COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
VM
Code nac : 59A
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 17 OCTOBRE 2019
N° RG 18/03131 - N° Portalis DBV3-V-B7C-SLQY
AFFAIRE :
SARL INVESTISSEMENT & CONSEIL
C/
SAS DURALEX INTERNATIONAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 14 Février 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° Chambre : 6
N° Section : 0
N° RG : 2016F01213
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU
Me Mélina PEDROLETTI,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX SEPT OCTOBRE DEUX MILLE DIX NEUF,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL INVESTISSEMENT & CONSEIL
N° SIRET : 408 564 573
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 003813
Représentant : Me Philippe HERBECQ de la SCP THOMAS HERBECQ ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0318 -
APPELANTE
****************
SAS DURALEX INTERNATIONAL
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : V 626 - N° du dossier 18000173
Représentant : LA SELARL BERNABEU, Plaidant, avocat au barreau d'ORLEANS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 Septembre 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Thérèse ANDRIEU, Président,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,
Mme Véronique MULLER, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,
EXPOSE DU LITIGE
Selon convention d'économies de charges conclue le 29 septembre 2010, la société Investissement et Conseil (société I&C) s'est engagée à réaliser, au profit de la société Duralex International - spécialisée dans la fabrication de vaisselle et verrerie en verre trempé - une mission d'examen et d'analyse de ses coûts et charges d'exploitation dans le but de réaliser des économies sur divers postes. Cette convention portait sur une durée de 36 mois, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes d'une année. Les honoraires dûs à la société I&C étaient fixés à 50% des économies obtenues.
Au terme d'une seconde convention du 19 octobre 2010, la société I&C s'est engagée envers la société Duralex à identifier et gérer les demandes de Subventions, Aides ou Primes (SAP) ou d'optimiser les SAP déjà obtenues, moyennant paiement d'un honoraire variable en fonction des SAP obtenues.
Après réalisation par la société I&C de deux rapports et d'un appel d'offres, la société Duralex a signé, le 20 décembre 2012, un contrat de performance énergétique avec la société Schneider Electric France, ayant pour objet de « déterminer les conditions dans lesquelles la société Schneider mettra en oeuvre les installations d'économie d'énergie sur le site ». Il était prévu que la société Duralex paierait à ce titre un prix ferme et définitif d'un montant de 3.250.000 euros, la société Schneider s'engageant à garantir une performance énergétique visant à des économies d'énergie de 245.000 euros par an durant 6 années.
En janvier 2014, la société Duralex a réglé à la société I&C une somme de 53.610 euros au titre de deux premières factures.
Par courrier recommandé du 7 mars 2014, la société Duralex a prononcé la résiliation du contrat, avec effet au 29 septembre 2014 correspondant au terme de la première période de tacite reconduction.
En juillet 2014, la société I&C a facturé la société Duralex pour le second semestre. La société Duralex s'est opposée au paiement, arguant de l'absence d'économies réalisées.
Par acte d'huissier du 10 juin 2016, après tentative de médiation, la société I&C a fait assigner la société Duralex devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins de la voir condamnée au paiement des sommes restant dues au titre du contrat.
Par jugement du 14 février 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- Dit que le calcul des économies relevant de la mission de la société I&C doit comprendre les investissements relatifs à l'efficacité énergétique, et à la rénovation des matériels,
- Condamné la société Duralex à payer à la société I&C la somme de 58.441,20 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, au titre de sa rémunération pour les économies réalisées,
- Débouté la société Duralex de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- Ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,
- Condamné la société Duralex à payer à la société I&C la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ce montant comprenant, les frais et débours pour la procédure de médiation,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné la société Duralex aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration du 3 mai 2018, la société I&C a interjeté appel du jugement.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 17 juin 2019, la société I&C demande à la cour de :
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a jugé que le calcul des économies relevant de la mission de la société I&C doit comprendre les investissements relatifs à l'efficacité énergétique, ainsi que les investissements de rénovation de remplacement des compresseurs, en plus des investissements de rénovation des ventilateurs et de régulation du four,
- Débouter la société Duralex de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Et, statuant à nouveau :
- Dire que pour le calcul des économies relevant de la mission de la société I&C, ne doivent être retenus et pris en compte que les investissements relatifs à l'efficacité énergétique, incluant les amortissements des investissements des ventilateurs et du four, et non les amortissements des investissements de rénovation se rapportant aux compresseurs air comprimé,
- Juger qu'en voulant inclure les amortissements des investissements de rénovation des compresseurs dans le calcul des économies se rapportant à la mission de la société I&C, la société Duralex a fait preuve d'une attitude dolosive et de mauvaise foi, dans l'exécution de la convention conclue entre les parties,
-Juger que les subventions doivent être prises en compte au jour de leur versement dans le calcul des économies et non étalées dans le temps, et donc comprises dans le calcul de la rémunération de la société I&C,
- Constater que la société Duralex n'a formulé aucune réclamation ni engagé d'action à l'encontre de la société Schneider pour ses manquements contractuels,
- Dire en conséquence, que la société Duralex ne peut inclure dans le calcul des économies de charges portant sur ses coûts énergétiques, les coûts et surcoûts supportés par elle, et occasionnés par les manquements de la société Schneider et la non-réalisation des économies garanties par cette société,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit la société I&C recevable et bien fondée dans sa demande en paiement au titre de l'action comptage, et qu'elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 3-4 de la convention signée entre les parties,
- Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a estimé devoir fixer la rémunération due à la société I&C à seulement 50% de la rémunération due, soit 93.376 euros hors taxes, au lieu de 186.751,58 euros hors taxes, soit 224.101,90 euros toutes taxes comprises,
- Condamner la société Duralex au paiement de la somme de 501.642 euros toutes taxes comprises, correspondant :
à hauteur de 277.540,14 euros toutes taxes comprises, à sa rémunération pour les économies de la mission d'efficacité énergétique,
à hauteur de 224.101,90 euros toutes taxes comprises, à sa rémunération pour les économies réalisées pour le comptage,
- Donner acte à la société I&C qu'elle reconnaît avoir perçu les sommes de 18.120 euros toutes taxes comprises et 35.490 euros toutes taxes comprises, et que le solde lui restant dû, en principal, est de 448.032 euros toutes taxes comprises.
- Juger que cette somme sera majorée du taux contractuel de 1% par mois de retard, à compter de la date d'échéance des factures émises par la société I&C, et dire que les intérêts échus seront productifs d'intérêts par application des dispositions de l'article 1154 ancien du code civil,
- Confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté la société Duralex de toutes ses demandes,
- Condamner la société Duralex au paiement de la somme de 64.000 euros hors taxes au titre des frais de recouvrement, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de l'article 3-5 de la convention,
- La condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions notifiées le 19 juin 2019, la société Duralex demande à la cour de :
- Déclarer la société I&C mal fondée en son appel ;
- En conséquence l'en débouter ;
- Dire que la notion d'économies au sens du contrat passé s'entend de la notion d'économie financière et non de la simple économie opérationnelle de consommation ;
- Dire que le calcul des économies relevant de la mission d'I&C doit prendre intégralement en compte les amortissements relatifs à l'ensemble des investissements effectués par la société Duralex, y compris les investissements de rénovation des équipements quels qu'ils soient, ventilateurs, système de commande du four et compresseurs à air comprimé compris.
- Dire que ces travaux de rénovation font bien partie du périmètre du projet de contrat de performance énergétique avec la société Schneider,
- Dire que les subventions liées aux investissements effectués par la société Duralex dans le cadre de la mission confiée à I&C et du contrat de performance énergétique avec la société Schneider doivent être amortis linéairement ;
- Dire que la société Duralex n'a pas réalisé d'économies au sens du contrat passé avec la société I&C ;
- Dire en conséquence n'y avoir lieu à rémunération pour la société I&C ;
- Dire que la société I&C a été partie prenante des discussions et négociations avec la société Schneider en ce qui concerne les investissements de rénovation ;
- Juger que la société Duralex n'a eu aucune attitude dolosive à l'égard de la société I&C ;
- Juger n'avoir pas lieu à renégociation du contrat passé entre la société Duralex et la société I&C ;
- Juger que la société Duralex n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat conclu avec la société I&C, notamment au titre de l'opération comptage ;
- Juger que la société Duralex n'a commis aucune faute à l'égard de la société I&C en n'agissant pas à l'encontre de la société Schneider Electric ;
- Débouter en conséquence la société I&C de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Dire la société Duralex recevable et bien fondée en son appel incident ;
En conséquence,
- Infirmer partiellement le jugement dont appel,
- Juger qu'aucune rémunération n'est due à la société I&C au titre du contrat passé avec la société Duralex;
- Condamner la société I&C à restituer à la société Duralex la somme de 53 610 euros indûment perçue avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
- Le confirmer pour le surplus en ce qu'il a débouté la société I&C du surplus de ses demandes ;
Subsidiairement :
- Dire que la rédaction du contrat litigieux par la société I&C est entachée, d'ambiguïté, de potestativité au détriment de la société Duralex et ne permet pas la détermination du prix,
- Dire que la résiliation du contrat d'économie de charges en date du 29 septembre 2010 est intervenue aux torts de la société I&C ;
En conséquence,
- Condamner la société I&C à payer à la société Duralex la somme de 53 610 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
Plus subsidiairement encore,
- Dire que la clause de la convention passée entre les sociétés Duralex et I&C qui prévoit qu'en cas de carence dans la mise en 'uvre d'une recommandation ; il y a lieu de verser à la société I&C une rémunération égale à la moitié des économies provisionnelles sur les trente-six mois, est une clause pénale manifestement excessive au regard de l'absence de résultat global des recommandations formulées par la société I&C dans le cadre de sa mission ;
- Réduire en conséquence à néant l'indemnité réclamée par la société I&C du fait de l'interruption de l'opération comptage ;
En tout état de cause,
- Débouter la société I&C de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société I&C à payer à la société Duralex une indemnité de 50.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société I&C aux entiers dépens tant de première instance que d'appel avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 juin 2019.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour rappelle, à titre liminaire, que les demandes de 'dire et juger que...' ne sont pas des prétentions mais des moyens, de sorte qu'elles ne seront examinées que dans les motifs du présent arrêt, sans pouvoir donner lieu à aucune décision.
La société I&C sollicite paiement des sommes de 277.540,14 euros au titre de sa rémunération pour les économies de la mission d'efficacité énergétique (travaux réalisés par la société Schneider), outre 224.101,90 euros au titre des économies réalisées pour le « comptage » (installation d'instruments de mesures réalisés par d'autres sociétés). Il convient de revenir sur ces demandes, avant d'examiner les demandes reconventionnelles formées par la société Duralex.
1 ' sur la demande en paiement d'honoraires au titre des économies de la mission d'efficacité énergétique
Les honoraires auxquels peut prétendre la société I&C sont basés sur les économies réalisées par la société Duralex. Les parties s'opposent toutefois:
- d'une part sur la méthode de calcul de ces économies, la société I&C soutenant qu'il convient de retenir une méthode IPMVP basée sur les seules économies d'énergie (coût de l'énergie), tandis que la société Duralex soutient qu'il convient de s'en tenir aux seules économies financières,
- d'autre part sur les postes d'économies (subventions, manquements de la société Schneider à ses obligations), et de charges qu'il convient d'inclure dans la méthode de calcul (nature des investissements qui peuvent être inclus dans les charges).
Il convient de revenir sur ces différents points.
1-1- sur la méthode de calcul des économies réalisées
Il résulte de l'article 3.1 de la convention d'économies de charges conclue entre les sociétés I&C et Duralex que : « seule une économie de coûts et/ou de charges à l'issue de la mission d'I&C générera une facturation. Si aucune économie n'est réalisée, aucune rémunération ne sera due ('). L'économie de coûts et/ou de charges s'entend de la différence entre le coût d'exploitation ou le prix de revient et/ou la charge financière ou d'exploitation selon le cas, supporté préalablement par l'entreprise et celle résultant des recommandations d'I&C. Cette définition s'oppose à la notion de dépenses ou décaissements de trésorerie (..). »
En application de ces dispositions contractuelles, la société Duralex soutient que la notion d'économies réalisées s'entend des économies financières réalisées (incluant certes la baisse des consommations, mais également les charges financières) et non pas des simples économies de consommation, étant observé que ces économies de consommation sont au contraire le critère d'appréciation de la rémunération de la société Schneider. Elle soutient, qu'au regard des lourdes charges supportées, l'intervention de la société I&C n'a permis aucune économie financière au sens des dispositions précitées, de sorte qu'elle n'est redevable d'aucune rémunération au profit de la société I&C.
La société I&C soutient au contraire que le calcul des économies d'énergie doit se faire selon le protocole IPMVP (International Performance Measurement and Verification Protocol ) qui est notamment appliqué par la société Schneider, ainsi que cela ressort du contrat conclu par cette dernière avec la société Duralex. Elle soutient en outre que seules les économies de consommation d'énergie doivent être prises en compte, rejetant la notion d'économies financières telle que présentée par la société Duralex.
*********
* sur l'application éventuelle de la méthode IPMVP
S'il est établi que la méthode de calcul des économies d'énergie, dans les relations contractuelles entre les sociétés Duralex et Schneider est bien le protocole IPMVP, il n'en est pas de même dans les relations contractuelles distinctes entre les sociétés Duralex et I&C qui ne font aucune référence à ce protocole.
En soutenant que le protocole IPMVP s'appliquerait à la convention qu'elle a conclue avec la société Duralex, la société I&C invoque en réalité une novation au contrat, qui résulterait notamment du fait qu'elle mentionne ce protocole dans les rapports qu'elle a rédigés.
Il n'est toutefois pas surprenant que la société I&C fasse référence à ce protocole dans ses rapports dès lors qu'il s'agit de la méthode appliquée par la société Schneider qui a procédé aux travaux de modification des installations qu'elle a suivis. Le simple silence de la société Duralex à la réception de ces rapports évoquant la méthode spécifique de facturation Schneider ne peut en aucune manière valoir novation au contrat conclu avec la société I&C.
Contrairement à ce que soutient la société I&C, il n'y a donc pas lieu de retenir le protocole IPMVP pour le calcul des économies réalisées.
* sur l'application d'économies de consommation ou d'économies financières
Il résulte des articles 1161 et 1162 du code civil, dans leur version applicable au présent litige, que toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
Ainsi que l'a relevé le premier juge la définition de « l'économie de coût » comme étant la « différence entre le coût d'exploitation ou le prix de revient et/ou la charge financière ou d'exploitation selon le cas supporté préalablement par l'entreprise et celle résultant des recommandations d'I&C» est une définition générale et fort imprécise qui ne permet pas de savoir exactement ce qu'il convient d'intégrer dans le coût d'exploitation ou le prix de revient ou encore la charge financière.
Les parties ont cependant précisé : « Cette définition s'oppose à la notion de dépenses ou décaissements de trésorerie », ce qui permet a minima d'écarter la thèse de la société I&C selon laquelle une économie de coût donnant lieu à paiement d'honoraires est uniquement une économie de consommation, à savoir une dépense, ou décaissement de trésorerie au titre de la consommation.
Dès lors que les parties ont exclu la notion de simple dépense ou décaissement de trésorerie, et qu'elles ont au contraire défini l'économie de coût comme faisant référence à un coût d'exploitation ou prix de revient, cela signifie qu'elles ont considéré que certaines charges devaient être déduites de l'économie de consommation, ce qui permet ainsi de retenir la thèse de la société Duralex se référant à la notion d'économies financières. Encore faut-il établir, d'une part le calcul des économies brutes, d'autre part définir quelles sont les charges qui doivent être déduites de ces économies brutes.
1-2 ' sur les postes d'économies qui doivent être pris en compte, et le calcul des économies brutes
* le montant des économies brutes
Les parties s'opposent sur le calcul des économies brutes sur les années 2014 à 2016, la société Duralex retenant le montant de ses économies réelles de consommation, soit 406.675 euros, tandis que la société I&C retient le montant de la garantie d'économie fixée au contrat conclu entre les sociétés Duralex et Schneider, soit la somme de 519.000 euros, estimant que si les économies réelles sont inférieures à la garantie donnée par la société Schneider, il appartenait à la société Duralex de mettre en cause la responsabilité de cette dernière et d'exiger l'application de la garantie, indiquant qu'à défaut de mise en cause de cette responsabilité, elle n'a pas à supporter le manquement de la société Schneider à ses obligations contractuelles.
La société Duralex réplique qu'elle n'est pas tenue d'agir judiciairement contre la société Schneider, et qu'elle préfère tenter de résoudre ses difficultés par d'autres voies, ajoutant que la société I&C ne peut se prévaloir d'une garantie qui n'est pas prévue à son propre contrat.
En vertu de l'effet relatif des contrats, la société I&C n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions contenues dans la convention conclue entre les sociétés Duralex et Schneider, notamment en ce qui concerne la garantie d'économie, étant observé qu'une telle garantie n'est pas prévue à son propre contrat, et qu'elle s'est au contraire engagée à ne prélever aucune rémunération dans le cas où il n'est justifié d'aucune économie.
Il convient dès lors de retenir un montant d'économies brutes de 406.675 euros.
* les subventions
Les parties s'opposent également sur la manière d'imputer les subventions obtenues à hauteur de 141.296 euros - qui aboutissent également à des économies et donnent lieu à paiement d'honoraires proportionnels - la société I&C estimant qu'elles doivent être imputées sur les trois années 2014 à 2016, alors que la société Duralex prétend qu'il y a lieu de les amortir de manière linéaire en fonction de l'amortissement des investissements. Cette dernière ajoute que la convention relative aux subventions prévoit une rémunération à hauteur de 15% des subventions obtenues, et non pas 50% comme le soutient la société I&C. Cette dernière estime en outre qu'il n'y a pas lieu de faire application de cette convention relative aux subventions qui est une mission spécifique ne faisant pas partie de la mission d'Efficacité Energétique.
S'il est certain que les deux conventions - d'économies de charges d'une part, et de subventions d'autre part - ont des objets distincts, on ne comprend nullement les raisons pour lesquelles les honoraires relatifs à l'obtention des subventions devraient être calculés selon les termes de la convention économies de charges (qui n'évoque jamais la question des subventions), plutôt que selon les termes de la convention spécifique « subventions ». La cour retiendra dès lors que les honoraires relatifs à l'obtention des subventions doivent être calculés selon les modalités fixées à la seule convention d'aide à l'obtention de subventions.
Il résulte de l'article 3.2 de la convention d'aide à l'obtention de subventions du 19 octobre 2010 que : « la rémunération d'I&C est calculée en pourcentage de la totalité des sommes générées par la mission et ventilées pour chaque dossier d'après le barème cumulatif suivant : jusqu'à 50.000 euros = 20 %, de 50.000 à 200.000 euros = 15% (.....) ».
Deux subventions ayant été obtenues, l'une de 63.333 euros, l'autre de 77.963 euros, il convient d'appliquer un honoraire de 35%, de sorte que la société I&C peut prétendre à ce titre à un honoraire de 49.453,60 euros. Conformément au mode de calcul retenu par les parties, il convient d'inclure ces honoraires dans les économies réalisées.
Le montant des économies brutes qu'il convient de retenir est ainsi de : 406.675 euros +49.453,60 euros = 456.128,60 euros.
Il convient ensuite de définir les charges qui doivent être déduites des économies brutes.
1-3- sur les postes de charge qu'il convient de prendre en compte pour le calcul des économies nettes
Ainsi qu'il a été démontré, l'article 3.1 de la convention ne fournit aucune précision à ce titre (coût d'exploitation ou prix de revient et/ou charge financière ou d'exploitation), de sorte que le calcul établi par chacune des parties (si l'on excepte le remplacement des compresseurs Air comprimé qui est contesté, dès lors que cette éventuelle charge supplémentaire n'a en fait pas d'incidence sur la solution apportée au litige) aboutit à des résultats tout à fait opposés, la société Duralex retenant un montant de charges de 563.956 euros ( qui aboutirait alors à des économies nettes négatives, dès lors que les charges sont supérieures au montant des économies brutes à hauteur de 456.128,60 euros) tandis que la société I&C retient un montant de 197.729 euros (qui aboutirait alors à des économies nettes de 208.946 euros).
Les écarts entre les décomptes de charges s'expliquent notamment du fait que la société Duralex a pris en compte certaines charges de production que la société I&C n'a pas comptabilisées.
Ainsi qu'il a été démontré, les dispositions contractuelles sont trop imprécises pour déterminer exactement les charges qui doivent être prises en compte et ne permettent pas d'écarter les charges retenues par la société Duralex.
Conformément aux règles d'interprétation des contrats rappelées plus avant, il convient, dans le doute, d'interpréter la convention contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, de sorte que la cour admettra que les charges retenues par la société Duralex entrent bien dans la définition des « coûts d'exploitation ou prix de revient et/ou charge financière ou d'exploitation » qu'elle supporte.
Les charges d'un montant de 563.956 euros étant supérieures aux économies brutes de 456.128,60 euros, il n'existe aucune économie nette, de sorte qu'en application des dispositions contractuelles la société I&C ne peut prétendre à aucune rémunération au titre des économies de la mission d'efficacité énergétique (travaux réalisés par la société Schneider).
Le jugement dont appel sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la société I&C ne pouvait prétendre à aucune rémunération à ce titre.
2 ' sur la demande en paiement d'honoraires au titre du comptage des énergies
Il convient ici de préciser que l'opération de comptage des énergies correspond à une des recommandations faites par la société I&C, portant sur une mesure précise et automatique des consommations d'énergie impliquant l'installation d'appareils de comptage par différentes sociétés, et notamment la société Enerdis.
Il résulte de l'article 3-4 de la convention d'économies de charges que : « dès lors qu'une recommandation est acceptée et qu'I&C a précisé les modalités de mise en oeuvre, en cas de carence du client dans la mise en oeuvre de cette recommandation dans un délai de 3 mois après acceptation des recommandations et/ou dans le cas où le client ne communiquerait pas à I&C les documents et informations qu'il détient et nécessaires à la facturation de ses honoraires, rendant celle-ci impossible, il sera dû à I&C une rémunération à titre forfaitaire égale à la moitié des économies prévisionnelles sur les 36 mois, définie sur la base de l'évaluation précisée dans le rapport. »
Il résulte en outre de l'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire.
En application des dispositions précitées (article 3-4 de la convention), la société I&C sollicite paiement d'une somme forfaitaire de 224.101,90 euros, correspondant à la moitié des économies nettes qu'aurait généré l'opération de comptage si la société Duralex n'avait pas décidé de l'arrêter brutalement sans aucun préavis.
La société Duralex conteste avoir stoppé brutalement l'opération de comptage, indiquant qu'elle a mis 80% de son installation sous comptage, et qu'il ne restait que 20% à installer correspondant au projet LED. Elle indique que seul le projet LED a été arrêté car son coût était supérieur à l'économie attendue.
Il résulte effectivement des pièces de la société I&C (pièce n°10) que l'action comptage était réalisée, au 31 décembre 2014, à 74% pour le gaz et à 85% pour l'électricité, soit une action réalisée à 79,5 %.
Dès lors que l'action comptage a été acceptée par la société Duralex et réalisée à 80%, l'abandon d'un sous-projet (projet LED) est sans incidence sur l'action comptage qui se trouve bien abandonnée par carence de la société Duralex, et la société I&C est en droit de solliciter paiement des honoraires correspondant au comptage, au pro-rata de sa réalisation.
La société Duralex soutient que l'article 3.4 précité constituerait une clause pénale manifestement excessive au regard de l'absence de résultat global des recommandations formulées par la société I&C, de sorte qu'il y aurait lieu de réduire à néant l'indemnité réclamée.
Ce faisant, la société Duralex ne produit aucun chiffrage des économies qu'elle a pu réaliser au titre de l'opération de comptage, ne démontrant pas dès lors l'absence de résultat qu'elle allègue, ni le caractère manifestement excessif de la clause.
Sur cette opération de comptage ' même réalisée à 79,5% - la société I&C est dès lors en droit de solliciter paiement de ses honoraires, en fonction des économies et charges prévisionnelles - telles qu'évaluées et au demeurant non contestées - aboutissant à des économies nettes de 373.503 euros qu'il convient de retenir à hauteur de 79,5%, soit 296.934 euros. Sur cette somme, la société I&C peut prétendre à une rémunération forfaitaire de 50% des économies prévisionnelles, soit la somme de 148.467 euros.
Le jugement dont appel sera donc infirmé sur le quantum de la somme due par la société Duralex. Celle-ci sera donc condamnée au paiement de cette somme, outre intérêts au taux contractuel de 1% par mois de retard à compter de la date d'échéance de la facture, soit à compter du 1° mai 2016, et capitalisation des intérêts.
3 ' sur les demandes reconventionnelles, et subsidiaires, formées par la société Duralex
La cour ayant constaté l'absence d'économies au titre de la mission d'efficacité énergétique (travaux réalisés par la société Schneider), il convient d'ordonner à la société I&C - en application de l'article 3.1 de la convention qui prévoit l'absence de rémunération si aucune économie n'est réalisée - de restituer à la société Duralex la somme perçue à ce titre, soit 53.610 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
La société Duralex sollicite à titre subsidiaire la résiliation du contrat du 29 septembre 2010 aux torts de la société I&C au motif qu'il est ambigü, potestatif et ne permet pas la détermination du prix, sollicitant également sur ce fondement la restitution du prix déjà réglé à hauteur de 53.610 euros.
S'il est certain que le contrat comporte des clauses ambiguës et imprécises, notamment quant à la détermination du prix (article 3.1), il a été fait droit à la demande principale de la société Duralex tendant à l'interprétation de ces clauses en sa faveur, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire tendant à la résiliation du contrat.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Il convient de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
La société Duralex qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles qu'elle a dû avancer pour faire valoir son droit.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 14 février 2018 en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Condamne la société Duralex à payer à la société Investissement et Conseil la somme de 148.467 euros, outre intérêts au taux contractuel de 1% par mois de retard à compter du 1° mai 2016,
Condamne la société Investissement et Conseil à restituer à la société Duralex la somme de 53.160 euros, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Dit que les intérêts dus pour une année entière produiront eux-mêmes intérêts,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la société Duralex aux dépens d'appel.
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
signé par Madame Thérèse ANDRIEU, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,