La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/11/2019 | FRANCE | N°16/05646

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 07 novembre 2019, 16/05646


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 NOVEMBRE 2019



N° RG 16/05646 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RFGB



AFFAIRE :



[W] [O]





C/

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 13/02614

<

br>
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :



Me David METIN



Me Mélina PEDROLETTI







le :



RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a ren...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 NOVEMBRE 2019

N° RG 16/05646 - N° Portalis DBV3-V-B7A-RFGB

AFFAIRE :

[W] [O]

C/

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 08 Novembre 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° Section : E

N° RG : 13/02614

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Mélina PEDROLETTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [O]

né le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 1]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me David METIN, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, substitué à l'audience par Me CORNEVILLE Amélie, avocate au barreau de VERSAILLES.

APPELANT

****************

SAS ERNST & YOUNG ET ASSOCIES

N° SIRET : 449 142 348

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me David LINGLART de l'ASSOCIATION LECANET & LINGLART, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0554 - Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 16/05646

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Septembre 2019, Monsieur Eric LEGRIS, conseiller, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :

Madame Hélène PRUDHOMME, Président,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU

Le 7 février 2011, M. [W] [O] était embauché par la société Ernst&Young en qualité de consultant grade senior manager (statut cadre) par contrat à durée indéterminée. Le contrat de travail était régi par la convention collective des experts comptables et des commissaires aux comptes.

Le 5 septembre 2012, l'employeur le convoquait à un entretien préalable en vue de son licenciement ; l'entretien était fixé au 14 septembre 2012. Le 19 septembre 2012, il lui notifiait son licenciement pour insuffisance professionnelle.

Le 2 août 2013, M. [W] [O] saisissait le conseil de prud'hommes de Nanterre, à titre principal, de la nullité de son licenciement, et à titre subsidiaire, du caractère non-fondé de son licenciement.

Vu le jugement du 12 juillet 2016 prorogé au 08 novembre 2016 rendu en formation paritaire par le conseil de prud'hommes de Nanterre qui a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [W] [O] pendant son congé de paternité ne peut être considéré comme nul et que le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié,

- débouté M. [W] [O] de toutes ses demandes,

- débouté la SAS Ernst &Young et associés de sa demande d'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les entiers dépens à la charge de M. [W] [O].

Vu la notification de ce jugement le 21 novembre 2016.

Vu l'appel interjeté par M. [W] [O] le 16 décembre 2016.

Vu les conclusions de l'appelant, M. [W] [O], notifiées le 28 février 2018 et soutenues à l'audience par son avocat auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- recevoir M. [W] [O] en ses demandes et l'y déclarer bien fondé ;

- infirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé par le conseil de prud'hommes de Nanterre le 8 novembre 2016,

Statuant à nouveau,

Sur l'exécution du contrat de travail :

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'atteinte à l'obligation de sécurité de résultat ;

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 5 490,83 euros à titre de rappel de salaire sur prime de performance garantie pour l'année 2011 outre 549 euros au titre des congés payés afférents ;

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 11 640 euros à titre de rappel de salaire sur prime de performance pour l'année 2012 outre 1 164 euros de congés payés afférents ;

Sur la rupture du contrat de travail :

A titre principal,

- dire et juger que le licenciement de M. [W] [O] est nul ;

En conséquence,

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le licenciement de M. [W] [O] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

En tout état de cause :

- condamner la SAS Ernst &Young à verser à M. [W] [O] la somme de 4 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- condamner la SAS Ernst &Young aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Vu les écritures de l'intimée, la SAS Ernst &Young et associés (ci après la société Ernst &Young), notifiées le 23 février 2018 et développées à l'audience par son avocat auxquelles il est aussi renvoyé pour plus ample exposé, il est demandé à la cour d'appel de :

- déclarer M. [W] [O] mal fondé en son appel,

- recevoir la société Ernst et associés en ses écritures et l'y déclarer bien-

fondé :

A titre principal,

- confirmer la décision en ce qu'elle a débouté M. [O] de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- ramener les demandes de M. [O] à de plus justes proportions ;

En tout état de cause,

- condamner M. [O] à payer à la société Ernst&Young et associés, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par maître Mélina Pedroletti, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 1er juillet 2019.

SUR CE,

Sur l'exécution du contrat de travail :

M. [O] invoque en premier lieu une exécution déloyale du contrat de travail par son employeur ;

Il soutient à ce titre avoir été isolé professionnellement et géographiquement, fait état de report de rendez-vous par sa supérieure hiérarchique, d'affectation exclusivement à l'étranger entre le 14 février et le 28 juin 2011 et d'une rétrogradation ; il ajoute avoir subi de nombreuses critiques par sa nouvelle supérieure, Mme [Z], et invoque une rupture discrétionnaire d'un accord de principe en vue de son transfert vers une autre division ;

Toutefois, comme l'indique l'intimée, l'annulation de rendez-vous fait partie des aléas de la vie professionnelle et il n'est pas démontré en l'espèce de volonté de nuire de la part la supérieure hiérarchique de M. [O] ; en outre, comme cette dernière l'avait souligné par écrit, l'envoi en mission à l'étranger avait pour avantage de donner au salarié une crédibilité internationale sur le sujet confié, et ne s'analyse pas en une sanction ;

De même, lui avoir ponctuellement confié, alors qu'il se trouvait disponible, un travail de collecte d'informations sur les projets en cours ou potentiels sur la liquidité dans la zone EMEIA ne constitue pas une rétrogradation ;

Les éléments produits par M. [O] ne démontrent pas qu'il ait été l'objet de pressions ou critiques injustifiées qui soient imputables à Mme [Z] ; en revanche, les évaluations produites font état d'éléments d'insuffisances professionnelles, ce que le salarié est en droit de contester, mais qui ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur, étant observé à ce titre que les appréciations émanent de plusieurs évaluateurs ;

Enfin, si l'appelant produit des échanges faisant ressortir qu'un transfert vers une autre division a été évoqué et envisagé, il ne démontre pas d'accord de principe conclu à ce sujet ni de rupture discrétionnaire imputable à son employeur ;

La demande de dommages et intérêts au titre d'une exécution déloyale du contrat de travail sera en conséquence rejetée ;

M. [O] estime en second lieu que la société Ernst &Young a violé son obligation de sécurité ; il indique à ce titre avoir subi un tabagisme passif, un stress professionnel outre un défaut d'entretien annuel en présence d'une convention de forfait-jour ;

S'agissant du tabagisme passif allégué, outre que M. [O] ne justifie pas de réclamations formées à ce titre auprès de collègues, de sa hiérarchie ou d'instances représentatives du personnel durant l'exécution de la relation de travail, ses allégations, contestées par l'employeur, ne reposent que sur ses propres affirmations ;

De même, l'unique pièce à laquelle il se réfère concernant le stress professionnel qu'il invoque, soit un examen médical par la médecine du travail daté du 16 juillet 2012, se contentant de mentionner « Anxiété 7 » et « Dépression 9 » sans qu'aucune échelle ne soit précisée ni de lien établi entre cet état et la situation professionnelle de l'intéressé, étant souligné que le médecin du travail conclut dans le même document à son aptitude au travail, sans aucun aménagement de poste, et qu'il n'est pas produit d'autre pièce médicale ;

Par ailleurs M. [O] invoque une absence de suivi de sa charge de travail en rappelant qu'il était soumis à un forfait-jour, sans apporter d'éléments sur les horaires qu'il effectuait ni former de réclamations au titre du paiement d'heures supplémentaires et finalement sans justifier avoir subi un préjudice en lien avec le manquement invoqué ;

Compte tenu de ces éléments, sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'atteinte à l'obligation de sécurité de résultat sera également rejetée ;

L'appelant demande par ailleurs des rappels de salaire sur prime de performance ;

Il sollicite la somme de 5 490,83 euros à titre de rappel de salaire sur prime de performance garantie pour l'année 2011 outre 549 euros au titre des congés payés afférents, en faisant valoir que son employeur a soustrait le montant de la prime d'expatriation, d'un montant de 5 490,83 euros mentionné sur le bulletin de salaire d'août 2011 versé aux débats, à celui de la prime annuelle brute garantie à 10 000 euros ; il s'étonne que l'addition de la prime d'expatriation versée (4 509,17 euros, figurant sur le même bulletin de salaire) et de la prime annuelle donne un total très précisément de 10 000 euros ;

Son contrat de travail prévoyait que « vous pourrez, éventuellement, bénéficier d'une prime individuelle qui vous sera octroyée en fonction de vos performances au cours de l'exercice écoulé . (') Elle ne rentrera pas dans l'assiette des congés payés . (...) » et que « Cette prime de performance vous sera exceptionnellement garantie la première année fiscale (1er juillet 2010 au 30 juin 2011). Son montant minimum sera de 10 000 euros, sous réserve de la confirmation de votre période d'essai. Le versement de cette prime interviendra après la fin de l'exercice fiscal, sous réserve de votre présence dans l'entreprise au moment du versement » ;

L'intimée estime avoir respecté ses engagements contractuels en indiquant que M. [O], engagé à compter du 9 février 2011, a perçu sa prime annuelle proportionnellement à son temps de participation à l'exercice fiscal 2010-2011 ;

Cette dernière ne fournit toutefois pas de précisions chiffrées sur le calcul du montant versé à ce titre et les dispositions précitées du contrat de travail prévoyaient un montant minimum garanti de 10 000 euros pour la prime de performance de l'année fiscale 2010- 2011, sous l'unique réserve de la présence de M. [O] dans l'entreprise au moment du versement ;

Dans ces conditions, M. [O] est en droit de prétendre au versement du solde de la prime de performance garantie contractuelle pour l'année 2011 d'un montant de 5 490,83 euros, à l'exclusion des congés payés ; le jugement sera infirmé de ce chef ;

M. [O] sollicite en outre la somme de 11 640 euros à titre de rappel de salaire sur prime de performance pour l'année 2012 outre 1 164 euros de congés payés afférents, en rappelant son expérience et son positionnement hiérarchique et en indiquant que la moyenne des primes annuelles au sein de l'entreprise s'est élevée à la somme de 11 640 euros ;

Cependant, la société Ernst &Young fait justement valoir en réplique que la prime était liée aux performances de l'année écoulée et que l'insuffisance professionnelle - ainsi que le retiendra la cour pour les motifs ci-après développés - a justifié qu'aucune prime ne soit versée à M. [O], ce qui ne constituait pas une discrimination salariale ; le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [O] soutient tout d'abord que son licenciement est nul en faisant valoir qu'un licenciement survenu en violation du droit à la paternité est discriminatoire et que la loi n°2014-873 du 4 août 2014 a consacré cette nullité en prévoyant qu'aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d'un salarié pendant les quatre semaines qui suivent la naissance de son enfant, sauf faute grave de l'intéressé ou impossibilité pour l'employeur de le maintenir pour un motif étranger à l'arrivée de l'enfant ;

La société Ernst &Young conteste tout lien entre la procédure de licenciement et la paternité de M. [O], au regard des éléments chronologiques s'y rapportant et de l'insuffisance professionnelle à l'origine de la rupture, en ajoutant que M. [O] ne peut se prévaloir d'une application rétroactive de la loi susvisée ;

En application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

En l'espèce, M. [O] fait valoir qu'il a informé son employeur de son congé paternité à venir et qu'il a été licencié pendant son congé de paternité ;

Il produit un courriel du 3 septembre 2012 informant l'entreprise qu'il « souhaiterai[t] prendre [s]on congé de naissance de 3 jours » à compter en principe du 29 septembre 2012, auquel le service RH lui répondait le même jour : « C'est une bonne nouvelle. Tu préviens ta hiérarchie des dates probables d'absence et tu passeras ces 3 jours en événement familial dans ton GT&E » mais aussi un nouveau courriel du 12 septembre 2012 dans lequel il indiquait cette fois à son employeur que « la naissance ayant eu lieu avec 3 semaines d'avance, j'ai prévu de prendre mon congé de paternité à partir du lundi 17 septembre » ; il était finalement licencié en date du 19 septembre 2012 ;

M. [O] établit ainsi l'existence matérielle de faits pouvant laisser présumer l'existence d'une discrimination à son encontre ;

Toutefois, comme le fait observer l'intimée, c'est dès le le 5 septembre 2012 que l'employeur avait convoqué M. [O] à un entretien préalable en vue de son licenciement, entretien qui était fixé au 14 septembre 2012 ; le 19 septembre 2012, il lui était notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

Ainsi qu'il ressort des motifs développés ci-après, la société Ernst &Young démontre que l'insuffisance professionnelle qu'elle a invoquée constitue à la fois la cause réelle et sérieuse du licenciement ;

Il s'ensuit que celui-ci est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

En outre, dans ces conditions, et alors que les dispositions citées de la loi n°2014-873 du 4 août 2014 ne sont entrées en vigueur que le 6 août 2014, M. [O] ne peut valablement invoquer les dispositions de l'actuel article L. 1225-4-1 du code du travail ;

Les demandes relatives à la nullité du licenciement seront par conséquent rejetées ; le jugement sera confirmé de ce chef ;

M. [O] conteste en second lieu le bien fondé de son licenciement ;

En application de l'article L. 1232-1 du code du travail un licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ;

Si la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'appartient spécialement à aucune des parties, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toute mesure d'instruction qu'il juge utile, il appartient néanmoins à l'employeur de fournir au juge des éléments lui permettant de constater la réalité et le sérieux du motif invoqué ;

L'insuffisance professionnelle constitue un motif de licenciement lorsqu'elle repose sur des éléments objectifs matériellement vérifiables au regard des responsabilités du salarié ;

Plusieurs reproches sont développés dans la lettre de licenciement au soutien du grief d'insuffisance professionnelle invoqué ;

Il est ainsi reproché à M. [O] d'avoir travaillé sur une réponse à appel d'offre pour l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) ; l'employeur fait valoir à ce titre qu'il avait pourtant été décidé que cette mission ne lui serait pas confiée ;

Toutefois, M. [O] s'est bien vu transmettre par M. [G] le 19 juillet 2012 le courriel ayant pour objet une « demande de consultation » s'y rapportant ; le 26 juillet 2017, M. [G] sollicitait encore M. [O] pour savoir si celui-ci avait pu « avancer » sur la procédure ; le courriel de M. [J] est postérieur (daté du 1er août 2012) et fait ressortir qu'il n'avait été décidé que M. [O] ne travaillerait pas sur ce projet qu' « après arbitrage interne » ; Au vu de ces seuls éléments, ce reproche n'est pas démontré ;

Il est aussi reproché à M. [O] un manque de proactivité ;

La société Ernst &Young souligne que le plan d'objectifs du salarié pour l'année 2012 lui fixait l'objectif de « développer l'offre ALM/ Liquidité » ;

Le rapport établi fin mai 2012 à ce sujet par sa hiérarchie mentionnait, après avoir rappelé que le développement de cette offre constituait son objectif essentiel, que les résultats de M. [O] sur les niveaux tant interne qu'externe « sont en dessous des attentes » ;

Il était plus précisément relevé que le salarié n'avait pas rencontré les associés BCM ou Framalux et ce afin de leur « présenter « l'offre [ALM Trésorerie], les compétences de l'équipe et les crédentiels » ;

S'agissant du développement externe, il était mentionné que les démarches commerciales entreprises auprès de clients externes s'étaient limitées aux deux missions réalisées dans l'année, sans « chercher à organiser de RDV client, en particulier avec les clients corporate » ni « organiser de façon autonome sa démarche commerciale » ni « chercher à travailler son réseau » ;

Il ressort également d'un courriel adressé le 16 mai 2012 par Mme [I] à M. [O] que celle-ci, dans la suite d'une discussion sur le travail de collecte d'informations dont elle détaillait le contenu réitérait par écrit avoir «été déçue par la qualité de ton travail sur cet exercice » ce qu'elle explicitait en soulignant notamment que « les demandes envoyées aux différents bureaux restaient floues » ou que « les relances n'étaient pas très soutenues » et des informations communiquées « pas exploitables étant donné le peu de détails communiqués », concluant que « je m'attendais à plus d'implication de ta part, ce qui n'a manifestement pas été le cas » ;

Si l'appelant produit des courriels relatifs à des tâches qu'il a accomplies, celles-ci concernent l'année 2011, alors que le reproche développé par l'employeur se réfère en particulier à l'objectif assigné pour l'année 2012 et M. [O] n'apporte pas la démonstration qu'il aurait été alors délibérément et systématiquement écarté par sa hiérarchie de ses activités commerciales ;

Il est enfin reproché au salarié son comportement en lien avec ses absences et prise de congés;

Quand bien même M. [O], qui avait signé une convention de forfait-jour, jouissait d'une réelle autonomie, l'intimée souligne à juste titre qu'il lui est reproché plus précisément de ne pas avoir prévenu de ses nombreuses absences du bureau, ce qui créait des difficultés pour le suivi des missions et empêchait ses supérieurs et collaborateurs d'optimiser l'organisation du service ;

Concernant les semaines de l'été 2012 (du 23 juillet au 17 août 2012) qui n'ont pas été enregistrées comme une période d'indisponibilité, laquelle ne s'imputait pas sur le décompte de congés payés du salarié, M. [O] produit certes un envoi professionnel le 25 juillet 2012 mais il ne peut valablement justifier le défaut d'enregistrement de sa période de congés postérieurement à cette date par le fait qu'il ne se considérait plus « maître » de ses congés à cette époque ;

Compte tenu de ces éléments, il sera retenu que le grief d'insuffisance professionnelle est caractérisé ; le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a statué en ce sens et débouté M. [O] de ses demandes formées au titre de la rupture du contrat de travail ;

Sur les intérêts

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale seront dus à compter de la réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation ;

S'agissant des créances de nature indemnitaire, les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt ;

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera infirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Ernst &Young ;

La demande formée par M. [O] au titre des frais irrépétibles sera accueillie, à hauteur de 1 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives au rappel de salaire sur prime de performance garantie pour l'année 2011 et à l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau des dispositions infirmées,

Condamne la SAS Ernst &Young et associé à payer à M. [W] [O] les sommes suivantes :

- 5 490,83 euros à titre de rappel de salaire sur prime de performance garantie pour l'année 2011,

- 1 000 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure,

Dit que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur en conciliation et à compter du présent arrêt s'agissant des créances de nature indemnitaire ;

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SAS Ernst &Young aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Mme Hélène PRUDHOMME, président, et Mme Sophie RIVIERE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 16/05646
Date de la décision : 07/11/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°16/05646 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-11-07;16.05646 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award