La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2019 | FRANCE | N°17/03781

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 07 novembre 2019, 17/03781


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre







ARRÊT N° 416



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2019



N° RG 17/03781



N° Portalis : DBV3-V-B7B-RW7G







AFFAIRE :



[J] [V]



C/



SARL SIGNATURE MURALE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Secti

on : Industrie

N° RG : 16/02696







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 08 Novembre 2019 à :

- Me Jean-François PÉRET

- Me Chantal DE CARFORT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cou...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRÊT N° 416

CONTRADICTOIRE

DU 07 NOVEMBRE 2019

N° RG 17/03781

N° Portalis : DBV3-V-B7B-RW7G

AFFAIRE :

[J] [V]

C/

SARL SIGNATURE MURALE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Juin 2017 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : Industrie

N° RG : 16/02696

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 08 Novembre 2019 à :

- Me Jean-François PÉRET

- Me Chantal DE CARFORT

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [V]

né le [Date naissance 2] 1975 en POLOGNE

de nationalité Polonaise

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représenté par Me Julie AUBIN, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Klaudia MIOSGA, plaidant, avocate au barreau de PARIS ; et Me Jean-François PÉRET, constitué, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 203

APPELANT

****************

SARL SIGNATURE MURALE

N° SIRET : 435 019 708

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence TRUC de la SELARL TRUC - EDINGER Associés, plaidant, avocate au barreau de PARIS ; et Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, constituée, avocate au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 334

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Isabelle VENDRYES, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS,

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SARL Signature Murale est une entreprise du bâtiment employant 26 salariés et intervenant sur les chantiers à la demande d'architectes, qui sont ses prescripteurs. Elle relève de 1a convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

M. [J] [V], né le [Date naissance 2] 1975, était recruté par la société Signature Murale en qualité de poseur, statut ouvrier, niveau 1, position 1, coefficient 150, dans le cadre d'un contrat « Nouvelles Embauches » en date du 19 septembre 2006, moyennant un salaire mensuel brut de 1 391,86 euros.

Le salarié était en arrêt maladie du 3 au 6 avril 2012 puis de manière continue à compter du 19 avril 2012.

Lors de la visite de reprise organisée le 6 janvier 2014 le médecin du travail déclarait qu'une inaptitude était à prévoir. A la suite de la seconde visite le 21 janvier 2014, M. [V] était déclaré inapte à son poste, le médecin du travail précisant dans son avis que le salarié pourrait occuper un poste sans utilisation de machines, sans charge au sol, sans bras en l'air en poste mixte (assis-debout) éventuellement poste de bureau.

Le 3 février 2014 la société Signature Murale formulait par écrit deux offres de reclassement, que le salarié refusait, ce refus étant confirmé par une lettre recommandée avec avis de réception en date du 20 février 2014.

Après un entretien préalable qui se tenait le 12 mars 2014, M. [V] se voyait notifier son licenciement pour inaptitude par lettre du 25 mars 2014 énonçant les motifs suivants :

"Par lettre du 26 février 2014, nous vous avons convoqué à un entretien préalable fixé le 12 mars 2014, en vue d'un éventuel licenciement.

Lors de cet entretien auquel vous vous êtes présenté assisté d'un conseiller du salarié, nous vous avons rappelé les motifs qui nous ont amené à envisager une telle mesure comme suit :

Le 6 janvier 2014, le médecin du travail vous a déclaré inapte dans les termes suivants : « inapte au poste de décorateur [sic] a priori. Pourrait occuper un poste au sol, sans charges et sans outils vibrant, sans bras en élévation. A revoir dans 15 jours ».

Après étude de votre poste, des conditions de travail et divers échanges avec notre société, le médecin du travail que nous avons du reste informé du fait que vous occupiez le poste de Poseur et non de Décorateur, a rendu un second avis le 21 janvier 2014, libellé comme suit : «Inapte décorateur [sic !]) (état nominatif novembre 2013). Pourrait occuper un poste sans utilisation de machines, sans charges au sol, sans bras en l'air en poste mixte (assis debout) éventuellement poste de bureau ».

Dans le prolongement de ce second avis, nous avons recherché toutes solutions d'adaptation de votre poste et de reclassement pour vous permettre de conserver votre emploi.

C'est ainsi que par courrier du 3 février 2014 et tenant compte des préconisations émises par le médecin du travail, nous avons été en mesure de vous proposer deux solutions de reclassement aux mêmes conditions de rémunération et de classification.

Nous vous avons également convoqué à un entretien le 13 février 2014 à 10h pour faire le point sur votre reclassement.

Lors de cet entretien du 13 février 2014 vous nous avez informés de votre décision de refuser ces deux propositions de reclassement qui avaient pourtant recueilli l'avis favorable du médecin du travail, sans nous donner de justification, en dépit de nos efforts pour tenter d'en comprendre les raisons.

Par courrier du 17 février 2014, nous vous avons fait savoir que suite à votre refus des deux solutions de reclassement proposées pourtant parfaitement compatibles avec votre état de santé et sauf à ce que vous acceptiez d'occuper les seules fonctions d'ouvrier en charge de l'échantillonnage dans le cadre d'un temps partiel de 100 heures par mois correspondant à un salaire mensuel brut de 959 euros, dans la mesure où la charge de travail ne pouvait permettre d'occuper une personne à temps plein sur ce poste, nous ne disposions d'aucun autre poste disponible à vous proposer, faisant que nous étions contraints de devoir envisager à votre égard une mesure de licenciement.

En réponse à ce courrier, vous nous avez écrit que vous refusiez les postes de reclassement proposés.

Lors de l'entretien préalable, vous nous avez une nouvelle fois confirmé refuser les postes de reclassement proposés et ce, toujours sans aucune justification.

Compte tenu de la petite taille de notre entreprise, nous ne disposons d'aucun autre poste disponible compatible avec votre état de santé à vous proposer.

Il est toutefois patent que vous n'avez jamais eu l'intention de reprendre le travail et que vous n'avez jamais loyalement et sérieusement examiné les propositions qui vous ont été faites ; votre seule volonté étant manifestement de vous faire licencier et de tenter de nous en faire le reproche par la suite.

Votre refus injustifié de deux postes de reclassement, jugés parfaitement compatibles avec votre état de santé par le médecin du travail, aux mêmes conditions de classification et de rémunération qui étaient les vôtres, relève d'un abus manifeste et d'une parfaite déloyauté à notre égard.

En conséquence, nous vous notifions par la présente votre licenciement pour inaptitude physique médicalement constatée et sans autres reclassements possibles que ceux que nous vous avons proposés et que vous avez refusés.

Compte tenu de votre refus abusif des postes de reclassement proposés, aucune indemnité ne vous sera versée.

La date d'envoi de la présente lettre marquera la fin de votre contrat de travail.

Si vous étiez lié à nous par une clause de non concurrence, nous vous informons que nous vous en libérons. En conséquence aucune indemnité de non concurrence ne vous sera versée. ('.)"

Le 24 septembre 2014 puis le 1er juillet 2016, après radiation de l'affaire, M. [V] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de voir juger que son licenciement est nul pour être intervenu en violation des dispositions protectrices du salarié, victime d'une maladie professionnelle.

Par jugement en date du 23 juin 2017, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de M. [V] par la société Signature Murale intervenu le 25 mars 2014 est la conséquence de son refus non motivé de deux postes de reclassement compatibles avec son état de santé dûment validés par le médecin du travail, que la procédure de licenciement est régulière et que le refus de M. [V] est abusif,

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamné M. [V] à verser à la société Signature Murale la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les éventuels dépens à la charge de M. [V].

M. [V] a interjeté appel de ce jugement le 21 juillet 2017.

Par conclusions reçues par voie électronique le 19 avril 2018, il demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 23 juin 2017, en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

A titre principal :

- dire et juger que le licenciement dont a fait l'objet M. [V] est intervenu en violation des dispositions protectrices du salarié, victime d'une maladie professionnelle et prononcer sa nullité,

En conséquence :

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 39 733,20 euros au titre des dommages et intérêts pour le licenciement nul,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 26 488,80 euros au titre des dommages et intérêts pour avoir violé l'obligation de bonne foi, de loyauté, de protection et de sécurité de résultat,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 7 063,68 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 4 414,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 441,48 euros au titre des congés payés y afférents,

A titre subsidiaire :

- dire et juger que le licenciement dont a fait l'objet M. [V] est sans cause réelle et sérieuse,

En conséquence :

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 39 733,20 euros au titre des dommages et intérêts pour le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 26 488,80 euros au titre des dommages et intérêts pour avoir violé l'obligation de bonne foi, de loyauté, de protection et de sécurité de résultat,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 7 063,68 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 4 414,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 441,48 euros au titre des congés payés y afférents,

En toutes hypothèses :

- ordonner la requalification du poste de travail de M. [V] en chef d'équipe,

En conséquence :

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 11 094,36 euros au titre de rappel des salaires et 1 109,43 euros au titre des congés payés y afférents,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 44 148 euros au titre des dommages et intérêts pour la dégradation de santé,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre des dommages et intérêts pour le manquement à l'obligation de formation professionnelle et/ou d'adaptation,

- prononcer la majoration des condamnations au taux d'intérêt légal,

- débouter la société Signature Murale de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- condamner la société Signature Murale à délivrer les bulletins de paie et documents de fin de contrat conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- ordonner l'exécution provisoire,

- condamner la société Signature Murale à payer à M. [V] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions reçues par voie électronique le 8 octobre 2018, la société Signature Murale demande à la cour de :

A titre principal :

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Nanterre le 23 juin 2017 dans l'ensemble de ses dispositions,

Très subsidiairement,

- réduire les sommes réclamées par M. [V] à de plus justes proportions,

Dans tous les cas :

- condamner M. [V] à payer à la Société Signature Murale en cause d'appel une somme supplémentaire de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [V] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître de Carfort, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance rendue le 15 novembre 2018, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un exposé plus ample de leurs prétentions et moyens conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes relatives à l'exécution du contrat de travail

- Sur la demande de requalification du poste de travail

M. [V] s'estime bien fondé à solliciter la requalification de son poste de travail en chef d'équipe, niveau IV, position 1, coefficient 250 de la convention collective applicable. Il prétend qu'il a travaillé comme décorateur, que depuis septembre 2008, il exerçait en réalité une activité de chef d'équipe et formateur chargé de la réalisation des décorations murales sans que ni sa qualification, ni sa rémunération n'évoluent. L'employeur a toutefois refusé de requalifier son poste. M. [V] souligne d'ailleurs qu'auprès de la médecine du travail, il figurait parmi les salariés de la société Signature Murale en qualité de décorateur.

La société Signature Murale réplique que la demande de changement de qualification de M. [V], à laquelle elle a répondu défavorablement le 5 février 2014, n'était ni fondée ni justifiée. Elle rappelle qu'elle est une entreprise du bâtiment, qu'elle n'emploie aucun décorateur, que ce métier ne fait pas partie des métiers de l'entreprise, que M. [V] était un simple poseur dont le travail consistait à transférer sur les murs, au moyen d'une taloche, une sorte de mélange semi-liquide et pâteux (mélange de poudre de pierre composite et de liquide préparé à l'atelier par d'autres ouvriers et livré sur le chantier), qu'il recevait des directives à chaque étape de son travail, hormis le cas de petites retouches, de travaux préparatoires de base ou de nettoyage de chantiers, qu'il ne disposait d'aucun diplôme du bâtiment, qu'il n'a jamais été chef d'équipe, que le niveau 1 position 1 coefficient 150 attribué à l'intéressé était parfaitement adapté à sa situation, cette classification correspondant à un emploi d'ouvrier d'exécution effectuant des travaux de simple exécution, ne nécessitant pas de connaissances particulières, selon des consignes précises et faisant l'objet d'un contrôle constant, qu'il n'était pas bon dans son travail et a même reçu deux avertissements en 2009 et 2011 pour ce motif.

La société Signature Murale ajoute qu'en toute hypothèse, ses demandes de rappel de salaire antérieures au 25 mars 2011 sont prescrites.

Sur ce, la cour observe qu'aux termes du contrat de travail signé le 19 septembre 2006, M. [V] a été engagé en qualité de poseur, statut ouvrier, niveau 1, position 1, coefficient 150 de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne.

Le salarié, qui ne justifie au demeurant d'aucun diplôme dans le domaine du bâtiment, ne démontre pas qu'il a exercé concrètement, pour le compte de la société Signature Murale, d'autres fonctions que celle de poseur, ni qu'il a encadré d'autres ouvriers. Il convient d'ailleurs de relever que lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 19 septembre 2014, il a indiqué être « poseur de pierre composite ».

Le simple fait que la médecine du travail ait mentionné dans ses avis qu'il était décorateur est insuffisant pour retenir cette qualification, d'autant que le registre unique du personnel de l'entreprise ne mentionne aucun décorateur dans ses effectifs actuels ou passés.

La demande de requalification de M. [V] et sa demande de rappel de salaire subséquente doivent en conséquence être rejetées, comme l'a justement décidé le conseil de prud'hommes.

- Sur l'obligation de sécurité de l'employeur

M. [V] reproche à son employeur le non-respect de son obligation de sécurité. Il soutient que son travail était particulièrement éprouvant, consistant à poser durant plusieurs heures de suite des décorations murales principalement sur le plafond et le haut des murs. Dépourvu de toute protection, il a été victime d'un accident du travail le 12 octobre 2007 que l'employeur a omis de déclarer, ce qui a entraîné un refus de prise en charge par la sécurité sociale. Il prétend que ses conditions de travail se dégradaient tous les jours jusqu'à ce que le 19 avril 2012, sa maladie professionnelle soit effectivement reconnue.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, en mettant en place notamment des actions de prévention des risques professionnels. Il doit veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances. Ainsi, l'employeur, tenu à une obligation de sécurité, doit respecter les préconisations du médecin du travail.

En l'espèce, l'employeur produit :

- une attestation rédigée par M. [N] [E], responsable technique de travaux, qui indique avoir reçu une formation en matière de sécurité et de protection de la santé des salariés délivrée par la société Conpas Coordination. M. [E] atteste avoir ensuite formé les salariés de la société Signature Murale en matière de gestes et posture, et notamment M. [V] ;

- une facture d'honoraires de la société Conpas Coordination en date du 31 décembre 2013 ;

- un document, à l'attention de M. [E], énumérant des consignes de sécurité à respecter pour utiliser la scie nécessaire à ses fonctions.

Il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité, étant observé que le salarié a fait l'objet chaque année depuis son embauche de visites auprès de la médecine du travail, qui l'a déclaré apte sans la moindre réserve jusqu'en 2012.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité à ce titre.

- Sur l'obligation de formation de l'employeur

M. [V] sollicite l'allocation de dommages-intérêts à hauteur de 2 000 euros pour manquement de l'employeur à son obligation de formation professionnelle et/ou d'adaptation.

La cour relève cependant que le salarié qui occupait un poste de poseur, sans évolution de ses fonctions depuis son embauche, ne s'explique aucunement sur cette demande et n'établit pas en quoi l'employeur aurait manqué à son obligation à cet égard.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité à ce titre.

- Sur la non délivrance de certains bulletins de salaires

M. [V] prétend que la société Signature Murale ne lui a pas délivré certains bulletins de salaire (août 2009 ; juillet, septembre, novembre et décembre 2012 ; janvier, février ainsi que mai à décembre 2013). Il reproche en outre à son employeur l'irrégularité des bulletins de salaires, à savoir, la confusion entre les jours d'absences et les jours de congés payés.

La société Signature Murale répond que le salarié s'est toujours vu adresser ses bulletins de salaire ; qu'à une période, il n'a pas signalé à son employeur son changement d'adresse, de sorte que de nombreux envois sont revenus avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse ».

La cour observe en effet que la preuve n'est pas rapportée par le salarié d'une quelconque obstruction à l'envoi ou la remise de ses bulletins de salaire. Non seulement, la société Signature Murale justifie de la difficulté liée au changement d'adresse du salarié mais en outre elle démontre par la production des pièces correspondantes, qu'elle a envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception du 9 janvier 2014, dûment réceptionnée par M. [V] le 18 janvier 2014, les bulletins de salaire qu'il lui avait réclamés le 8 janvier 2014.

Quant au grief d'irrégularité des bulletins de salaires, il sera également écarté à défaut d'explications du salarié permettant à la cour de statuer sur ce point.

Sur la nullité du licenciement

M. [V] estime que son licenciement pour inaptitude physique doit être requalifié en licenciement nul aux motifs que son inaptitude est due à la dégradation de ses conditions de travail et que la procédure engagée à son encontre est irrégulière. Il fait valoir qu'il a été victime d'un accident de travail le 12 octobre 2007, d'une rechute d'accident du travail le 20 août 2009, avant qu'une maladie professionnelle lui soit reconnue le 19 avril 2012 ; qu'il a fait l'objet de nombreux arrêts de travail en raison de sa maladie professionnelle ; que la dégradation de son état de santé ayant entraîné son inaptitude est due à la dégradation de ses conditions de travail.

La société Signature Murale réplique, s'agissant de l'événement du 12 octobre 2007, que M. [V] a déclaré s'être baissé pour prendre un pot de peinture et avoir ressenti une douleur au bas du dos en se relevant ; que dans un courrier qu'il a adressé à la CPAM, il a indiqué qu'il avait déjà mal au dos à la maison depuis quelques jours et qu'il a continué à avoir mal au dos durant la journée de travail ; que les critères de l'accident du travail n'étaient pas réunis ; que d'ailleurs, la CPAM a refusé par la suite de prendre en charge cet accident au titre de la législation sur les accidents du travail ; qu'en tout état de cause et contrairement à ce que soutient le salarié, une déclaration d'accident du travail avait bien été faite le 12 octobre 2007 et adressée à la CPAM par l'employeur, qui a en outre répondu aux demandes complémentaires de l'organisme de sécurité sociale ; que ces faits, de plus de 10 ans, sont au demeurant largement prescrits.

La société Signature Murale s'inscrit en faux concernant l'allégation d'une rechute d'accident du travail le 20 août 2009 puisque le salarié était à cette date en congés payés en Pologne. Elle considère que c'est en réalité de mauvaise foi que M. [V] tente d'imputer sa maladie, de nature congénitale, à l'exercice de son activité au sein de l'entreprise.

Elle indique avoir été informée par la CPAM, le 12 mars 2013, que M. [V], qui n'avait jusque-là jamais fait état d'une maladie professionnelle, avait établi une déclaration en ce sens. Alors que tous les arrêts de travail de l'intéressé avaient été faits sur un formulaire Cerfa intitulé « Arrêt de travail », elle s'est étonnée de recevoir fin mars 2013, près d'un an après le début de son arrêt de travail, un courrier de M. [V] contenant l'ensemble des arrêts de travail depuis 2012 réétablis sur un formulaire Cerfa intitulé « Certificat d'arrêt de travail accident du travail ou maladie professionnelle », et ce sans aucune explication.

Ayant été informée le 6 décembre 2013 par la CPAM que le salarié était apte à reprendre une activité professionnelle à compter du 2 janvier 2014, ce que confirmait l'arrêt médical final établi par son médecin traitant, la société Signature Murale a organisé la visite médicale de reprise puis elle a invité le médecin du travail à venir dans l'entreprise afin de procéder à une étude du poste et des conditions de travail du salarié.

Sur ce, il sera tout d'abord rappelé que le régime de l'inaptitude au poste diffère selon que la période de suspension du contrat de travail est consécutive à une maladie ou un accident non professionnel ou professionnel.

Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.

Il appartient au juge d'une part, de déterminer lui-même, sans se fonder exclusivement sur la prise en charge ou le refus de prise en charge par la sécurité sociale de l'accident ou de la maladie, le caractère professionnel ou non de l'accident ou de la maladie, d'autre part, de rechercher si l'employeur avait, ou non, connaissance de ce caractère professionnel lors du licenciement.

En l'espèce, à l'issue de la première visite médicale de reprise, le 6 janvier 2014, le médecin du travail a rédigé l'avis suivant : « Inaptitude au poste de décorateur à prévoir. Pourrait occuper un poste au sol sans charges et sans outils vibrants, sans bras en élévation. A revoir dans 15 jours ».

Lors de la seconde visite médicale du 21 janvier 2014, le médecin du travail a déclaré M. [V] « inapte décorateur (état nominatif novembre 2013). Pourrait occuper un poste sans utilisation de machines, sans charges au sol, sans bras en l'air, en poste mixe (assis-debout) éventuellement poste de bureau ».

Il résulte des éléments médicaux communiqués par le salarié que la pathologie dont il souffre et qui a été reconnue comme maladie professionnelle le 19 août 2013, affecte son épaule droite, ce qui s'avère sans lien avec "l'accident du travail" en date du 12 octobre 2007, qui concernait son dos. De plus, le certificat médical établi le 20 août 2009 par un médecin du dispensaire de Belzec en Pologne, qui viendrait selon le salarié démontrer une rechute d'accident du travail, alors au demeurant que celui-ci était en congés depuis le 3 août 2009, fait référence à une pathologie du disque intervertébral. Au surplus, cet événement apparaît trop ancien pour être relié aux arrêts de travail qui se sont succédés à compter du 19 avril 2012.

La cour considère ensuite que seuls les arrêts de travail établis sur le formulaire Cerfa intitulé « Arrêt de travail », adressés en premier lieu à l'employeur sans aucune référence à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, doivent être pris en compte.

Outre le fait que le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine a jugé le 14 mars 2018 que la décision du 19 août 2013 de la CPAM reconnaissant le caractère professionnel de la maladie déclaré par M. [V] était inopposable à la société Signature Murale, il ressort des attestations de collègues produites par l'employeur qu'à partir de la fin de l'année 2011, le salarié passait ses soirées et ses week-ends à rénover son appartement (attestation de M. [H]), que lors d'une visite au siège de l'entreprise au second trimestre 2012, il s'est présenté le bras en écharpe pour cause de douleurs intenses mais que, dès qu'il s'est cru seul, il a retiré l'écharpe pour repartir sans aucune gêne apparente, "les deux mains vigoureusement agrippées au guidon d'une trottinette" (attestation de M. [I]).

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'inaptitude de M. [V] n'a pas une origine professionnelle et que le salarié est mal fondé à revendiquer l'application des règles protectrices relatives aux salariés victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle et partant, la nullité de son licenciement.

Sur l'obligation de reclassement

M. [V] prétend que la société Signature Murale n'a pas respecté la procédure de reclassement en s'abstenant de procéder à la recherche sérieuse et loyale d'un poste correspondant à son état de santé, tenant compte de l'avis du médecin du travail ; qu'il n'avait pas d'autre choix que de refuser les deux postes, identiques, de chauffeur-livreur qui lui ont été proposés puis le poste à temps partiel d'ouvrier en charge de l'échantillonnage, avec une rémunération très inférieure au poste précédemment occupé, puisque d'une part, il ne pouvait pas conduire, ni utiliser de machines compte tenu notamment de son traitement et que d'autre part, il avait une famille à charge et notamment, un enfant en bas âge ; que dans ces conditions, la procédure de reclassement qui s'imposait à l'employeur en amont du licenciement est irrégulière.

La société Signature Murale réplique que, conformément à ses obligations et afin de permettre à M. [V] de conserver son emploi, elle a recherché toutes les solutions d'adaptation du poste et de reclassement pour son salarié ; qu'elle lui a proposé des solutions de reclassement qu'il a refusées sans donner aucune justification ; que compte tenu de la petite taille de l'entreprise, de l'absence d'autre poste disponible comme en témoigne le registre unique du personnel, elle n'a pas eu d'autre solution que de licencier M. [V].

Elle précise que les élections des délégués du personnel, qui ont lieu tous les 4 ans, ont donné lieu tant en 2011 qu'en 2014 à un procès-verbal de carence totale, régulièrement notifié à l'inspection du travail, de sorte qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir consulté les délégués du personnel de l'entreprise sur les solutions de reclassement proposées à M. [V].

Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa version applicable au litige, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Les recherches menées par l'employeur doivent être sérieuses et loyales, et doivent avoir été préalables à la mise en oeuvre de la procédure de licenciement.

C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen.

Il ressort des éléments du débat qu'à compter du 21 janvier 2014, date de l'avis d'inaptitude, la société Signature Murale disposait d'un mois pour reclasser son salarié ; que par courrier du 3 février 2014, elle lui a proposé deux postes, sous réserve de l'accord du médecin du travail, et l'a invité à un entretien le 13 février 2014 pour évoquer les solutions de reclassement.

Les solutions proposées, qui n'emportaient modification ni du statut ni de la classification du salarié, étaient les suivantes :

- un poste de chauffeur-livreur en charge de transporter les échantillons, le personnel et les matières premières, sans avoir à charger ou décharger le véhicule,

- un poste d'ouvrier (en charge de réaliser les échantillons) - chauffeur-livreur, là encore sans avoir à charger ou décharger le véhicule.

Le médecin du travail a indiqué le 5 février pour le premier poste : "Poste mieux adapté, sans problème" et pour le second "Moins bonne solution", sans cependant déclarer que ce dernier poste était incompatible avec l'état de santé de M. [V].

Lors de l'entretien qui s'est tenu le 13 février 2014 avec l'employeur, le salarié a refusé les deux propositions de reclassement.

Par courrier du 17 février 2013, la société Signature Murale a indiqué à l'intéressé qu'elle n'avait pas d'autre solution de reclassement à lui proposer que celles qu'elle lui avait déjà faites, sauf à ce qu'il accepte un poste d'ouvrier en charge du seul échantillonnage mais à temps partiel à hauteur de 100 heures par mois et l'a informé qu'à défaut, elle serait contrainte de procéder à son licenciement.

M. [V] a formellement rejeté toutes les solutions de reclassement proposées, par courrier adressé à la société Signature Murale le 20 février 2014.

Les recherches de reclassement auxquelles l'employeur a procédé apparaissent sérieuses et loyales.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que la société Signature Murale a respecté son obligation de reclassement et que le licenciement pour inaptitude de M. [V] repose sur une cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens de l'instance et les frais irrépétibles

M. [V], qui succombe, supportera les dépens en application des dispositions de l'article'696 du code de procédure civile.

Il sera en outre condamné à payer à la société Signature Murale une indemnité sur le fondement de l'article'700 du code de procédure civile, que l'équité et la situation économique respective des parties conduisent à arbitrer à la somme de 100 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, qui sont donc confirmés, et 500'euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [J] [V] à verser à la société Signature Murale une indemnité de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [J] [V] de sa demande de ce chef ;

CONDAMNE M. [J] [V] aux dépens, dont distraction au profit de Maître de Carfort, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Isabelle VENDRYES, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 17/03781
Date de la décision : 07/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°17/03781 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-07;17.03781 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award