La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2019 | FRANCE | N°18/01037

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 novembre 2019, 18/01037


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 418



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2019



N° RG 18/01037



N° Portalis : DBV3-V-B7C-SFRT







AFFAIRE :



[K] [U]



C/



SA MONSTER WORLWIDE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Se

ction : Encadrement

N° RG : 16/02656







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 08 Novembre 2019 à :

- Me Avi BITTON

- Me Sylvain PAPELOUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'app...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 418

CONTRADICTOIRE

DU 07 NOVEMBRE 2019

N° RG 18/01037

N° Portalis : DBV3-V-B7C-SFRT

AFFAIRE :

[K] [U]

C/

SA MONSTER WORLWIDE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Encadrement

N° RG : 16/02656

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 08 Novembre 2019 à :

- Me Avi BITTON

- Me Sylvain PAPELOUX

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [U]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Avi BITTON de la SARL AVI BITTON, constituée/ plaidant, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1060

APPELANT

****************

La SA MONSTER WORLWIDE

N° SIRET : 422 315 051

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sylvain PAPELOUX, constitué/plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0356

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Septembre 2019, Madame, Valérie DE LARMINAT, conseiller, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Rappel des faits constants

La SA Monster Worldwide, qui est une filiale du groupe Monster, est spécialisée dans la mise en ligne de services d'offres d'emploi. Elle emploie plus de dix salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et sociétés de conseils (dite Syntec).

Mme [K] [U], née le [Date naissance 1] 1974, a été engagée par cette société en qualité de responsable grands comptes par contrat à durée indéterminée du 21 juin 2005 moyennant une rémunération mensuelle de base de 5 166,55 euros.

Un avenant a été conclu entre les parties le 1er juillet 2014, prévoyant la promotion de Mme [U] aux fonctions de senior manager ventes, consistant à gérer une équipe de commerciaux afin de commercialiser les produits Monster auprès des grandes entreprises françaises. Cet avenant prévoyait également une clause de non-concurrence.

Mme [U] a démissionné de son poste le 11 mai 2015 et a sollicité une réduction de préavis pour quitter l'entreprise le 30 juin suivant.

Elle a été engagée par la société Indeed en qualité de strategic client manager par contrat à durée indéterminée du 25 mai 2015 prenant effet le 1er juillet 2015.

La période d'essai de Mme [U] a été rompue par la société Indeed le 1er octobre 2015.

La SA Monster Worldwide a versé à Mme [U] la contrepartie financière à la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail pour la période de juillet 2015 à octobre 2015.

Le 10 août 2016, la SA Monster Worldwide a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour obtenir le remboursement par Mme [U] de la contrepartie financière versée.

Parallèlement, Mme [U] a également saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre pour voir dire nulle la clause de non-concurrence.

La décision contestée

Par jugement contradictoire rendu le 15 décembre 2017, la section encadrement du conseil des prud'hommes de Nanterre, après avoir joint les deux affaires, a :

- jugé la clause de non-concurrence licite,

- condamné Mme [U] à payer à la SA Monster Worldwide les sommes suivantes :

' 24 204,50 euros en remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

' 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

' 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [U] a été déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Le conseil des prud'hommes a retenu que les deux sociétés, Monster Worldwide et Indeed étaient concurrentes et donc que Mme [U] avait violé son obligation de non-concurrence, en allant travailler pour Indeed.

La procédure d'appel

Mme [U] a interjeté appel du jugement par déclaration n° 18/01037 du 14 février 2018.

Prétentions de Mme [U], appelante

Par conclusions adressées par voie électronique le 6 février 2019, Mme [U] demande à la cour d'appel de :

- infirmer le jugement, en conséquence et statuant à nouveau,

à titre principal,

- constater l'absence de violation de la clause de non-concurrence,

- condamner la SA Monster Worldwide à lui verser la somme de 43 342,95 euros au titre du paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- débouter la SA Monster Worldwide de l'ensemble de ses demandes,

à titre subsidiaire,

- condamner la SA Monster Worldwide à lui verser la somme de 43 342,95 euros au titre du paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence,

- débouter la SA Monster Worldwide de l'ensemble de ses demandes,

à titre infiniment subsidiaire,

- déclarer la clause de non-concurrence nulle et non avenue,

- débouter la SA Monster Worldwide de l'ensemble de ses demandes,

- condamner la SA Monster Worldwide à lui verser la somme de 31 000 euros au titre du préjudice de carrière.

L'appelante sollicite en outre les intérêts de retard au taux légal à compter de la saisine de l'acte introductif d'instance, leur capitalisation et une somme de 3 660 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Prétentions de la SA Monster Worldwide, intimée

Par conclusions adressées par voie électronique le 6 mars 2019, la SA Monster Worldwide demande à la cour d'appel de :

- confirmant en toutes ses dispositions le jugement, déclarer mal fondée Mme [U] en son appel, constater que Mme [U] est soumise à une clause de non-concurrence, constater que cette clause de non-concurrence est valable, constater que cette clause de non-concurrence a été mise en vigueur et respectée par la société, constater la violation par Mme [U] de ladite clause,

en conséquence,

- débouter Mme [U] de sa demande en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et de sa demande en réparation d'un préjudice de carrière et dans tous les cas, de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmant le jugement déféré, condamner Mme [U] à lui payer la somme de 24 204,50 euros correspondant à la contrepartie financière de la clause de non-concurrence versée de juillet 2015 à octobre 2015 avec intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la demande,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner Mme [U] à lui payer la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner Mme [U] à lui payer en appel la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions respectives, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2019.

Une médiation, proposée aux parties et initiée entre elles, n'a pas abouti.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la clause de non-concurrence

Incluse dans la lettre valant avenant au contrat de travail de Mme [U] en date du 1er juillet 2014, la clause de non-concurrence est ainsi rédigée :

« Article 3 : Non concurrence

Compte tenu des fonctions de la Collaboratrice (des spécificités mises en 'uvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise ...) il est convenu qu'en cas de rupture du présent contrat pour quelque cause et à quelque époque que ce soit, la Collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la Société.

Cette interdiction de concurrence est limitée à une durée maximum de 12 mois, à compter de la date de rupture effective du contrat et au secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction.

En contrepartie de cette obligation, la Collaboratrice percevra pendant toute la durée de l'interdiction une indemnité mensuelle, payable mensuellement, égale à 50 % du salaire brut mensuel calculé sur la moyenne des salaires versés pendant les 12 mois précédant la rupture, incluant les salaires fixes et primes, quelque soit leur mode de paiement.

La Société se réserve toutefois le droit de libérer la Collaboratrice de tout ou partie de l'interdiction de concurrence, y inclus en modulant cette durée, en notifiant sa décision dans le délai de 14 jours suivant la rupture effective du contrat.

En cas de violation de cette interdiction la Collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée, sans préjudice du droit pour la Société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi et ce sans aucune sommation que le simple constat d'un quelconque manquement. »

Mme [U] soutenant à titre principal qu'elle a respecté la clause de non-concurrence et à titre infiniment subsidiaire que la clause serait nulle et non-avenue, il convient d'examiner ces deux demandes dans l'ordre retenu par la salariée.

Sur le respect de la clause de non-concurrence

Mme [U] conteste avoir violé sa clause de non-concurrence. Elle soutient que la société Indeed n'exerçait pas une activité concurrente à celle de la SA Monster Worldwide au moment des faits puisque cette dernière exploite un site d'annonces classiques ayant pour activité la publication d'offres d'emploi d'entreprises alors que la société Indeed n'est qu'un intermédiaire entre les demandeurs d'emploi et les sites publiant directement des offres d'emploi.

La SA Monster Worldwide soutient que Mme [U] a sciemment violé la clause de non-concurrence puisque les deux sociétés sont directement concurrentes et interviennent sur le même secteur vis-à-vis des mêmes clients. Elle reconnaît que par le passé les sociétés n'étaient pas directement concurrentes mais soutient que cette situation a cessé compte tenu des modifications du périmètre d'activité de la société Indeed qui a ajouté de nouveaux services à son activité en créant son propre site d'emploi.

Mme [U] souligne qu'en tout état de cause, elle n'exerçait pas les mêmes fonctions au sein des deux sociétés. Elle explique que lorsqu'elle travaillait au sein de la SA Monster Worldwide, elle avait un rôle de direction et était chargée de gérer un département en établissant des plans d'actions, alors qu'au sein de la société Indeed elle avait un rôle de prospection.

la SA Monster Worldwide le conteste et fait valoir que Mme [U] exerçait des missions tout à fait similaires, notamment au regard de la présentation de l'offre de services auprès des clients, et en termes d'analyse et de régularisation des rapports d'analyse mensuelle afin de développer les relations industrielles et commerciales.

Sur ce,

- Sur les activités concurrentes des sociétés Monster et Indeed

La société Indeed était à l'origine un agrégateur, c'est-à-dire qu'elle mettait à disposition un outil qui permettait aux internautes d'accéder sur un site unique à toutes les offres d'emploi disponibles sur Internet. Cet outil permettait d'aller chercher sur les différents sites d'offres d'emploi, notamment sur le site Monster, en triant les offres d'emploi. La rémunération de la société Indeed était uniquement liée aux espaces publicitaires qu'elle pouvait ainsi commercialiser sur son site. C'est dans ce cadre que la société Monster diffusait, sur le site Indeed, une partie de ses annonces, générant ainsi un courant d'affaires entre les deux sociétés. Les activités de Monster et d'Indeed étaient alors complémentaires.

Il résulte de plusieurs pièces produites aux débats, notamment d'une interview exclusive RH de M. [V] [Q] vice-président senior marketing chez Indeed (pièce 36 de la société) et d'un article en date du 14 janvier 2015 de Exclusive RH, « Indeed accélère en France » (pièce 38 de la société), qu'à partir de début 2015, la société Indeed a décidé, en créant son propre site d'emploi, de proposer elle-même des services aux employeurs, en diffusant des annonces et mettant à disposition une CV-thèque.

La consultation du site Internet de la société Indeed confirme cette nouvelle activité.

Ainsi, à compter du début de l'année 2015, la société Indeed est devenue une concurrente directe de la société Monster. Elle se positionne clairement comme le leader de ce secteur d'activité et démarche de façon très active les clients de Monster en se présentant comme le leader du marché, ainsi que cela résulte d'un courriel d'un commercial d'Indeed qui indique : « Je représente la société Indeed.fr, leader des sites d'emploi, comme vous pourrez le remarquer via ce site permettant de comparer le trafic (') Indeed 12,5 millions contre Monster.fr 2,3 millions ».

La SA Monster Worldwide explique que, directement confrontée à cette activité concurrente, elle a considérablement diminué son courant d'affaires avec Indeed en qualité d'agrégateur.

De son côté, la société Indeed a constitué une force commerciale en France et a mené une campagne publicitaire active notamment sur BFM TV, pour renforcer sa pénétration en France.

C'est dans ce contexte que Madame [U] a été recrutée par la société Indeed.

- Sur les activités de Mme [U] au sein de Monster et d'Indeed

La lecture du contrat de travail que Mme [U] a conclu avec la société Indeed montre que la salariée, engagée en tant que Stratégic Client Manager, statut cadre, position 3.1, coefficient 170, bénéficiait exactement des mêmes coefficient et positionnement que ceux qu'elle avait chez Monster.

Aux termes de l'article 1 de son contrat de travail, Madame [U] était en charge chez Indeed, sur son secteur d'activité, en qualité de Stratégic Client Manager, de distribuer des services coût-par-clic auprès d'entreprises nationales et internationales sur la France en soutenant les ventes réalisées depuis l'Irlande et à ce titre, d'animer et d'organiser des visites chez des clients, d'identifier des clients potentiels et plus généralement d'accomplir toutes autres tâches nécessaires. À ce titre, elle était directement en contact avec les grands comptes et avec les agences de recrutement et de communication et démarchait en réalité les mêmes clients que Monster.

Il apparaît que c'est justement pour l'aider à développer une activité concurrente à celle de Monster qu'Indeed a engagé Mme [U], celle-ci ayant été rejointe chez Indeed par deux anciens collaborateurs, M. [D] et M. [V].

Il ressort de ce qui précède que les sociétés Indeed et Monster sont concurrentes et que Mme [U] exerçait chez Indeed des fonctions identiques à celles qu'elle exerçait chez Monster.

Il se déduit de ces constatations que Mme [U] a violé la clause de non-concurrence qui la liait à la SA Monster Worldwide.

Il y a dès lors lieu d'examiner la demande subsidiaire de la salariée tendant au prononcé de la nullité de la clause.

Sur la nullité de la clause de non-concurrence

Mme [U] soutient que la limitation dans l'espace de la clause de non-concurrence, prévoyant un secteur géographique correspondant au périmètre d'intervention de sa fonction, était trop large et était imprévisible au jour de la signature de l'avenant, puisque selon son contrat de travail initial elle pouvait être amenée à se déplacer à l'étranger.

Elle allègue également que l'activité visée par la clause est trop générale, puisque celle-ci vise les entreprises dont les activités sont susceptibles de concurrencer celles de Monster.

La SA Monster Worldwide soutient que le fait que le contrat initial de Mme [U] ait prévu qu'elle pourrait être amenée à se déplacer à l'étranger est sans aucune incidence sur le périmètre de son secteur d'intervention puisque l'avenant du 1er juillet 2014 précise qu'elle exercera son activité sous la responsabilité du directeur commercial France et donc pour les entreprises situées en France.

S'agissant de l'activité visée par la clause, elle précise que le périmètre d'intervention de Mme [U] était parfaitement défini, que dès lors, la clause est valide.

Sur ce,

La clause de non-concurrence doit, pour être valable, tout en tenant compte des spécificités de l'emploi du salarié, obéir cumulativement à trois conditions, être justifiée par les intérêts légitimes de l'entreprise, être limitée dans le temps et l'espace et comporter une contrepartie pécuniaire.

Mme [U] oppose l'absence de limitation dans l'espace et l'absence de délimitation de l'activité visée lui interdisant toute possibilité de travailler.

- Sur la limitation dans l'espace

La clause de non-concurrence définit le secteur géographique visé comme correspondant au périmètre d'intervention de la fonction de la salariée.

L'article 1 de l'avenant du 1er juillet 2014 stipule : « Vous exercerez votre activité de senior manager vente, statut cadre, coefficient 170, position 3.1, basé à Levallois, sous la responsabilité hiérarchique du directeur commercial France (...) ».

Il résulte de cet article que Mme [U], engagée pour travailler « sous la responsabilité hiérarchique du Directeur Commercial France », avait un périmètre d'intervention correspondant à la France.

Même s'il est procédé par renvoi, le périmètre géographique visé à la clause de non-concurrence est bien délimité.

L'argument selon lequel le contrat de travail de la salariée prévoyait qu'elle pourrait être amenée à faire des déplacements à l'étranger est inopérant car cette clause n'est pas de nature à modifier son périmètre d'intervention.

- Sur la limitation de l'activité concernée

L'article 3 de l'avenant au contrat de travail stipule que : « compte-tenu des fonctions de la Collaboratrice, ses spécificités mises en 'uvre dans l'entreprise, du marché très concurrentiel sur lequel intervient l'entreprise, il est convenu (...) la Collaboratrice s'interdira de participer, s'associer, s'intéresser à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, à toute entreprise ayant une activité susceptible de concurrencer celle de la Société ».

L'article 1 de l'avenant indique clairement que Mme [U], engagée en tant que Senior Manager Vente, avait les fonctions suivantes : « Les responsabilités de ce poste sont les suivantes : vous maintenez vos missions actuelles concernant l'équipe Corporate Grands Comptes avec extension au pôle ICT (SSII) nouvellement créé et composé de commerciaux Sédentaires et Terrains. »

Mme [U] était la responsable commerciale du service en charge de commercialiser les produits Monster auprès des Grands Comptes. En complément, elle supervisait un nouveau pôle consacré aux sociétés de services.

Même s'il est procédé par référence aux fonctions définies dans le contrat de travail, il apparaît que le périmètre d'intervention de Mme [U] est clairement défini et par voie de conséquence la clause de non-concurrence est délimitée.

Mme [U] qui soutient que la clause lui interdirait de retrouver un travail, ne démontre pas cette impossibilité.

Étant donné le caractère très concurrentiel du secteur d'activité, la clause liant les parties apparaît proportionnée, prenant en compte la préservation des intérêts légitimes de l'entreprise et le respect du principe de liberté du travail.

En définitive, la clause de non-concurrence qui lie les parties, limité dans l'espace et laissant à la salariée la possibilité de travailler, doit être jugée valable.

Sur les conséquences financières

Mme [U] sollicite le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence et des dommages-intérêts au titre d'un préjudice de carrière.

La SA Monster Worldwide demande le remboursement de la contrepartie indûment versée et des dommages-intérêts pour violation de la clause de non-concurrence.

Concernant la contrepartie financière de la clause de non-concurrence réclamée par Mme [U]

Mme [U] réclame la condamnation de la SA Monster Worldwide à lui payer la somme de 43 342,95 euros à ce titre.

La clause prévoit : « En cas de violation de cette interdiction la Collaboratrice s'exposera au remboursement de la contrepartie qui lui aura été versée, sans préjudice du droit pour la Société de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l'entier préjudice subi et ce sans aucune sommation que le simple constat d'un quelconque manquement. »

Il a été jugé que Mme [U] a violé la clause de non-concurrence.

Mme [U] doit en conséquence être déboutée de sa demande, la contrepartie financière n'étant pas due en cas de violation de la clause, en application des termes mêmes de la clause.

Mme [U] soutient à titre subsidiaire que le reliquat lui est dû dans la mesure où elle a respecté la clause au moins à compter de la rupture de sa période d'essai chez Indeed.

Cependant, la clause doit être respectée dans son ensemble. Dès lors qu'elle n'a pas été respectée, aucune contrepartie n'est due.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Concernant le préjudice de carrière invoqué par Mme [U]

Mme [U], qui a été déboutée de sa demande présentée à hauteur de 96 128,40 euros en première instance, maintient sa demande en la réduisant en appel à la somme de 31 000 euros.

Elle explique qu'elle s'est retrouvée sans emploi brutalement, sans préavis et qu'elle n'a pas retrouvé d'emploi. Elle reproche à SA Monster Worldwide d'avoir adopté un comportement agressif à son égard.

Mme [U] ne justifie toutefois pas de sa situation financière. Elle reconnaît être associée de la SAS Toiles Chics, mais n'indique pas si elle perçoit des revenus au titre de cette activité.

Le fait que la société Indeed ait décidé de rompre sa période d'essai ne peut être reproché à la SA Monster Worldwide.

La SA Monster Worldwide a d'abord demandé à son ancienne salariée de cesser la violation de la clause de non-concurrence, puis l'a mise en demeure, ce faisant, elle n'a fait que solliciter l'application du contrat.

Mme [U] a caché sa situation réelle lors de son départ de Monster et elle a sciemment violé la clause de non-concurrence.

Elle n'a pas dit qu'elle a bénéficié d'une indemnisation dans le cadre d'une transaction lors de la rupture de son contrat avec Indeed. Elle a refusé de communiquer les informations malgré sommation.

Mme [U] a déclaré dans son contrat la liant à Indeed qu'elle n'était assujettie à aucune clause de non-concurrence alors qu'elle ne pouvait ignorer son engagement à l'égard de Monster.

Deux de ses anciens collaborateurs l'ont rejointe chez Indeed.

Mme [U] ne démontre pas que la SA Monster Worldwide serait responsable de la rupture de son contrat avec Indeed et aurait commis des agissements fautifs.

Elle doit être déboutée de sa demande.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

- Concernant le remboursement sollicité par Monster de la contrepartie indûment versée

Au vu de l'avenant au contrat de travail et des fiches de paye de la salariée, Mme [U] a été payée de la somme de 24 204,50 euros.

En application des dispositions de la clause rappelées précédemment, la SA Monster Worldwide est en droit de réclamer le remboursement de la contrepartie indûment versée.

Mme [U] doit être condamnée à rembourser à la SA Monster Worldwide la somme de 24 204,50 euros.

Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.

- Concernant les dommages-intérêts sollicités par la SA Monster Worldwide

Du fait de la violation de la clause de non-concurrence et des agissements de Mme [U], celle-ci a causé à la SA Monster Worldwide un préjudice distinct du remboursement de la contrepartie financière, dont la société peut au surplus réclamer l'indemnisation en application de l'article 3 du contrat.

La SA Monster Worldwide indique avoir payé indûment les charges sociales sur la contrepartie versée, ce qui représente une somme de 10 165 euros.

Le préjudice né de ce paiement indû et les actions commerciales concurrentes menées par Mme [U] quand elle était employée par Indeed conduisent à fixer à 5 000 euros le montant des dommages-intérêts accordés à ce titre.

Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.

Sur les intérêts moratoires

Le créancier peut prétendre aux intérêts de retard calculés au taux légal, en réparation du préjudice subi en raison du retard de paiement de sa créance par le débiteur.

Les condamnations prononcées produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation et d'Orientation pour les créances contractuelles, soit le 7 septembre 2016 (correspondant à l'AR de convocation de Mme [U] dans le cadre de la procédure initiée par la SA Monster Worldwide) et à compter de l'arrêt pour les créances indemnitaires.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de procédure

Mme [U], qui succombe dans ses prétentions, supportera les dépens en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera en outre condamnée à payer à la SA Monster Worldwide une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 1 500 euros.

Mme [U] sera déboutée de sa demande présentée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nanterre le 15 décembre 2017 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [K] [U] à payer à la SA Monster Worldwide les intérêts de retard au taux légal à compter du 7 septembre 2016 sur les créances contractuelles et à compter de l'arrêt sur les créances indemnitaires ;

CONDAMNE Mme [K] [U] à payer à la SA Monster Worldwide une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande présentée par Mme [K] [U] en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Mme [K] [U] au paiement des entiers dépens ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01037
Date de la décision : 07/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°18/01037 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-07;18.01037 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award