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21/11/2019 | FRANCE | N°17/03974

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 21 novembre 2019, 17/03974


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre







ARRÊT N° 470



CONTRADICTOIRE



DU 21 NOVEMBRE 2019



N° RG 17/03974



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RXT6







AFFAIRE :



[U] [V]



C/



SNC GEMEY MAYBELLINE GARNIER



SNC FAPROREAL











Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Fo

rmation de départage de RAMBOUILLET

N° Section : Industrie

N° RG : 16/00153









Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 22 Novembre 2019 à :

- Me David METIN

- Me Romain CHISS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE VINGT ET UN NOVEMBR...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRÊT N° 470

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2019

N° RG 17/03974

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RXT6

AFFAIRE :

[U] [V]

C/

SNC GEMEY MAYBELLINE GARNIER

SNC FAPROREAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Juillet 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

N° Section : Industrie

N° RG : 16/00153

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 22 Novembre 2019 à :

- Me David METIN

- Me Romain CHISS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 07 novembre 2019 puis prorogé au 21 novembre 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [V]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me David METIN de l'AARPI METIN & Associés, constitué/plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANT

****************

La SNC GEMEY MAYBELLINE GARNIER

N° SIRET : 339 419 962

[Adresse 1]

[Localité 1]

La SNC FAPROREAL

N° SIRET : 829 715 937

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentées par Me Romain CHISS de la SELAS VIVANT CHISS FROMENT-MEURICE JAGLIN, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R059

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle VENDRYES, Président, et Madame Nathalie GAUTRON- AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Monsieur Hubert DE BECDELIEVRE, Magistrat honoraire,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Faproréal est spécialisée dans le secteur d'activité du commerce de gros (commerce interentreprises) de parfumerie et de produits de beauté. Elle relève de la convention collective nationale des industries chimiques.

A compter du 1er mars 2018, la société Faproréal a repris, suite à un apport partiel d'actif, l'usine Faprogi située à [Localité 2], ancien établissement de la société Gemey Maybelline Garnier, ayant pour activité la fabrication de shampoings et d'après-shampoings en particulier pour les marques Elsève et Dop.

Dans ce cadre, les contrats de travail des salariés de l'usine Faprogi ont été transférés à la société Faproréal en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.

M. [U] [V], né le [Date naissance 1] 1974, a été engagé par la société Faprogi en qualité de conditionneur, statut ouvrier, qualifié 1, coefficient 1, à compter du 3 avril 1999, avec reprise d'ancienneté au 9 septembre 1998, avant d'être affecté au poste de coordinateur fabrication. La moyenne de ses salaires sur les trois derniers mois s'élevait à la somme de 6 788,53 euros.

Lors des élections professionnelles des délégués du personnel du 18 mars 2014, M. [V] a été élu délégué du personnel puis le 19 mars 2014, il a été désigné délégué syndical CFDT.

Contestant les conditions d'application des accords collectifs relatifs à l'organisation du travail de nuit et des équipes de suppléance signés le 2 novembre 2009, M. [V] a saisi, le 27 mai 2016, le conseil de prud'hommes de Rambouillet de demandes de rappel de salaires et de demandes indemnitaires.

Par jugement de départage du 5 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Rambouillet a :

- débouté M. [V] de l'ensemb1e de ses demandes dirigées contre la société Gemey Maybelline Garnier,

- rejeté en tant que de besoin toute autre demande,

- condamné M. [V] au paiement des dépens de l'instance,

- rejeté la demande présentée par la société Gemey Maybelline Garnier en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

M. [V] a interjeté appel de ce jugement le 26 juillet 2017.

Le 25 février 2019, il a assigné la société Faproréal en intervention forcée pour la mettre dans la cause, à hauteur d'appel, dans le litige initié devant le conseil de prud'hommes à l'encontre de la société Gemey Maybelline Garnier.

Par conclusions reçues par voie électronique le 25 juin 2019, M. [V] demande à la cour de :

- le recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondé,

- ordonner l'application de la convention collective des industries chimiques ainsi que l'avenant n°1 à l'accord du 29 juillet 2003 relatif à l'organisation du travail de nuit et plus particulièrement son article 5.2, substitué par l'accord du 15 novembre 2018 relatif au travail de nuit,

En conséquence,

- dire et juger que les sociétés auraient dû appliquer la majoration de 40 % du salaire de base sur les heures de nuit effectuées par M. [V],

En conséquence,

- condamner la SNC Gemey Maybelline Garnier à verser à M. [V] les sommes suivantes pour la période allant du mois de mai 2013 au 29 février 2018 :

- rappel de salaire : 20 315,03 euros

- congés payés y afférents : 2 031,50 euros

- condamner la SNC Faproréal à verser à M. [V] les sommes suivantes pour la période allant du 1er mars 2018 au 31 mai 2019 :

- rappel de salaire : 4 971,83 euros

- congés payés y afférents : 497,18 euros

- dire et juger que les sociétés auraient dû intégrer dans le salaire de base servant au calcul de la majoration au titre de la rémunération de suppléance de nuit, la majoration de 40 % au titre des heures de nuit,

En conséquence,

- condamner la SNC Gemey Maybelline Garnier à verser à M. [V] les sommes suivantes pour la période allant du mois de mai 2013 au 29 février 2018 :

- rappel de salaire : 11 565,41 euros

- congés payés y afférents : 1 156,54 euros

- condamner la SNC Faproréal à verser à M. [V] les sommes suivantes pour la période allant du 1er mars 2018 au 31 mai 2019 :

- rappel de salaire : 4 693,72 euros

- congés payés y afférents : 469,37 euros

- dire et juger que la SNC Gemey Maybelline Garnier et la SNC Faproréal n'ont pas exécuté loyalement le contrat de travail de M. [V],

En conséquence,

- condamner solidairement la SNC Gemey Maybelline Garnier et la SNC Faproréal à verser à M. [V] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison de l'exécution déloyale de son contrat de travail,

- dire et juger que l'application de l'avenant n°1 du 2 novembre 2009 à l'accord du 6 avril 1998 relatif à l'organisation des équipes de suppléance, substitué par l'accord collectif du 15 novembre 2018 relatif aux équipes de suppléance, crée une inégalité de traitement dans l'attribution de la prime complémentaire de suppléance octroyée aux salariés travaillant le jour et non la nuit,

- dire et juger que M. [V] aurait dû percevoir la prime complémentaire de suppléance d'un montant de 50 euros pour tous les week-ends travaillés de jour comme de nuit,

En conséquence,

- condamner la SNC Gemey Maybelline Garnier à verser à M. [V] la somme de 5 250 euros à titre de rappel de salaires outre 525 euros de congés payés afférents,

- condamner la SNC Faproréal à verser à M. [V] la somme de 1 350 euros à titre de rappel de salaires outre 135 euros de congés payés afférents,

- ordonner la remise des bulletins de salaire conformes à compter du 25 mai 2013, le tout sous astreintes de 100 euros par jour et par document dans le cas où la SNC Gemey Maybelline Garnier et la SNC Faproréal manqueraient à l'exécution de leur obligation,

- dire que la cour se réserve la possibilité de liquider l'astreinte sur simple requête,

- condamner solidairement la SNC Gemey Maybelline Garnier et la SNC Faproréal à verser à M. [V] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la société Gemey Maybelline Garnier et la société Faproréal aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Par conclusions reçues par voie électronique le 26 juin 2019, la société Gemey Maybelline Garnier demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du conseil de prud'hommes de Rambouillet du 5 juillet 2017,

En conséquence :

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

En tout état de cause :

- déclarer irrecevables à l'égard de la société Gemey Maybelline Garnier les demandes de rappel de salaire postérieures au transfert du contrat de travail de M. [V] intervenu le 1er mars 2018 au profit de la société Faproréal en application de l'article L. 1224-1 du code du travail,

- condamner M. [V] à verser à la société Gemey Maybelline Garnier la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens.

Par conclusions reçues par voie électronique le 26 juin 2019, la société Faproréal demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris du conseil de prud'hommes de Rambouillet du 5 juillet 2017,

En conséquence :

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Faproréal,

En tout état de cause :

- condamner M. [V] à verser à la societé Faproréal la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 juin 2019.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le 2 novembre 2009, la direction de l'usine Faprogi de la société Gemey Maybelline Garnier et les organisations syndicales, dont la CFDT, ont conclu :

- un avenant n°1 à l'accord du 18 octobre 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail,

- un avenant n°1 à l'accord du 29 juillet 2003 relatif à l'organisation du travail de nuit,

- un avenant n°1 à l'accord du 6 avril 1998 relatif à l'organisation des équipes de suppléance.

A la suite du transfert d'entreprise, trois accords de substitution ont été signés le 15 novembre 2018 prévoyant expressément que les dispositions des trois accords collectifs d'établissement précités et leurs avenants continueraient de s'appliquer à l'identique à l'ensemble des salariés (dont M. [V]) de l'usine de Faprogi transférés à la société Faproréal.

Le litige porte sur l'application de ces accords et en particulier sur les majorations de salaire pour travail de nuit prévues par les accords relatifs à l'organisation du travail de nuit et à l'organisation des équipes de suppléance.

Sur l'application des dispositions conventionnelles relatives à l'organisation du travail de nuit

M. [V] prétend être éligible à la majoration de salaire de 40 % pour travail de nuit prévue par l'accord collectif d'établissement relatif à l'organisation du travail de nuit du 2 novembre 2009, et ce, en sus de la majoration de salaire de 58 % qu'il perçoit déjà en tant que salarié de l'équipe de suppléance de nuit en application de l'accord collectif d'établissement relatif à l'organisation des équipes de suppléance conclu également le 2 novembre 2009.

M. [V] expose qu'il est un salarié de jour travaillant exceptionnellement la nuit et, qu'à ce titre, il doit donc bénéficier, en plus des majorations dont il bénéficie déjà, de la majoration de salaire de 40 % prévue pour le travail exceptionnel de nuit. Or, il n'a jamais perçu cette majoration pour travail de nuit prévue à la fois par la convention collective de branche et l'accord collectif d'établissement.

Les sociétés intimées soutiennent que M. [V] n'entre pas dans le champ d'application de l'accord relatif à l'organisation du travail de nuit du 2 novembre 2009 et a fortiori pas davantage dans celui de l'accord de substitution conclu le 15 novembre 2018 au sein de la société Faproreal ; qu'il n'est pas non plus éligible au bénéfice de la majoration de salaire de 40 % pour travail exceptionnel de nuit prévue par la convention collective applicable.

Elles font valoir en réplique que M. [V] travaille principalement en équipe de suppléance de nuit (le week-end) et bénéficie, conformément à l'accord relatif à l'organisation des équipes de suppléance, d'une majoration de salaire de 58 % intégrant déjà la majoration pour travail de nuit ; qu'il ne peut cumuler cette majoration de salaire de 58 % avec la majoration de salaire de 40 % prévue pour les salariés travaillant exceptionnellement de nuit en semaine dès lors qu'il s'agit de deux situations distinctes concernant deux populations distinctes de collaborateurs.

Elles ajoutent que M. [V] ne travaillant pas « exceptionnellement » la nuit, il ne saurait de toute façon pas être éligible à la majoration de salaire de 40 % pour travail « exceptionnel » de nuit, telle que prévue par l'accord relatif à l'organisation du travail de nuit du 2 novembre 2009.

Elles soulignent que M. [V] est élu du syndicat CFDT signataire des trois accords du 2 novembre 2009, pour lesquels, pendant pas moins de sept années d'application, personne, pas même son organisation syndicale, n'a jamais prétendu au cumul des majorations de nuit de 58 % et de 40 % ; qu'au surplus, il a, en sa qualité de représentant du syndicat CFDT, lui-même signé l'accord de substitution du 15 novembre 2018, lequel reprend à son compte, à l'identique, les stipulations de l'accord du 2 novembre 2009.

Elles font valoir enfin que M. [V] n'est concerné par aucune des hypothèses visées par l'article 5 de l'accord du 16 septembre 2003 prévoyant le versement d'une prime de nuit.

Sur ce,

Selon l'article L. 3122-8 du code du travail : « Les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titre des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont employés sous forme de repos compensateur et, le cas échéant, sous forme de compensation salariale ».

L'article 5 de l'accord du 16 septembre 2003 relatif au travail de nuit dans les industries chimiques vise trois situations appelant des réponses différentes :

- celle des salariés travaillant en continu ou en semi-continu,

- celle des salariés travaillant de manière habituelle de nuit et qui ne sont pas affectés à un service continu ou semi-continu ou à une équipe de suppléance,

- celle, visée par M. [V], des salariés dont l'horaire habituel de travail ne comporte pas de travail de nuit, qui bénéficient au titre des heures de travail effectuées exceptionnellement entre 21 heures et 6 heures d'une majoration de salaire qui ne pourra être inférieure à 40 %. Cette majoration s'ajoute, le cas échéant, aux majorations pour heures supplémentaires et est calculée sur les mêmes bases que celles-ci.

La direction de la société Gemey Maybelline Garnier et les partenaires sociaux de l'usine Faprogi ont décidé, aux termes de trois accords collectifs signés le même jour et concernant trois situations différentes de majorer le salaire des heures de nuit :

- Un accord sur le travail de jour du lundi au vendredi (avenant n° 1 du 2 novembre 2009 à l'accord du 18 novembre 2000 relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail)

Cet accord prévoit une organisation du travail « chaque semaine du lundi au vendredi, selon les horaires suivants » (article 2.1) :

- Equipe du matin : 5h55 - 13h00

- Equipe de l'après-midi : 12h55 - 20h00

Les cinq minutes de travail effectuées entre 5h55 et 6h00 donnent lieu à une majoration de 20 % du salaire de base.

- Un accord sur le travail de nuit du lundi au jeudi (avenant n° 1 du 2 novembre 2009 à l'accord du 29 juillet 2003 relatif à l'organisation du travail de nuit)

Cet accord prévoit que « le travail de nuit [est] organisé en une équipe de nuit du lundi au jeudi selon les horaires suivants : 19h55 - 6h00 » (article 3.1).

La totalité des heures de nuit est majorée de :

' 20 % du salaire de base lorsque le collaborateur travaille habituellement la nuit (article 5.1) ;

' 40 % du salaire de base lorsque le collaborateur travaille exceptionnellement de nuit (article 5.2).

- Un accord sur le travail en équipe de suppléance du vendredi soir au lundi matin (avenant n°1 du 2 novembre 2009 à l'accord du 6 avril 1998 relatif à l'organisation des équipes de suppléances)

L'accord prévoit une organisation du travail pour les équipes de suppléance intervenant « pendant le ou les jours de repos accordés aux équipes de semaine, soit du vendredi soir 19h55 au lundi matin 6h00 » (article 2.1).

Cette organisation distingue :

- l'équipe week-end de jour travaillant le samedi de 5h55 à 19h et le dimanche de 6 h à 19h, dont le salaire de base est majoré de 50 % ;

- l'équipe week-end de nuit travaillant le vendredi de 19h55 à 6h et les samedi et dimanche de 18h55 à 6h, dont le salaire de base est majoré de 58 %.

En outre, une prime complémentaire de 50 euros brut est accordée à tout salarié travaillant habituellement en semaine, pour chaque week-end de jour travaillé (samedi et dimanche) en équipe de suppléance.

Après analyse de ses bulletins de paie, de ses feuilles d'heures et des tableaux récapitulatifs établis par l'employeur sur la base des bulletins de paie, il apparaît que M. [V] travaille en semaine le jour et le week-end en équipe de suppléance de jour ou de nuit. Il ne travaille jamais la nuit la semaine (entre le lundi et le jeudi). Il travaille régulièrement de nuit le week-end.

Ne travaillant pas la nuit en semaine, que ce soit de manière habituelle ou exceptionnelle, il n'entre pas dans le champ d'application de l'accord relatif à l'organisation du travail de nuit du 2 novembre 2009 applicable uniquement aux salariés travaillant la nuit du lundi au jeudi et ne saurait donc prétendre aux majorations de salaire pour travail de nuit prévues par cet accord.

Il convient à cet égard d'observer que la rémunération des cinq minutes de travail effectuées entre 5h55 et 6h00, soit en horaire de nuit, par les salariés travaillant en équipe du matin (5h55 - 13h00) durant la semaine, est prévue par l'accord sur le travail de jour du lundi au vendredi (majoration de 20 % du salaire de base) et non par l'accord sur le travail de nuit du lundi au jeudi, ce qui démontre bien que ces deux accords s'appliquent à des situations différentes.

En outre, M. [V] bénéficie déjà des majorations de salaire correspondant à sa situation, c'est-à-dire à celle d'un collaborateur travaillant de jour et régulièrement en équipe de suppléance (le week-end) de nuit.

Ainsi, entre le mois d'avril 2013 et le mois de juin 2018, il a perçu :

- des majorations de salaire de 20 % pour son travail en semaine au titre des cinq minutes de travail effectuées entre 5h55 et 6h00 ,

- des majorations de salaire de 58 % au titre des nuits travaillées le week-end en équipes de suppléance,

- des majorations de salaire de 50 % au titre des jours travaillés le week-end en équipes de suppléance, outre la prime complémentaire de 50 euros pour chaque week-end de jour travaillé.

Faire droit au cumul sollicité de la majoration de salaire de 40 % et de la majoration de salaire de 58 % reviendrait à payer deux fois la majoration pour travail de nuit.

L'argument invoqué par M. [V] selon lequel son employeur aurait déjà fait application du cumul est inopérant dès lors qu'il ressort des explications de la société que cela résulte d'une erreur imputable au dysfonctionnement du logiciel de paie lors du transfert automatique des contrats de travail de la société Gemey Maybelline Garnier à la société Faproréal et que cette erreur a été régularisée sur la paie du mois suivant, soit le mois d'avril 2018.

M. [V] ne peut pas non plus se voir appliquer les dispositions de la convention collective des industries chimiques dans la mesure où il n'est concerné par aucune des hypothèses visées par son article 5, notamment pas celle des salariés effectuant exceptionnellement des heures de travail de nuit. Il ne saurait donc davantage prétendre aux majorations de salaire pour travail de nuit prévues par cet accord.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de sa demande de rappel de salaire au titre de la majoration de 40 % sera confirmé.

Sur l'inégalité de traitement

M. [V] sollicite, pour chaque week-end où il a travaillé de nuit, le versement de la prime complémentaire de 50 euros prévue par l'article 3.3 de l'accord relatif à l'organisation des équipes de suppléance du 2 novembre 2009. Il prétend que le versement de cette prime aux seuls salariés travaillant habituellement en semaine et ayant travaillé le week-end de jour constitue une « inégalité de traitement » au préjudice des salariés travaillant habituellement en semaine et ayant occasionnellement travaillé le week-end de nuit.

Le principe de l'égalité de traitement impose à l'employeur d'assurer une égalité de rémunération entre tous les salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L. 3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

Il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe de l'égalité de traitement de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération et il incombe ensuite à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

En l'espèce, la discussion porte sur l'application de l'article 3.3 de l'accord relatif à l'organisation des équipes de suppléance du 2 novembre 2009, lequel prévoit que tout salarié travaillant habituellement en semaine recevra une prime de 50 euros brut pour chaque week-end de jour travaillé (samedi et dimanche) dans le cadre de l'équipe de suppléance.

Comme le font justement valoir les sociétés intimées, les salariés travaillant le week-end de jour ne sont pas placés dans la même situation que ceux travaillant le week-end de nuit.

En effet, la durée du travail des salariés travaillant le week-end de nuit (29h10 de travail effectif et 32h15 de temps de présence) est différente de celle des salariés travaillant le week-end de jour (temps de travail effectif de 23h05 et temps de présence de 26h05), étant au demeurant observé que l'équipe week-end de nuit bénéficie d'une majoration de salaire de 58 % tandis que l'équipe week-end de jour bénéficie d'une majoration de salaire limitée à 50 %.

L'accord relatif à l'organisation des équipes de suppléance, qui a été signé par les organisations syndicales à l'issue d'une négociation et dont les dispositions ont été reprises à l'identique par l'accord de substitution du 15 novembre 2018, que M. [V] a lui-même signé en sa qualité de représentant du syndicat CFDT, a clairement désigné les bénéficiaires de la prime de 50 euros.

Enfin, conformément à l'article 3.3 de cet accord, il ressort de ses bulletins de paie, de ses feuilles d'heures et des tableaux récapitulatifs établis par l'employeur sur la base des bulletins de paie que M. [V] a systématiquement perçu cette prime de 50 euros chaque fois qu'il a travaillé le week-end de jour.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de sa demande de rappel de prime sera confirmé.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail

M. [V] considère que la société a exécuté son contrat de travail de manière déloyale. Il soutient que l'ancien DRH de l'usine Faprogi a déclaré à l'occasion d'une réunion de délégués du personnel et du comité d'établissement respectivement des 17 et 18 février 2016 que les salariés travaillant en équipe de suppléance de nuit devraient se voir appliquer, en plus de la majoration de 58 % prévue par l'accord relatif à l'organisation des équipes de suppléance, la majoration de 40 % prévue par l'accord relatif à l'organisation du travail de nuit pour les salariés travaillant exceptionnellement la nuit ; que son employeur n'a pas respecté l'engagement pris par M. [S], ancien DRH, de régulariser la situation des intéressés sur les trois dernières années. Il sollicite le versement de dommages-intérêts à hauteur de 8 000 euros en réparation du préjudice subi du fait du comportement déloyal de l'employeur qui n'a finalement pas procédé à cette régularisation.

Si les sociétés intimées admettent que l'ancien DRH de l'usine Faprogi a maladroitement laissé entendre, lors de la réunion des délégués du personnel du 17 février 2016, que la majoration pour travail en équipe de suppléance nuit et la majoration pour travail de nuit étaient cumulables et qu'une régularisation interviendrait, il ressort du compte-rendu que M. [S] a néanmoins indiqué aux délégués du personnel que « La question n'[était] pas encore complètement tranchée ».

La cour considère dès lors que ces déclarations n'étaient pas de nature à lier la société Gemey Maybelline Garnier, qui était d'ailleurs légitime à procéder à une étude plus approfondie de la question avant de s'engager pour l'avenir et pour un rattrapage de salaire concernant plusieurs salariés.

En outre, l'employeur justifie avoir apporté sa réponse définitive sur le sujet à l'occasion d'une réunion des délégués du personnel du 13 juin 2016 en indiquant : « Nous considérons qu'il n'y a donc pas lieu de majorer les heures de nuit des équipes de suppléance au-delà de la majoration de 58 % aujourd'hui pratiquée ».

Le compte rendu de cette réunion démontre que M. [V] n'a pu se méprendre sur la réponse apportée par la direction de l'entreprise :

« Monsieur [V] demande à la Direction si cela est sa réponse définitive.

Monsieur [S] répond que la réponse est strictement celle qu'il vient de relire ci-dessus ».

L'exécution déloyale du contrat de travail n'est ainsi pas démontrée.

Le jugement entrepris qui a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts sera confirmé.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

M. [V], qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à chacune des sociétés intimées une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [U] [V] à payer à la société Faproréal la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article'700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [U] [V] à payer à la société Gemey Maybelline Garnier la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article'700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [U] [V] de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE M. [U] [V] aux dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03974
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/03974 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;17.03974 ?
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