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21/11/2019 | FRANCE | N°16/05606

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 21 novembre 2019, 16/05606


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 NOVEMBRE 2019



N° RG 16/05606 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RE7G



AFFAIRE :



[M] [E]





C/

Société WIPRO LIMITED









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 14/03718

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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Anne LEJEUNE



Me Sarahda MUSTAPHA







le :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 NOVEMBRE 2019

N° RG 16/05606 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RE7G

AFFAIRE :

[M] [E]

C/

Société WIPRO LIMITED

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : F 14/03718

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Anne LEJEUNE

Me Sarahda MUSTAPHA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [E]

né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentant : Me Elodie ROBERT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0375 - Représentant : Me Anne LEJEUNE, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 323

APPELANT

****************

Société WIPRO LIMITED

N° SIRET : 439 498 536

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Sarahda MUSTAPHA, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D2182

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 Octobre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Hélène PRUDHOMME, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sophie RIVIERE,

Le 12 avril 2010, M. [M] [E] était embauché à compter du 5 juillet 2010 par la société Wipro Limited en qualité de business development manager (statut cadre) par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective de Syntec. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de « senior account manager » et gérait les comptes Orange et SFR.

Dans ses conclusions, le salarié soutient que, lors d'une rencontre informelle du 2 septembre 2014, la directrice des ressources humaines de l'entreprise lui avait proposé une rupture amiable de son contrat de travail en raison des perspectives de croissance limitée sur le secteur des télécoms. La société indique quant à elle dans ses écritures qu'elle envisageait de lui confier le compte « Société Générale » mais que le salarié souhaitait un départ amiable.

M. [E] était en arrêt maladie du 29 octobre au 07 novembre 2014, du 11 au 21 novembre 2014 puis à compter du 08 décembre 2014 sans interruption.

Par lettre du 02 décembre 2014, la société formalisait une proposition de gestion de compte de la Société Générale. Par lettre du 08 décembre 2014, le salarié dénonçait la mauvaise foi de son employeur, ce qui était contesté par l'employeur le 10 décembre 2014. Le 19 décembre 2014, le salarié contestait de nouveau les affirmations de son employeur.

Le 22 décembre 2014, M. [M] [E] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre d'une demande de résiliation de son contrat de travail en invoquant quatre manquements : une exécution déloyale du contrat de travail, la violation des dispositions légales relatives au licenciement économique, le non-respect de l'obligation de résultat en matière de santé et de sécurité du salarié et l'irrégularité de la convention de forfait-jours.

Le 14 septembre 2015, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement. Le 29 septembre 2015, il lui notifiait son licenciement pour faute grave.

Une seconde procédure était dès lors introduite devant le conseil de prud'hommes pour contester cette mesure de licenciement. Le 27 juin 2017, un sursis à statuer était prononcé dans l'attente de l'issue de la précédente procédure.

Vu le jugement du 14 novembre 2016 rendu en formation départage par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- ordonné la résiliation du contrat de travail entre M. [M] [E] et la société Wipro Limited à la date du 29 septembre 2015, date de son licenciement ;

- dit que la résiliation doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné en conséquence la société Wipro limited à verser à M. [M] [E] les sommes de :

- 27 177 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 2 717,70 euros au titre des congés payés afférents,

- 15 601,606 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 28 avril 2015

- 43 838,26 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; avec intérêts au taux légal à compter du jugement

- dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

- ordonné à la société Wipro limited la remise des documents sociaux conformes à la présente décision dans le délai de un mois à compter de la notification ;

- ordonné le remboursement par la société Wipro limited aux organismes concernés des indemnités de chômage versées à M. [M] [E] du jour de son licenciement à ce jour, à concurrence d'un mois dans les conditions prévues à l'article L123 5-4 du code du travail et dit que le secrétariat greffe en application de l'article RI235-2 du code du travail adressera à la direction générale de Pôle emploi une copie certifiée conforme du jugement en précisant si celui-ci a fait ou non l'objet d'un appel ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la société Wipro limited à verser à M. [M] [E] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire sur le fondement de l'article 515 du code de procédure civile;

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 9 059 euros ;

- condamné la société Wipro limited aux dépens.

Vu la notification de ce jugement le 14 novembre 2016

Vu l'appel interjeté par M. [M] [E] le 14 décembre 2016.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [M] [E], notifiées le 03 septembre 2019 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- confirmer le jugement de départage rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre en ce qu'il a :

- ordonné la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [M] [E] et la société Wipro Limited à la date du 29 septembre 2015, date de son licenciement pour faute grave ;

- dit que la résiliation judiciaire doit avoir les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Statuant à nouveau,

- fixer la moyenne de la rémunération de M. [M] [E] des douze derniers mois à :

- A titre principal, à la somme de : 9 868 euros brut mensuel ;

- A titre subsidiaire, à la somme de : 9 059,59 euros brut mensuel ;

- constater les manquements graves de la société Wipro Limited dans l'exécution du contrat de travail de M. [M] [E], pour exécution déloyale du contrat, violation des dispositions légales relatives au licenciement économique, violation de l'obligation de résultat de santé et de sécurité du salarié et irrégularité de la convention de forfait jours ;

- prononcer la nullité de la convention de forfait 218 jours de M. [M] [E] ;

- débouter la société Wipro Limited de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions et notamment celles reconventionnelles liées à ses demandes de remboursements totalement infondées, de dommages et intérêts pour procédure abusive, d'indemnité au titre de l' article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

En conséquence,

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] la somme de :

- A titre principal, 29 604 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 2 960,40 euros au titre des congés payés sur préavis.

- A titre subsidiaire, 27 179,37 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la somme de 2 717,94 euros au titre des congés payés sur préavis.

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] la somme de :

- A titre principal, 16 944,89 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- A titre subsidiaire, 15 602,97 euros à titre d'indemnité de licenciement.

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail, incluant les dommages et intérêts pour : exécution déloyale du contrat de travail, violation de l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur et violation des dispositions légales en matière de licenciement économique, la somme de :

- A titre principal, 236 832 euros représentant vingt-quatre mois de salaires.

- A titre subsidiaire, 217 435 euros représentant vingt-quatre mois de salaires.

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] à titre d'indemnité pour travail dissimulé, en raison de la nullité de la convention de forfait, la somme de :

- A titre principal 59 208 euros

- A titre subsidiaire 54 359 euros

Et si par extraordinaire, la cour de céans ne prononçait pas la nullité de la convention de forfait de M. [M] [E] mais l'estimait seulement privée d'effet :

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] une indemnité pour exécution déloyale de son contrat de travail de 6 mois de salaire, soit la somme de :

- A titre principal, 59 208 euros

- A titre subsidiaire, 54 359 euros

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] la somme 8 782,92 euros bruts à titre de rappels de rémunération variable au titre de l'année 2013.

- condamner la société Wipro Limited à payer à M. [M] [E] la somme 30 942,66 brut à titre de rappels de rémunération variable au titre de l'année 2014.

- condamner la société Wipro Limited à délivrer à M. [M] [E] l'ensemble des documents de fin de contrat conformes à l'arrêt à intervenir sous peine d'astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de sa notification.

- condamner la société Wipro Limited à verser à M. [M] [E] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en cause d'appel.

- condamner la société Wipro Limited aux entiers dépens.

- dire que les sommes allouées à M. [M] [E] donneront lieu à l'application de l'intérêt légal en sa qualité de créancier particulier, calculé par anatocisme, à compter de la saisine.

- condamner la société Wipro Limited à verser à M. [M] [E] la somme de 2 274,40 euros (2 927,17 euros-652,77 euros) au titre de rappel des intérêts sur l'exécution du jugement de première instance notifié le 05 décembre 2016.

- ordonner la déduction des sommes déjà perçues au titre du jugement de première instance des condamnations à intervenir.

Vu les écritures de l'intimée, la société Wipro Limited, notifiées le 28 février 2018 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement de départage en ce qu'il a jugé que la demande de résiliation judiciaire de son contrat par M. [E] était justifié ;

- de confirmer le jugement de départage en ce qu'il a débouté M.[E] de ses autres demandes relatives à la nullité de la convention de forfait jours, à l'indemnité pour travail dissimulé, au rappel de rémunération variable, de rappel de jours de congés payés ;

Statuant à nouveau :

- dire et juger que la société Wipro n'a commis aucun manquement à l'égard de M. [E] ;

- dire et juger que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail par M. [E] n'est pas justifiée ;

- dire et juger que M. [E] a été rempli de ses droits au titre de sa rémunération variable pour l'exercice 2013/2014 et 2014/2015.

En conséquence :

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [E] aux dépens ;

Subsidiairement, si la cour devait confirmer le jugement de 1ère instance, il lui est demandé de retenir un salaire mensuel brut moyen de référence de 8 226,78 euros et, en conséquence, d'ordonner à M. [E] de rembourser à la société Wipro le différentiel suivant dès lors que cette dernière a réglé certaines condamnations au titre de l'exécution provisoire sur la base d'un salaire mensuel moyen brut erroné de « 9 059 euros » au lieu de « 8 226,78 euros » :

- 2 496,66 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 433,26 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 3 399,58 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En tout état de cause, et à titre reconventionnel :

- condamner M. [E] à verser à la société Wipro la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Vu l'ordonnance de clôture du 16 septembre 2019.

SUR CE,

Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail :

Sur le fondement des articles 1217 et 1224 du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation ; tout salarié, y compris un salarié protégé, notamment pour le non-respect des exigences dues à son mandat, est recevable à demander devant le conseil des prud'hommes, la résiliation de son contrat de travail. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :

[M] [E], qui exerçait au sein du pôle Telecom et avait pour client les comptes SFR et Orange, reproche à son employeur de ne plus lui avoir fourni de travail dès lors que des négociations ont été entamées pour parvenir à une rupture négociée de son contrat de travail, soit à compter du 2 septembre 2014 ; il expose que ce n'est que le 2 décembre 2014, malgré de nombreuses demandes de sa part durant cette période, que la société Wipro Limited lui a proposé un poste d'account manager sur le secteur de la banque pour traiter le client Société Générale avec prise de poste 4 jours plus tard, soit à compter du 8 décembre 2014 ; il indique donc que la société Wipro Limited ne lui a plus fourni de travail pendant 3 mois, ce qui correspond à une mise au placard en l'absence de force majeure ou de circonstances particulières permettant à l'employeur de réduire ou d'interrompre temporairement l'activité.

La société Wipro Limited soutient que M. [E] instrumentalise son dossier, puisqu'il a, dans le cadre de sa demande de départ négocié, été en arrêt maladie entre le 29/10/2014 au 7/11/2014 prolongé jusqu'au 21/11/2014 et, qu'après son retour le 24/11/2014, l'employeur lui a confié, à compter du 8/12/2014, la gestion du compte Société Générale rattaché au pôle banque avec qualification et rémunération identiques et qu'il a reçu, à compter du 08/12/2014 jusqu'au 6/01/2015, un nouvel arrêt de travail du salarié qui a saisi durant ce laps de temps le conseil de prud'hommes le 22/12/2014 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Son arrêt de travail étant régulièrement prolongé, la société Wipro Limited a sollicité un contrôle médical du salarié et le 5 juin 2015, le médecin a conclu que l'arrêt de travail n'était plus médicalement justifié, sans que le salarié ne reprenne cependant son poste de travail de sorte que l'employeur a engagé une procédure de licenciement pour abandon de poste.

Il ressort des documents versés que, début septembre 2014, les parties ont discuté d'une éventuelle rupture conventionnelle du contrat de travail de M. [E] sans qu'il soit nécessaire de savoir qui est à l'origine de la proposition ; la présentation faite par M. [E] de la négociation entre les parties dans son mail du 9/10/2014 ne repose que sur ses affirmations (pièce 7 du salarié) et était contestée le 16/10/2004 par la société Wipro Limited (pièce 2 de l'employeur) ; elle ne peut donc être tenue comme justificatif de preuve.

Dans ce mail, M. [E] affirmait cependant « j'ai transféré mes dossiers à [K] [W] afin que la cessation de mon activité ne porte pas préjudice à Wipro ». Il ne ressort pas de cette affirmation que la société Wipro Limited ait demandé à M. [E] d'effectuer un tel transfert que celle-ci conteste absolument. D'ailleurs, le salarié ne verse aucune directive émanant de son employeur allant en ce sens.

Le 17 octobre 2014, M. [E] se disait disponible pour rencontrer la direction des ressources humaines « à mon retour de congés dès lundi » ; cette rencontre était effective le 23 octobre 2014 et le 29/10/2014, M. [E] était en arrêt de travail pour maladie jusqu'au 21/11/2014.

À compter du 24/11/2014, M. [E] était à nouveau dans l'entreprise et le 2/12/2014, la société Wipro Limited l'affectait pour le 8/12/2014 dans un nouveau pôle avec qualification et rémunération identiques.

Il ressort de cette chronologie que contrairement à ce qu'affirme M. [E], il n'est pas démontré que la société Wipro Limited ne lui a pas fourni de travail pendant 3 mois à partir du 2 septembre 2014 comme affirmé par lui, alors que leurs relations se situaient dans le cadre d'une négociation pour rupture conventionnelle et qu'à aucun moment durant cette période, M. [E] n'a reproché à son employeur une absence de fourniture de travail ; le salarié a été en situation d'arrêts pour congés et pour maladie aux longues périodes décrites et dès qu'il a été en capacité de travailler, la société Wipro Limited l'a affecté dans le pôle banque, puisque le salarié avait « transféré ses dossiers (du pôle Telecom) à M. [W] » ; ainsi, et contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. [E] ne justifie nullement de l'inexécution grave et fautive de l'employeur au titre de la fourniture de travail pendant une période de 3 mois.

Sur la violation des dispositions légales relatives au licenciement économique :

[M] [E] expose qu'après son départ de l'entreprise, son poste de travail n'a pas été remplacé de sorte que, dès le 2 septembre et le début de la négociation en vue de son départ amiable, il était invoqué une perspective de croissance limitée au sein du secteur des Télécoms, justifiant qu'un des deux commerciaux quitte l'entreprise ; d'ailleurs, il explique qu'il a été envisagé de l'affecter dans le pôle banque ce qui démontre que la proposition de rupture amiable qui lui a été faite était animée par un motif économique, ce qui constitue un détournement de la législation sur le licenciement économique.

La société Wipro Limited conteste avoir mis en 'uvre contre ce salarié un licenciement pour motif économique et c'est d'ailleurs parce que son poste de travail n'était pas supprimé que le salarié a saisi ea conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ; elle soutient également que la modification de son compte client entre dans le pouvoir de direction de l'employeur, les comptes orange et SFR n'étant pas contractuellement rattachés à M. [E].

En effet, la cour ne peut qualifier le changement de compte client du salarié engagé par la société Wipro Limited comme une reconnaissance d'un motif économique à la rupture amiable poursuivie par les parties à compter du 2 septembre 2014, et alors que l'emploi de M. [E] a été maintenu jusqu'à son licenciement pour faute le 29 septembre 2015, la société Wipro Limited n'a commis aucun détournement de la législation sur le licenciement économique et n'a pas supprimé son poste de travail en fin d'année 2014 comme prétendu par lui. Il convient de rejeter la contestation de M. [E] de ce chef.

Sur le non-respect de l'obligation de résultat en matière de santé et de sécurité :

[M] [E] indique que « très affaibli par le comportement cavalier de ses supérieurs hiérarchiques qui l'ont placé dans une expectative insupportable quant à son avenir au sein de l'entreprise », il a ressenti une « angoisse importante » et a fait l'objet d'un arrêt de travail le 8/12/2014 renouvelé sans cesse depuis : c'est la « perfidie de la défenderesse » qui a eu raison de son état de santé ; il reproche à la société Wipro Limited d'avoir failli à son obligation de résultat de santé et de sécurité, constituant un manquement grave entraînant le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

La société Wipro Limited expose qu'aucun salarié ne peut lui imposer une transaction alors qu'il a été confié à M. [E], à son retour d'arrêt maladie, un compte client et qu'elle doute de la réalité de l'état de santé de ce salarié qui a fait l'objet d'une contre expertise médicale au cours de laquelle le médecin n'a pu constaté les doléances du patient.

Alors que l'absence de signature de rupture conventionnelle ne peut être reprochée à aucune des parties, celles-ci étant libres de leur consentement à rupture conventionnelle, il n'apparaît pas que M. [E] justifie que son placement en arrêt maladie à compter d'octobre 2014, puis de façon continue à compter de décembre 2014, résulte de manquement de son employeur, malgré les expressions péremptoires par lui retenues dans ses écritures, et même si, à compter du 8 décembre 2014, son médecin traitant a mentionné comme cause de ses arrêts de travail : « conflit employeur/employé » puis le 6 janvier 2015 « stress, conflit au travail en attente changement de travail », puisque ces mentions résultent des seules déclarations du patient et, qu'en dehors du « stress », elles ne relèvent pas de constatations d'ordre médical que le médecin a faites, celui-ci s'étant borné à mentionner les doléances de M. [E] ; d'ailleurs, le 5 juin 2015, le contrôle médical diligenté par l'employeur a démontré que le médecin du travail n'avait pas validé médicalement la prolongation du dit arrêt alors que le médecin traitant a poursuivi la délivrance d'arrêts de travail ; ainsi, M. [E] ne justifie pas des manquements reprochés à son employeur ayant eu un impact sur sa santé personnelle.

Sur la nullité de la convention de forfait en jours :

M. [E] expose que la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis est nulle au motif que son contrat de travail mentionne qu'il relevait du statut des cadres dont le temps de travail est défini en jours, soit 218 jours en incluant la journée de solidarité et de la prise de la totalité des jours de congés légaux, et qu'il s'engageait à expressément respecter un repos minimum quotidien de 11 heures par jour et un repos hebdomadaire de 35 heures. Il était mentionné que l'organisation de son travail ferait l'objet d'un suivi régulier avec la hiérarchie afin que la durée minimale de repos quotidien soit respectée et que le nombre de jours travaillés ne soit pas dépassé ; en cas de surcharge de travail, le salarié devrait informer dès que possible sa hiérarchie. Les bulletins de salaire de M. [E] mentionnaient que la relation de travail était soumise à la convention collective Syntec. Il affirme que cette convention de forfait ne respecte pas plus la réglementation européenne, la convention collective Syntec est trop imprécise sur le contrôle de la durée de travail, il ne pouvait être soumis à une telle convention du fait de son absence d'autonomie dans son temps de travail, l'employeur n'ayant pas organisé un entretien annuel d'évaluation de ce temps de travail et enfin, il avait été omis de mentionner les dispositions de l'article L. 3121-48 du code du travail.

La société Wipro Limited retient que pendant plus de 4 ans, M. [E] a travaillé sous ce régime sans faire valoir de critiques et qu'il n'a pas contesté qu'il bénéficiait d'une grande autonomie dans la réalisation de sa prestation de travail, le montant de son salaire en justifiant. Elle affirme que chaque année, le salarié a été reçu par sa hiérarchie pour faire le point sur l'année écoulée et les perspectives sur l'année suivante, entretien durant lequel avait été évoquée son organisation de travail. Enfin, elle indique que le dispositif du forfait jour n'a pas été imposé au salarié qui avait accepté le contrat de travail et les mentions y figurant permettaient l'imputation hebdomadaire du temps passé au travail de sorte que l'article L. 3121-48 du code du travail est inapplicable en l'espèce.

L'article L 3121-39 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2008-789 du 20 août 2008 applicable au litige dispose que : « La conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions. »

L'article L 3121-40 du même code précise que : « La conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié. La convention est établie par écrit ».

Enfin, il ressort de l'article L 3121-46 que « Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié ».

Il apparaît des mentions portées à la relation de travail que le contrat de travail était soumis à la convention collective Syntec. Au nom du droit à la santé et au repos du salarié, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximes de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires. Or, les dispositions de l'article 4 de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, pris en application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail du salarié et donc à assurer la protection de la sécurité et de la santé de ce dernier. Le 1er avril 2014, un avenant modifiant les conditions d'attributions du forfait en jours était signé par les partenaires sociaux pour modifier cette convention collective Syntec et mentionne la nécessité de rencontrer le salarié au minimum deux fois par an afin de veiller à sa santé et à sa sécurité. Néanmoins, il n'est pas justifié que la société Wipro Limited ait appliqué ces nouvelles dispositions à son salarié en lui faisant signer un avenant l'en informant.

De plus, il n'est pas plus justifié que l'employeur ait vérifié régulièrement, et même une fois par an, l'adéquation entre la charge de travail de ce salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale lors d'entretiens annuels dont aucun n'est produit par les parties de sorte que, dans ces conditions, la convention de forfait en jours appliquée à M. [E] doit être déclarée nulle.

Néanmoins,, si la cour prononce la nullité de la convention de forfait en jours, il apparaît que M. [E] ne démontre pas que le calcul de son temps de travail en découlant lui a causé un préjudice puisqu'il ne prétend pas avoir fait des heures de travail qui ne lui auraient pas été rémunérées de sorte que la seule signature d'une convention de forfait jour nulle ne constitue pas un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail ;

En conséquence, le salarié ne justifie d'aucun manquement suffisamment grave ayant empêché la poursuite du contrat de travail de sorte que la cour le déboute de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Il convient d'infirmer de ce chef le jugement entrepris.

Il convient de débouter M. [E] de toutes ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail. Le jugement sera également infirmé de ces chefs.

Sur les conséquences :

Sur la demande de reliquat au titre de la rémunération variable :

M. [E] indique qu'il percevait, en sus de sa rémunération fixe, une rémunération variable suivant les objectifs qui lui étaient fixés chaque année ; il reproche à son employeur de lui avoir remis tardivement les dits objectifs et de lui avoir notifié des documents qui n'étaient pas rédigés en français. La société Wipro Limited reconnaît ce léger retard mais maintient que les objectifs n'ont pas été atteints et que le salarié n'a fait part d'aucune objection pendant l'exécution du contrat de travail, qu'il a lui-même signé son plan bonus tardivement, qu'il ne prétend pas qu'il a atteint les objectifs fixés. Elle soutient que la sanction de ce manquement ne peut résider dans la condamnation de l'employeur au paiement de la prime qui aurait été due si 100 % des objectifs avaient été atteints et sollicite la confirmation du jugement entrepris à ce titre.

En ce qui concerne la langue de notification des objectifs, effectivement, cette lettre est rédigée en anglais, mais le contrat de travail, rédigé en anglais et en français, mentionne que la maîtrise de l'anglais et du français à l'écrit et à l'oral est essentielle pour l'accomplissement des fonctions ; M. [E] ne justifie ainsi d'aucun préjudice, alors qu'il effectuait une partie de son travail en anglais et qu'il ne prétend même pas ne pas avoir compris les objectifs ainsi notifiés.

Pour la période 2013-2014, la période de référence était du 01/04/2013 au 31/03/2014, M. [E] a reçu sa lettre d'objectifs le 17/07/2013 soit 3,5 mois après le début de la période de référence, cette lettre lui précisant qu'à objectifs atteints à 100 %, il aurait une rémunération de 36 804 euros ; il expose qu'ayant perçu 28 021,08 euros entre septembre 2013 et juillet 2014 pour cette période, la société Wipro Limited doit être condamnée à lui verser le reliquat soit 8 782,92 euros. L'employeur ne conteste pas cette notification tardive de sorte que la somme totale de la rémunération variable doit lui être allouée.

Pour la période suivante 2014-2015, la période de référence étant du 01/04/2014 au 31/03/2015, la société Wipro Limited lui a remis sa lettre d'objectifs encore plus tardivement puisqu'elle date du 11 août 2014, soit 4,5 mois après le début de la période visée, pour reprendre qu'à objectifs atteints à 100 %, il aurait une rémunération de 36 804 euros. Le salarié indique que la société Wipro Limited lui a versé la seule somme de 5 861,34 euros en novembre 2014 à ce titre et réclame paiement du surplus soit 30 942,66 euros ; il ne conteste pas plus ne pas avoir atteint ses objectifs ; néanmoins, et comme le fait remarquer l'employeur, le salarié était en arrêt maladie en octobre, novembre 2014 puis à compter de milieu décembre 2014 pour ne plus reprendre son travail par la suite ; si l'ensemble de la rémunération était due au regard de la notification tardive des objectifs, il convient cependant d'en proratiser le montant au regard de la présence du salarié à son poste de travail, soit la somme de 12 540,66 euros.

Il convient d'infirmer le jugement entrepris de ce chef.

sur l'indemnité pour travail dissimulé et nullité du forfait jours :

M. [E] réclame la condamnation de la société Wipro Limited à lui verser une indemnité pour travail dissimulé ;

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié. Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire. L'article L.8221-5, 2° du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Néanmoins, à défaut pour M. [E] de même prétendre avoir fait des heures supplémentaires qui n'auraient pas été rémunérées par l'employeur, il ne peut avoir droit à percevoir l'indemnité pour travail dissimulé prévue par les articles ci-dessus mentionnés, le caractère intentionnel du délit de travail dissimulé ne pouvant résulter de la seule application d'une convention de forfait illicite à la relation de travail.

M. [E] expose qu'au cas où la cour ne prononcerait pas la nullité de la convention de forfait, il sollicite subsidiairement la condamnation de son ancien employeur au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail. La cour retenant le caractère illicite de la convention de forfait, il ne peut être fait droit à cette demande subsidiaire. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société Wipro Limited :

La société Wipro Limited reprend sa demande de condamnation de M. [E] à lui verser la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, lui reprochant sa mauvaise foi au regard de la nécessaire connaissance qu'il a du caractère infondé de ses prétentions et de l'atteinte à l'image de la société en tronquant la réalité de sa situation au sein de l'entreprise, sa procédure s'inscrivant dans une démarche purement mercantile.

Néanmoins, la cour rappelle que seul celui qui agit de manière abusive ou dilatoire peut être condamné au titre de l'article 32-1 du code civil et que l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive ; il convient de débouter la société Wipro Limited de sa demande. Et de confirmer le jugement entrepris.

Sur les intérêts :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation.

Cet intérêt étant celui attaché à la qualité de particulier de M. [E] et nullement en qualité de professionnel.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de M. [E] ;

La demande formée par la société Wipro Limited au titre des frais irrépétibles en cause d'appel sera accueillie, à hauteur de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement

Infirme le jugement entrepris sauf en celles de ses dispositions ayant débouté M. [E] de sa demandes au titre de l'indemnité pour travail dissimulé et la société Wipro Limited au titre de la procédure abusive, elles confirmées

et statuant à nouveau des chefs infirmés

Déboute M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et de ses demandes subséquentes au titre de la rupture du contrat de travail

Annule la convention de forfait jours mentionnée dans le contrat de travail

Condamne la société Wipro Limited à régler à M. [E] la somme de 21 323,58 euros au titre de la rémunération variable avec intérêts au taux légal comme défini ci-dessus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation

Déboute M. [E] de toutes ses demandes de dommages et intérêts

Condamne chacune des parties par moitié aux dépens de première instance et d'appel ;

Laisse à chacune d'elles la charge de ses frais irrépétibles exposés durant les deux instances.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIÈRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIERLe PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05606
Date de la décision : 21/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°16/05606 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-21;16.05606 ?
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