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14/11/2019 | FRANCE | N°19/01454

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 14 novembre 2019, 19/01454


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre











ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 14 NOVEMBRE 2019



N° RG 19/01454



N° Portalis DBV3-V-B7D-TB4O



AFFAIRE :



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS-DE-SEINE



C/



[P] [V]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 17-009

01/N





Copies exécutoires délivrées à :



la SELARL CABINET BURGEAT



Me Sonia POTIRON



Copies certifiées conformes délivrées à :



CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS-DE-SEINE



[P] [V]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 14 NOVEMBRE 2019

N° RG 19/01454

N° Portalis DBV3-V-B7D-TB4O

AFFAIRE :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS-DE-SEINE

C/

[P] [V]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 17-00901/N

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL CABINET BURGEAT

Me Sonia POTIRON

Copies certifiées conformes délivrées à :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS-DE-SEINE

[P] [V]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES HAUTS-DE-SEINE [Adresse 4]

[Localité 6]

représentée par Me Claude BURGEAT de la SELARL CABINET BURGEAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0001 - N° du dossier 8581

APPELANTE

****************

Monsieur [P] [V]

[Adresse 1]

[Localité 6]

comparant en personne, assisté de Me Sonia POTIRON, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 317

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/005270 du 04/09/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Olivier FOURMY, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,

Madame Caroline BON, Vice présidente placée,

Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,

M. [P] [V], de nationalité arménienne, est le père de trois enfants :

- [J], né le [Date naissance 3] 2004 à [Localité 7] (Arménie) ;

- [J], né le [Date naissance 2] 2005 à [Localité 7] (Arménie) ;

- [D], née le [Date naissance 5] 2011 à [Localité 8] (France).

Il serait entré, le 7 janvier 2008, sur le territoire français, avec sa femme et ses deux enfants mineurs, [J] et [J], en provenance des Pays-Bas, qui leur avaient refusé le droit d'asile.

Il est titulaire, depuis 2014, d'une carte de séjour temporaire portant la mention 'vie privée et familiale', avec la mention 'autorise son titulaire à travailler', délivrée au titre du 7e de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (ci-après, 'CESEDA').

Depuis le 26 février 2015, les enfants [J] et [J] bénéficient, chacun, d'un document de circulation pour étranger mineur, valable jusqu'au 25 février 2020.

Le 1er avril 2014, M. [V] a sollicité le bénéfice des prestations familiales pour ses trois enfants auprès de la caisse des allocations familiales des Hauts-de-Seine (ci-après, la 'CAF' ou la 'Caisse').

La Caisse lui a opposé un premier refus, le 25 septembre 2015.

Puis, par décision du 1er août 2016, la CAF a refusé de faire droit à sa demande au titre de ses deux premiers enfants, au motif qu'il ne démontre pas que ses deux enfants aînés sont rentrés de manière régulière sur le territoire français, soit par le biais de la procédure de regroupement familial, soit par la production de l'attestation délivrée par l'autorité préfectorale indiquant qu'ils sont entrés en France en même temps que leur père, titulaire d'une carte de séjour mention 'vie privée, vie familiale'.

M. [V] a saisi la commission de recours amiable de la CAF.

Dans le silence de cette commission, M. [V] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci, après, le 'TASS') par lettre du 28 avril 2017.

Par jugement rendu en date du 21 décembre 2018, le TASS a :

- dit que M. [P] [V] a le droit aux prestations familiales pour ses enfants [J] et [J] [V] à compter du 1er avril 2014, avec intérêt au taux légal à compter de cette date ;

- renvoyé M. [P] [V] devant la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine afin qu'il soit procédé à la liquidation de ses droits ;

- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- débouté M. [V] de toutes ses autres demandes ;

- condamné la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine à payer à Me Sonia Potiron la somme de 1 000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la présente décision.

La CAF a interjeté à deux reprises appel du jugement, par RPVA du 12 mars 2019 (RG 19/01454) et par courrier, reçu au greffe de la cour le 13 mars 2019 (RG 19/01693).

La CAF demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris ;

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes.

M. [V] sollicite la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le TASS le 21 décembre 2018 ;

Y ajoutant,

- dire et juger que les intérêts échus du capital produiront des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil;

Subsidiairement, 'à propos de la directive du 2011-98, (...) formule(r)auprès de la Cour de justice européenne la question préjudicielle suivante :

'Le principe d'égalité de traitement consacré par l'article 12 paragraphe 1 sous e) de la directive 2011-98 s'oppose-t-il à une réglementation telle que la réglementation Française en vertu de laquelle un travailleur d'un pays tiers, séjournant régulièrement en France, et autorisé à travailler, bénéficient des prestations familiales à condition de produire , pour les enfants qui sont à sa charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, soit un certificat de contrôle médical de l'enfant délivré à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ou d'une attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses deux parents admis au séjour, en application de l'article D 512-2 du code de la sécurité sociale''  ;

Et y ajoutant,

- condamner la CAF au paiement de la somme de 2 000 euros au profit de Me Sonia Potiron au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 correspondant aux frais que M.[V] aurait exposés devant la cour d'appel s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS

Sur la jonction:

Il est d'une bonne administration de la justice, et les parties en conviennent, de joindre les procédures référencées RG 19/01454 et RG 19/01693 et elles le seront sous la seule référence RG 19/01454.

Sur le fond

A l'appui de sa contestation du jugement, la CAF fait valoir, en particulier, que le bénéfice des allocations familiales est soumis à plusieurs conditions tenant notamment à la régularité du séjour en France et de l'allocataire et des enfants pour lesquels sont sollicités les prestations.

La Caisse rappelle que la jurisprudence considère qu'à défaut de production du certificat médical de l'OFII ou d'une attestation délivrée par l'autorité préfectorale précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour, le droit aux prestations familiales ne peut être ouvert et que ce dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à la vie privée et familiale.

La CAF ajoute que les dispositions de la directive 2011/98 du parlement européen et du conseil du 13 décembre 2001 n'interdisent pas aux États membres d'adapter leur législation.

M. [V] soutient notamment, pour sa part, qu'une circulaire du 12 mai 2010 a rappelé aux préfectures leur obligation de délivrer l'attestation préfectorale mentionnée ci-dessus dès lors que les conditions sont remplies, que la CAF a refusé de demander cette attestation, que ni les dispositions légales ou réglementaires ni cette circulaire ne conditionnent la demande d'attestation à la production de la copie intégrale des passeports.

De plus, la directive 2011/98/CEE vise non seulement à ne pas faire de différence entre travailleurs en fonction de leur motif d'entrée sur le territoire mais aussi, et surtout, à instaurer une égalité de traitement entre travailleurs de pays tiers admis à séjourner dans un État membre et autorisé à travailler et les ressortissants de l'État membre. Cette directive limite strictement les dérogations à ce principe d'égalité.

M. [V] se réfère également à la décision du 21 juin 2017 de la cour de justice de l'Union européenne (CJUE), selon laquelle, notamment, les dérogations ne sauraient être invoquées que si les instances compétentes dans l'État membre concerné pour la mise en oeuvre de cette directive 'ont clairement exprimé qu'elle entendaient se prévaloir de celles-ci'. Or, selon la défense de M. [V], les 'autorités françaises se sont contentées de déclarer que le droit interne (était) déjà conforme à la directive (...) et n'ont jamais exprimé leur intention de se prévaloir des dérogations prévues' par cette directive.

M. [V] se réfère également à un arrêt de la Cour de cassation, adopté en assemblée plénière, n° 11-18947 (ci-après, l'Arrêt'), selon lequel l'application des articles L. 512-2, D. 512-1 et D. 512-2 du CESEDA instituent une discrimination directement fondée sur la nationalité et doit être écartée. La caisse nationale des allocations familiales en avait d'ailleurs tiré les conclusions qui s'imposaient en émettant une instruction, le 5 juillet 2013, invitant à 'tirer les conséquences de cette nouvelle jurisprudence'.

Sur ce

Aux termes de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale :

Toute personne française ou étrangère résidant en France, au sens de l'article L.111-2-3, ayant à sa charge un ou plusieurs enfants résidant en France, bénéficie pour ces enfants des prestations familiales dans les conditions prévues par le présent livre sous réserve que ce ou ces derniers ne soient pas bénéficiaires, à titre personnel, d'une ou plusieurs prestations familiales, de l'allocation de logement sociale ou de l'aide personnalisée au logement (...).

L'article L. 512-2 alinéas 2 et suivants du même code énonce:

Bénéficient également de plein droit des prestations familiales dans les conditions fixées par le présent livre les étrangers non ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, titulaires d'un titre exigé d'eux en vertu soit de dispositions législatives ou réglementaires, soit de traités ou accords internationaux pour résider régulièrement en France.

Ces étrangers bénéficient des prestations familiales sous réserve qu'il soit justifié, pour les enfants qui sont à leur charge et au titre desquels les prestations familiales sont demandées, de l'une des situations suivantes :

-leur naissance en France ;

-leur entrée régulière dans le cadre de la procédure de regroupement familial visée au livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-leur qualité de membre de famille de réfugié ;

-leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 10° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

-leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L.313-13 du même code ;

-leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de l'une des cartes de séjour mentionnées au 4° de l'article L.313-20 et à l'article L.313-21 du même code;

-leur qualité d'enfant d'étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée au 7° de l'article L.313-11 du même code à la condition que le ou les enfants en cause soient entrés en France au plus tard en même temps que l'un de leurs parents titulaires de la carte susmentionnée.

Un décret fixe la liste des titres et justifications attestant de la régularité de l'entrée et du séjour des bénéficiaires étrangers. Il détermine également la nature des documents exigés pour justifier que les enfants que ces étrangers ont à charge et au titre desquels des prestations familiales sont demandées remplissent les conditions prévues aux alinéas précédents. (souligné par la cour)

L'article L. 313-11 du CESEDA dispose, dans sa version applicable :

Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :

1° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré en France régulièrement dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV ;

2° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ;

2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ;

3° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour " compétences et talents ", de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié en mission " ou " carte bleue européenne ", ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de l'une de ces cartes. Le titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié en mission " doit résider en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L. 313-10.

La carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ' délivrée dans les conditions prévues à l'alinéa précédent a une durée de validité identique à la durée de la carte de séjour du parent ou du conjoint titulaire d'une carte de séjour portant la mention " carte bleue européenne ", " compétences et talents ' ou " salarié en mission ". La carte de séjour est renouvelée dès lors que son titulaire continue à remplir les conditions définies par le présent code ;

4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ;

5° (Alinéa abrogé) ;

6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;

7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ;

8° A l'étranger né en France qui justifie par tout moyen y avoir résidé pendant au moins huit ans de façon continue et suivi, après l'âge de dix ans, une scolarité d'au moins cinq ans dans un établissement scolaire français, à la condition qu'il fasse sa demande entre l'âge de seize ans et l'âge de vingt et un ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;

9° A l'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 %, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;

10° A l'étranger qui a obtenu le statut d'apatride en application du livre VII du présent code, ainsi qu'à son conjoint et à ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, lorsque le mariage est antérieur à la date de cette obtention ou, à défaut, lorsqu'il a été célébré depuis au moins un an, sous réserve d'une communauté de vie effective entre les époux, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ;

11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à [Localité 8], du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à [Localité 8], le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat.

Aux termes de l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale:

La régularité de l'entrée et du séjour des enfants étrangers que le bénéficiaire a à charge et au titre desquels il demande des prestations familiales est justifiée par la production de l'un des documents suivants :

1° Extrait d'acte de naissance en France ;

2° Certificat de contrôle médical de l'enfant, délivré par l' Office français de l'immigration et de l'intégration à l'issue de la procédure d'introduction ou d'admission au séjour au titre du regroupement familial ;

3° Livret de famille délivré par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, à défaut, un acte de naissance établi, le cas échéant, par cet office, lorsque l'enfant est membre de famille d'un réfugié, d'un apatride ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire. Lorsque l'enfant n'est pas l'enfant du réfugié, de l'apatride ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, cet acte de naissance est accompagné d'un jugement confiant la tutelle de cet enfant à l'étranger qui demande à bénéficier des prestations familiales ;

4° Visa délivré par l'autorité consulaire et comportant le nom de l'enfant d'un étranger titulaire de la carte de séjour mentionnée à l'article L. 313-8 ou au 5° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile;

5° Attestation délivrée par l'autorité préfectorale, précisant que l'enfant est entré en France au plus tard en même temps que l'un de ses parents admis au séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

6° Titre de séjour délivré à l'étranger âgé de seize à dix-huit ans dans les conditions fixées par l'article L. 311-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Elle est également justifiée, pour les enfants majeurs ouvrant droit aux prestations familiales, par l'un des titres mentionnés à l'article D. 512-1. (souligné par la cour)

Il résulte des écritures de l'appelant et des pièces produites que les enfants [J] et [J] ne sont pas dans une des situations visées par l'article L. 512-2 du code de la sécurité sociale, puisqu'ils ne sont pas entrés en France dans le cadre d'une procédure de regroupement familial et que leur père est titulaire d'une carte de séjour accordée en application de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile.

Or, les dispositions des articles L. 512-2 et D. 512-2 précités revêtent un caractère objectif justifié par la nécessité dans un État démocratique d'exercer un contrôle des conditions d'accueil des enfants et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit à la vie familiale garanti par les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, ni ne méconnaissent les dispositions de l'article 3-1 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par ailleurs, la situation d'un enfant étranger entré sur le territoire français en dehors de la procédure de regroupement familial peut être régularisée après son entrée en France, à la demande de l'un de ses parents. Une telle régularisation peut permettre d'ouvrir droit aux prestations familiales, conformément à la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2005-528 du 15 décembre 2005, relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Cette décision se lit, dans sa partie pertinente :

Considérant que le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 dispose : " La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ; qu'il résulte de cette disposition que les étrangers dont la résidence en France est stable et régulière ont, comme les nationaux, le droit de mener une vie familiale normale ;

Considérant, toutefois, qu'aucun principe non plus qu'aucune règle de valeur constitutionnelle ne confère aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national ; qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public, qui est un objectif de valeur constitutionnelle, et le droit de mener une vie familiale normale ;

Considérant, en premier lieu, que la procédure de regroupement familial établie par le livre IV du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est une garantie légale du droit des étrangers établis de manière stable et régulière en France à y mener une vie familiale normale ; que cette procédure ne méconnaît ni le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, ni le principe d'égalité, dès lors qu'elle fixe à cet égard des règles adéquates et proportionnées ; qu'en particulier, elle n'interdit pas de déroger à la règle selon laquelle le regroupement familial ne peut être demandé que pour des enfants résidant hors de France à la date de la demande ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en adoptant la disposition contestée, le législateur a entendu éviter que l'attribution de prestations familiales au titre d'enfants entrés en France en méconnaissance des règles du regroupement familial ne prive celles-ci d'effectivité et n'incite un ressortissant étranger à faire venir ses enfants sans que soit vérifiée sa capacité à leur offrir des conditions de vie et de logement décentes, qui sont celles qui prévalent en France, pays d'accueil ; qu'en portant une telle appréciation, le législateur n'a pas opéré, entre les exigences constitutionnelles en cause, une conciliation manifestement déséquilibrée ;

Considérant, en troisième lieu, que la différence établie par le législateur entre les enfants entrés en France dans le cadre de la procédure de regroupement familial et ceux qui y sont entrés en méconnaissance de cette procédure est en rapport avec l'objectif qu'il s'est fixé ; que doit être dès lors rejeté le moyen tiré d'une rupture d'égalité ;

Considérant, toutefois, que, lorsqu'il sera procédé, dans le cadre de la procédure de regroupement familial, à la régularisation de la situation d'un enfant déjà entré en France, cet enfant devra ouvrir droit aux prestations familiales ;

Considérant que, sous la réserve énoncée au considérant précédent, l'article 89 de la loi déférée n'est pas contraire à la Constitution (...)

En outre, il ne peut être fait utilement référence à l'Arrêt de 2013, en ce qu'il concernait un ressortissant turc, dans le cadre d'un accord spécifique entre la Communauté économique européenne et la Turquie.

Cette jurisprudence a d'ailleurs été modifiée trois ans plus tard et la Cour de cassation, dans le cas précis d'un ressortissant de Côte d'Ivoire, a jugé que les dispositions rappelées ci-dessus n'instauraient aucune discrimination fondée sur la nationalité.

Il convient d'ajouter que la vigilance des autorités françaises est d'autant plus fondée à s'exercer, dans le cas présent, que M. [V] a pénétré irrégulièrement sur le territoire français en provenance d'un autre pays de l'Union européenne, qui lui avait refusé le statut de réfugié.

Enfin, aux termes de l'article 3 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France le 7 août 1990 :

Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale.

La Convention ajoute que les États doivent prendre des mesures pour éviter les rapts ou les non-retours illicites et, surtout, prendre 'toutes les mesures appropriées (...) pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit'.

Dans cette perspective, aucune discrimination ne peut être reprochée du fait de l'exigence d'un certificat de l'OFII ou d'une autorisation préfectorale.

En l'espèce, les enfants [J] et [J] ne disposent que d'un document de circulation pour étranger mineur.

M. [V] ne produisant pas l'un des documents requis par l'article D. 512-2 du code de la sécurité sociale pour établir la régularité de l'entrée et du séjour des enfants, la décision de la CAF confirmée par sa commission de recours amiable est fondée.

Au demeurant, M. [V] ne justifie en aucune manière s'être rapproché de la préfecture compétente pour obtenir l'autorisation visée au 5° de l'article D. 512-2 du CESEDA et se trouve donc d'autant plus mal fondé à reprocher à la CAF, sur laquelle ne pèse aucune obligation à cet égard, de ne pas avoir demandé cette autorisation.

La cour, infirmant le jugement entrepris, déboutera M. [V] de toutes ses demandes.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. [V], qui succombe en toutes ses prétentions, sera condamné aux dépens d'appel et débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par décision contradictoire,

Ordonne la jonction des procédures RG 19/01454 et RG 19/01693 sous la seule référence RG 19/01454 ;

Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine du 21 décembre 2018 en toutes ses dispositions (17-00901/N) ;

Confirme la décision de la caisse d'allocations familiales des Hauts-de-Seine en ce qu'elle a débouté M. [P] [V] de sa demande de versement des prestations familiales pour ses enfants [E] et [F] [V] ;

Condamne M. [P] [V] aux dépens d'appel ;

Déboute M. [V] de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 19/01454
Date de la décision : 14/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°19/01454 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-14;19.01454 ?
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