COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 88H
5e Chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 14 NOVEMBRE 2019
N° RG 18/02690
N° Portalis DBV3-V-B7C-SOPX
AFFAIRE :
L'UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 1]
C/
SAS [Personne physico-morale 1]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CHARTRES
N° RG : 2015-298
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
L'UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 1]
SAS [Personne physico-morale 1]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE QUATORZE NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
L'UNION DE RECOUVREMENT DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES [Localité 1]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
représentée par M. [O] [C] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général
APPELANTE
****************
SAS [Personne physico-morale 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par M. François DUCROCQ (Président)
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2019, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Olivier FOURMY, Président,
Madame Carine TASMADJIAN, Conseiller,
Madame Caroline BON, Vice présidente placée,
Greffier, lors des débats : Madame Florence PURTAS,
La SAS [Personne physico-morale 1] est une société dont l'activité est la fabrication de gel réfrigérant. Elle est affiliée, en qualité d'employeur, auprès de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale du Centre Val-de-Loire (ci-après désignée 'l'Urssaf') depuis le 1er janvier 2014.
La Société est donc redevable des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.
Estimant qu'elle ne s'était pas acquittée de ses cotisations, l'Urssaf a émis, le 21 avril 2015, une mise en demeure d'avoir à payer la somme de 7 069 euros comprenant 6 707 euros de cotisations et 362 euros de majorations de retard relative au1er trimestre 2015.
Puis, à défaut de paiement, l'Urssaf a établi, le 3 juin 2015, une contrainte pour un montant total de 7 143,46 euros comprenant 6 707 euros de cotisations 362 euros de majorations de retard et 74,46 euros de frais de signification. Ce titre a été signifié à la Société le 10 juillet 2015.
La Société a formé opposition à cette contrainte le 21 juillet 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociales d'Eure et Loir invoquant, entres autres arguments, l'illégitimité de l'Urssaf à lui réclamer le paiement des cotisations et l'irrégularité de l'avertissement et du titre de recouvrement.
Par jugement du 18 mai 2018, le tribunal a :
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par l'Urssaf Centre Val de Loire du chef du défaut de motivation du recours,
- dit que l'opposition est recevable,
- dit que l'Urssaf a la capacité pour agir en recouvrement des cotisations sociales obligatoires dues par un assuré,
- rappelé que la SAS [Personne physico-morale 1] a l'obligation de s'acquitter auprès de l' Urssaf Centre Val de Loire de ses cotisations sociales,
- annulé la mise en demeure du 21 avril 2015 notifiée par l'Urssaf du Centre à la SAS [Personne physico-morale 1], et, en conséquence a :
- annulé la contrainte émise le 3 juin 2015 pour un montant total de 7 143,46 euros correspondant au 1er trimestre 2015 comprenant 6 707 euros de cotisations 362 euros de majorations de retard et 74,46 euros de frais de signification ;
- débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
- et statué sans frais.
Le jugement a été notifié aux parties 18 mai 2018 et l'Urssaf en a relevé appel par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 juin 2018, reçue au greffer le 18 juin suivant. Elle limitait son appel aux dispositions du jugement ayant annulé la mise en demeure du 21 avril 2015 et la contrainte du 3 juin 2015.
Les parties ont alors été convoquées à l'audience du 17 septembre 2019, date à laquelle elles ont plaidé.
A cette même audience, la cour était saisie de deux autres dossiers concernant les mêmes parties, appels concernant, chacun, une mise en demeure distincte et la contrainte correspondante.
L'Urssaf Centre Val-de-Loire, venant aux droits de l'Urssaf Centre soulève in limine litis l'irrecevabilité du recours formé par la Société devant le tribunal au motif que l'opposition à la contrainte n'est pas motivée et d'infirmer, en conséquence, le jugement entrepris.
A titre subsidiaire, l'organisme demande à la cour de constater le bien fondé de la contrainte et, en conséquence, de :
- valider la contrainte émise le 3 juillet 2015 et signifiée à l'encontre de la SAS [Personne physico-morale 1],
- condamner la société [Personne physico-morale 1] au paiement de la somme de 7 143,46 euros dont 6 707 euros de cotisations 362 euros de majorations de retard et 74,46 euros de frais de signification,
- condamner la Société au paiement de l'amende civile prévue à l'article R. 144-10 du code de la sécurité sociale ;
- et condamner la Société à payer à l'organisme la somme de1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société, reprenant le bénéfice de ses écritures, soulève in limile litis l'irrecevabilité de l'appel formé par l'Urssaf puisque le tribunal a rendu un jugement en dernier ressort et que l'organisme a formé pourvoi devant la Cour de cassation. A titre subsidiaire, la Société demande à la cour de :
- rejeter l'appel de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale Centre Val de Loire ;
- confirmer que la mise en demeure du 21 avril 2015 est viciée et la signification de la contrainte du 3 juin 2015 de l'Urssaf du Centre est nulle ;
- débouter l'Urssaf de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- annuler la contrainte de l'Urssaf ;
- confirmer par conséquent l'annulation de toutes les pénalités de retard s'y rapportant ;
- condamner l'Urssaf du Centre à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 ;
- reconnaître clairement à Lisotherme de s'affilier à l'assureur ou aux assureurs de son choix pour y verser toutes ses charges sociales conformément aux dispositions européennes et françaises ;
- et de condamner l'Urssaf à payer les frais d'huissier des diverses procédures.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.
MOTIVATION DE LA COUR
Sur la recevabilité de l'appel de l'Urssaf
La Société indique que le jugement entrepris a été rendu en dernier ressort et que l'Urssaf a déjà formé un pourvoi afin de le contester. Dès lors, l'organisme ne peut plus former appel de cette décision et son appel doit être déclaré irrecevable.
L'Urssaf rétorque que le tribunal a manifestement commis une erreur en mentionnant un jugement rendu en dernier ressort puisque si la contrainte porte bien sur un montant inférieur à celui permettant d'interjeter appel, il n'en demeure pas moins que le litige portait également sur l'affiliation et sur la capacité à agir de l'organisme. C'était donc bien la voie de l'appel qui devait être utilisée.
Sur ce,
Aux termes de l'article R. 142-25 du code de la sécurité sociale alors applicable au litige
Le tribunal des affaires de sécurité sociale statue en dernier ressort jusqu'à la valeur de 4 000 euros. La décision du tribunal des affaires de sécurité sociale n'est pas susceptible d'opposition.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le montant du litige porte sur une somme de 6 707 euros de cotisations de sorte que c'est par erreur que le jugement entrepris a mentionné une décision rendue en dernier ressort.
C'est donc à juste titre que l'Urssaf a formé appel du jugement, le pourvoi n'étant pas une voie de contestation possible.
S'il apparaît néanmoins que l'organisme a également formé un pourvoi afin de garantir ses droits et ne pas être hors délai pour contester la décision de première instance, il lui appartiendra de se désister, comme elle l'indique à l'audience.
En tout état de cause l'appel de l'Urssaf est recevable.
Sur la recevabilité du recours de la Société
L'Urssaf reproche à la Société de ne pas avoir motivé son recours devant le tribunal relevant que s'il lui était loisible de ne développer qu'un seul argumentaire pour l'ensemble des contraintes contestées, elle devait néanmoins expliquer pour chacune d'elle ce qui était reproché et ne pas se limiter à une contestation globale.
La Société rétorque qu'elle a contesté les trois mises en demeure en même temps et que l'argumentation proposée s'appliquait nécessairement à toutes.
Sur ce,
Aux termes de l'article R. 133-3 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige
Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, le directeur de l'organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l'article L. 244-9 ou celle mentionnée à l'article L. 161-1-5. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la lettre recommandée mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.
L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.
Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.
En l'espèce, la Société a formé opposition à trois contraintes au moyen d'un argumentaire commun. S'il apparaît qu'il est fait particulièrement référence à une mise en demeure (non concernée par la présente opposition), la Société mentionne par ailleurs expressément qu'aucune d'elles ne lui permet d'avoir connaissance de l'étendue de sa dette.
Il sera en outre rappelé que celui qui fait opposition à une contrainte n'a pas l'obligation, au moment du dépôt de son recours, de faire valoir l'ensemble des moyens qu'il entend développer, de sorte qu'un seul moyen suffit à établir la motivation de l'opposition.
En conséquence, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par l'Urssaf.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur la capacité de l'Urssaf à réclamer paiement de cotisations
La Société fait valoir que l'Urssaf est une entreprise à vocation économique ordinaire qui ne peut se prévaloir d'aucun monopole pour lui réclamer le paiement de cotisations sociales.
Elle considère que l'Urssaf doit pouvoir prouver au préalable sa légitimité pour réclamer le paiement de cotisations, ce qu'elle ne fait pas. Etant régie par le code de la mutualité, l'Urssaf est selon elle, une mutuelle, qui doit justifier d'un contrat qui la lierait avec la société [Personne physico-morale 1], ce qui n'est pas le cas.
La Société entend défendre son droit de libre choix du ou des destinataires de ses cotisations et ainsi pouvoir le cas échéant faire des économies, expliquant que, dans ses statuts, le président doit veiller à la bonne gestion de son entreprise et le fait de cotiser sans contrat auprès de l'Urssaf pourrait lui être reproché. A l'appui de ses allégations, elle invoque le bénéfice des diverses directives européennes depuis 1994 et, en dernier lieu, celles 92/49/CEE et 92/96/CEE qui ont supprimé les monopoles sociaux sur tout le territoire de la Communauté européenne.
La Société s'estime aujourd'hui « victime du harcèlement de l'Urssaf » comme l'ensemble des chefs d'entreprise français qui serait responsable de leur suicide. Elle estime que l'Urssaf « s'entête à vouloir laminer les personnes réfractaires au monopole dont elle se prévaut et s'enferre dans un combat d'arrière-garde ».
L'Urssaf rétorque qu'elle n'est ni une entreprise commerciale ni une mutuelle et qu'elle n'est donc pas soumise aux directives européennes évoquées par la Société. Elle rappelle qu'elle est un régime de sécurité sociale et qu'elle dispose, de par la loi, de la capacité et de l'intérêt à agir en justice. Enfin, elle fait valoir que la sécurité sociale étant un régime obligatoire, la Société est tenue de s'acquitter des cotisations.
Sur ce,
L'article L. 111 -1 du code de la sécurité sociale dispose
L'organisation de la sécurité sociale est fondée sur le principe de solidarité nationale.
Elle garantit les travailleurs et leur famille contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain. Elle couvre également les charges de maternité, de paternité et les charges de famille.
Elle assure, pour toute autre personne et pour les membres de sa famille résidant sur le territoire français, la couverture des charges de maladie, de maternité et de paternité ainsi que des charges de famille.
Cette garantie s'exerce par l'affiliation des intéressés et le rattachement de leurs avants droit à un (ou plusieurs) régime(s) obligatoire(s).
Elle assure le service des prestations d'assurances sociales, d'accidents du travail et maladies professionnelles, des allocations de vieillesse ainsi que le service des prestations familiales dans le cadre des dispositions fixées par le présent code.
Ces dispositions impliquent l'obligation, pour toute Société employant des salariés, d'être rattachée à un régime de protection sociale obligatoire.
Il sera rappelé à la Société que l'article 13 de l'ordonnance du 4 octobre 1945 prévoyait que les caisses primaires ou régionales de sécurité sociale pouvaient se grouper en unions ou fédérations en vue de créer des services d'intérêt commun, l'article 36 posant le principe du transfert aux caisses primaires de sécurité sociale de la responsabilité du recouvrement des cotisations.
Des unions entre les caisses primaires de sécurité sociale, les caisses régionales invalidité de sécurité sociale, les caisses vieillesse et les caisses d'allocations familiales ont donc été créées sous le nom de services communs de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales et de contrôle des employeurs.
Le décret n° 60-452 du 12 mai 1960 rectifié les 9 mars 1961 et 17 décembre 1985 et codifié dans le code de la sécurité sociale à l'article R. 111-1 a rendu les unions de recouvrement obligatoires et les ont intégrés dans la liste des organismes de sécurité sociale.
Puis l'ordonnance n° 67-706 du 21 août 1967 a transformé les unions de recouvrement en organismes autonomes, sous la direction et le contrôle de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, dispositions reprises aux articles L. 213-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Cet article, ainsi que celui codifié à l'article L. 151-1 du code de la sécurité sociale confèrent précisément aux Urssaf, qui sont, de par leur nature juridique, des organismes privés chargés de la gestion d'un service public et placés sous tutelle de l'Etat, la mission de recouvrer les cotisations d'assurance sociale, d'accident du travail, d'allocations familiales dues par les employeurs et les membres des professions libérales.
La loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, publiée au Journal Officiel du 27 juillet 1994, a consacré une nouvelle fois l'existence juridique et l'autonomie des Urssaf.
Les missions de l'Urssaf ont enfin été définies par l'article L. 613-1 du code de la sécurité sociale qui, dans sa version applicable au litige précisait :
Des unions de recouvrement assurent :
1° Le recouvrement des cotisations d'assurances sociales, d'accidents du travail, d'allocations familiales dues par les employeurs au titre des travailleurs salariés ou assimilés, par les assurés volontaires et par les assurés personnels ;
2° Le recouvrement des cotisations d'allocations familiales dues par les employeurs et membres des professions libérales ;
3° Une partie du recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par les employeurs et les personnes exerçant les professions artisanales, industrielles et commerciales, dans les conditions prévues aux articles L. 133-6-2, L. 133-6-3 et L. 133-6-4 ;
4° Le recouvrement d'une partie de la contribution sociale généralisée selon les dispositions des articles L. 136-1 et suivants ;
5° Le recouvrement des contributions, versements et cotisations mentionnés aux articles L. 5422-9, L. 5422-11 et L. 3253-18 du code du travail ;
5° bis Le calcul et l'encaissement des cotisations sociales mentionnées aux articles L. 642-1, L. 644-1, L. 644-2, et au c du 1° de l'article L. 613-1 pour l'application des dispositions prévues à l'article L. 133-6-8.
6° Le contrôle et le contentieux du recouvrement prévu aux 1°, 2°, 3° et 5°.
Les unions sont constituées et fonctionnent conformément aux prescriptions de l'article L. 216-1.
Un décret détermine les modalités d'organisation administrative et financière de ces unions.
En matière de recouvrement, de contrôle et de contentieux, une union de recouvrement peut déléguer à une autre union ses compétences dans des conditions fixées par décret.
Or, il n'est pas contestable, au regard de ce texte, que l'Urssaf est légitime à procéder aux recouvrement des cotisations et contributions sociales dues par la Société.
Par ailleurs, contrairement à l'argumentation développée par la Société, maintes fois débattue devant les tribunaux des affaires de sécurité sociale, les cours d'appel et la Cour de cassation, l'Urssaf ne peut être considérée comme un organisme professionnel soumis, comme tel, aux règles de la concurrence et permettant une affiliation volontaire de ses cotisants.
Les directives n° 92/49 CEE du Conseil du 18 juin 1992 et n° 92/96 CEE du Conseil du 10 novembre 1992 suppriment effectivement toute possibilité pour les états membres d'interdire l'activité d'une société d'assurance dans leur pays dès lors que cette activité est autorisée dans le pays de la société concernée. Pour autant, une lecture attentive de ces textes aurait permis à la Société de constater qu'ils excluent expressément, dans leur article 2-2, non seulement les risques couverts par les régimes légaux de sécurité sociale mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre.
En application de ces textes, la Cour de justice de l'Union européenne admet que les organismes de sécurité sociale puissent déroger aux règles de la concurrence dès lors qu'ils remplissent une fonction de caractère exclusivement social, fondé sur le principe de solidarité par la mutualisation des risques et dépourvu de tout but lucratif. Elle juge également, de manière constante, que l'affiliation obligatoire au régime déterminé par l'application des règles d'assujettissement de toute personne exerçant une activité professionnelle sur le territoire national a un caractère d'ordre public et que les régimes d'affiliation obligatoire, qui poursuivent un objectif social et obéissent au principe de la solidarité, ne constituent pas des entreprises au sens des articles 85 et suivants du traité CEE. En conséquence, leurs activités n'ont pas une nature économique qui les soumettrait au droit européen de la concurrence.
La Cour de cassation, pour sa part, juge régulièrement que le recouvrement des cotisations et contributions dues par une personne à titre obligatoire à un régime de protection sociale n'a pas le caractère d'une pratique commerciale au sens des dispositions de la directive 2005/29/CE.
C'est par une interprétation erronée de l'arrêt BKK de la CJUE rendu le 3 octobre 2013, que la Société estime qu'il a été mis fin au monopole des régimes de sécurité sociale, la décision ne concernant que les pratiques déloyales commises à l'occasion de leurs activités économiques de nature commerciale exclusivement. Cet arrêt ne pourrait concerner qu'un organisme qui se livrerait pour partie à des activités économiques de nature commerciale, ce qui n'est pas le cas de l'Urssaf.
C'est donc à tort que la Société estime que la mise en demeure constitue une pratique commerciale agressive.
Il sera rappelé également que ni les directives européennes, ni les lois adoptées par la France en application, le cas échéant, des directives européennes, ni la jurisprudence de la Cour européenne de justice ne considèrent que l'instauration d'un régime de sécurité sociale contrevient à l'article 5 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, notamment la liberté d'entreprendre, la liberté contractuelle et la liberté personnelle, ni aux règles de la libre concurrence.
Ainsi, l'Urssaf n'est nullement un régime professionnel de sécurité sociale au sens défini par la CJUE qui rappelle régulièrement, par ailleurs, que le droit communautaire ne porte pas atteinte à la compétence des Etats membres pour aménager leur système de sécurité sociale et que les règles de concurrence figurant dans le corps du traité et les dispositions des directives relatives aux assurances de personnes, en l'espèce les Directives 92/49 CEE et 92/96 CEE, sont inapplicables aux organismes, quel que soit leur statut, qui concourt à la gestion de régime de sécurité sociale. Les états peuvent ainsi, notamment, fixer les modalités de fonctionnement du régime ou des régimes, leurs modalités de fonctionnement et le degré de solidarité qu'il crée entre les citoyens.
Il n'est pas contestable que l'Urssaf participe à la gestion du service public de la sécurité sociale fondée sur le principe de la solidarité nationale, fonctionnant sur la répartition et non la capitalisation et qu'elle est dépourvue de tout but lucratif, la mise en demeure, objet du litige, concernant des cotisations du régime légal et obligatoire. Dès lors, l'Urssaf ne constitue pas une entreprise au sens du traité instituant la Communauté européenne, de sorte que son activité n'entre pas dans le champ de l'application des directives concernant la concurrence en matière d'assurance.
S'agissant de la personnalité morale de l'Urssaf et de sa capacité à agir, il est rappelé que l'organisme, qui participe à la gestion du service public, tient sa capacité et sa qualité pour agir du texte qui l'a créé ce qui l'exonère, par ailleurs, de toute obligation de déposer ses statuts en préfecture et de justifier, devant les juridictions, de sa forme juridique et de sa capacité à ester en Justice.
En tout état de cause, contrairement à ce que fait valoir la Société, l'Urssaf dispose d'un statut juridique clairement déterminé et, en sa qualité d'organisme intégré à l'organisation statutaire de la sécurité sociale, n'a nullement un caractère mutualiste ce qu'il l'exonère donc, de ce fait, de l'application des dispositions du code de la mutualité.
De même, pour les raisons précédemment évoquées, la Société ne saurait prétendre que l'absence de lien contractuel avec l'Urssaf empêche celui-ci de lui réclamer une quelconque somme.
Le mécanisme d'affiliation obligatoire contraint dès lors la Société qui exerce son activité en France à s'acquitter des cotisations rendues obligatoires par la loi y compris la CSG et la CRDS et l'Urssaf, organisme autonome créé par la loi et doté de la personnalité juridique, dispose d'une pleine capacité à agir pour les recouvrer.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur le fond
La société [Personne physico-morale 1] plaide qu'elle est une entreprise récente qui du fait des sommes investies en recherche et développement et suite à des déménagements successifs pour accompagner sa croissance, se retrouve régulièrement avec des périodes de trésorerie fragiles. En vérifiant le bien fondé des sommes réclamées par l'Urssaf, elle estime qu'il existe des écarts dans les réclamations qu'elle ne s'explique pas.
Elle remet également en cause le formalisme des mises en demeure établies par l'Urssaf ainsi que celle des contraintes qui, selon elle, ne donnent pas le détail des sommes qui sont réclamées de sorte qu'elle n'est pas en mesure de vérifier le bien fondé de leurs montants. Elle estime ainsi que les seules mentions « insuffisance de versement », « absence de versement », « part patronale » et « part ouvrière » ne renseignent pas suffisamment sur l'origine de la dette (cotisation maladie, cotisation retraite, CSG, CRDS...).
L'Urssaf rétorque que la mise en demeure répond aux exigences de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale en ce qu'elle précise la nature, la cause et le montant de l'obligation.
Sur ce,
L'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale dispose
Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'Etat invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
L'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; qu'à cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.
En l'espèce, la cour ne peut que constater, comme l'a fait avant elle le tribunal, que la mise en demeure établie le 21 avril 2015 pour un montant de 7 069 euros relative à la période du 1er trimestre 2015, ne comporte qu'une seule mention sur la nature des cotisations appelées à savoir « régime général » sans aucune précision sur la branche ou le risque concerné.
Le fait que soit indiqué, sous un astérisque, la mention « incluses contributions d'assurance chômage, cotisations AGS » n'est pas suffisant pour assurer une information complète du cotisant sur sa dette à défaut de se rapporter précisément à des cotisations d'assurance maladie, d'assurance vieillesse, de cotisations familiales, d'allocations familiales ou d'accidents du travail.
A défaut de connaître la nature des cotisations appelées, la Société ne peut pas s'assurer que l'assiette de cotisations puis les calculs opérés par l'Urssaf sont exacts d'autant plus que, là encore, seul un montant total de cotisations est indiqué, sans aucune ventilation entre les risques qu'il concerne.
La cour estime en conséquence que cette mise en demeure puis la contrainte émise à sa suite, qui ne précise même plus qu'elle porte sur les cotisations du régime général, ne permettent pas à la Société de connaître la nature et l'étendue de son obligation. Tant la mise en demeure du 21 avril 2015 que la contrainte émise le 3 juin 2015 doivent être annulées.
Le jugement est confirmé sur ce point.
Sur les dépens, l'article 700 du code de procédure civile et sur l'amende civile
Les parties succombant partiellement à l'instance, elles supporteront, pour moitié chacune, les dépens d'appel et seront déboutées de leur demande respective au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
De même, au regard de la décision intervenue, il n'y a pas lieu de prononcer une amende civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement et par arrêt contradictoire ;
Déclare l'appel de l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale du Centre-Val de Loire recevable ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 18 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Eure-et-Loir (n° 215-298) ;
Y ajoutant,
Dit n'y a voir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute l'Urssaf de sa demande de condamnation à une amende civile ;
Déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire ;
Condamne l'Urssaf et la SAS [Personne physico-morale 1] à supporter, pour moitié chacune, les dépens d'appel.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Madame Florence Purtas, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,