG Europe à lui verser la somme de 19 000 euros.

En tout état de cause :

juger que le recours subrogatoire de la société Axa France Iard ne peut être exercé que dans la limite du droit à indemnisation de la victime,

débouter la société Axa France Iard de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en tout état de cause :

condamner la société Axa France Iard, ainsi que tout succombant, à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct.

Mme [G] a fait signifier sa déclaration d'appel à la CPAM du Calvados le 7 septembre 2018 et à la société Pacifica le 5 septembre 2018, à personnes habilitées. Ces intimées n'ont pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2019.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal a rappelé qu'il résultait du procès-verbal d'enquête du peloton de gendarmerie de Marmande que le 20 mars 2014 vers 17h45, alors qu'il faisait jour et que la circulation était dense, Mme [G] circulait à bord de son véhicule léger Fiat Punto sur l'autoroute A 62 vers [Localité 10] et en a perdu le contrôle ; elle a percuté à deux reprises le rail de sécurité de la bande d'arrêt d'urgence puis s'est immobilisée, sa tête ayant heurté le pare-brise de son véhicule. Elle est alors sortie de sa voiture et a traversé l'autoroute jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence des voies de circulation en sens inverse vers [Localité 15], sur laquelle elle s'est mise à marcher à contre-sens, à la limite de la voie lente. Puis s'apprêtant, selon les témoignages, à retraverser dans l'autre sens, elle a alors été percutée vers 18h par le véhicule utilitaire Fiat Ducato conduit par M [O] qui circulait sur la voie lente.

Le tribunal en a déduit que ces deux événements constituaient une suite de collisions successives, celle du seul véhicule de Mme [G] d'abord, puis celle de cette dernière avec le véhicule de M [O] ensuite ; que ces deux sinistres sont en effet intervenus dans un même lieu et dans une unité de contexte, à savoir sur l'autoroute A62 et à quelques minutes d'intervalle, et qu'il est établi que si Mme [G] n'avait pas percuté la glissière de sécurité en premier lieu, elle n'aurait pas été ensuite happée par le véhicule de M [O]. Les premiers juges ont ajouté qu'à cet égard, le témoignage de M [K], qui s'est arrêté pour secourir Mme [G] après le premier choc, qui l'a hélée et même suivie jusqu'au terre-plein central, puis qui l'a vue traverser les autres voies de l'autoroute et enfin se faire renverser, démontre que ces deux événements, indivisibles sont survenus dans un même trait de temps et dans un enchaînement continu.

Le tribunal a donc jugé que s'agissant d'un seul et même accident, Mme [G] avait nécessairement conservé sa qualité de conducteur lorsqu'elle s'est fait renverser par le véhicule de M [O].

Enfin, le tribunal a considéré que s'il peut être reproché à Mme [G] des manquements aux règles élémentaires de conduite sur voie rapide lorsqu'elle était au volant de son véhicule, le comportement qu'elle a ensuite eu après en être sortie est à mettre en lien avec son état second dû au premier choc et que, dès lors, il devait être considéré que ses fautes de conduite justifiaient une réduction de 70 % de son droit à indemnisation.

Axa limite son appel à deux dispositions : celle ayant rejeté son action subrogatoire à l'encontre d'AIG et celle l'ayant condamnée à verser une provision à la mère de la victime, à laquelle elle ne doit aucune garantie.

Elle expose qu'elle dispose en vertu du contrat d'assurance souscrit par Mme [G] d'une action subrogatoire dans les droits de celle-ci, qu'elle est bien fondée à exercer sur les indemnités qu'elle versera à son assurée à l'encontre d'AIG, dans la limite du montant de l'indemnité qui sera mise à la charge de cette dernière, selon l'éventuelle réduction du droit à indemnité et après la préférence due à la victime. En réplique à AIG qui soutient qu'elle doit d'abord avoir indemnisé la victime, Axa indique qu'elle n'invoque pas les dispositions générales de l'article 1346-1 du code civil mais les dispositions spécifiques de l'article L 211-25 alinéa 2 du code des assurances qui n'exigent pas une convention concomitante au paiement et prévoit bien une subrogation légale de plein droit.

S'agissant de la provision mise à sa charge au profit de la mère de la victime, elle rappelle que seul le conducteur est assuré pour ses propres dommages et qu'en conséquence le préjudice par ricochet des proches n'est pas contractuellement garanti.

Mme [G] fait valoir qu'il appartient à AIG de rapporter la preuve d'une part que ses fautes de conduite présentent un lien de causalité avec le dommage subi, d'autre part, et surtout, qu'elles sont d'une telle gravité qu'elles justifient de réduire de 70 % son droit à indemnisation. Or, elle soutient que cette preuve fait doublement défaut, AIG confondant manifestement la gravité du dommage corporel qu'elle a subi qui résulte du seul choc frontal avec le véhicule conduit par son assuré avec les fautes de conduite qu'elle lui reproche d'avoir commises.

Elle indique que contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, rien ne permet de considérer qu'elle circulait à vive allure lorsqu'elle a perdu le contrôle de son véhicule et qu'elle n'avait pas attaché sa ceinture de sécurité. Contestant la sincérité du témoignage de M [K], contredit par celui de sa passagère, elle soutient qu'il est certain que l'attitude dangereuse adoptée par M [K] a perturbé sa conduite et incontestablement contribué à sa perte de contrôle, en sorte qu'il est impliqué dans l'accident. Ainsi elle considère que, mis à part un empiétement non fautif de courte durée sur la bande d'arrêt d'urgence, et sans rapport établi avec la perte de contrôle de son véhicule, son comportement était parfaitement adapté aux conditions de circulation. Enfin, elle observe que s'il n'est pas contesté que, pour une raison indéterminée, elle a perdu le contrôle de son véhicule, il n'est pas établi que son défaut de maîtrise présente un lien de causalité avec son dommage, lequel procède en effet, exclusivement du choc avec le véhicule conduit par M [O] imputable à sa faute de conduite, puisqu'il s'est trouvé distrait par l'accident qui venait de se produire sur les voies opposées.

Elle sollicite également l'infirmation du jugement s'agissant de la contribution à la dette d'Axa puisque la limite de son droit à indemnisation n'a d'effet que pour fixer l'étendue de la dette du responsable et n'a aucune incidence sur les obligations d'Axa, assureur individuel, à son égard.

La société AIG s'étonne que Mme [G] soutienne pour la première fois en cause d'appel que son droit à indemnisation serait total et que la perte de contrôle de son véhicule serait due au comportement de M [K], conducteur circulant sur l'autoroute dans le même sens de circulation qu'elle lors de l'accident. Elle souligne de même que c'est seulement en cause d'appel que Mme [G] conteste les termes du témoignage de ce témoin et prétend qu'elle portait sa ceinture de sécurité.

Elle indique que si Mme [G] considérait que le véhicule de M [K] était impliqué dans son accident, il lui appartenait de le mettre en cause, ce qu'elle n'a pas fait. Elle rappelle qu'en tout état de cause, le droit à indemnisation du conducteur victime s'apprécie uniquement au regard des fautes de conduite qu'il a commises et abstraction faite du comportement des autres conducteurs. Elle rappelle qu'il y a accident complexe lorsque le second accident n'a été rendu possible que par l'existence du premier, et qu'en conséquence Mme [G] ne saurait soutenir qu'il n'existe aucun lien de causalité entre ses fautes de conduite et ses préjudices.

Elle observe que Mme [G] ne rapporte pas la moindre preuve de ce que M [K] serait responsable en quoi que ce soit de sa propre perte de contrôle de son véhicule par excès de vitesse, puis des fautes qu'elle a commises en ne portant pas sa ceinture de sécurité et en marchant sur les voies de circulation. Elle considère que le tribunal ne pouvait réduire de seulement 70 % le droit à indemnisation en considérant que la faute d'imprudence de Mme [G] commise après être sortie de son véhicule pouvait s'expliquer par le choc qu'elle avait reçu sur la tête et son état d'hébétude, alors qu'il convenait de s'interroger sur les raisons de son état d'hébétude, lequel n'était que la conséquence de son comportement dangereux au volant, en sorte que la gravité de ses fautes et leur multiplicité justifient que son droit à indemnisation soit totalement exclu.

S'agissant d'Axa, AIG indique qu'elle doit prendre en charge le sinistre, au moins en partie, au regard de sa garantie protection du conducteur, et rappelle que l'appel en garantie ne pouvant être exercé qu'entre co-responsables, Axa n'a pas cette qualité en l'espèce, mais de tiers payeur au titre de cette garantie. Elle soutient qu'il lui appartiendra donc d'exercer son recours subrogatoire lorsqu'elle aura versé les sommes dues à son assuré en exécution de la police, quand bien même elle agirait sur le fondement de l'article L 211-25 du code des assurances. Elle ajoute qu'Axa ne pourra se voir allouer des sommes qu'après le recours des tiers payeurs de premier rang.

***

La disposition du jugement qui a dit que l'accident de la circulation dont a été victime Mme [G] le 20 mars 2014 est un accident unique complexe et que de ce fait, elle avait gardé sa qualité de conducteur lors des deux chocs subis n'est pas frappée d'appel et est donc définitive.

En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis.

Lorsque plusieurs véhicules sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice.

Il appartient au juge d'apprécier souverainement si cette faute a pour effet de limiter le droit à indemnisation ou de l'exclure, étant précisé qu'il n'a pas à tenir compte du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

Les enquêteurs du peloton autoroutier de [Localité 14] ont constaté sur la voie de circulation de Mme [G] des traces de ripage sur la voie lente, la voie rapide et la BAU (bande d'arrêt d'urgence) provenant des quatre pneus de son véhicule, caractéristiques d'une perte de contrôle, commençant depuis la voie rapide et se terminant sur la BAU. Ils ont également constaté des traînées sur les glissières de sécurité de la BAU avec des traces de peinture verte, sur 20 mètres, ainsi qu'un point de choc important sur 14,50 mètres et un second, moins important ; ils sont successifs et observés à une distance l'un de l'autre de 50 mètres entre le commencement des traces de ripage et l'arrêt du véhicule sur la BAU. Ils ont également constaté la présence côté conducteur de cheveux coincés dans le pare brise laissés lors de l'impact entre celui-ci et la tête de la conductrice sous le choc.

Ces éléments sont objectifs, ils témoignent de la perte de contrôle de son véhicule par Mme [G], étant précisé que les gendarmes ont conclu au fait que seul son véhicule était impliqué dans la première phase de l'accident.

Pour la première fois en cause d'appel, Mme [G] tente d'incriminer le comportement de M [K] et remet en cause le contenu de son témoignage.

Ces protestations sont pour le moins tardives et il est dépourvu de toute portée d'affirmer que le véhicule de ce témoin est impliqué alors qu'il a été jugé que l'accident était un accident unique et indivisible n'impliquant que le véhicule de Mme [G] et celui conduit par M [O], qui, in fine, l'a heurtée, et qu'aucun autre conducteur n'a été attrait à l'instance.

M [K], qui a été témoin des deux événements, a déclaré aux enquêteurs : "Alors que je circulais sur l'A62 dans le sens [Localité 15]-[Localité 10] avec mon véhicule de service [...] j'ai aperçu un véhicule de marque Fiat type Punto de couleur verte, s'engager sur l'autoroute par la bretelle n°6 l'[Localité 8]. Je me suis mis sur la voie rapide pour laisser le conducteur s'insérer dans la circulation. Je roulais au régulateur à 130 km/h. Je l'ai donc dépassé et me suis repositionné sur la voie lente. Peu de temps après, le conducteur de cette voiture s'est mis à me doubler à vive allure. J'ai observé cela car sa voiture fumait et parce que j'étais toujours au régulateur à 130 km/h. Une fois qu'elle s'est rabattue devant moi, j'ai observé que c'était une conductrice qui se penchait sur le côté droit comme pour chercher quelque chose. C'est d'ailleurs à ce moment-là que j'ai remarqué que celle-ci ne portait pas la ceinture de sécurité. Dans son mouvement, la conductrice s'est mise à rouler sur la bande d'arrêt d'urgence. Moi je me trouvais toujours derrière elle. Ma collègue et moi même commençaient à se questionner sur le comportement de cette dame. [...] La voiture est ensuite revenue sur la chaussée mais tout à gauche, sur la voie rapide, depuis la bande d'arrêt d'urgence. La conductrice n'était pas tout à fait en position de conduite normale. Immédiatement après être revenue sur la chaussée, elle a littéralement foncé dans le rail de sécurité de la bande d'arrêt d'urgence. Elle a rebondi puis a fait un tête-à-queue pour enfin finir sur la bande d'arrêt d'urgence dans le sens de la circulation. [...]

De suite, j'ai dépassé le véhicule accidenté et je suis descendu de mon véhicule pour aller secourir la conductrice avec l'aide de ma collègue. Quand je suis sorti, la personne sortait juste de son véhicule accidenté.

[...] Le fait qu'elle fonce littéralement dans le rail m'a fait penser à un acte délibéré car je n'ai pas vu les lumières de ses feux stop à l'arrière".

La collègue et passagère de M [K], Mme [C], confirme que Mme [G] a roulé sur la bande d'arrêt d'urgence mais sans les feux de détresse puis qu'elle s'est repositionnée sur la première voie de circulation de droite. Elle précise : "mon collègue a donc entrepris un dépassement. Dans la manoeuvre on a pu observer en arrivant à sa hauteur que c'était une femme au volant, qu'elle avait l'air bien éveillée, pas assoupie et qu'elle n'était pas au téléphone. On a donc continué notre route. Elle nous a ensuite redoublé très peu de temps après et c'est quand elle s'est rabattue que la conductrice a perdu le contrôle de son véhicule. [...] La voiture est venue sans raison apparente percuter le rail de sécurité côté bande d'arrêt d'urgence. Elle a fait un tour sur elle-même puis est à nouveau venue s'encastrer dans le rail du même côté."

Il est certain que le témoignage de Mme [C] est beaucoup moins précis que celui de M [K], ce qui s'explique aisément par le fait que, passagère, son attention était beaucoup moins portée sur la circulation, le conducteur étant quant à lui contraint à une vigilance permanente qui le conduit, contrairement à ce que soutient Mme [G], à surveiller les autres véhicules de manière à pouvoir adapter sa conduite à la leur.

Il est d'ailleurs manifeste que le témoignage de M [K] correspond bien mieux que celui de sa passagère aux constatations faites par les gendarmes sur la route.

Il est ainsi établi que Mme [G] a perdu la maîtrise de son véhicule, vraisemblablement en raison d'un défaut d'attention, M [K] l'ayant vu se pencher sur sa droite et en même temps mordre sur la BAU, et d'une vitesse excessive puisqu'elle venait de doubler M [K] dont le régulateur était réglé sur 130 km/h. En voulant rétablir sa trajectoire, donnant sans doute un coup de volant trop brutal, elle est partie sur la voie rapide, à gauche, avant de repartir percuter les glissières de la BAU.

Mme [G] soutient pour la première fois en cause d'appel qu'elle portait sa ceinture de sécurité. Elle prétend qu'il résulte de crash tests que, même si elle avait mis sa ceinture, sa tête pouvait aller heurter le pare brise.

Les documents qu'elle verse aux débats (pièces 9 et 10) ne prouvent nullement qu'un passager muni de sa ceinture de sécurité peut aller heurter le pare-brise. L'airbag y est d'ailleurs présenté comme permettant, dans un choc frontal, à la personne attachée de ne pas heurter le volant, pour le conducteur, le tableau de bord pour son passager, ce qui prouve que la ceinture empêche les passagers avant d'aller heurter le pare brise.

Compte tenu des constatations des enquêteurs, des cheveux étant restés sur le pare brise cassé, il est manifeste que Mme [G] ne portait pas la ceinture de sécurité, ce qui constitue une autre faute de conduite, à l'origine vraisemblablement de son état d'hébétude après l'accident. Il convient de rappeler que M [K] avait d'ailleurs remarqué qu'elle ne portait pas sa ceinture, contrairement à sa passagère, ce qui démontre s'il en était besoin la qualité de son témoignage.

Il est constant qu'après le premier choc, Mme [G] est sortie de son véhicule et a traversé l'autoroute, avant de se mettre à marcher à contre sens sur la bande d'arrêt d'urgence le long de la limite avec la voie lente, de finalement s'engager sur celle-ci pour semble-t-il retraverser l'autoroute dans l'autre sens et d'être percutée par le véhicule de M [O].

Ce comportement est manifestement lié à un état de confusion généré par le premier accident, puisqu'il ressort des témoignages, de M [K] et de Mme [C] que lorsqu'elle est sortie de sa voiture, Mme [G] semblait hébétée comme si elle ne savait pas où elle se trouvait et qu'une fois de l'autre côté des voies, elle s'est mise à courir comme si elle avait perdu la notion de la réalité. Par ailleurs, M [O] explique avoir vu Mme [G] marchant face à lui sur la bande d'arrêt d'urgence tardivement et souligne qu'il n'aurait jamais pensé qu'elle puisse traverser, indiquant "c'était impossible de vouloir traverser avec la circulation qu'il y avait à ce moment là". Son passager indique qu'elle paraissait paniquée, que visiblement elle voulait traverser l'autoroute mais que si elle avait vu le fourgon, elle n'aurait pas traversé. Il indique "je ne sais pas ce qu'il lui a pris de traverser".

Il apparaît donc que Mme [G] a eu un comportement extrêmement dangereux, alors que la circulation était dense sur cette autoroute, et que les véhicules ne pouvaient pas s'arrêter brutalement pour l'éviter sauf à risquer de créer un carambolage.

Dans ces conditions, et sachant que ce comportement, fût-il imputable à un état d'hébétude, a pour seule origine les fautes de conduites de Mme [G], celles-ci sont de nature à exclure totalement son droit à indemnisation.

La société Axa est bien fondée en son recours à l'encontre du jugement qui l'a condamnée à verser une provision à la mère de Mme [G], puisqu'elle ne garantit que Mme [G] à l'exclusion des victimes par ricochet.

S'agissant du recours subrogatoire invoqué par Axa, cette demande est désormais sans objet puisqu'AIG n'interviendra pas dans l'indemnisation de Mme [G].

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées en ce qu'elles ont condamné AIG de ces chefs.

Les dépens de première instance seront donc mis à la charge d'Axa qui versera seule à Mme [G] une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

AIG demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu'elle a versées en vertu du jugement assorti de l' exécution provisoire ; cependant le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de la société AIG.

Il n'y a pas lieu d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnisation au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Les dépens d'appel seront supportés in solidum par la société Axa et Mme [G].

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement en ce qu'il a :

dit que les fautes de conduite commises Mme [G] justifient la réduction de son droit à indemnisation de 70 %,

condamné les sociétés Axa France Iard et AIG Europe Limited in solidum à indemniser Mme [G] de son préjudice corporel né de cet accident, à hauteur de 30 % s'agissant de la société AIG Europe Limited,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [G] la somme de 30 000 euros à titre provisionnel à valoir sur sa créance,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [Y] la somme de 5 000 euros à titre provisionnel à valoir sur sa créance,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Axa France Iard et la société AIG Europe Limited in solidum aux dépens.

Statuant à nouveau des chefs infirmés :

Dit que Mme [G] a commis des faute de conduite de nature à exclure totalement son droit à indemnisation.

Rejette toutes les demandes formées à l'encontre de la société AIG Europe.

Déboute Mme [D] [Y] de sa demande de provision formée à l'encontre de la société Axa France Iard.

Condamne la société Axa France Iard à payer à Mme [G] la somme de 30 000 euros à titre provisionnel à valoir sur sa créance.

Condamne la société Axa France Iard à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Axa France Iard aux dépens de première instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions.

Y ajoutant :

Rejette les demandes formées au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

Condamne in solidum la société Axa France Iard et Mme [G] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 18/04775
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°18/04775 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;18.04775 ?
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