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26/09/2019 | FRANCE | N°18/01482

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 26 septembre 2019, 18/01482


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 63A



3e chambre



ARRET N°



REPUTE CONTRADICTOIRE



DU 26 SEPTEMBRE 2019



N° RG 18/01482



N° Portalis DBV3-V-B7C-SG4J



AFFAIRE :



[K] [L]



C/



[U] [N]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/07450



Expédit

ions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :





Me Annabel CERNEAU, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Richard NAHMANY, avocat au barreau de VERSAILLES,





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX M...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 63A

3e chambre

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 26 SEPTEMBRE 2019

N° RG 18/01482

N° Portalis DBV3-V-B7C-SG4J

AFFAIRE :

[K] [L]

C/

[U] [N]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Janvier 2018 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 15/07450

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Annabel CERNEAU, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Richard NAHMANY, avocat au barreau de VERSAILLES,

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX SEPTEMBRE DEUX MILLE DIX NEUF,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [K] [L]

née le [Date naissance 1] 1959 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me Annabel CERNEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 611

Représentant : Me Paul DIMA EHONGO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0078

APPELANTE

****************

1/ Madame [U] [N] épouse [T]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 2]

2/ SA LA MEDICALE DE FRANCE

N° SIRET : B 582 068 698

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Richard NAHMANY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 485

Représentant : Me Olivier LECLERE de l'ASSOCIATION LECLERE & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R075

INTIMEES

2/ RAM IDF OUEST

[Adresse 4]

[Localité 5]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

INTIMEE - assignée à personne habilitée le 03 mai 2018

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 Juin 2019 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport, et Madame BAZET, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

------

Le 27 novembre 2012, Mme [L], âgée de 53 ans comme née le [Date naissance 1] 1959, a ressenti une douleur au niveau des dorsales alors qu'elle cherchait à prendre son sac à l'arrière de son véhicule.

La douleur persistant, elle a consulté Mme [N], ostéopathe. Arguant avoir ressenti immédiatement des nausées avec vertiges au cours des soins pratiqués par cette dernière, elle s'est adressée le soir même à son médecin qui a prescrit une radiographie du rachis cervical (face et profil) avec l'indication 'cervicalgies aigue après manipulation par ostéo'.

Le 30 novembre 2012, Mme [L] a fait procéder à cette radio et a consulté le docteur [K], rhumatologue, qui a prescrit un écho-doppler en urgence, réalisé le 3 décembre suivant.

Suite à cet examen, elle a été hospitalisée à l'hôpital [Établissement 1] du 4 au 6 décembre 2012, puis elle a été en arrêt de travail du 6 au 16 décembre 2012.

Mme [L] a adressé une demande d'indemnisation à l'assureur de Mme [N], la société la Médicale de France, par courrier du 2 août 2013. Par courrier du 30 septembre 2013, cette dernière a refusé au motif qu'il n'y avait pas de faute de Mme [N].

Par ordonnance du 18 février 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre a désigné le docteur [F] en qualité d'expert. Ce dernier a déposé son rapport le 9 juillet 2014.

Par actes des 27, 30 avril et 12 mai 2015, Mme [L] a assigné Mme [N], son assureur, la Médicale de France, et la RAM IDF Ouest en responsabilité et réparation de son préjudice.

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- débouté Mme [L] de ses demandes,

- condamné Mme [L] à payer à Mme [N] et à la Médicale de France la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, avec recouvrement direct,

- déclaré le jugement commun à la RAM IDF Ouest.

Par acte du 1er mars 2018, Mme [L] a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 23 janvier 2019, de :

- juger que Mme [N] est responsable des dommages subis,

- condamner 'conjointement et solidairement' (sic) Mme [N] avec son assureur, la Médicale de France, à lui payer les sommes de :

déficit fonctionnel temporaire total 1 100,00 euros

perte de revenus professionnels pour la période du 1er janvier au 16 juin 2013, date de la consolidation 2 400,00 euros

perte de chance d'avoir pu développer et maintenir son activité professionnelle de sophrologue jusqu'à la retraite 20 000,00 euros

déficit fonctionnel permanent 9 750,00 euros

souffrances endurées 5 000,00 euros

frais demeurés à charge 40,25 euros

préjudice moral 5 000,00 euros

article 700 du code de procédure civile 5 000,00 euros

- 'réserver le droit à révision des séquelles dont elle souffre sans préjudice de son droit à indemnisation de son préjudice initial' (sic),

- déclarer commun l'arrêt à intervenir et sans constitution de garanties,

subsidiairement,

- ordonner une contre-expertise avec mission à l'expert d'indiquer si d'autres causes peuvent expliquer les douleurs de la patiente d'une part, et dans une telle hypothèse, si lesdites causes excluent un lien de causalité entre la douleur et la séance d'ostéopathie, et enfin d'indiquer précisément le cas échéant, quelle fraction de la douleur est imputable à la séance d'ostéopathie ainsi qu'aux dites autres causes préalablement identifiées,

- condamner conjointement et solidairement Mme [N] avec son assureur, La Médicale de France, aux dépens.

Par dernières écritures du 29 août 2018, Mme [N], et son assureur, la Médicale de France, prient la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

- débouter Mme [L] de ses prétentions en ce qu'elles sont dirigées contre Mme [N] et son assureur, la Médicale de France,

- condamner Mme [L] à leur verser la somme de 5 000 euros en cause d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.

La RAM IDF Ouest n'a pas constitué avocat.

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 6 juin 2019.

SUR QUOI, LA COUR

Le tribunal, après avoir rappelé le régime de responsabilité applicable aux ostéopathes, et la différence entre un acte de manipulation et de mobilisation, a retenu que ni la preuve d'une faute commise par Mme [N], ni celle d'un dommage en lien direct et certain avec la prétendue faute n'étaient rapportées.

Mme [L] expose qu'a été pratiquée par Mme [N] une manipulation de son rachis cervical suivi d'un brusque craquement, qui a provoqué immédiatement douleurs cervicales intenses et vertiges violents, qui ont conduit à son hospitalisation jusqu'au 6 décembre 2012, et à un arrêt de travail jusqu'au 12 décembre 2012. Elle considère que le jugement doit être 'annulé' à raison de l'erreur manifeste d'appréciation du tribunal sur l'existence pourtant avérée d'une manipulation et non d'une simple mobilisation, et celle d'une falsification par Mme [N] de sa fiche, relatant les soins pratiqués. Elle estime également que le jugement doit être annulé en raison de l'erreur manifeste d'appréciation du tribunal sur l'insuffisance du rapport d'expertise, et des contradictions affectant la décision, le tribunal ayant notamment ignoré le lien de causalité entre les séquelles et la séance d'ostéopathie, imputé les séquelles à une arthrose préexistante que l'expert n'avait pas mentionnée à raison de sa banalité, et méconnu le manquement de Mme [N] à son obligation d'information.

Elle considère que plusieurs fautes de Mme [N] sont caractérisées, à savoir ne l'avoir pas informée sur les risques d'une manipulation cervicale, avoir effectué une manipulation sans lien avec le motif de consultation initiale, soit une douleur du dos et non des cervicales, et de n'avoir pas fait immédiatement appel à un médecin à la suite du ressenti douloureux de sa patiente.

Elle souligne enfin l'importance des préjudices, notamment professionnels, ainsi causés.

Mme [N] et la Médicale de France contestent toute manipulation et affirment qu'il n'a été procédé qu'à des mobilisations. Elles contestent également que la patiente se soit immédiatement plainte de vertiges, et soulignent que cette dernière présentait une arthrose qui s'est décompensée lors du faux mouvement qui l'a conduite à consulter Mme [N]. Enfin, elles contestent toute faute, aucune manipulation du rachis cervical n'étant établie, et observent à ce propos que les notes de Mme [N] ont été communiquées à l'expert avant toute accusation par Mme [L] sur une manipulation fautive. Elles rappellent que les actes de mobilisation ne sont pas soumis à une obligation d'information sur les risques encourus, précisément parce qu'ils sont sans risques.

***

L'expert, le docteur [F], a conclu ainsi :

La relation par les parties de la séance litigieuse n'est pas compatible, Mme [L] prétendant que Mme [N] lui a mobilisé le cou en rotation et que c'est à ce moment là qu'elle a ressenti un craquement et des douleurs, et Mme [N] indiquant qu'elle s'est contentée d'étirer les trapèzes. Mme [L] a indiqué qu'elle a ressenti douleurs, nausées et vertiges, dont elle s'est plainte, ce qui est contesté par Mme [N]. Les examens pratiqués par la suite, lors de ses trois jours d'hospitalisation, n'ont révélé aucune anomalie, et à sa sortie lui a été prescrit uniquement un traitement par paracétamol. Néanmoins, la patiente n'a bénéficié d'aucun examen vestibulaire. L'examen a révélé une légère limitation de la mobilité cervicale dans les rotations, notamment à gauche, et un certain degré de raideur de la colonne cervicale. Le lien entre les symptômes présentés au décours de la séance d'ostéopathie, les symptômes actuels et la séance d'ostéopathie est vraisemblable.

Il a évalué ainsi les postes de préjudice :

- déficit fonctionnel temporaire : un mois,

- date de consolidation : 16 juin 2013,

- déficit fonctionnel permanent : 10 % compte tenu des douleurs, des séquelles de vertiges, et des conséquences psychologiques,

- répercussion professionnelle alléguée dans le métier de la patiente, qui est sophrologue,

- souffrances endurées : 2/7,

- réduction alléguée des activités sportives.

***

Le seul fait, à le supposer avéré, que le tribunal ait commis, selon l'appelante, une erreur manifeste d'appréciation ne saurait justifier l'annulation du jugement, mais seulement son infirmation.

Le tribunal a exactement rappelé, sur les règles applicables, que les ostéopathes ne sont pas considérés comme des professionnels de santé, mais doivent néanmoins observer les bonnes pratiques préconisées par la Haute Autorité de Santé. Ils pratiquent deux catégories de soins, les mobilisations, qui sont des mouvements passifs et généralement répétés qui ne comportent aucune impulsion terminale, et les manipulations qui constituent des mouvements forcés appliqués sur une articulation qui portent brusquement les éléments articulaires au-delà de leur jeu physiologique habituel, et s'accompagnent en général d'un bruit de craquement.

Ils ne peuvent pratiquer de manipulation du rachis cervical sans avis médical préalable.

Leur responsabilité pour faute peut être recherchée dans les conditions du droit commun.

Ils sont tenus d'un devoir d'information en cas de manipulation seulement, les mobilisations ne faisant théoriquement courir aucun risque à leurs patients.

En l'espèce, rien ne permet de trancher entre les deux récits de la séance faits par Mme [L] d'une part, et Mme [N] de l'autre, étant rappelé que cette dernière conteste avoir procédé à une manipulation cervicale, et décrit les soins pratiqués comme de simples mobilisations. Par ailleurs, les démarches médicales entreprises immédiatement après la séance litigieuse par Mme [L], qui est allée voir son médecin traitant, a fait des radios et a consulté un rhumatologue qui a estimé devoir la faire hospitaliser pour procéder à diverses investigations, notamment neurologiques, n'ont mis en évidence aucune anomalie ou lésion particulière.

Si l'expert admet comme probable le lien entre les symptômes présentés par Mme [L] après la séance d'ostéopathie et les soins pratiqués lors de cette séance, cette seule circonstance ne suffit pas à démontrer d'une part qu'il s'agissait non de mobilisations, mais de manipulations, point sur lequel l'expert ne se prononce pas, et qu'elles ont porté sur le rachis cervical, et non la région dorsale, et d'autre part et surtout, que Mme [N] a commis une faute technique. Rien ne permet non plus de déterminer quelle aurait été cette faute.

Ne peut par ailleurs être écartée l'hypothèse que l'arthrose cervicale retrouvée aux examens radiologiques, et jusqu'alors asymptomatique, se soit décompensée après le faux mouvement qui a conduit Mme [L] à solliciter les soins de Mme [N].

L'apport d'une nouvelle mesure d'expertise, près de 7 ans après les faits, et alors qu'aucun élément nouveau n'est invoqué, est illusoire, et cette demande sera rejetée.

Ainsi, en l'absence d'éléments suffisants permettant de caractériser la faute de Mme [N], le jugement sera confirmé sur le rejet des demandes de Mme [L].

Mme [L], qui succombe, supportera les dépens d'appel, et contribuera aux frais de procédure exposés par Mme [N] et la Médicale de France à hauteur de 1 500 euros.

Le présent arrêt sera déclaré commun à la RAM IDF Ouest .

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne Mme [K] [L] à payer à Mme [U] [N] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

La condamne également aux dépens d'appel, avec recouvrement direct.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Claudine AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 18/01482
Date de la décision : 26/09/2019

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°18/01482 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-26;18.01482 ?
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