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31/10/2019 | FRANCE | N°15/01965

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 31 octobre 2019, 15/01965


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



6e chambre







ARRÊT N° 398



CONTRADICTOIRE



DU 31 OCTOBRE 2019



N° RG 15/01965



N° Portalis : DBV3-V-B67-PZI4







AFFAIRE :



[S] [Y]



FÉDÉRATION NATIONALE DES PERSONNELS DES SOCIÉTÉS D'ÉTUDES, DE CONSEIL ET DE PRÉVENTION CGT



C/



SA SOPRA STERIA GROUP venant aux droits de la SA STERIA









©cision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Encadrement

N° RG : 11/00605







Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 04 Novembre 2019 à :

- Me Emmanuelle B...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

6e chambre

ARRÊT N° 398

CONTRADICTOIRE

DU 31 OCTOBRE 2019

N° RG 15/01965

N° Portalis : DBV3-V-B67-PZI4

AFFAIRE :

[S] [Y]

FÉDÉRATION NATIONALE DES PERSONNELS DES SOCIÉTÉS D'ÉTUDES, DE CONSEIL ET DE PRÉVENTION CGT

C/

SA SOPRA STERIA GROUP venant aux droits de la SA STERIA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Section : Encadrement

N° RG : 11/00605

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées le 04 Novembre 2019 à :

- Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA

- Me Karim HAMOUDI

- Me Stéphane SOL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE ET UN OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant, fixé au 20 décembre 2018, puis prorogé au 14 février 2019, au 28 février 2019, au 28 mars 2019, au 04 juillet 2019, au 05 septembre 2019 et au 31 octobre 2019, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :

Madame [S] [Y]

née le [Date naissance 1] 1955 à [Localité 1] (ALGÉRIE)

de nationalité Algérienne

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparante en personne, assistée de Me Sophie KERIHUEL, avocate au barreau de PARIS, substituant Me Emmanuelle BOUSSARD-VERRECCHIA, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : E1355

La FÉDÉRATION NATIONALE DES PERSONNELS DES SOCIÉTÉS D'ÉTUDES, DE CONSEIL ET DE PRÉVENTION CGT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Karim HAMOUDI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0282

APPELANTES

****************

La SA SOPRA STERIA GROUP

venant aux droits de la SA STERIA

N° SIRET : 326 820 065

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Stéphane SOL de l'AARPI SDA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0192

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 30 Octobre 2018, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Valérie DE LARMINAT, Conseiller,

Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Nicolas CAMBOLAS

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [S] [Y], née le [Date naissance 1] 1955, a été embauchée par la société Stéria au droit de laquelle se trouve la société Sopra Steria en qualité d'analyste programmeur par lettre d'engagement du 11 avril 1988 pour une durée déterminée, du 5 avril au 1er juillet 1988 en raison d'un surcroît exceptionnel d'activité. Cette société avait pour activité le conseil de services en ingénierie informatique. Elle comptait plus de 6 300 salariés.

La salariée a eu trois enfants, nés respectivement en 1985, 1987 et 1995. À la suite de la naissance du dernier, elle a été admise à un temps partiel à 80 % dans le cadre d'un congé parental.

Estimant être l'objet d'une discrimination à raison de son activité syndicale, de son sexe, de ses maternités et de sa situation de famille, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles le 31 mai 2011 aux fins de voir l'employeur condamné à lui payer la somme 349 833 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi sur les plans professionnel, financier et moral. Elle entendait également voir ordonner son classement à la position 3-1 coefficient 170 à compter du 1er juillet 2013 et fixer son salaire brut mensuel à partir de cette date à la somme de 5 051 euros brut. Elle sollicitait l'allocation de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Enfin elle entendait voir lesdites sommes porter intérêts au taux légal à compter de la convocation de la défenderesse à l'audience de conciliation.

La Fédération Nationale des Personnels des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention CGT a demandé la condamnation de cette dernière à lui payer la somme de 10'000 euros de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession par application de l'article L. 2133 du code du travail.

La défenderesse s'est opposée ses prétentions.

Par jugement du 23 février 2015, le conseil de prud'hommes a débouté la demanderesse et la partie intervenante de leurs demandes.

Appel a régulièrement été interjeté le 7 avril 2015 par Mme [S] [Y].

Par arrêt du 6 décembre 2016, la cour a ordonné avant dire droit une expertise avec la mission suivante :

- rechercher si Mme [S] [Y] a été convoquée à des entretiens de gestion sur l'évolution de sa carrière et notamment s'est vu proposer à partir de 1984 régulièrement des entretiens d'évaluation et d'orientation, en vue de lui assurer des formations ou de lui proposer des tests ou des examens nécessaires à une progression, pour lui permettre une progression similaire aux salariés n'exerçant pas de responsabilité syndicale,

- établir une courbe de l'évolution des augmentations de la rémunération de la moyenne des salariés de sexe masculin et des salariés non syndiqués pris à titre de référence de comparaison ;

- établir la courbe concernant l'intéressée,

- comparer l'évolution de ces courbes en mentionnant toutes circonstances particulières utiles, notamment les modifications de l'appréciation d'ordre professionnel éventuellement portée par la direction,

- rechercher si le déroulement de carrière de Mme [S] [Y] traduit une progression normale en ce qui concerne son salaire comme son niveau de responsabilité et sa classification, depuis la naissance de son troisième enfant en comparaison des autres salariés, d'une part de sexe masculin et d'autre part non syndiqués, placés dans une situation similaire, notamment en ce que leur travail exige un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et charge physique ou nerveuse au regard de la date de leur entrée dans l'entreprise, de leur âge, de leur dossier professionnel, de leur formation ou de leur application ou pas de la 'modalité 2",

- dans la négative, rechercher pour quelle raison sa progression a été anormale et rechercher si elle peut être imputée à des causes objectives,

- dans la négative encore, décrire son préjudice notamment financier et en particulier perte de salaire et perte au titre des pensions de retraite,

- fournir à la cour les éléments de préjudice susceptible d'avoir été subi par Mme [S] [Y].

L'expert a déposé son rapport le 26 avril 2018.

Au vu de celui-ci, Mme [S] [Y] demande à la cour de dire qu'elle a fait l'objet d'un traitement discriminatoire à raison de son sexe, de sa maternité et de sa situation de famille et de son engagement syndical de la part de son employeur et en conséquence :

- de fixer son coefficient à la position 3.1 coefficient 170 et son salaire brut à la somme de 4 845 euros ou subsidiairement à la somme de 3 955 euros à compter du 1er janvier 2017,

- de condamner la société Sopra Stéria Group à lui payer la somme de 688 864 euros de dommages-intérêts, ou subsidiairement à la somme de 599 430 euros en réparation du préjudice financier subi du fait de la discrimination entre juillet 1988 et décembre 2016 et à défaut la somme de 599 430 euros correspondant à la période comprise entre décembre 1988 et décembre 2016 et encore plus subsidiairement la somme de 263 248 euros,

- de condamner la société Sopra Stéria Group à lui payer la somme de 50 000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de la discrimination et celle de 30 000 euros pour violation de l'accord cadre groupe relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes en vigueur au sein du groupe,

- avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Elle sollicite en outre la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La Fédération Nationale des Personnels des Sociétés d'Etudes, de Conseil et de Prévention CGT prie la cour de condamner l'employeur à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'atteinte portée à l'intérêt collectif de la profession et celle de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société s'oppose à l'ensemble de ces prétentions et demande la condamnation de Mme [S] [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles et subsidiairement de limiter la réparation du préjudice subi à la somme de 27 625,87 euros.

La cour se réfère aux écritures des parties par application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription

Considérant que société Sopra Stéria Group soutient la forclusion de Mme [S] [Y] dans son action à raison de la prescription quinquennale édictée par l'article L. 1145-5 du code du travail ; qu'en effet plus de cinq ans avant la saisine du conseil des prud'hommes le 31 mai 2011, elle aurait eu la révélation de la discrimination dont elle se prévaut, au vu des pièces communiquées en première instance dont elle avait eu connaissance en sa qualité d'élue ou de représentante syndicale ; qu'elle aurait ainsi découvert le niveau d'embauche des débutants en 2002, la comparaison des salaires mensuels annuels conventionnels en 2004 et 2006 et la ventilation des Smb Stéria dès les années 2003, 2004 et 2006 ;

Que Mme [S] [Y] répond qu'elle n'a pu avoir connaissance des éléments de comparaison lui permettant de mettre en évidence la discrimination que lors de l'envoi en 2010 seulement par la direction d'un fichier 'excel' contenant les salaires 2010 ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1134-5 du code du travail, l'action en réparation du préjudice résultant d'une discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la discrimination ;

Considérant qu'à juste titre la salariée fait valoir qu'elle n'a pu avoir au-delà du sentiment de discrimination, des éléments complets de nature à étayer à ses yeux sa demande, qu'avec le fichier communiqué par la direction, lui donnant les salaires de l'année 2010 et de nature à lui donner une pleine connaissance de la situation sur toute la durée de la prétendue discrimination ;

Qu'en outre elle se plaint d'une discrimination continue qui se prolongeait encore lors de la saisine du conseil des prud'hommes de sorte que sa demande ne pouvait être prescrite à la date de celle-ci ;

Sur la discrimination sexuelle

Considérant que Mme [S] [Y] soutient avoir fait l'objet d'une discrimination à raison de son sexe et de sa maternité combinée et aggravée par une discrimination à raison de son engagement syndical, en faisant valoir qu'elle a eu une évolution professionnelle et salariale 'atrophiée', d'une part à compter de 1994 qui est l'année du congé maternité de son troisième enfant, et d'autre part de l'obtention de mandats syndicaux en 1996 ; qu'elle critique le rapport d'expertise qui se fonderait notamment sur des éventails de comparaison non pertinents et des a priori erronés sur ses compétences qui selon le technicien expliquent son manque de progression au sein de l'entreprise ;

Considérant que la société Sopra Stéria Group oppose l'existence d'éléments objectifs expliquant son évolution, à savoir son comportement et ses compétences, son refus d'accepter certaines missions et de passer à la modalité du temps de travail organisée au sein de l'entreprise, dite modalité M2 ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3 du même code, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son sexe ; que l'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que ces principes sont repris par les articles L. 1142-1 et L. 1144-1 du code du travail relatifs à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ;

Considérant qu'il est constant que Mme [S] [Y] est demeurée pendant 27 ans au niveau 2.2 coefficient 130, qu'elle n'a pas eu d'augmentation en 1994, année de son troisième congé maternité, ni de 1995 à 1998, ni de 2001 à 2004, ni de 2008 à 2011, ni de 2012 à 2016, de sorte que son pouvoir d'achat n'a progressé entre juillet 1998 et 2015 que de 18,11 euros par an en moyenne ; qu'elle n'a obtenu aucune promotion depuis son embauche ; que l'expert confirme qu'à diplôme égal, la rémunération de l'intéressée est faible dans sa catégorie sans promotion depuis son embauche ;

Que cela est de nature à rendre à laisser supposer l'existence d'une discrimination ;

Considérant qu'il ne peut être argué d'une discrimination globale au sein de l'entreprise entre les hommes et les femmes au détriment de ces dernières, puisque le salaire mensuel médian des femmes en 1994 est de 1 905 euros et celui des hommes de 2 164 euros, ce qui montre une différence non significative, tandis que le salaire moyen n'a pas lieu d'être examiné, du fait de la situation exceptionnelle de quatre salariés masculins, qui avaient des responsabilités très différentes des autres collaborateurs qui sont des hommes dans une grande majorité en raison de la plus grande fréquentation de cette filière par les garçons ; qu'ainsi sur 329 embauches en 1992, il y a eu 122 femmes recrutées pour 329 embauches ; que le bilan social de l'année 2013, faisait apparaître une répartition quasi identique des promotions entre les hommes et les femmes ;

Considérant que les formations offertes à Mme [S] [Y] ne manifestent aucune discrimination puisque elle en a bénéficié de 13 entre juin 1999 et 2016, essentiellement pour sa progression technique, mais aussi dans des domaines aussi divers que l'anglais, le bilan de compétence, la formation générale CHSCT ;

Considérant que le salaire et l'évolution de carrière de Mme [S] [Y] s'est trouvée nécessairement handicapée par son refus de passer en modalité 2 ; qu'en effet elle est demeurée en modalité 1, à 35 heures par semaine, en refusant à deux reprises les 7 mai 2001 et 3 août 2001 les offres faites en ce sens ; que la modalité 2 fixe le temps de travail entre 35 heures et 38,30 heures payées en tout état de cause 38 heures 30 ; que le protocole d'accord RTT applicable à Stéria du 24 mars 2000, précise que les salariés relevant de cette modalité doivent bénéficier d'une rémunération annuelle au moins égale à 115 % du minimum conventionnel de leur catégorie et non de leur salaire précédent comme le laisse entendre la salariée ; qu'il n'apparaît pas que cette règle ait été méconnue dans l'offre faite à Mme [S] [Y] ; que l'avenant au contrat de travail proposé le 11 janvier 2008 établit que contrairement à ce que soutient l'intéressée il lui était en même temps offert une augmentation de 2,66 %, étant précisé que les salariés en modalité 2 jouissaient de plus à titre de compensation de 6 à 8 jours disponibles supplémentaires ; que le principe du forfait heures permet une plus grande autonomie, de sorte que son refus n'a pu que nuire en pratique à la progression de Mme [S] [Y] par rapport à celle de ses collègues qui étaient tous en modalité 2 ; que tous les ingénieurs d'études et de développement senior, qui est son niveau, ont comme elle la qualification d'ingénieur concepteur 2.2 ;

Considérant que l'expert a mené sa mission de manière rigoureuse en comparant sa situation à celle des salariés disposant d'un diplôme de niveau compris entre 5 et 7, selon la classification de la société soit d'un niveau inférieur à celui revendiqué par Mme [S] [Y] compris entre 4 et 6 ; qu'en effet les diplômes dit MIAGE autres qu'[Localité 5], [Localité 6] et [Établissement 1], comme le sien délivré à [Localité 7], sont côtés au niveau 6 chez Stéria ; qu'ainsi l'expert a établi un éventail pertinent composé de collaborateurs masculins, embauchés en même temps qu'elle à un an près, et ayant des diplômes classés de 5 à 7 ; que l'expert a aussi relevé à juste titre que dans le domaine informatique, les compétences démontrées en pratique entraient particulièrement en ligne de compte dans l'attribution des emplois, les diplômes jouant un rôle plus modeste que dans d'autres filières ; que ceci justifie selon l'expert qu'après son embauche au vu de ses diplômes, son salaire ait nettement augmenté au début pour l'adapter conformément à la politique de l'entreprise à sa compétence pratique ; que la salariée se situe dans la partie inférieure des courbes d'évolution des salaires des autres collaborateurs faisant partie de l'éventail de comparaison, qu'il s'agisse des hommes ou des femmes ; qu'elle ne se trouvait cependant pas en dernière position en règle générale ; qu'en 1994 elle se trouve en position plus favorable que plusieurs autres salariés masculins notamment ; que sa courbe se situe dans la masse des courbes de comparaison, si l'on excepte ses collègues masculins qui bénéficiaient de responsabilités supérieures à celles des autres ; qu'il faut relever que, parmi ces éléments de comparaison, Mme [S] [Y] était la seule à être en modalité 1, par opposition aux autres en modalité 2 avec forfait horaire qu'elle avait refusée ;

Que s'agissant de la période antérieure à l'année 1994, qui n'était pas comprise dans la mission fixée au vu des prétentions antérieures de la salariée, mais évoquée en cours de la mesure d'instruction par Mme [S] [Y], l'expert observe qu'en 1988, la rémunération mensuelle versée à l'embauche était très proche voire rigoureusement la même pour les hommes et pour les femmes, à poste égal, et était très légèrement supérieure pour ces dernières sur certains postes à celle de leurs collègues masculins ;

Que l'expert rappelle que l'intéressée se trouve bien à l'intérieur du faisceau des autres collaborateurs masculins entrés en même temps qu'elle ; qu'il constate en comparant les salariés engagés en même temps, qu'il n'existe aucune disparité notamment à l'embauche entre les hommes et les femmes ;

Qu'il ajoute que les trois supérieurs hiérarchiques immédiats et les deux d'un niveau supérieur, qu'a connus successivement Mme [S] [Y] et dont l'un était de sexe féminin, ont jugé dans les entretiens individuels annuels qu'elle faisait preuve d'un comportement excessif et d'un esprit trop critique, qu'il lui a été fixé un délai d'une année en 1995 pour améliorer son 'savoir être', que sa notation était inférieure à la moyenne sans descendre à un niveau critique, que l'entretien de 2003-2004 relève qu'elle ne possède pas les bases techniques pour respecter les délais, que l'entretien d'évaluation de 2016 précise qu'elle ne maîtrise pas de méthodologie particulière ou technique de modélisation, de sorte qu'un accompagnement ou un temps de montée en performance était nécessaire sur des missions de spécifications nécessitant de la méthodologie ;

Qu'il s'ensuit que la décision de ralentir dans une certaine mesure la carrière de l'intéressée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à la discrimination revendiquée et que la discrimination à raison de son sexe, de sa maternité et de sa situation de famille doit être écartée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'action, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de ses activités syndicales ;

Que l'article L. 2141-5 du code du travail interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance à un syndicat ou l'exercice d'une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d'avancement, de rémunération et d'octroi d'avantages sociaux, de mesures de discipline et de rupture du contrat de travail ;

Que selon l'article L. 1134-1 du code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant que l'intéressée justifie de son activité syndicale, en produisant aux débats une attestation rapportant son élection en qualité de conseillère prud'homale à partir du 5 janvier 1998, sa désignation en qualité de représentante syndicale CGT au comité d'établissement de Stéria Méditerranée des 30 mai et 23 juillet 2007 et ses désignations ultérieures comme délégué syndical de l'établissement de [Localité 7] des 27 août 2008 et 18 juin 2010 ;

Considérant que la prolongation rappelée ci-dessus de la stagnation de l'évolution de la salariée au sein de l'entreprise, alors qu'elle exerçait des mandats syndicaux ou au sein des institutions représentatives du personnel, laisse supposer l'existence d'une discrimination syndicale ;

Considérant qu'ainsi que le relève l'expert, sa rémunération a augmenté plus vite quand elle exerçait des responsabilités syndicales que pendant les autres périodes ; que cette constatation alliée aux observations qui précèdent au sujet de la prétendue discrimination à raison du sexe, de la grossesse et de la situation de famille, conduisent à juger que l'évolution de carrière de l'intéressée était dictée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;

Considérant que dans ces conditions, Mme [S] [Y] sera déboutée de ses demandes de réparation consistant dans un repositionnement à un niveau supérieur, avec paiement de rappel de salaire, paiement de dommages-intérêts en réparation des préjudices financier et moral, et enfin de dommages-intérêts pour violation de l'accord cadre groupe relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, avec capitalisation des intérêts ;

Que de la même manière, la demande de dommages-intérêts du Syndicat National du Personnel des Sociétés d'Etude, de Conseils et de Prévention CGT en réparation de l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession subi à raison des agissements dont aurait été victime la salariée sera pareillement rejetée ;

Considérant qu'il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de débouter l'ensemble des parties de leurs demandes d'indemnités de procédure ; que la salariée et le syndicat qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens qui comprennent les frais d'expertise ;

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME le jugement déféré ;

DÉBOUTE Mme [S] [Y], la société Sopra Stéria Group et le syndicat National du Personnel des sociétés d'étude, de conseils et de prévention CGT de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Mme [S] [Y] et le syndicat National du Personnel des sociétés d'étude, de conseils et de prévention CGT aux dépens, y compris les frais d'expertise ;

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, et par Monsieur Nicolas CAMBOLAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01965
Date de la décision : 31/10/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/01965 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-31;15.01965 ?
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