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20/11/2019 | FRANCE | N°16/02321

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 20 novembre 2019, 16/02321


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES













19e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 NOVEMBRE 2019



N° RG 16/02321



AFFAIRE :



[B]-[R] [G]





C/



SARL CISCO SYSTEMS FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : F14/01978


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Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me Agnès LASKAR



AARPI SESAME AVOCATS



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dan...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 NOVEMBRE 2019

N° RG 16/02321

AFFAIRE :

[B]-[R] [G]

C/

SARL CISCO SYSTEMS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Février 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : F14/01978

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Agnès LASKAR

AARPI SESAME AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [B]-[R] [G]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Assisté de Me Agnès LASKAR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0710

APPELANT

****************

SARL CISCO SYSTEMS FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Sébastien DUCAMP de l'AARPI SESAME AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L052, substitué par Me Héloïse DE LACHESNAIS, avocat au barreau de Paris, vestiaire L052

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2019, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Luc LEBLANC, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Marie-Laure BOUBAS, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

FAITS ET PROCÉDURE :

Monsieur [B]-[R] [G] a été engagé par la société Cisco Systems France, par contrat à durée indéterminée à compter du 29 juillet 2007, en qualité d'Ingénieur Commercial Junior, statut Cadre, coefficient 130 suivant la Convention Collective des Bureaux d'Etudes Techniques, Cabinets d'Ingénieurs-Conseils, Sociétés de Conseil dite SYNTEC.

Ses fonctions ont évolué et au dernier état de la relation de travail, Monsieur [G] travaillait en qualité de Responsable Commercial Partenaire, statut Cadre, coefficient 170 suivant la Convention Collective.

En tant que Responsable Commercial Partenaire, Monsieur [G] avait en charge l'approche et la fidélisation commerciales de comptes partenaires, en vue de la réalisation d'opportunité de ventes de matériels, de logiciels, de services Cisco.

Au sein de la Société comme du groupe Cisco, l'année fiscale N débute autour du 1 er août de l'année N-1 et s'achève le 31 juillet de l'année N.

La relation de travail s'est déroulée sans difficulté apparente jusqu'à l'année 2014.

Le 19 mars 2014, Monsieur [G] s'est porté volontaire à un départ dans le cadre d'un Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE), indiquant dès cette date qu'il s'orientait vers l'option « Emploi en qualité de CDI ».

Le processus n'a pas abouti concernant Monsieur [G].

Le 18 juin 2014, il a adressé un email à Madame [K], listant toute une série de griefs à l'encontre de son employeur.

Le 18 juillet 2014, Monsieur [G] s'est vu notifier de manière définitive l'impossibilité pour la Société de valider sa candidature au départ, après bilan fait auprès de la Commission Paritaire de Suivi.

Par courrier en date du 6 août 2014, Monsieur [G] a pris acte de la rupture de son contrat de travail pour les motifs suivants :

- Tardiveté de remise des objectifs et perte de rémunération y afférente,

- Fixation d'objectifs inatteignables,

- Redistribution des comptes de façon arbitraire mi-juillet,

- Difficultés au niveau du management de l'équipe,

- Non-respect du PSE.

Il a saisi le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt le 26 novembre 2014 aux fins de voir produire à sa prise d'acte les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 11 février 2016, auquel il convient de se reporter pour l'exposé des faits, moyens et prétentions des parties, le Conseil de prud'hommes a:

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Monsieur [G] devait produire les effets d'une démission ;

- condamné Monsieur [G] à payer à la Société la somme de 24.561 euros au titre de l'indemnité de préavis ;

- dit et jugé que la Société restait redevable envers Monsieur [G] des sommes suivantes au titre de la rémunération variable pour l'exercice fiscal 2013/2014 :

o 16.644,07 euros à titre de rappel de salaire ;

o 1.664,40 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamné la Société à verser à Monsieur [G] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [G] a interjeté appel de cette décision le 4 avril 2016.

Au terme de ses conclusions soutenues à l'audience du 27 septembre 2019, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, Monsieur [G] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Boulogne en date du 11 février 2016 sur la prise d'acte;

-Fixer la moyenne des salaires bruts de Monsieur [G] à 8.090,90€;

-Juger que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse;

-Condamner la Société CISCO à payer à Monsieur [B]-[R] [G] :

- Indemnité compensatrice de préavis :24.272,70 €,

- Indemnité de Congés Payés sur préavis : 2.427,27 €,

- Indemnité de Licenciement : 21.573,73 €,

- Indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse : 80.000,00 €,

- Rappel de rémunération variable : 45.536,00 €,

- Congés payés sur rémunération variable :4.553,60 €,

- Dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail:40.000,00 €,

- Article 700 : 2.500,00 €,

-Le tout avec intérêts capitalisés depuis la saisine du Conseil,

-Condamner CISCO aux dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Agnès Laskar sur le fondement de l'article 699 du Code de Procédure Civile.

Au terme de ses dernières conclusions auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé des moyens, la société CISCO SYSTEMS FRANCE demande à la cour de :

A titre principal :

-Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a dit que la prise d'acte de Monsieur [G] devait s'analyser en une démission ;

-Infirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt en ce qu'il a condamné la Société à un rappel de salaire sur rémunération variable ;

En conséquence,

-Débouter Monsieur [G] de sa demande en requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-Condamner Monsieur [G] à verser à la Société la somme de 24.561,00 euros correspondant aux trois mois de préavis dont il lui est redevable ;

-Condamner Monsieur [G] à la somme de 1 euro symbolique à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

-Condamner Monsieur [G] à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

A titre subsidiaire :

-Ramener les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [G] au titre de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, à de plus justes proportions.

En tout état de cause :

-Ramener les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [G] à de plus justes proportions ;

-Débouter Monsieur [G] de sa demande en rappel de rémunération variable ;

-Débouter Monsieur [G] de sa demande au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

-Débouter Monsieur [G] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'affaire a été plaidée le 27 septembre 2019.

L'affaire a été mise en délibéré au 20 novembre 2019.

MOTIFS :

Les demandes des parties tendant à voir « dire et juger » ou « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne donneront pas lieu à mention dans le dispositif.

Sur la prise d'acte:

Aux termes des dispositions de l'article L.1231-1 du Code du travail, le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative du salarié.

En cas de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur.

En l'espèce, Monsieur [G] reproche à son ancien employeur plusieurs griefs:

1) Sur la remise tardive d'objectifs:

Monsieur [G] fait valoir que la société qui décidait unilatéralement de la fixation de la rémunération variable, a manqué à son obligation en ne lui communiquant pas ses objectifs en début d'exercice.

Il précise que tant que les objectifs ne sont pas connus il ne peut rien percevoir au titre de la rémunération variable, ce qui a une incidence importante puisque la part variable de sa rémunération représente au moins 50% de sa rémunération.

S'agissant de l'année 2013/2014, il ajoute qu'il n'a pu être éligible au dernier Q1 Fast Start SPIFF c'est-à-dire qu'il n'a pu bénéficier du bonus de 8.000 $ pour ceux qui rendent leurs objectifs rapidement.

Monsieur [G] précise que la transmission tardive des objectifs empêche toute discussion avec l'employeur, notamment sur leur réalisation.

Il en déduit que la société doit être condamnée à lui verser l'intégralité de la somme prévue au titre de la rémunération variable à objectifs atteints. Il ajoute que ce grief justifie à lui seul une prise d'acte.

La société conclut au rejet de ce grief et fait valoir que la jurisprudence invoquée par l'appelant au soutien de ses prétentions vise l'absence de communication d'objectifs aux salariés ou l'absence d'éléments permettant de déterminer la part variable, mais ne concernent pas les retards invoqués en l'espèce. Elle ajoute que si la jurisprudence a toujours évoqué la question de la communication des objectifs en « début d'exercice », elle n'a pas précisé la portée de cette notion, pas plus qu'elle ne s'est prononcée sur la notion de « prise de connaissance » de ses objectifs.

La société ajoute que son salarié n'était pas dans l'incertitude car la pratique interne en l'absence d'accords sur les objectifs à atteindre, était de se référer et de s'aligner sur les objectifs de l'année antérieure.

En l'espèce, le contrat de travail de Monsieur [G] prévoit:

« Article ' Rémunération - Gratification

2.1 : A partir du 24 novembre 2009 le salarié recevra en rémunération de son activité un salaire annuel brut de base de 41.700 € auquel s'ajouteront des commissions calculées sur objectif ce qui portera sa rémunération annuelle brute théorique à objectif atteint (OTE) à 83.400 € pour un nombre de 215 jours travaillés par an.

2.2 :En sus de cette rémunération fixe le salarié sera éligible à compter du 24 novembre 2009 au plan de rémunération variable « Channel Account Manager » (CAM).

Tout montant définitif sera géré par l'application des règles et des modalités du plan de rémunération qui vous sera transmis. »

La part variable de la rémunération prévue au contrat représente 50% et elle n'est pas limitée.

La période de référence est fixée du 1er août au 31 juillet de l'année suivante.

Monsieur [G] justifie de la transmission de ses objectifs de la manière suivante:

- Pour l'exercice du l'année fiscale débutant le 1er août 2013 au 31 juillet 2014 les objectifs ont été mis en réseau par la société Cisco Systems France le 18 novembre 2013,

- Pour l'exercice du 1er août 2012 au 31 juillet 2013, les objectifs ont été intégrés dans le système le 18 janvier 2013 soit presque 6 mois après le début de l'exercice,

- Pour l'exercice du 31 juillet 2011 au 28 juillet 2012 les objectifs ont été intégrés dans le système par la société Cisco Systems France le 9 octobre 2011,

- Pour l'exercice du 1er août 2010 au 30 juillet 2011 les objectifs ont été intégrés dans le système le 17 septembre 2011,

- Pour l'exercice du 25 novembre 2009 au 31 juillet 2010, celui-ci se décompose en deux périodes puisque Monsieur [G] a changé de poste. Ainsi pour la période du 26 juillet 2009 au 24 novembre 2009 les objectifs ont été intégrés dans le système le 25 septembre 2009 et pour la période du 25 novembre 2009 au 31 juillet 2010 les objectifs ont été intégrés dans le système le 19 avril 2010, soit 5 mois après et 3 mois avant l'échéance,

- Pour l'exercice de Juillet 2008 à Juillet 2009, les objectifs ont été intégrés en février 2009.

Il est constant que la part variable de la rémunération dépend de la réalisation d'objectifs fixés unilatéralement par l'employeur, l'employeur qui n'a pas précisé au salarié les objectifs à réaliser ainsi que les conditions de calcul vérifiables est tenu au paiement intégral de cette rémunération.

Force est de constater en l'espèce que Monsieur [G] ne conteste pas avoir reçu ses objectifs, pas plus qu'il ne conteste la méthode utilisée pour le calcul de la rémunération variable. Il reproche à son employeur le retard dans la communication de ses objectifs.

S'il résulte des pièces produites par l'appelant, et non contestées par la société, que les objectifs ont été communiqués tardivement au salarié, laissant planer sur une certaine période une incertitude quant aux objectifs à atteindre; il apparaît que ce manquement n'a pas empêché la poursuite de la relation contractuelle puisque Monsieur [G] se plaint aujourd'hui de retards qui remontent pour les premiers à l'année fiscale 2008/2009.

De même, le salarié ne justifie d'aucun élément qui indiquerait qu'il a été privé d'une partie de sa rémunération en raison de ces retards.

Il ressort des mêmes éléments que ces retards se sont répétés tous les ans, qu'ils sont pour la plupart limités à un trimestre, mais que dans tous les cas ils n'ont pas empêché les parties de poursuivre la relation de travail.

En conséquence et au vu des circonstances de l'espèce, ce manquement ne présente pas un caractère de gravité suffisant pour justifier d'une prise d'acte.

2) Sur les objectifs inatteignables:

Il est constant que les objectifs doivent être réalistes et réalisables, la charge de la preuve de cette condition repose sur l'employeur.

Monsieur [G] fait valoir que les objectifs qui lui ont été attribués en 2013/2014 n'étaient pas atteignables. Il précise qu'il avait toujours atteint ses objectifs les années précédentes, mais que la modification de son portefeuille avec l'attribution de comptes semi-publics comme Radio France ou l'AFP avec un faible taux de développement ne pouvait que conduire à des difficultés quant à l'atteinte des objectifs fixés, et ce d'autant plus que la société lui avait assigné des objectifs avec un taux de croissance important de 40 % (produits) à 60% (services). Il ajoute que ces objectifs ont été portés à sa connaissance en novembre 2013, soit bien postérieurement à la période de référence.

Il s'oppose à l'argumentation de la société selon laquelle il aurait accepté ces objectifs. Il rappelle que ces objectifs sont fixés unilatéralement par l'employeur. Il indique que le système informatique mis en place par la société Cisco Systems France impose au salarié de faire une démarche informatique consistant à valider les informations transmises, en dehors de quoi il ne peut percevoir aucune rémunération variable.

La société conclut au débouté et fait valoir d'une part que le salarié a accepté les objectifs qui lui ont été fixés, qu'à défaut et comme c'est la pratique en interne, les objectifs de l'année précédente se seraient appliqués; elle ajoute au surplus, en détaillant les différents items des objectifs fixés pour l'année fiscale 2014, qu'ils ne s'appuient pas sur les mêmes items que ceux de l'année 2013; que dès lors la comparaison opérée par le salarié n'est pas probante, et qu'elle justifie d'une diminution en valeur des objectifs fixés à Monsieur [G].

Elle fournit également à titre de comparaison les éléments relatifs aux collègues de Monsieur [G] travaillant dans le même domaine d'activité, lesquels ont dépassé les objectifs sur les « produits » qui représentent 80 % du montant de la rémunération variable à objectifs atteints.

La société justifie que les objectifs fixés à Monsieur [G] en 2014 avaient en réalité diminué en valeur, qu'ils étaient en conséquence manifestement atteignables, que ses collègues n'ont quant à eux pas connu de difficulté à ce titre.

Ce grief n'apparaît pas caractérisé et ne saurait justifier d'une prise d'acte.

3) Modification unilatérale des comptes sans nouvelle attribution au moment du nouvel exercice:

Monsieur [G] fait valoir que son supérieur hiérarchique lui a retiré ses comptes lors de la réunion du 18 juillet 2014 après qu'il ait contesté la tardiveté des objectifs ainsi que les moyens de les atteindre.

La société fait valoir que c'est à tort que Monsieur [G] indique qu'il s'est retrouvé privé de ses comptes pour la prochaine année fiscale. Elle produit un courriel adressé par Monsieur [T], supérieur hiérarchique de Monsieur [G] qui lui écrit le 29 juillet 2014:

« [B]-[R],

La finalité, je l'ai clairement exprimée en séance. Nous intégrons 2 VSAM dans l'équipe pour alléger le nombre de comptes par AM (ceux qui ne sont pas surchargés), et ainsi permettre aux AM d'être plus proche des clients afin d'assurer une couverture plus efficace. Cette démarche que j'ai qualifiée d'offensive s'inscrit dans la stratégie de Cisco partagée lors des derniers all-hands par les représentants de la corp. Elle répond donc aux remontées des AM de l'équipe et à la direction prise par Cisco.

Tu n'es pas sans ignorer qu'une personne a quitté l'équipe. La question s'est donc posée de rééquilibrer les territoires afin de permettre une couverture plus efficace. (')

« J'ai pris soin de partager avec vous une direction en toute transparence et en rappelant que rien n'est finalisé. Je ne pouvais donc pas évoquer les noms des AM qui seront sur ces patchs pour la simple raison que rien n'est décidé. Tu dis t'interroger sur la raison de ton poste. Il me semble que tu es AM et que les territoires sont dissociés de la fonction, les comptes n'appartiennent pas aux AM. J'ajoute que l'équipe est actuellement composée de 6 AM pour 7 territoires (un poste AM disponible suite à un départ) et que le patch présenté est de 8 AM (8 territoires) et 2 VSAM (attachés à des territoires AM) (...) » .

« Il n'y a donc pas de raison objective à une quelconque inquiétude. Je suis à mon tour agacé par le ton de ton courriel alors que tu es resté silencieux en réunion, tu n'as pas exprimé ta motivation à prendre un des territoires présentés et tu fais preuve d'un certain mauvais esprit car au lieu de faire part d'un certain enthousiasme pour participer à ce challenge, tu as fait le tour de tes collègues pour dénoncer un retrait de comptes. Nous devons régler ce point à la rentrée et ton degré de motivation en général.

PS. Tu es parti en congé sans communiquer sur ton back-up, il y a des demandes en souffrance pour lesquelles je n'ai aucun élément à communiquer ' »

Il ressort des pièces communiquées que le service auquel appartenait Monsieur [G] se réorganisait suite au départ de deux collaborateurs, pour l'année fiscale suivante. Il ne résulte en aucun cas de ces échanges que Monsieur [G] ait été privé de son portefeuille; dans tous les cas l'appelant échoue à le démontrer et ce grief ne sera pas retenu.

4) Sur les difficultés de management:

Monsieur [G] fait valoir que des difficultés de management ont été constatées par toute l'équipe, que son manager Monsieur [T] créait des tensions et une mauvaise ambiance au sein du service, qu'il leur imposait une pression permanente.

Il produit au soutien de cet argument une étude interne de notation des managers.

Il produit également des courriels adressés par son manager les soirs, les week-ends ou encore pendant ses congés; courriels qui nécessitent une réponse ou qui critiquent son travail.

La société conclut au rejet de ce grief et fait valoir que l'étude « Customer Led Results » ne permet pas de caractériser une anomalie de fonctionnement dans le cadre du management de Monsieur [T].

S'agissant des courriels produits par l'appelant, la société conteste la lecture qui en est donnée par son ancien salarié et relève qu'il ne peut être reproché à la société de l'avoir fait travailler dans les conditions telles que décrites par Monsieur [G].

La lecture attentive des pièces produites par les parties et notamment celles des courriels litigieux ne permet pas de relever, contrairement aux affirmations de l'appelant, un comportement anormal du manager rendant les conditions de travail tellement difficiles qu'elles auraient justifié d'une prise d'acte. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

Ce grief n'est pas caractérisé.

5) Sur les anomalies du PSE:

Monsieur [G] fait valoir que certains de ses collègues à qualification équivalente ont pu partir de la société au moment du PSE, alors qu'on lui a refusé le bénéfice de ce dispositif. Il cite le cas de Madame [L] qui a été embauchée par une autre société et qui n'a pas eu à effectuer son préavis alors qu'il lui a été rémunéré.

La société conteste cette présentation, fait valoir que Monsieur [G] ne pouvait bénéficier du PSE car il ne faisait pas partie des salariés pouvant y prétendre. Monsieur [G] a été identifié comme appartenant à la catégorie P2, c'est-à-dire celle dont les postes n'étaient pas supprimés mais qui pouvait prétendre à un départ volontaire dès lors qu'un salarié de la catégorie P1 sollicitait une permutation au poste du salarié P2. Dans le cas de Monsieur [G], cela ne s'est pas concrétisé.

Le 18 juillet 2014, la commission paritaire a définitivement validé l'impossibilité d'appliquer à Monsieur [G] le PSE; ce dont la société justifie.

S'agissant de Madame [L], la société explique qu'elle a démissionné, ce qui est étranger au dispositif mis en place avec le PSE.

Dès lors, ce grief n'apparaît pas constitué.

* * *

Par conséquent, au vu des éléments produits par Monsieur [G], ne relevant pas d'un manquement imputable à la société Cisco Systems France, la prise d'acte de Monsieur [G] produit les effets d'une démission.

Il en résulte que le salarié est redevable d'une somme forfaitaire correspondant au montant de l'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté, soit la somme de 24.561 euros, pour un salaire de référence de 8.187 euros.

Le jugement attaqué sera confirmé sur ces deux points.

Sur la rémunération variable:

Monsieur [G] sollicite un rappel de rémunération variable à hauteur de 45.536 euros et les congés payés afférents, à 100% des objectifs atteints. Il fait valoir que la transmission tardive des objectifs doit conduire à la condamnation de son employeur à lui verser l'intégralité de la rémunération variable prévue au contrat.

La société s'oppose à cette argumentation et fait valoir que la jurisprudence avancée par Monsieur [G] vise les cas dans lesquels l'employeur n'a communiqué aucun objectif, que tel n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit seulement d'un retard, et que les objectifs lui ont été communiqués le 18 novembre 2013.

Il résulte des pièces produites et des développements précédents que si l'employeur a tardé à transmettre les objectifs, il l'a néanmoins fait, qu'aucun préjudice n'en est résulté pour le salarié, en tout cas il n'est pas démontré. Monsieur [G] sera en conséquence débouté de ce chef de demande; le jugement attaqué sera infirmé sur ce point.

Sur l'exécution déloyale du contrat de travail:

Il apparaît à la lecture du jugement de première instance, que le Conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé sur cette prétention.

Au vu des développements précédents, le salarié ne justifie pas d'une quelconque exécution déloyale du contrat de travail pas plus que d'un quelconque préjudice à ce titre.

Monsieur [G] sera en conséquence débouté de ce chef de demande.

Sur la demande reconventionnelle de la société au titre de la procédure abusive:

La société sollicite une indemnisation à hauteur de 1 euro symbolique pour procédure abusive.

La société ne démontre pas en quoi son ancien salarié aurait abusé de son droit d'ester en justice en relevant appel de la condamnation des premiers juges; dès lors, la société Cisco Systems France sera déboutée de cette demande.

Sur les demandes accessoires :

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il statue sur ces deux points.

Monsieur [B]-[R] [G], partie qui succombe à la présente instance, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Au regard de la solution du litige et de l'équité, Monsieur [R] [G] sera condamné à payer à la société Cisco Systems France la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure suivie en 1ère instance et en appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il octroie à Monsieur [B]-[R] [G] un rappel sur salaire variable au titre de l'exercice fiscal 2013/2014 ainsi que les congés payés afférents, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et laisse à chacune des parties la charge de ses dépens;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés, et y ajoutant,

Déboute Monsieur [B]-[R] [G] de l'ensemble de ses demandes;

Déboute la société Cisco Systems France de sa demande d'indemnité au titre de la procédure abusive;

Condamne Monsieur [B]-[R] [G] à payer à la société Cisco Systems France une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,

Condamne Monsieur [B]-[R] [G] aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Luc LEBLANC, président et par Madame POIRIER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 16/02321
Date de la décision : 20/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°16/02321 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-20;16.02321 ?
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