COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 22G
2e chambre 2e section
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 NOVEMBRE 2019
N° RG 18/06518
N° Portalis
DBV3-V-B7C-SU6I
AFFAIRE :
[I] [W]
C/
[L] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2016 par le JAF du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Section : 3
N° RG : 14/6601
Expéditions exécutoires
Expéditions
délivrées le :
à :
Me Stéphane
CHOUTEAU
Me Oriane DONTOT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
DEMANDERESSE devant la cour d'appel de Versailles saisie comme cour de renvoi, en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation (1ère chambre civile) du 12 juin 2018 cassant et annulant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles (2ème chambre 3ème section) le 23 février 2017 (RG n°16/5124) sur l'appel d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nanterre (pôle famille - 3ème section - RG n°14/6601) le 12 mai 2016
Madame [I] [W]
née le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 9] (ALGERIE)
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représentant : par Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003992,
Représentant : Me Eric LAVERGNE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D.20
****************
DEFENDEUR DEVANT LA COUR DE RENVOI
Monsieur [L] [P]
né le [Date naissance 4] 1951 à [Localité 12]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Oriane DONTOT de l'AARPI JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 633 - N° du dossier 20180944
Représentant : Me Franck CARTIER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0412, substitué par Me Marion BRIERE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en audience publique le 19 Septembre 2019, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Claude CALOT, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Claude CALOT, Président,
Monsieur Bruno NUT, Conseiller,
Monsieur François NIVET, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudette DAULTIER,
Le délibéré prévu au 24 octobre 2019 a été prorogé au 14 novembre 2019.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [L] [P] a épousé en secondes noces Madame [I] [W] le 25 septembre 1982 devant l'officier d'état civil de la commune de [Localité 13] (68), sans contrat de mariage préalable.
Deux enfants, aujourd'hui majeurs, sont issus de leur union.
Par acte notarié en date du 9 juin 1984, les époux ont acquis un appartement et une cave (lots n°23 et 24) dépendant d'une copropriété, situé [Adresse 5].
Le 20 avril 2009, Monsieur [L] [P] a déposé une requête en divorce contre son épouse.
Par ordonnance de non-conciliation prononcée le 22 septembre 2009, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre, a notamment :
-attribué à Madame [W] la jouissance du logement familial, bien commun, à titre gratuit, conformément à l'accord des époux,
-dit que les crédits Cofinoga, Finaref, Fnac et Cofidis seront remboursés par Monsieur [P] sans qu'il y ait lieu à remboursement lors de la liquidation du régime matrimonial,
-constaté que Monsieur [P] s'est engagé à prendre en charge la moitié des charges de copropriété,
- fixé à 1.500 € le montant de la pension alimentaire mise à la charge de l'époux au titre du devoir de secours,
- fixé à la somme de 10.000 euros la provision sur liquidation de communauté que Monsieur [P] devra payer à Madame [W] et l'y a condamné au besoin.
Par jugement rendu le 29 août 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre a notamment :
-prononcé le divorce des époux aux torts de Monsieur [P],
-fixé la date des effets du divorce dans les rapports des époux en ce qui concerne leurs biens au 4 avril 2009,
-ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,
- fixé sous forme d'une rente viagère de 1.650 € par mois la prestation compensatoire revenant à l'épouse, avec indexation,
- débouté l'épouse de sa demande tendant à la condamnation de son époux à lui abandonner ses droits sur le bien immobilier commun sis à [Localité 11],
-débouté l'épouse de sa demande de désignation d'un notaire,
-renvoyé les parties à procéder amiablement aux opérations de compte, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux et, en cas de litige, à assigner devant le juge de la liquidation
- condamné Monsieur [P] aux dépens.
Les ex-époux ont confié à Maître [O] [J], notaire associé à [Localité 11], la mission de procéder aux opérations de liquidation de leur régime matrimonial. Ce dernier a établi un procès-verbal d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de communauté entre Monsieur [P] et Madame [W] le 10 avril 2012, puis un procès-verbal de difficultés le 11 mars 2014.
Sur saisine de Monsieur [P], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Nanterre, par jugement du 12 mai 2016, a notamment :
-ordonné le partage judiciaire des intérêts patrimoniaux ayant existé entre les époux,
-désigné pour y procéder Maître [O] [J], notaire à [Localité 11],
-dit que Monsieur [P] a droit à la reprise de la somme de 86.884,72 euros,
-dit que Monsieur [P] a droit à récompense de la communauté à hauteur de la somme de 50.000 euros,
-fixé l'indemnité d'occupation dont Madame [W] est redevable envers l'indivision post-communautaire à la somme mensuelle de 1.020 euros et ce, depuis le 8 novembre 2011 jusqu'à la date du partage,
-rappelé que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l'accomplissement de sa mission,
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
-ordonné l'exécution provisoire,
-rejeté toute autre demande
-ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage,
-dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.
Madame [W] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration d'appel du 6 juillet 2016, l'appel 'tendant à faire réformer ou annuler par la cour d'appel la décision entreprise'.
Par arrêt en date du 23 février 2017, la cour d'appel de Versailles a notamment :
-déclaré l'appel recevable,
-confirmé le jugement déféré,
Y ajoutant,
-débouté Madame [W] de sa demande de dire et juger que le notaire qui sera désigné devra interroger la Banque de France et l'autorité compétente en Allemagne sur l'existence de tout compte bancaire ouvert en France ou en Allemagne au nom de Monsieur [P] antérieurement au 4 avril 2009 et se faire communiquer tous les relevés bancaires pour la période 2004/2009,
-débouté Monsieur [P] de sa demande de dommages-intérêts,
-condamné Madame [W] à verser à Monsieur [P] une somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Madame [W] aux dépens avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Madame [W] a alors formé un pourvoi contre cette décision.
Par arrêt du 12 juin 2018, la 1ère chambre de la cour de cassation a :
-cassé et annulé l'arrêt du 23 février 2017, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement du 12 mai 2016,
-remis en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et les a renvoyés devant la cour d'appel de Versailles autrement composée
-condamné Monsieur [P] aux dépens
-rejeté les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Madame [W] a formé une déclaration de saisine de la cour le 19 septembre 2018.
Dans ses dernières conclusions du 17 juin 2019, Madame [W] demande à la cour de :
-infirmer partiellement le jugement entrepris sur les points suivants :
-dire que Monsieur [P] n'aura droit à aucune reprise ou récompense,
-débouter Monsieur [P] de ses demandes à ce titre ainsi que celles à titre reconventionnel,
-condamner Monsieur [P] à verser à Madame [W] la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner Monsieur [P] aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions du 10 janvier 2019, Monsieur [P] demande à la cour de :
-confirmer purement et simplement le jugement entrepris,
-débouter Madame [W] de l'ensemble de ses demandes, comme étant particulièrement mal- fondées,
-condamner Madame [W] à verser à Monsieur [P] la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
-condamner Madame [W] à verser à Monsieur [P] la somme de 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner Madame [W] aux dépens de première instance et d'appel avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 10 septembre 2019.
Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la cassation partielle prononcée le 12 juin 2018
Il convient de rappeler les termes de l'arrêt rendu par la cour de cassation :
'Sur le premier moyen, pris en ses deuxième, quatrième, cinquième et sixième branches, ci-après annexé :
Attendu que ces griefs ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que Mme [W] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à ordonner au notaire désigné d'interroger la Banque de France et l'autorité compétente en Allemagne sur l'existence de tout compte bancaire ouvert en France ou en Allemagne au nom de M. [P] antérieurement au 4 avril 2009 et se faire communiquer tous les relevés bancaires pour la période 2004/2009 ;
Attendu que, sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles 10, 1353, alinéa 1er, du code civil et 455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de cassation, le pouvoir souverain de la cour d'appel qui a estimé que la mesure sollicitée ne se justifiait pas, dès lors que M. [P] avait produit le solde du compte ouvert à la Hypovereinsbank à la date de la dissolution de la communauté et que Mme [W] ne rapportait pas le moindre commencement de preuve de l'existence d'autres comptes ignorés du notaire ; qu'il n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour dire que M. [P] a droit à la reprise de la somme de 86.884,72 euros et que récompense est due à la communauté à hauteur de la somme de 50.000 euros, après avoir énoncé qu'il ne statue, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions déposées, l'arrêt retient que Mme [W] ne conteste pas le caractère de reprise et récompense de ces sommes mais demande seulement que M. [P] soit déchu de ses droits, sur le fondement du recel ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans le dispositif de ses dernières conclusions, Mme [W] demandait l'infirmation partielle du jugement et le rejet de l'ensemble des demandes de M. [P], qui concluait à la confirmation du jugement accueillant ses demandes de reprise et de récompense, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement déféré, l'arrêt rendu le 23 février 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes'.
Il résulte des termes de l'arrêt de cassation partielle que la cour de renvoi doit examiner la question des reprise et récompenses revendiquées par M. [P] et répondre à l'argumentation de Mme [W] qui pour s'opposer à ces demandes, objecte que le montant cumulé des prélèvements opérés par son ex-époux sur le compte commun, prive celui-ci de droit à reprise et récompenses.
Sur les demandes de reprise et récompenses de M. [P]
Mme [W] soutient que son ex-époux a opéré des prélèvements très importants sur le compte commun dont on ne peut pas ne pas tenir compte, leur montant s'élèvant à 153.781, 01 € entre 2004 et 2009 et que celui-ci n'a droit à aucune reprise ou récompense, du fait que le montant des prélèvements sur le compte Crédit Mutuel couvre, voire dépasse le montant des récompenses.
Elle rappelle qu'elle n'a jamais eu la disposition ou le moindre usage à titre personnel de ce compte que son ex-époux avait ouvert à son seul nom, qu'il était seul à utiliser, qu'il incombe à M. [P] en sa qualité de seul gestionnaire du compte commun, d'apporter la preuve que les prélèvements qu'il a personnellement opérés, l'ont été dans l'intérêt commun et que la communication de la liste des mouvements du compte année par année n'a pas été spontanée, mais plutôt parcimonieuse et difficultueuse. Elle maintient ses réserves sur l'origine réelle des fonds crédits sur le compte Crédit Mutuel, restant persuadée que ces fonds propres ont bel et bien utilisés à des fins personnelles.
M. [P] réplique que ses demandes ont été précisément justifiées dans le cadre des débats antérieurs, soulignant que le compte commun ouvert auprès du Crédit Mutuel a été crédité de plusieurs sommes pour un total de 136.894,72 €, correspondant à son héritage, constitutif d'un bien propre, que si le projet liquidatif du 11 mars 2014 mentionne : 'on pourrait contester les énonciations ci-dessus... en établissant que les fonds propres ont été utilisés à des fins personnelles en faveur de Monsieur', cependant aux termes du procès-verbal d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage dressé par le notaire en date du 10 avril 2012, 'Mme [W] a déclaré ne pas contester l'origine des fonds ci-dessus comme provenant bien de la succession de sa belle-mère et de la vente de l'appartement de [Localité 8]', qu'ainsi selon le notaire, la somme totale de 86.894,72 € est considérée comme propre à Monsieur et par suite celui-ci n'ayant justifié d'aucun emploi de cette somme, la récompense sera égale à cette somme par application de l'article 1433 du code civil.
Il souligne qu'il a fourni l'ensemble des pièces afférentes au compte Crédit Mutuel au notaire liquidateur (pièces 16 et 17 de 2012 et 2013), tel que cela résulte du procès-verbal de difficultés du 11 mars 2014, qu'aucune contestation n'est possible sur l'origine de ces sommes.
S'agissant des autres prélèvements opérés sur le compte Crédit Mutuel, il objecte que Mme [W] ne rapporte pas la preuve qu'il soit à l'origine de la totalité de ces prélèvements.
Il ressort du procès-verbal de difficultés dressé le 11 mars 2014 qu'un différend oppose les parties sur l'actif et le passif de la communauté ainsi que sur les créances de l'indivision.
Le projet liquidatif du 11 mars 2014 établi par Maître [O] [J], rappelle que 'M. [P] prétend effectuer la reprise de l'ensemble des comptes ouverts au Crédit Mutuel comme ayant été approvisionnés par les fonds provenant de la vente d'un bien propre situé à [Localité 8] pour un montant de 88.425 € (qui avait été reçu en donation par sa mère en 1996) et ceux issus de la succession de sa mère en 2004 pour un montant de 86.614 € net de frais et droits'.
Le projet indique que pour sa part, Mme [W] a déclaré 'qu'elle ne conteste pas l'origine des fonds ci-dessus comme provenant bien de la succession de sa belle-mère et la vente de l'appartement de [Localité 8]. Cependant, elle s'interroge sur divers transferts de fonds intervenus depuis les comptes communs ouverts au LCL et les comptes ouverts au Crédit Mutuel', souhaitant connaître la position de ces comptes Crédit Mutuel avant qu'ils aient été alimentés par les fonds provenant de la succession de sa belle-mère, et M. [P] offrant de produire tous les justificatifs en sa possession : relevés sur l'année 2004, donation et vente de l'appartement de [Localité 8] et déclaration de succession.
Le notaire liquidateur a relevé trois versements libres d'un montant total de 86.894,72 € et une somme de 50.000 €, objet d'un virement de Mme [D] [P], au crédit du compte de son fils unique, en concluant que la récompense globale due par la communauté à M. [P] par application de l'article 1433 du code civil, s'élève à 136.894,72 €, celui-ci n'ayant justifié d'aucun emploi de ces sommes.
Selon la déclaration de succession (extraits pages 5 et 6), l'actif net de succession revenant à M. [L] [P], suite au décès de Mme [D] [P], s'est élevé à 89.085,77 €, les droits à acquitter étant de 15.835 €.
Il est justifié au vu de la pièce n°10 de M. [P] (liste des mouvements sous forme d'extraits du compte n° [XXXXXXXXXX03] ouvert auprès de la caisse du Crédit Mutuel de la Porte d'Alsace à [Localité 10] -68, le 27 février 2004 au nom de M. [L] [P]), que celui-ci a déposé sur ce compte (remise de chèques) la somme de 68.711,48 € le 10 mars 2004, puis celle de 17.000 € (VIR Maman), qu'il a transféré la somme totale de 86.894,72 € en trois versements au profit de ACM L.Retraite (son livret assurance retraite RI n°134416) :
- le 23 mars 2004 à hauteur de 40.000 € (partie de la vente de l'appartement de [Localité 8])
- le 14 août 2004 à hauteur de 26.894,72 € (assurance vie suite au décès de sa mère)
- le 22 février 2005 à hauteur de 20.000 €.
Le compte épargne retraite ouvert auprès du Crédit Mutuel par M. [P] au cours du mariage, est commun par application de l'article 1401 du code civil, sauf à tenir compte des récompenses dues par la communauté à celui-ci à raison de l'encaissement de fonds propres à l'ex-époux.
Il est établi que ces sommes pour un montant total de 86.894,72 € provenant de la succession de la mère de M. [L] [P] et de l'appartement de [Localité 8] ont été employées et qu'elles sont restées des biens propres.
Par ailleurs, selon ce même document, ce compte a bénéficié d'un virement de 50.000 € le 16 juin 2004, identifié comme étant : 'VIR Maman'.
L'ensemble de ces mouvements est corroboré par les pièces communiquées le 13 février 2013 à Me [J] et à Mme [W] (pièces n°N1.1°, N1.2°, N1.3°, N2.1 à 2.6°, N3.1°, N4.1 à 4.4°).
Mme [W] prétend au vu de la liste des mouvements du compte n° [XXXXXXXXXX03] ouvert auprès de la caisse du Crédit Mutuel de la Porte d'Alsace à [Localité 10]-68, le 27 février 2004 au nom de M. [L] [P] entre le 10 mars 2004 et le 30 avril 2009, que les prélèvements opérés sur le compte commun par son ex-époux s'élèvent à 153.781,01 € sur la période précitée , soit :
- 71.068,06 € dont 10.000 € ('Vir maman') en 2004
- 23.683,15 € en 2005
- 8.114,80 € dont 4.000 € ('Vir [P] D' en 2006)
- 22.915,60 € en 2007
- 12.014,99 € en 2008
- 15.984,41 € en 2009.
Elle ajoute que les débits inférieurs à 1.000 € et les paiements identifiés comme dépenses faites dans l'intérêt de la communauté n'ont pas été pris en compte.
Il sera rappelé que le jugement de divorce a fixé la date des effets du divorce dans les rapports des époux en ce qui concerne leurs biens au 4 avril 2009.
Ce listing fait apparaître 402 opérations sur la période du 10 mars 2004 au 4 avril 2009 et Mme [W] a surligné les prélèvements que selon elle, son ex-époux aurait opérés sur le compte commun à son profit.
M. [P] soutient que Mme [W] se contredit dans son argumentation, alors que les dires de celle-ci sont consignés par le notaire liquidateur dans son procès-verbal d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage en date du 10 avril 2012 et dans son procès-verbal de difficultés du 11 mars 2014, à titre d'aveu extra-judiciaire, mais dont la valeur et la portée restent soumises au pouvoir souverain du juge du fond.
Mme [W], sur qui repose également la charge de la preuve s'agissant du partage, ne démontre pas au vu de la pièce n°10 de M. [P], que les prélèvements invoqués auraient été opérés dans l'intérêt personnel de M. [L] [P] à l'exception d'un virement de 16.837,15 € au profit de Me [M], notaire en charge de la succession de son ex-belle-mère, faute d'identification des bénéficiaires des sommes litigieuses ou de détermination de leur affectation, M [P] objectant à juste titre que ces sommes pouvaient résulter du fonctionnement des comptes des époux et que certaines opérations avaient pour but d'alimenter le compte joint LCL et notamment, de procéder au remboursement des découverts du compte LCL, dont Mme [W] était à l'origine, comme il en justifie (pièces N 2.1 à 2.6).
En conséquence, M. [L] [P] doit assurer la reprise de la somme de 70.057,57 €, sans droit à récompense de la communauté qui n'a pas tiré profit et non pas celle de 86. 884,72 € comme mentionnée dans le jugement dont appel, eu égard à la déduction du virement de 16.837,15 € au profit de Me [M].
Le jugement déféré sera partiellement réformé sur le quantum de ce chef.
Par ailleurs, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la communauté doit récompense à M. [L] [P] au titre de la somme de 50.000 €, provenant d'un virement de sa mère.
Sur la demande reconventionnelle de M. [P]
M. [P] fait valoir que l'appel, puis le pourvoi en cassation de Mme [W] sont purement dilatoires et abusifs, s'agissant d'un prétexte pour celle-ci en vue de se maintenir le plus longtemps possible dans le bien indivis depuis le jugement de divorce du 29 août 2011, le contraignant à ne pas pouvoir sortir de l'indivision pendant un délai supplémentaire qui n'est justifié par aucune pièce.
Mme [W] réplique que ses différentes contestations portent sur des points précis et sont parfaitement légitimes dans un litige en partage de communauté où l'un des époux prétend obtenir d'importantes reprise et récompenses et ajoutant que l'abus vient de son ex-mari.
L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action, constitue en principe un droit et ne dégénère en abus de droit que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.
L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute.
Aucun abus de droit de saisir la juridiction du second degré, pour statuer en fait et en droit sur la chose jugée en première instance ne saurait être reproché à Mme [W] et aucun grief ne saurait lui être reproché dans la mise en oeuvre de ses droits procéduraux, fût-ce par le biais d'une voie de recours extraordinaire.
En l'absence de faits de nature à faire dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir en justice, M. [L] [P] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Il ne paraît pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective au titre des frais irrépétibles et de dire que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage et dit qu'ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts dans l'indivision.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, après débats en chambre du Conseil,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions sauf au titre du quantum du droit à la reprise de M. [L] [P],
Statuant à nouveau de ce chef,
DIT que Monsieur [L] [P] a droit à la reprise de la somme de 70.057,57 € euros,
Y ajoutant,
REJETTE toute autre demande,
DIT que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au troisième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Marie-Claude CALOT, président, et Claudette DAULTIER, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
LE GREFFIER LE PRESIDENT