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21/11/2019 | FRANCE | N°17/09011

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 21 novembre 2019, 17/09011


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 30F



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 NOVEMBRE 2019



N° RG 17/09011 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SBLP



AFFAIRE :



[Q] [P]

...



C/

SAS NEOUZE-CLEMENT-GOUSSE



...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Novembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° R

G : 17/08343



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Julie GOURION,

Me Martine DUPUIS







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 30F

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2019

N° RG 17/09011 - N° Portalis DBV3-V-B7B-SBLP

AFFAIRE :

[Q] [P]

...

C/

SAS NEOUZE-CLEMENT-GOUSSE

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Novembre 2017 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° Section :

N° RG : 17/08343

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie GOURION,

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Q] [P]

né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1] (92)

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 217512

Représentant : Me Armelle MAUGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0780 -

Madame [U] [P] épouse [Z]

née le [Date naissance 2] 1955 à [Localité 1] ((92))

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 217512

Représentant : Me Armelle MAUGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0780 -

Madame [F] [P] épouse [Y]

née le [Date naissance 3] 1960 à [Localité 1] ((92))

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3] ' CANADA

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 217512

Représentant : Me Armelle MAUGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0780 -

Madame [D] [P] épouse [G]

née le [Date naissance 4] 1970 à [Localité 1] ((92))

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 - N° du dossier 217512

Représentant : Me Armelle MAUGER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0780 -

APPELANTS

****************

SAS NEOUZE-CLEMENT-GOUSSE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1858908

Représentant : Me Denis CHARDIGNY de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238 -

SARL SFMG élisant domicile au siège de la SELAS LPA-CGR, avocats.

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1858908

Représentant : Me Denis CHARDIGNY de la SCP LEFEVRE PELLETIER ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0238 -

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Thérèse ANDRIEU, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 3 décembre 2008, M. [B] [P] et sa soeur, Mme [A] [P] ont convenu d'un bail commercial avec la société Neouze-Clément-Gousse (ci-après la société NCG) portant sur des locaux dépendants d'un immeuble indivis situé [Adresse 1] pour une durée de neuf ans.

Par acte sous seing privé du 24 octobre 2014, le bail a été renouvelé rétroactivement le 1er octobre 2013, pour une durée de neuf ans.

Suite au décès de Mme [A] [P] le 24 octobre 2014 et à celui de M. et Mme [B] [P] le 5 décembre 2014 et le 17 décembre 2015, M. [Q] [P], Mesdames [U] [P] épouse [Z], Madame [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G] (ci-après les consorts [P]), enfants des époux [B] [P], se sont alors substitués dans les droits de leurs tante et parents.

Par exploit d'huissier du 31 mars 2016, les consorts [P] ont délivré congé pour reconstruire à la société NCG, avec effet au 30 septembre 2016, date d'expiration de la première période triennale du bail.

La société mère de la société NCG, la société de droit luxembourgeois SFMG a, suivant lettre d'intention du 19 août 2016, formé une proposition d'acquisition du bien pour réaliser le projet immobilier.

Le 17 mai 2017, les consorts [P] qui contestent avoir accepté sans réserves la proposition, ont signé une promesse synallagmatique de vente portant sur l'immeuble avec la société Infinim, aux termes de laquelle ils devaient être parvenus le 30 octobre 2017 au plus tard, à un accord avec la société NCG sur le montant de l'indemnité d'éviction et la libération des locaux.

Les consorts [P] ont assigné la société NCG devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre aux fins de nomination d'un expert ayant pour mission de fixer le montant de l'indemnité d'éviction.

Par ordonnance du 22 juin 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre les a déboutés de leurs demandes.

Par assignation à jour fixe du 9 août 2017, les consorts [P] ont saisi le tribunal de grande instance de Nanterre en validation du congé délivré le 31 mars 2016 à la société NCG et en expulsion ainsi qu'aux fins de fixation de l'indemnité d'éviction, et à titre subsidiaire en constatation de la rupture des pourparlers avec la société SFMG.

Par jugement du 23 novembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

- Dit n'y avoir lieu à disjonction des demandes portant sur la rupture des pourparlers et relative au congé donné à la société Neouze Clément Gousse;

- Prononcé la nullité du congé délivré le 31 mars 2016, par M. [Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G] à la société Neouze Clément Gousse;

- Dit que l'offre d'acquisition du 19 août 2016 faite par la société SFMG et acceptée par M.[Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G] vaut vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], sous réserve de la réalisation des conditions suspensives contenues dans l'offre ;

- Fait injonction à M. [Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G], de régulariser, devant notaire la promesse synallagmatique de vente jointe à la sommation de comparaître en date du 19 juin 2017, sous astreinte de trois cents euros par jour de retard durant un délai d'un mois suivant un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement ;

- Désigné Maître [N] [I], notaire associé de la société « [Personne physico-morale 1], notaires associés d'une société civile professionnelle » titulaire d'un office notarial [Adresse 6], avec pour mission d'établir au nom et pour le compte de M.[Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G], dans les termes de l'offre acceptée du 19 août 2016 :

La déclaration d'intention d'aliéner afin de purger le droit de préemption de la ville d'[Localité 2] ainsi qu'établir l'acte authentique de vente de l'immeuble ;

D'établir tout acte nécessaire à la purge de toute autre droit de préférence ou de préemption qui grèverait l'immeuble ;

D'établir et de recevoir l'acte authentique de vente de l'immeuble, dont les frais seront à la charge de la société SMFG, après réalisation des conditions suspensives ;

- Dit que la société SMFG disposera d'un délai de treize mois à compter de la signification du jugement à intervenir pour réaliser les conditions suspensives suivantes :

absence d'exercice d'un droit de préférence ou de préemption sur les biens vendus ;

obtention par la société SFMG d'un permis de construire autorisant l'édification de deux bâtiments d'une surface totale de 2.028 mètres carrés permettant d'obtenir 430 mètres carrés de bureaux neufs et 1.264 mètres carrés de logements neufs;

obtention par la société SMFG d'un prêt d'un montant de 6.000.000 euros auprès de la banque Palatine.

- Autorisé la société SMFG à déposer aux services compétents de la commune d'[Localité 2] une demande de permis de construire sur l'immeuble litigieux sis [Adresse 1].

- Débouté la société Neouze Clément Gousse et la société SMFG de leur demande tendant à voir dire que le présent jugement vaudra acte de vente;

- Condamné M. [Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G] à payer à la société Neouze Clément Gousse et la société SMFG la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné M.[Q] [P], Mme [U] [P] épouse [Z], à Mme [F] [P] épouse [Y], et Mme [D] [P], épouse [G] aux dépens ;

- Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 26 décembre 2017, les consorts [P] ont interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 19 juin 2019, les consorts [P] ont demandé à la cour de :

- Déclarer recevable et fondé l'appel interjeté par les consorts [P].

Y faisant droit,

- Réformer le jugement entrepris du 23 novembre rendu par la 8ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre, en ce qu'il a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

Prononcé la nullité du congé délivré le 31 mars 2016 par les consorts [P] à la société NCG.

Dit que l'offre d'acquisition du 19 août 2016 faite par la société SFMG et acceptée par les consorts [P] vaut vente de l'ensemble immobilier sis [Adresse 1], sous réserve de la réalisation des conditions suspensives contenues dans l'offre.

Fait injonction aux consorts [P], de régulariser, devant notaire la promesse synallagmatique de vente jointe à la sommation de comparaître en date du 19 juin 2017, sous astreinte de trois cents euros par jour de retard durant un délai d'un mois suivant un délai de deux mois à compter de la signification du jugement.

Désigné Maître [N] [I], notaire associé de la société « [Personne physico-morale 1], notaires associés d'une société civile professionnelle » titulaire d'un office notarial [Adresse 6], avec pour mission d'établir au nom et pour le compte des consorts [P], dans les termes de l'offre acceptée du 19 août 2016 :

- La déclaration d'intention d'aliéner afin de purger le droit de préemption de la ville d'[Localité 2] ainsi qu'établir l'acte authentique de vente de l'immeuble.

- D'établir tout acte nécessaire à la purge de tout autre droit de préférence ou de préemption qui grèverait l'immeuble,

- D'établir et de recevoir l'acte authentique de vente de l'immeuble, dont les frais seront à la charge de la société SFMG, après réalisation des conditions suspensives.

Dit que la société SFMG disposera d'un délai de treize mois à compter de la signification du jugement pour réaliser les conditions suspensives suivantes :

- Absence d'exercice d'un droit de préférence ou de préemption sur les biens vendus;

- Obtention par la société SFMG d'un permis de construire autorisant l'édification de deux bâtiments d'une surface totale de 2.028 mètres carrés permettant d'obtenir 430 mètres carrés de bureaux neufs et 1.264 mètres carrés de logements neufs;

- Obtention par la société SFMG d'un prêt d'un montant de 6.000.000 euros auprès de la banque Palatine.

Autorisé la société SFMG à déposer aux services compétents de la commune d'[Localité 2] une demande de permis de construire sur l'immeuble litigieux sis [Adresse 1].

Condamné les consorts [P] à payer à la société NCG et la société SFMG la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné les consorts [P] aux dépens.

Statuant à nouveau et déboutant tant la société NCG que la société SFMG de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- Valider le congé donné par exploit d'huissier en date du 31 mars 2016 délivré par les consorts [P] à la société NCG,

- Juger que la société NCG est sans droit ni titre depuis le 1er octobre 2016,

- Ordonner l'expulsion de la société NCG et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique et d'un serrurier si besoin,

- Fixer l'indemnité d'éviction à la somme de 55.250 euros,

- Fixer l'indemnité d'occupation à compter du 1er octobre 2016 à la somme de 120.000 euros,

A titre subsidiaire,

- Désigner tel expert avec la mission suivante :

Se rendre sur place, [Adresse 1] et visiter les locaux donnés à bail,

Se faire communiquer tous les documents et pièces qui pourraient se révéler nécessaires à l'accomplissement de sa mission,

Rechercher, en tenant compte de la nature des activités autorisées par le bail et des facilités offertes à celles-ci par la situation des lieux, tous éléments permettant :

De déterminer le montant de l'indemnité compensatrice résultant de la perte éventuelle du fonds, déterminée suivant les usages de la profession, indemnité comprenant la valeur marchande du fonds, déterminée par les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, de la réparation du trouble commercial,

De fournir, en donnant des références précises, tous éléments permettant de déterminer dans quelle mesure le locataire aurait la possibilité de transférer son fonds sans perte conséquente de clientèle, sur un emplacement de qualité équivalente, en tout état de cause, le coût d'un tel transfert comprenant acquisition d'un titre locatif ayant les mêmes avantages que l'ancien bail, les frais et droits de mutation, les frais de déménagement et de réinstallation, la réparation du trouble commercial qui résulterait d'un tel transfert,

Produire tous éléments permettant à la cour d'apprécier le montant de l'indemnité due par la société locataire, à compter du 1er octobre 2016 pour l'occupation des lieux, objet du bail, jusqu'à leur libération effective.

- Dire qu'il en sera référé à la cour en cas de difficultés ;

- Juger qu'il y a eu rupture des pourparlers entre, d'une part, les consorts [P], et d'autre part, la société SFMG ;

- Juger qu'il n'existe aucune vente parfaite intervenue entre d'une part, les consorts [P], et d'autre part la société SFMG ;

- Dire et juger que les conditions suspensives fixées par le jugement dont appel ne sont pas remplies ;

- Condamner in solidum la société NCG et la société SFMG à régler aux consorts [P], la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner in solidum la société NCG et la société SFMG aux entiers dépens au visa de l'article 699 du code de procédure civile ;

- Dire qu'ils pourront être directement recouvrés par Maître Julie Gourion, avocat au barreau de Versailles, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions notifiées le 13 juin 2019, les sociétés NCG et SFMG ont prié la cour de :

A titre principal :

- Déclarer les consorts [P] mal fondés en leur appel formé contre le jugement rendu le 23 novembre 2017 par la 8ème chambre du tribunal de grande instance de Nanterre (RG n°17/08343),

- Les déclarer mal fondés en toutes leurs demandes, fins et conclusions, les en débouter purement et simplement,

- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris.

A titre subsidiaire, pour le cas ou la cour dirait que les consorts [P] n'ont pas consenti à la vente et prononcerait la validité du congé :

- Avant dire droit, désigner tel expert avec la mission usuelle pour donner son avis sur l'indemnité d'éviction due à la société NCG ;

- Renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour la fixation de l'indemnité d'éviction après dépôt du rapport d'expertise ;

En tout état de cause :

- Condamner solidairement les consorts [P] à payer à la société SFMG la somme de 25.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner solidairement les consorts [P] aux entiers dépens (en ce compris le cas échéant les frais d'expertise) et autoriser la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Lexavoué Paris Versailles à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 juin 2019.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur la demande de nullité du congé :

Selon l'article L. 145-4 du code de commerce, le bailleur peut donner congé à son preneur à l'expiration d'une période triennale s'il entend reconstruire l'immeuble existant.

L'article L. 145-18 du code de commerce dispose que « le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail pour construire ou reconstruire l'immeuble existant, à charge de payer au locataire évincé l'indemnité d'éviction prévue à l'article L. 145-14. »

Les consorts [P] soutiennent qu'ils ont correctement motivé leur congé faisant valoir leur intention de reconstruire l'immeuble. Ils ajoutent qu'à sa délivrance, le congé n'a pas été contesté par la société NCG qui n'a pas non plus réclamé d'indemnité d'éviction. Elle n'a formé contestation que devant le juge des référés saisi pour fixer l'indemnité. Ils font de plus valoir qu'ils ont fait appel en février 2016 à la société CIT pour réaliser des études de faisabilité de l'opération immobilière ce qui démontre leur intention de reconstruire à la date du congé.

Ils font grief au jugement entrepris d'avoir retenu l'absence d'intention de reconstruire en raison de leur acceptation d'une offre d'achat, alors qu'il n'est pas légalement exigé que le bailleur soit tenu personnellement à la reconstruction et alors que les ventes envisagées avec les sociétés SFMG et Infinim prévoient toutes deux la démolition pour reconstruire.

Ils font en outre valoir qu'aucune intention spéculative de leur part n'est démontrée et précisent que s'ils ont masqué les conditions financières de la promesse de vente signée avec la société Infinim, c'est seulement en raison de la clause de confidentialité prévue.

Les sociétés NCG et SFMG concluent à la confirmation du jugement . Elles font valoir que le congé est nul si la réalité de l'opération projetée n'est pas établie ce qui est le cas si le bailleur revend l'immeuble sans reconstruction. Or, elles considèrent que les consorts [P] n'établissent pas la réalité de l'opération projetée, le congé délivré ne faisant état que d'une « potentielle promotion immobilière. » Plus encore, elles retiennent que l'acceptation de l'offre de la société SFMG avant la date d'effet du congé vient prouver la véritable intention spéculative des consorts [P], renforcée par le fait qu'ils se sont tournés ensuite vers un acquéreur mieux-disant.

****

Il ressort du congé pour reconstruire délivré le 31 mars 2016 par les consorts [P] qu'ils entendent en application des dispositions de l'article L 145-4 du code de commerce faire cesser le bail par anticipation pour reconstruire l'immeuble existant dans le cadre d'une potentielle promotion immobilière en application de l'article L 145-18 du code de commerce.

L'intention du bailleur de démolir pour reconstruire l'immeuble s'apprécie à la date du congé.

Il résulte des termes utilisés dans le congé du 31 mars 2016 que les consorts [P] font état d'une reconstruction dans le cadre 'd'une éventuelle promotion immobilière'.

Ils produisent une étude de faisabilité portant sur la construction de 24 logements collectifs à [Localité 2] faite par la Compagnie Immobilière Tronchet ( ci-après CIT) datés des 24 février et 7 mars 2016.

Les seuls plans qu'ils produisent sont sommaires et insuffisants à établir la réalité de leur projet de reconstruction à la date du congé ce qui explique le terme de 'potentiel projet' mis en avant dans le congé.

A titre surabondant, l'absence d'éléments suffisants sur la réalité de démolir pour reconstruire dans le cadre d'un projet de promotion immobilière est confortée par les courriels transmis à la société SFMG suite à son offre du 19 août 2016 d'acquérir l'immeuble ainsi que plus tard par la conclusion d'une promesse unilatérale de vente le 17 mai 2017 avec la société Infinim .

Dès lors, l'intention des consorts [P] de démolir pour reconstruire dans le cadre d'un projet de promotion immobilière n'est pas démontrée à la date du congé et c'est donc à juste titre que les premiers juges ont annulé le congé délivré par les consorts [P].

La décision est confirmée.

Sur l'existence d'une vente ou la rupture des pourparlers avec la société SFMG

Selon l'article 1582 du code civil, la vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose et l'autre à la payer.

L'article 1583 du code civil dispose que la vente « est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé. »

Le contrat de vente est formé à la rencontre d'une offre ferme et précise et de son acceptation.

L'initiative, le déroulement et la rupture des pourparlers menés de bonne foi sont libres.

La société SFMG a fait une offre d'acquisition de l'immeuble appartenant aux consorts [P] le 19 août 2016 expliquant avoir au regard du congé qui avait été délivré par les consorts [P], conçu le projet d'acquérir et de restructurer l'immeuble afin de permettre à la société NCG de s'y maintenir.

La société SFMG confirme aux consorts [P] son intention d'acquérir le terrain et les bâtiments situés au [Adresse 1] au prix de 1.400 € HT par m2 de surface de plancher développée soit pour une surface de 2028 m2 un prix total de 2 839 200 € hors taxe. Elle indique qu'elle se portait fort dans le cas de son acquisition de l'immeuble du fait que la société NCG ne ferait valoir aucune indemnité d'éviction.

La proposition était soumise à plusieurs conditions suspensives s'agissant de l'obtention d'un permis de construire et de l'obtention d'un prêt de 6 Millions d'euros en cours de discussion avec la banque Palatine.

Les réponses des consorts [P] faisant part de leur accord devaient être transmises avant le 31 août 2016.

Les consorts [P] ont adressé des mails en réponse donnant leur accord le 24 août 2016 pour Mme [D] [P], le 24 août 2016 pour Mme [F] [P], le 26 août 2016 pour Mme [U] [P] et le 31 août 2016 pour M.[Q] [P].

****

Les consorts [P] estiment que le projet de la société SFMG est une lettre d'intention, s'agissant donc d' un document de négociations précontractuelles n'obligeant pas les parties, conformément à sa dénomination et qui est assorti d'importantes conditions suspensives visant à ne pas être engagé directement.

Ils font valoir avoir donné leur accord pour rédiger un projet de promesse de vente et non une vente dans le cadre de pourparlers engagés préalablement. Ils soutiennent qu'aucune précision aussi essentielle que la date et le paiement du prix n'étaient indiquées dans la lettre d'intention ni davantage sur les délais d'obtention du prêt et du permis de construire, sur la date de réitération de l'acte ou sur le montant de l'indemnité d'immobilisation.

Ils estiment donc que c'est à bon droit qu'un an après, ils ont rompu les pourparlers en mars 2017, le projet n'ayant pas abouti et la proposition de la société SFMG manquant de sérieux.

Ils font valoir en tout état de cause que si l'offre était retenue comme étant valable, elle est devenue caduque faute pour la société SFMG d'avoir recueilli l'acte de renonciation de l'indemnité d'éviction de la société NCG qui était mise à sa charge et obtenu le financement bancaire alors que cette dernière condition était déterminante, que la société SFMG ne peut pas y renoncer, alors que sans cette condition, les consorts [P] ne seraient pas entrés en pourparlers. Enfin, ils estiment que la condition suspensive du permis de construire n'est pas davantage remplie, celui obtenu ne respectant pas les surfaces mentionnées à l'acte, et dans le jugement dont il est fait appel, alors que le prix d'acquisition du bien est fixé sur le nombre de mètres carrés construits.

La société SFMG réplique que l'offre est circonstanciée et contient les éléments essentiels du contrat, que le prix y est déterminé (2 839 200 euros hors taxes) et que les modifications qui avaient été demandées par les consorts [P] y sont intégrées. Elle ajoute que les consorts [P] ont tous donné leur accord par différents mails en août 2016.

Elle indique avoir purgé les conditions suspensives. Elle a obtenu un permis de construire et fait remarquer que si la surface de plancher accordée est inférieure à celle de la clause, la mesure de la constructibilité du terrain ne concerne pas le vendeur dans la mesure où la surface autorisée n'a pas d'effet sur le prix retenu et où l'offre n'en fait pas une condition de validité pour les vendeurs. Elle estime en outre que la condition d'obtention d'un prêt n'étant édictée que dans son seul intérêt, afin de sécuriser son acquisition, elle peut valablement y renoncer.

La société SFMG relève que la signature de la promesse de vente n'est pas une condition de l'offre ou de l'acceptation, que le fait qu'elle soit ou non advenue ne modifie pas l'existence de l'engagement.

Quant à la promesse de porte-fort de la société SFMG, elle n'impose pas d'acte matérialisé de renonciation de la société NCG sachant que cette dernière a reconnu devant les premiers juges, et dans ses conclusions d'appel qu'elle renonçait à l'indemnité d'éviction si la vente était constatée au profit de la société SFMG.

****

Il ressort de ce qui précède que les parties ont échangé sur les termes d'un éventuel accord jusqu'au 15 août 2016, date d'un mail adressé par Mme [P] à M.[T] de la société SFMG dans lequel elle indiquait que les co-indivisaires n'accepteraient pas de négociation sur le prix à la baisse puis la société SFMG a fait le 19 août 2016 une offre d'acquisition circonstanciée, ferme et précise, décrivant les éléments essentiels du contrat identifiant l'immeuble, objet de la vente, le prix, les conditions suspensives et l'engagement de la société NCG de ne pas solliciter une indemnité d'éviction.

La société SFMG a confirmé son intention d'acquérir le bien et en cas d'accord, celle de lancer la rédaction de la promesse de vente via les notaires respectifs des parties.

L'acceptation des consorts [P] avant le 31 août 2016 est transmise par mail au retour de l'offre qui leur était communiquée, certains ayant fait précéder leur signature de la mention 'bon pour accord' ou exprimer leur accord de façon littérale comme M.[P].

Les consorts [P] considèrent que l'échange de mails est insuffisant, qu'il s'agissait de simples pourparlers qui pouvaient aboutir sur la signature d'une promesse de vente, que les accords transmis sont contestables, qu'aucune signature authentique n'a été recueillie ni même l'intégralité des signatures scannées sur le document originel, la société SFMG se contentant d'un pseudo accord de M.[P].

Cependant, l'accord de chacun des consorts [P] est clair et sans ambiguïté et il ne saurait être exigé des parties à ce stade un formalisme quant aux modalités des accords ainsi recueillis.

Les consorts [P] ne peuvent donc soutenir qu'il ne s'agissait que de pourparlers qu'ils pouvaient rompre à tout moment ce qu'ils ont estimé pouvoir faire en mars 2017, le vocable 'lettre d'intention ' et invoqué par les appelants pour prétendre qu'il ne pouvait s'agir que de pourparlers précontractuels soumis à la signature d'une promesse de vente étant inopérant.

Au regard de l'offre précise et ferme et de l'acceptation par les vendeurs de ses termes , les parties ont manifesté leur volonté de s'engager sur la chose et sur le prix. La rencontre de l'offre et de l'acceptation vaut donc vente.

Les consorts [P] considèrent en ce cas que la promesse de vente est caduque , les conditions suspensives prévues dans celle-ci n'étant pas remplies.

Ils opposent le fait que le permis de construire a été délivré pour une superficie qui n'est pas celle indiquée dans la lettre d'intention ni reprise dans le jugement.

La lettre d'intention prévoyait l'obtention d'un permis de construire autorisant l'édification de deux bâtiments d'une surface totale de 2028 m2 permettant d'obtenir 430 m2 de bureaux neufs et 1264 m2 de logements neufs.

Le jugement reprenait les termes précités quant à l'obtention du permis de construire.

Le permis de construire est délivré à la société SFMG le 2 février 2019 pour une surface de plancher totale créée de 1805 m2 (surface d'habitation 1322 m2 et surface de planchers bureaux 483 m2 avec 2 bâtiments créés et 25 logements.

Les consorts [P] font valoir que la surface d'habitation et de bureaux autorisée dans le cadre du permis de construire est supérieure à celle prévue dans la condition suspensive et que dès lors, elle n'est pas remplie sans pour autant le démontrer.

Il convient de relever que la surface autorisée dans le permis de construire, si elle est supérieure concernant la surface d'habitation et de bureaux est inférieure en sa totalité à celle prévue dans la condition suspensive reprise dans le jugement dont appel.

La société SFMG soutient que c'est seulement elle-même qui aurait pu faire état du fait qu'elle réglait un prix pour une surface constructible inférieure à celle prévue dans l'offre mais elle déclare se satisfaire du permis obtenu.

Dans la mesure où le prix n'est pas remis en cause, les consorts [P] ne peuvent soutenir que la condition suspensive tenant au permis de construire n'est pas remplie car non conforme au jugement dont appel.

Les consorts [P] font état de ce que la condition suspensive d'obtention d'un prêt n'est pas davantage remplie et que la société SFMG ne peut y renoncer mais il s'agit d'une condition suspensive en faveur de l'acquéreur et non du vendeur dont seule la société SFMG pourrait se prévaloir pour se soustraire à la vente.

La société SFMG déclare avoir les capacités financières suffisantes pour faire face au règlement du prix.

Les consorts [P] soutiennent qu'une promesse de vente devait être signée mais il ne ressort pas de l'accord des parties que la signature d'une promesse de vente était une condition de la vente, qu'il résulte de l'offre de la société SFMG que celle-ci en cas d'accord des consorts [P] lancerait la rédaction de la promesse de vente via les notaires respectifs des parties.

La société SFMG prend enfin le soin de rappeler dans ses conclusions d'appel que dans l'offre du 9 août 2016 elle s'est portée fort pour la société NCG de renoncer à solliciter le versement d'une indemnité d'éviction. Si la société NCG n'a pas signé un acte de renonciation, elle confirme dans ses conclusions d'appel 'sa renonciation définitive et irrévocable à prétendre à une indemnité d'éviction à l'encontre des consorts [P] par suite du congé qui lui a été délivré étant bien entendu limitée à la seule hypothèse où la vente de l'immeuble aurait lieu amiablement ou judiciairement au profit de la société mère SFMG '.

Par ces termes , la société NCG renonce à demander une indemnité d'éviction.

En tout état de cause, si la société NCG ne satisfaisait pas à l'engagement pour lequel la société SFMG s'est portée fort, cette dernière pourrait être condamnée à verser des dommages et intérêts. Il ne s'agit pas pour autant d'une condition suspensive de la vente mais

d'une promesse de porte-fort autonome répondant à ses propres règles et dont les consorts [P] ne peuvent se saisir pour se soustraire à leurs engagements.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ce qui concerne la condamnation aux dépens et au versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [P] qui succombent en appel sont condamnés solidairement aux dépens avec droit de recouvrement direct et à verser la somme de 8000 € en application des dispositions des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement rendu le 23 novembre 2017 par le tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions,

Déboute les parties du surplus d eleurs demandes,

Condamne les consorts [P] solidairement aux dépens avec droit de recouvrement direct,

Les condamne solidairement à verser aux sociétés SFMG et Neouze-Clement-Gousse la somme de 8000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile .

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 17/09011
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°17/09011 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;17.09011 ?
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